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Dénitrification des eaux destinées aux petites collectivités

28 avril 1989 Paru dans le N°127 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : J. MAYET

Depuis quelques années, on observe une augmentation de la teneur en nitrates des eaux naturelles utilisées pour la production d'eau destinée à la consommation.

Pour en combattre les effets, deux principales filières de traitement de dénitrification ont fait l'objet de recherches, puis d'agrément par les autorités sanitaires :

  • — la filière biologique, mettant en jeu, dans un réacteur, une biomasse spécifique, avec apport de nutriment carboné,
  • — la filière chimique, qui fait appel à des résines échangeuses d’anions travaillant en cycle chlorures (régénérées à l'aide de chlorure de sodium).

Nous examinerons ce procédé et quelques applications.

La filière biologique

Le principal avantage de la filière biologique réside dans l'absence des problèmes induits par le rejet des sous-produits de réaction, puisqu'il ne s'agit que d’évacuer l'excès de biomasse, les nitrates étant transformés en azote. Par contre, elle s’adapte mal à des débits d’eau traitée variables ou discontinus ; elle nécessite de plus l'apport de nutriment carboné et un contrôle régulier et fréquent de cet apport et de la biomasse. De ce fait, la filière biologique, si elle est a priori bien adaptée aux installations importantes, est moins envisageable pour les petites installations.

La filière chimique

Le fonctionnement des résines échangeuses d'ions n'est pas affecté par des périodes d’arrêt ou par des variations de débit (à l'intérieur d'une plage comprise entre 6 et 25 l/h d’eau traitée par litre de résine en service). Ces résines sont régénérées à l'aide d'une solution de sel raffiné, réactif non dangereux, peu coûteux, de manipulation élevée. Par contre, lorsque les résines sont saturées de nitrates, elles doivent être régénérées, opération qui entraîne la production de rejets contenant les nitrates fixés pendant la phase de travail et l’excès de sel nécessairement mis en jeu pour permettre la régénération.

Si le milieu naturel environnant ne peut admettre sans risques le rejet des eaux de régénération, celles-ci doivent faire l'objet d'un post-traitement par une filière biologique (par exemple, une station d’épuration des eaux usées urbaines ou industrielles).

Il faut noter que, du fait du faible nombre d’abonnés raccordés, les petites unités de dénitrification ne doivent nécessiter qu'une maintenance (frais de personnel) réduite, paramètre qui concerne non seulement les équipements de dénitrification, mais également les dispositifs de préchloration éventuelle et ceux de post-désinfection avant distribution.

Caractéristiques biologiques des résines échangeuses d’anions

Du fait de leur structure (billes poreuses) et des éléments fixés en phase de travail (nitrates, mais aussi matières organiques si l'eau brute en contient), les lits de résines échangeuses d’anions peuvent constituer un milieu favorable au développement de micro-organismes, ce que l'on combat par une chloration préalable. Or, la préchloration conti-

[Photo : Schéma de l’installation]

… de l'eau brute avant traitement sur résine risque d’entraîner une attaque de la structure même de cette résine, avec libération dans l’eau traitée de composés organiques indésirables.

Par contre, des essais effectués sous le contrôle du Laboratoire de contrôle des eaux de la ville de Paris, fin 1987, ont montré qu’une chloration de la saumure de régénération n’entraînait aucune dégradation de la résine après 50 cycles de régénération.

Projet d’installation d’une station en Bretagne

Des problèmes se sont posés récemment en Bretagne, concernant une eau de source dont la teneur en nitrates atteint aujourd’hui 80 mg/l. Outre la population du hameau concerné, la source est utilisée pour alimenter des élevages (volailles et porcs) dans lesquels une forte mortalité a été constatée chez les jeunes animaux.

Il s’agissait de traiter un débit de 11 m³/h avec une consommation de 60 m³/j, correspondant à 150 équivalents-habitants environ.

Deux solutions pouvaient être envisagées : soit l’utilisation de résines échangeuses d’anions, soit la mise en œuvre d’une épuration par osmose inverse.

Malgré ses avantages en matière d’exploitation (maintenance très simple, absence de consommation de réactifs, production d’un rejet d’environ 200 mg/l de nitrates directement assimilable par le milieu naturel), l’osmose inverse n’a pas été retenue, la source ne produisant pas les quantités d’eau nécessitées par ce type de traitement (environ 100 m³/j pour une production de 60 m³/j d’eau épurée et de 40 m³/j de rejet).

Le projet s’est donc orienté vers un traitement sur résines échangeuses d’ions.

Choix des résines

L’eau à traiter (tableau 1) présentant une faible teneur en chlorures et en sulfates, le choix s’est porté sur une résine non spécifique, offrant l’avantage d’un pouvoir d’échange plus élevé que celui de résines fixant spécifiquement les seuls nitrates.

L’expérience ayant montré que la fuite en nitrates devient importante pour des charges volumiques supérieures à 30 l/h d’eau traitée par litre de résine, et considérant qu’il y avait lieu de ne traiter sur résine que les deux tiers du débit (de façon à ramener la teneur en nitrates dans l’eau distribuée de 80 à environ 25-30 mg/l), nous avons choisi de mettre en œuvre un volume total de résine de 250 l.

Caractéristiques de l’installation

La station projetée, représentée schématiquement sur la figure 1, comporte les installations suivantes :

• Prétraitement

L’eau brute étant de très bonne qualité bactériologique et une préchloration n’étant pas nécessaire, seul un tamisage de sécurité sur mailles de 80 micromètres a été retenu.

• Dénitrification

Deux dénitrificateurs de 125 l de résine chacun sont prévus, travaillant en parallèle, comportant chacun un compteur totalisateur émetteur d’impulsions électriques pour comptage des volumes traités, et des bacs à sel assurant une autonomie de 11 régénérations entre deux rechargements.

Le déclenchement des régénérations est effectué de façon automatique, en fonction du volume d’eau passé par chacun des deux appareils, avec déclenchement anticipé d’une régénération si les opérations tendent à intervenir simultanément sur les deux appareils.

L’eau circulant pendant la phase de service du haut vers le bas du lit de résine, la régénération s’effectue à contre-courant (de bas en haut), le lit de résine étant bloqué en partie haute par une crépine noyée dans un lit de résine inerte flottante.

La consommation de sel est prévue à 16 kg par appareil et par régénération (126 g par litre de résine). Le pouvoir d’échange qui en découle est de 100 équivalents*, soit un volume d’eau totalement dénitrifiée de 61 m³ par appareil (122 m³ pour l’ensemble du poste) et un volume d’eau distribuée après mélange d’environ 200 m³.

Chaque appareil sera ainsi régénéré tous les trois jours environ.

Une désinfection des résines doit avoir lieu à l’occasion de chaque régénération, cette opération étant assurée par une chloration de la saumure, ce qui peut être obtenu soit par simple électrolyse partielle de cette saumure, soit par injection, à l’aide d’une pompe doseuse, d’une solution d’eau de javel.

• Post-traitement

Le post-traitement comporte deux phases :

— neutralisation du CO₂ agressif :

L’eau brute, issue de terrains granitiques, est riche en CO₂ agressif (environ 20 mg/l). Une neutralisation par filtration sous pression sur matériaux calcaires (type neutralite) a été prévue, sous forme de deux filtres chargés chacun de 700 kg de matériau neutralisant fonctionnant en parallèle et assurant un temps de contact d’environ 6 à 7 minutes.

— désinfection finale :

le choix s’est porté sur une injection d’une solution d’eau de javel par pompe doseuse (un instant envisagé, un traitement par UV a été abandonné pour des raisons économiques).

• Traitement des rejets

La dénitrification sur résine conduit à un stockage momentané des nitrates contenus dans l’eau, puis à un déstockage rapide lors de la régénération des résines. Quand un réseau d’assainissement (individuel ou collectif) existe, la…

Tableau 1 : Caractéristiques de l’eau brute

pH : 5,85
Conductivité : 302 µS/cm
Oxygène cédé par KMnO₄ à chaud : 0,4 mg O₂/l
Dureté totale (T.H) : 10,2 °f
Alcalinité (T.A.C.) : 2 °f
Ammonium (NH₄) : 0 mg/l
Nitrites (NO₂) : 0 mg/l
Nitrates (NO₃) : 81 mg/l
Chlorures (Cl) : 43 mg/l
Sulfates (SO₄) : 16 mg/l
Fer (Fe) : 0,04 mg/l

* Un équivalent de nitrate correspond à une mole, soit 62 g.

dénitrification sur résine ne modifie pas la quantité journalière de nitrates reçue par ce réseau ; seule la concentration instantanée des rejets en nitrates sera modifiée avec des pointes n’excédant pas 4 à 5 grammes par litre en théorie — concentration de l'effluent de régénération — et en pratique beaucoup moins, par suite de la dilution très probable de cet effluent concentré par les autres rejets domestiques.

Dans le projet qui nous intéresse, aucun réseau d'assainissement n’existe à proximité de la source à traiter. Une attention particulière a donc été apportée dans l’examen du traitement des effluents de régénération des résines ; ceux-ci, riches en chlorures et nitrates, seront stockés dans un réservoir prévu à proximité, pour être transportés vers la station d’épuration biologique existant sur la commune et assurant l’épuration, par oxydation prolongée, des rejets du bourg et d’une laiterie. Pour limiter leur volume, il a été prévu un triage automatique des eaux de régénération afin de n’avoir à traiter que les seules eaux de saumurage et de rinçage lent des résines.

Exploitation, maintenance

La maintenance courante (rechargement des bacs à réactifs, analyses du pH et teneur en nitrates par bandes de papier-test) a été confiée à une société locale d’exploitation de chauffage, rompue à la maintenance des appareils électro-mécaniques et hydrauliques.

Par ailleurs, un contrat souscrit par les utilisateurs auprès du fournisseur des équipements prévoit une intervention périodique de ce dernier pour inspection du matériel en place et exécution des analyses aux différents stades de traitement (tous les deux mois, au cours du premier semestre, puis tous les trimestres suivants), un contrôle périodique est prévu par le Laboratoire départemental agréé pour le contrôle des eaux, en liaison avec la DDASS.

Conclusion

La mise en place d’installations de dénitrification modulaires, faisant appel à des matériels standard fabriqués en grandes séries, permet d’assurer, d'une part une grande sécurité de fonctionnement, et, d’autre part des possibilités d’extension de la capacité de traitement par simple accélération des cadences de régénération (dans le cas d’augmentation de la teneur en nitrates de l'eau brute) ou par addition de modules supplémentaires (en cas d’augmentation des besoins à satisfaire), et cela tout en ne nécessitant, grâce aux programmateurs à microprocesseur, qu'une maintenance simplifiée tant au point de vue fréquence qu’au point de vue nature et technicité des contrôles de routine à effectuer.

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