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Dénitrification par lit bactérien sur garnissage Cloisonyle®

30 decembre 1999 Paru dans le N°227 à la page 58 ( mots)
Rédigé par : Stéphane PLISSON-SAUNE et Jean CANTET

Le procédé biologique de type lit bactérien est bien adapté à certaines ERI pour le traitement des pollutions carbonées et la nitrification d'effluents azotés. De plus, les lits bactériens à remplissage plastique permettent de s'affranchir de certains inconvénients liés au procédé, en particulier les problèmes de colmatage. Par contre, l'utilisation de lits bactériens pour réaliser une dénitrification biologique n?est pas répandue. Ce travail nous a permis de mettre en évidence les éventuelles limitations du procédé mais également de démontrer qu'un lit bactérien à garnissage plastique de type Cloisonyle® conduit à des performances élevées de traitement d'une saumure chargée en nitrates. Des capacités de traitement supérieures à 400 g N-NO3-/m3.j ont été atteintes sous des conditions opératoires standards.

Stéphane Plisson-Saune, ELF Aquitaine Jean Cantet, INSA-Transfert/LIPE

Ont également collaboré à l'article :

Valérie Passa, INSA-Transfert/LIPE Nicolas Fulconis, INSA-Transfert/LIPE

[Photo : Une unité industrielle de lit bactérien à garnissage Cloisonyle®]

Le procédé biologique de type lit bactérien est bien adapté à certaines ERI pour le traitement des pollutions carbonées et la nitrification d’effluents azotés. De plus, les lits bactériens à remplissage plastique permettent de s’affranchir de certains inconvénients liés au procédé, en particulier les problèmes de colmatage. Par contre, l'utilisation de lits bactériens pour réaliser une dénitrification biologique n’est pas répandue. Ce travail nous a permis de mettre en évidence les éventuelles limitations du procédé mais également de démontrer qu’un lit bactérien à garnissage plastique de type Cloisonyle® conduit à des performances élevées de traitement d’une saumure chargée en nitrates. Des capacités de traitement supérieures à 400 g N-NO₃/m³·j ont été atteintes sous des conditions opératoires standards.

Parmi les procédés biologiques de traitement d’effluents, les lits bactériens sont connus pour présenter un des meilleurs compromis économique en regard de forts débits à traiter et du degré d’épuration souhaité [1]. En effet, ils permettent, entre autres, une implantation au sol réduite, un investissement moindre, une consommation énergétique réduite et une maintenance relativement légère. De plus, la généralisation de matériaux de remplissage plastique a permis de s’affranchir de différents problèmes rencontrés avec des matériaux plus traditionnels : par exemple, les risques de colmatage sont fortement diminués et les plus grandes surfaces dévelop-

pées permettent une plus grande fixation de biomasse et donc des charges volumiques appliquées supérieures [2]. Les lits bactériens sont particulièrement adaptés au traitement d’eaux résiduaires industrielles, par exemple dans l'industrie agro-alimentaire ou pour le traitement d’eaux de raffinerie. Par contre, leur utilisation est réservée à des traitements aérobies de pollutions. En effet, un des avantages des lits bactériens à garnissage plastique est, par un grand taux de vide au niveau de ce garnissage, d’entraîner un tirage naturel d’air nécessaire à l'élimination du carbone ou à la nitrification d’effluents azotés. Cet avantage peut, par contre, devenir un inconvénient si l'on désire utiliser le procédé à des fins de dénitrification.

Peu d'études traitent de ce sujet, et les exemples de réalisations industrielles (ou même à l’échelle pilote) ne sont pas nombreux [3]. L’originalité de ce travail, réalisé à l'échelle d'un pilote semi-industriel, est de montrer la faisabilité d'une dénitrification biologique par lit bactérien à garnissage plastique de type Cloisonyle® en traitant un effluent chargé en nitrates. L’objectif est double : atteindre, dans des conditions opératoires optimales, les limites du procédé (en terme de charge azotée appliquée) et optimiser ensuite certains paramètres clés du fonctionnement d'un lit bactérien dénitrifiant (charge hydraulique, taux de recirculation, rapport C/N, transfert d'oxygène...).

Matériels et méthodes

Le pilote utilisé est constitué d'une colonne de 4,60 m composée de deux parties séparées par une grille servant de support aux tubes de Cloisonyle®.

[Photo : Schéma global du procédé]

La partie basse du pilote, d'un volume de 40 l, joue le rôle de récepteur et permet d’assurer la recirculation d’une partie de l’effluent. Six tubes de Cloisonyle® sont insérés dans le réacteur sur une hauteur de 3 m. Le Cloisonyle® est conçu en polychlorure de vinyle recyclé, commercialisé par la société Ceca, et se présente sous une forme profilée tubulaire divisée en quatorze alvéoles de sections sensiblement identiques. Les principales caractéristiques du matériau ainsi que celles du pilote sont répertoriées dans le tableau I ci-après.

Tableau I : Principales caractéristiques du pilote et du matériau de garnissage

Caractéristiques du matériau
Diamètre (mm) 105
Surface développée (m²/m³) 180
Masse volumique (kg/m³) 70
Coefficient de vide 0,94
Caractéristiques du pilote
Volume de matériau (m³) 0,156
Surface utile de matériau (m²) 28,1
Volume utile du réacteur (m³) 0,215
Section du réacteur (m²) 0,072

La source de nitrates est apportée par une solution de KNO₃, l’éthanol étant utilisé comme source de carbone. La carence en phosphore est compensée par l’apport de KH₂PO₄ dans des proportions telles que le rapport N/P soit égal à 60 (valeur couramment citée dans la littérature). Afin de limiter au maximum le transfert d’oxygène, la colonne est fermée.

Les principaux paramètres opératoires permettant la conduite du procédé sont :

  • la charge hydraulique, Ch, définie par :
    Ch = (Q_alimentation + Q_nitrates + Q_eau + Q_recirculation) / 0,072
    exprimée en m³/m²·h,
  • le taux de recirculation α, défini par :
    α = Q_recirculation / (Q_alimentation + Q_nitrates + Q_eau)
  • la charge azotée appliquée, Cva, définie par :
    Cva = Q_e × [N–NO₃] / V
    exprimée en g N-NO₃/m³·j avec V volume utile du réacteur correspondant au volume occupé par la hauteur de garnissage et Q_e = Q_alimentation + Q_nitrates + Q_eau,
  • le rapport C/N, fixé dans un premier temps à 2 (rapport optimal donné par la littérature [4]).

Les performances du procédé sont établies par bilan entrée/sortie aux points 1 et 2. Les analyses des formes oxydées azotées sont effectuées par chromatographie ionique de modèle Dionex DX100 (norme NFT 90-042) et le carbone est dosé par COTmètre Dohrmann DC-180 (norme NFT 90-102).

Résultats et discussion

La première phase de l’étude a consisté à ensemencer le réacteur avec 45 l de boues activées prélevées sur station urbaine et à noyer la totalité du matériau avec une solution contenant 100 mg N-NO₃/l et 200 mg C/l. De l’hydrogénophosphate de potassium ainsi que des oligo-éléments sont rajoutés afin de favoriser la croissance bactérienne. Au cours de cette phase, le lit bactérien fonctionne en circuit fermé sans alimentation continue mais avec recirculation. Après neuf jours au cours desquels des ajouts ponctuels de substrats ont été effectués avec des concentrations progressivement augmentées, la biomasse dénitrifiante a bien colonisé le matériau, ce qui a permis la mise en fonctionnement du procédé en continu.

Les conditions opératoires initiales appliquées sont :

  • Ch = 1,1 m³/h,
  • Cva compris entre 55 et 60 g N/m³·j,
  • α = 15,
  • C/N = 2.

Influence de l’oxygène

Les premiers résultats montrent que les rendements d’élimination de l’azote sont faibles, compris entre 15 et 30 %. La cause de ces faibles rendements est attribuée à la présence d’une teneur en oxygène dissous (mesurée dans l’effluent de sortie) incom-

[Photo : Figure 2 : Influence de concentration en oxygène dissous sur le rendement de dénitrification]

compatible avec la réaction biologique de dénitrification nécessitant des conditions anoxiques [5]. La figure 2 ci-après confirme cette hypothèse.

À partir du jour 23, nous avons mis en place un contre-balayage d'azote à l'intérieur de la colonne, ce qui se traduit très rapidement par une baisse du taux d’oxygène (mesuré sur l'effluent de sortie) et une nette amélioration du rendement de dénitrification (> 95 %). Un arrêt de ce balayage (jour 28/29) provoque une lente remontée du taux d’oxygène et, en conséquence, une chute du rendement d’élimination de l'azote.

Un nouveau balayage (à partir du jour 34) permet de retrouver des performances correctes.

Ceci montre bien la nécessité de s’affranchir d'une présence trop forte d’oxygène au sein du procédé.

Une couverture de l’ouvrage permet de limiter au maximum le transfert. À l’échelle de notre pilote, la quantité d’oxygène apportée par l’effluent est non négligeable puisque nous travaillons à partir d'une eau réseau saturée en oxygène (de l’ordre de 9 mg O₂/l à 20 °C) et à des débits voisins de 32 l/h. Sur un effluent industriel, il sera peut-être nécessaire, selon sa température, sa teneur initiale en oxygène mais aussi selon les caractéristiques de l'unité industrielle (hauteur, temps de contact…), de le dégazer partiellement.

Nous avons fait progressivement varier la charge volumique azotée appliquée au cours du temps. À chaque nouvelle condition de charge (obtenue en jouant essentiellement sur les concentrations des solutions de stockage en nitrates et carbone), nous effectuons des bilans sur l'azote sur une période suffisamment représentative en nous fixant un rendement d’élimination minimum de 90 % pour considérer le traitement comme correct. La figure 3 montre l’évolution des charges volumiques azotées éliminées en fonction des charges volumiques azotées appliquées.

Les résultats reportés sur ce graphe correspondent à des performances atteintes pendant des phases de fonctionnement stabilisées (en particulier rapport C/N égal à 2 et teneur en O₂ faible). Un suivi régulier des teneurs en oxygène dissous dans l’effluent de sortie montre que pour des valeurs supérieures à 0,3 mg/l, les rendements de dénitrification sont fortement affectés. Les résultats ci-dessus montrent que pour des charges appliquées allant jusqu’à environ 220 g N-NO₃/m²·j, les rendements épura-

Tableau II : Conditions appliquées en entrée du lit bactérien

Qv (m³/h) :0,761
Qv,m (m³/m²) :1,14
[N-NO₃]₀ influent (g/m³) :15-133
Cva (g N-NO₃/m²·j) :30-267
Csa (g N-NO₃/m²·j) :53-471
Charge éliminée (%) :90-100

Potentialités du procédé

Après avoir montré la possibilité d'utiliser un lit bactérien à garnissage Cloisonyle® en tant que procédé de dénitrification biologique, il est intéressant, dans nos conditions opératoires, de déterminer les potentialités du procédé. Pour cela, certains paramètres clés ont été figés (taux de recirculation, charge hydraulique, rapport C/N) et nous

Tableau III : Résultats d’expérience de dénitrification en lit bactérien (d’après Dorias et col., [3])

Type de matériau
Ch (m³/m²·h) :0,761,14
Taux de recirculation (%) :110123250
[N-NO₃]₀ effluent (mg/l) :8,97,812,2
Cν éliminée (g N-NO₃/m²·j) :6,718,106,40
[Photo : Figure 3 : Évolution de la charge azotée éliminée en fonction de la charge appliquée]
[Photo : Performances du procédé pour le traitement de l’effluent industriel]

Les rendements épuratoires sont relativement constants et se situent dans la fourchette 95-100 %. Pour des charges un peu plus fortes (entre 220 et 300 g N-NO₃/m³), les résultats sont un peu plus dispersés bien qu’étant toujours supérieurs à 90 % d’élimination. Pour des charges supérieures, et malgré des conditions opératoires optimales, les performances du procédé peuvent être ponctuellement plus faibles bien que des essais à des charges proches de 500 g N-NO₃/m³.j montrent que nous restons dans les objectifs, à savoir une épuration supérieure à 90 %. De telles performances ne sont obtenues qu’en augmentant le balayage d’azote au sein du lit bactérien. Cette contrainte est essentiellement tributaire d’un effluent d’entrée très riche en oxygène, ce qui ne sera pas forcément le cas sur un effluent industriel. Le tableau II donne les variations des conditions opératoires liées à l’augmentation de la charge volumique azotée.

Ces résultats montrent la capacité du procédé à abattre une forte pollution azotée et donc à traiter des effluents chargés en nitrates (> 130 mg N-NO₃/l). À titre de comparaison, quelques données relevées dans la bibliographie [3] et répertoriées dans le tableau III ci-après, montrent que les performances atteintes par le lit bactérien à garnissage Cloisonyle™ sont excellentes.

Malgré tout, le peu de travaux publiés dans ce domaine ne permet pas d’avoir une vue exhaustive de l’ensemble des travaux conduits par différentes équipes.

Essais sur effluent industriel

Après avoir déterminé les potentialités du procédé à partir d’un effluent de référence, des expériences sont menées à partir d’un effluent issu d’une usine de fabrication d’engrais. Les principaux constituants de cet effluent ainsi que leurs concentrations (exprimées en g/m³) sont répertoriés dans le tableau IV suivant.

Tableau IV : Composition de l’effluent industriel issu d’une industrie chimique d’engrais

Constituant Concentration (g/m³)
CO₂ 0
HCO₃ 0
Ca²⁺ 46
Mg²⁺ 81
Na⁺ 1384
K⁺ 11
NO₃⁻ 1888
Cl⁻ 2457
SO₄²⁻ 150
SiO₂ 70
NO₂⁻ 49
Ni 0

Pour tester les performances du lit bactérien avec cet effluent, nous nous plaçons dans les conditions opératoires optimales définies dans la première partie de l’étude, à savoir une charge hydraulique de 1,1 m/h, un rapport C/N de 2 et une charge volumique appliquée comprise entre 230 et 280 g N-NO₃/m³.j. Ces variations de charge appliquées sont dues aux fluctuations de débit rencontrées sur le pilote. La concentration en azote est constante et correspond à une teneur de 426 g N-NO₃/m³. Les résultats obtenus sont reportés sur la figure suivante.

[Photo : Évolution du rendement d’élimination de la charge azotée appliquée en fonction du rapport C/N appliqué]

Les tests effectués montrent que pour les conditions opératoires choisies, les performances du procédé sont excellentes puisque les rendements épuratoires restent supérieurs à 90 %. La concentration élevée en nitrates (420 mg N-NO₃/l) ainsi que la composition particulière de cet effluent (taux élevé en chlorures et sodium), ne posent aucun problème pour une élimination de cette pollution par dénitrification biologique sur lit bactérien à garnissage Cloisonyle™.

Optimisation de paramètres

La première partie de notre travail a consisté à démontrer la faisabilité du procédé et à déterminer ses potentialités. Pour cela, certains paramètres clés (charge hydraulique, rapport C/N…) ont été fixés de manière à être dans des conditions optimales de fonctionnement du procédé. Ce travail effectué sur un effluent synthétique, nous avons testé le procédé sur un effluent industriel reconstitué respectant les spécifications de l’effluent réel. La suite du travail doit nous permettre d’optimiser les paramètres de conduite du procédé tout en maintenant des performances élevées. Un des premiers paramètres étudiés est l’apport

[Photo : Pilote semi-industriel]

en carbone donc le ratio C/N. Pour ce faire, les apports en carbone ont été progressivement diminués sans que les autres paramètres soient changés (Ch = 1,1 m³/m²/h, α = 1,5, Cmin proche de 250 g N-NO₃/m³). Les premiers résultats obtenus sont représentés sur la figure 5.

Ils montrent que pour des charges appliquées proches de 250 g N-NO₃/m³ les rendements d’élimination sont tout à fait corrects (> 90 %) pour des rapports C/N proches de 1,6. Des expériences sont en cours pour affiner ces résultats mais le suivi régulier du COT en sortie du procédé nous laisse penser que cette valeur peut encore être abaissée sans pour autant engendrer une baisse dans les performances du procédé.

Conclusion

Ces essais montrent que les lits bactériens à garnissage plastique peuvent être des procédés intéressants pour la dénitrification biologique d’effluents chargés en azote. Les tests effectués sur un lit à garnissage Cloisonyle® montrent les potentialités du procédé dans des conditions optimales de fonctionnement. Les résultats atteints prouvent que les charges éliminées sont très élevées (> 400 g N-NO₃/m³) par rapport à ce que l'on peut relever dans la littérature, ceci sous des conditions opératoires bien définies. En particulier, le procédé n’est viable que si l'on s’affranchit du transfert d’oxygène pouvant être assuré au niveau de l’infrastructure ou de l'effluent lui-même. Sur certains effluents industriels très carencés en carbone, il est également nécessaire de prévoir une source exogène. Les tests sur un effluent industriel issu de l'industrie des engrais montrent que le procédé est adapté à de fortes concentrations en nitrates et n’est pas affecté par la présence de composés tels que chlorures, sulfates ou sodium. Cette étude de faisabilité laisse donc entrevoir une utilisation prometteuse du matériau Cloisonyle® en tant que matériau de garnissage d'un lit bactérien utilisé pour la dénitrification biologique.

Remerciements

Ces résultats constituent une partie d’un programme de recherche financé par la société ELF AQUITAINE. Nous les remercions pour cette participation ainsi que pour leur collaboration active sur le plan scientifique.

Remerciements également à E. Mengelle et A. Moro, pour la réalisation du pilote et leur forte implication dans ce projet.

Références bibliographiques

[1] Degrémont : Mémento Technique de l’Eau. Lavoisier, Technique et Documentation, 1989.

[2] Metcalf & Eddy : Wastewater Engineering, Treatment Disposal Reuse. Mc Graw-Hill International Editions, 1991.

[3] Dorias B., Baumann P. : Denitrification in trickling filters. Wat. Sci. Tech., 30 (1994) 6, 181-184.

[4] Mateju V., Cizinska S., Krejei J., Janoch T. : Biological water denitrification – A review. Enzyme Microbiology and Technology, 14 (1992) 170-183.

[5] Philippot J-M., Patte A. : La dénitrification des eaux par voie biologique. T.S.M. – L’EAU, 4 (1982) 165-171.

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