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Dégradation des ressources et renforcement des normes

29 septembre 2000 Paru dans le N°234 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Christian GUYARD

Ces deux faits vont modeler l'action des distributeurs d'eau en France pour la prochaine décennie. A cela il faut ajouter la sensibilité de plus en plus grande des consommateurs face à la qualité de l'eau. La réponse à ces préoccupations passe par la technologie mais aussi des mesures organisationnelles. Ceci est particulièrement vrai pour les zones d'habitat dispersé où le premier souci aujourd'hui reste la qualité bactériologie de l'eau.

[Photo : Morsang-sur-Seine (91), usine Lyonnaise des eaux, clarificateurs avec couverture Ciffa-Delsystèmes.]

Difficile d’avoir une vision globale de la qualité de l'eau potable distribuée en France : il n’existe pas de données nationales sur le sujet. Des données statistiques existent dans de nombreux départements mais leur hétérogénéité rend leur assemblage difficile. Le Réseau National de Données sur l'Eau commence en collaboration avec la Direction Générale de la Santé à combler cette lacune. On connaît le nombre des captages : 34 107 captages en métropole (chiffre 1997). Les captages souterrains sont de loin les plus nombreux, 32 792, et représentent 96 % de l’effectif total. Ce nombre ne doit pas masquer une autre réalité : l'eau potable provient en volume

60 % d’eaux souterraines et 40 % d’eau de surface. La part d’eau superficielle représente la moitié du volume prélevé ou plus dans 17 départements. Autre aspect, la très grande disparité dans la répartition des captages : de 7 dans le département du Val-de-Marne à 1 470 en Savoie (autant que le bassin Artois-Picardie) ! Cette diversité de situations explique en partie la difficulté pour collecter des données sur la qualité des eaux. Elle révèle aussi « l’inégalité » devant l’eau : les communes des grosses agglomérations ont plus de moyens pour s’organiser face à la dégradation de la ressource.

Un des instruments privilégiés de l’administration pour travailler la question de la qualité en amont est l’instauration des périmètres de protection des captages.

Définir des périmètres de protection

Les périmètres de protection immédiate, rapprochée et éventuellement éloignée, s’implantent doucement : les derniers chiffres (publiés en 1999) montrent qu’un peu plus de 30 % des captages (représentant 36 % des volumes prélevés) bénéficient d’une DUP – déclaration d’utilité publique – et que seulement 11 % ont fait l’objet d’une publicité foncière (énonçant les éventuelles servitudes et prescriptions à l’utilisation du terrain). Les choses avancent plus vite dans les zones de bassin sédimentaire que de socle, a fortiori de karst. La chose n’est pas anodine lorsque l’on sait que l’absence de protection engage la responsabilité du maire en cas de distribution d’eau non conforme aux normes de potabilité.

Les bassins sont confrontés à des situations bien différentes. En Adour-Garonne, 6 800 captages, dont 71 % pour des communautés de moins de 500 habitants et deux grosses communautés à Bordeaux et Toulouse ; une étude menée sur les années 1996-98 montre que les problèmes critiques se retrouvent sur la bactériologie : 41 % des UDI – unités de distribution – non conformes soit 22,9 % de la population du bassin (6,6 millions). À rapprocher de la turbidité : 20 % d’UDI non conformes soit 19 % de la population. Ces problèmes de bactéries sont dus à la qualité des eaux brutes mais aussi à l’insuffisance des traitements de potabilisation et à l’entretien des réseaux de distribution. Dans quelques zones, les pesticides et les nitrates posent de réels problèmes.

En Rhin-Meuse, sur 4 640 captages, 99 % sont souterrains. En 1997 une étude a montré que sur ce bassin plus de 100 000 personnes sont confrontées à des eaux non conformes en regard des nitrates et de la bactériologie. Et là encore les problèmes qui montent sont la pollution diffuse par les nitrates et les pesticides. En Artois-Picardie, 96 % de l’eau est souterraine (1 400 captages). Là encore nitrates et pesticides posent problèmes et peu de zones ne sont pas affectées par les nitrates à tel point que la ressource en eau est tout juste suffisante. Des captages ont été abandonnés au profit d’interconnexions plus longues, mais cela a ses limites. La nappe de craie est durablement imprégnée et les chiffres ne baisseront pas rapidement. 7 % des captages sont touchés par les pesticides. La prévention en cours des captages n’aura malheureusement pas d’effet rapide sur la situation. Dans le Vimeux c’est la pollution industrielle qui a provoqué l’abandon des captages et des dépenses conséquentes : interconnexions de 10 à 20 km à 1 MF/km. Loire-Bretagne (11,6 millions d’habitants) compte 4 880 captages dont 79 % souterrains. Pour les 5 096 UDI cela correspond à 48 % d’eaux superficielles, 30 % souterraines et le reste mixte ; mais 91 % d’entre elles desservent moins de 5 000 habitants. La grande diversité du relief sur ce bassin interdit toute généralisation. Le problème des nitrates est majeur et la dégradation se poursuit : certaines eaux brutes ne sont plus potabilisables (abandon du captage), les durées de dépassement de la teneur de 50 mg/l s’allongent d’année en année. Les pesticides représentent également un gros problème, mais on se heurte à un problème de disponibilité de l’information en raison du coût d’analyse. En bactériologie le bassin est plutôt en progrès, mais il existe de forts contrastes.

Problèmes bactériologiques

Rhône-Méditerranée-Corse avec ses 12 650 captages et 9 700 UDI est confrontée essentiellement à des problèmes de qualité bactériologique des eaux. 5,8 % de la population (sur 13 millions d’habitants) consomment une eau régulièrement non conforme sur ce point, mais à 93 % ces problèmes interviennent sur des communes de moins de 500 habitants (3/4 des UDI desservent moins de 500 habitants) ; de plus on constate que ces non-conformités interviennent entre avril et novembre surtout sur les eaux non…

[Photo : Morsang-sur-Seine (91), usine Lyonnaise des Eaux, clarificateurs avec couverture CifloSystèmes à ouverture pneumatique.]
[Encart : Arsenic : révision à la baisse Comme pour le plomb, la nouvelle directive abaisse la concentration en arsenic de l’eau de consommation de 50 µg/l à 10 µg/l. De fait, certains captages vont se trouver affectés par ce chiffre. En France, l’arsenic est un problème rare : Boulouris dans les Vosges et une quarantaine de communes de 80 à 100 µg/l en Rhin-Meuse où certaines UDI dépassent 100 µg/l (85 000 habitants) et 17 000 habitants au-delà de 50 µg/l. Si le contexte local le permet, on peut, en mélangeant plusieurs eaux brutes au sein d’une usine, diminuer le taux final. Mais on sait aussi éliminer l’arsenic lors de la floculation par le chlore ferrique ou par adsorption catalytique. Une solution développée par une société australienne en collaboration avec les États-Unis est basée sur la précipitation de l’arsenic et sa capture par les hydroxydes de fer. Ce procédé est actuellement en cours d’expérimentation sur des eaux fortement chargées en arsenic provenant d’anciennes mines. ]
[Photo : Le prétraitement idéal pour les membranes du B.R.M.]

traitées. Autre facteur, le terrain : 40 % des UDI sont en milieu souterrain fissuré, avec des risques élevés de contamination lors d’épisodes orageux (turbidité).

Fin 99 l’Agence de l'eau RMC et la DRASS Rhône-Alpes ont organisé des journées sur la qualité bactériologique de l'eau distribuée en zone rurale. Il ressort des témoignages et des études que si ces problèmes interviennent, c'est en grande partie parce que l'idée que « l’eau de source est pure » est très ancrée dans les têtes et qu'une désinfection n'est pas nécessaire. De plus les habitants craignent le goût de chlore ; les maires ne veulent pas équiper leur commune (et les règles de financement ne les poussent pas). À notre époque ceci ne tient plus, d’autant moins que les activités de loisirs se développent. Le risque bactériologique entraîne des conséquences immédiates sur la santé, que les vacanciers n’apprécient pas.

L'exemple du Doubs, département rural et karstique, montre que des solutions existent. La DDASS a aidé les maires à résoudre ce problème en identifiant les causes des contaminations bactériennes et en proposant des solutions : mise en place de traitements adaptés (produits chlorés, UV, membranes), adhésion à un syndicat des eaux et raccordement. L’effort doit porter aussi sur l'entretien correct et régulier des installations, une mesure simple mais qui demande des financements : la bonne volonté des élus n'est pas suffisante. Dans les Alpes de Haute Provence, un SATEP (Service d’assistance technique à l'eau potable) a été créé fin 98 qui garantit la bonne exploitation et apporte une assistance ponctuelle aux communes. L'organisation est donc la première réponse à envisager pour améliorer la qualité de l'eau distribuée. Une étude inter-agences de l'eau réalisée par BRL Ingénierie montre que les habitudes doivent changer : il faut structurer l’assistance technique, organiser les moyens d'exploitation (regroupements) et recourir à la prestation de service. L’accroissement du prix de l'eau dans ces communes rurales est inéluctable et une certaine progressivité est possible par l'utilisation d’emplois-jeunes et des aides des agences de l'eau. Avant de se poser des problèmes techniques (les solutions existent) c'est bien d’organisation dont il faut parler.

Aucune illusion

On ne se fait plus d’illusions sur la dégradation inéluctable de la ressource dans un certain nombre de régions du fait de la lente percolation des polluants. La protection amont de la ressource et la gestion des prélèvements d’eau deviennent ainsi un paramètre d'action supplémentaire (mais également une complication) pour assurer la qualité finale de l'eau. Des expérimentations apparaissent comme sur le bassin de l'Horn (Finistère) où Lyonnaise des Eaux collabore avec les différents partenaires (Agence de l’Eau, DDA, monde agricole, associations) pour mieux gérer la ressource, endiguer sa dégradation. Daniel Villesot, directeur technique à la Lyonnaise se dit très intéressé par cette expérience : « L'objectif est de parvenir à une certaine gestion prévisionnelle de la ressource, et de pouvoir avertir les installations de production d’eau potable afin de gérer des variations de qualité ». Cette réflexion en amont touche aussi les eaux souterraines avec les modélisations d’aquifères utilisées depuis quelques années (nappe de la craie en Normandie, Ouest parisien, Aquitaine) pour optimiser les prélèvements dans ces nappes. La modélisation pourrait aussi se révéler utile pour suivre l’évolution de micropolluants, pesticides par exemple (réactions dans l’aquifère) ou pour les eaux de surface avec les proliférations algales (et d’éventuelles toxines).

Le congrès mondial de l'eau à Paris début juillet l’a montré : la grande préoccupation des producteurs d’eau aujourd’hui est le risque pathogène, même si les autres problèmes ne sont pas oubliés : éléments toxiques (plomb, arsenic, voir encadrés), micropolluants (pesticides et dérivés), odeurs et goûts, dureté excessive ou insuffisante. Les procédés d’élimination ou de correction sont connus, l'important aujourd’hui est de bien les maîtriser, de les perfectionner pour répondre aux exigences de la directive européenne qui entrera en vigueur d'ici fin 2000. Cette connaissance fine du procédé

[Encart : Plomb : un problème certain mais circonscrit La nouvelle directive européenne prévoit un taux maximum de 10 μg/l qui devra être assuré en 2015, avec un palier à 25 μg/l en 2005. L’origine du plomb est parfaitement identifiée : le réseau, particulièrement les branchements entre canalisation principale et immeuble, et la distribution dans l’immeuble. Encore faut-il nuancer, les régions les plus touchées sont celles où l’eau est trop douce et trop acide (Vosges par exemple). Dans ce contexte, la riposte est modulable selon les situations. Il est possible d’agir sur l’eau en la reminéralisant et en assurant l’équilibre calco-carbonique. Des solutions existent et sont en œuvre depuis longtemps, avec un impact permanent sur le coût de traitement. Une bonne partie du problème est réglée mais le seuil des 10 μg/l n’est sans doute pas accessible ainsi. Autre riposte chimique, l’introduction d’inhibiteurs de corrosion comme les orthophosphates alcalins. Leur emploi est lié aux conditions locales. Quelques petites unités sont en service et ont montré l’efficacité de cette solution. Le Conseil supérieur de l’hygiène doit rendre son avis. Les teneurs employées sont faibles : 0,5 à 4 mg/l en phosphore (à comparer aux 15 à 20 mg/l d’un rejet d’assainissement). L’impact environnemental est très limité pour un impact évident sur la santé. Mais, comme le dit Alain Bordeu de la Générale des Eaux au ministère ayant observé l’eau, la solution la plus radicale est de supprimer le réseau. Le remplacement d’un branchement n’est rarement rentable ; les méthodes ont été mises au point sur les tranchées pour enlever ces quelques mètres de tuyau (procédé Extrador de Générale des Eaux, procédé de société Saede) car le facteur le plus important de la dissolution du plomb est la stagnation de l’eau dans la canalisation. Dans ce cas précis, au niveau des mètres mis en branchement. C’est à ce niveau que les coûts de changement seront les plus élevés. Pour gérer ces travaux tout en demeurant une ligne prioritaire, Générale des Eaux développe aussi un logiciel (projet de recherche interministériel). L’astuce est de superposer la numérotation du réseau sur une base SIG ou équivalent. Le réseau, dans quel cas décide, quand risque de plombage qualifié, le software multiplie la donnée par les modèles sur le terrain pour identifier l’itinéraire des conduites plombées. Moins antibruit développé par Générale des Eaux. Mais on obtient bientôt, de manière plus simple, qu’en plaçant un traitement adéquat, on limite considérablement son exposition.]
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[Photo : Vigneux (91), contacteur de dissolution de l’ozone de type « Tube en U », usine de la Lyonnaise des Eaux.]

de potabilisation est d’autant plus importante qu’un certain nombre de micropolluants sont générés dans le procédé lui-même (trihalométhane, dérivés de l’oxydation partielle des pesticides, bromates, composés odorants). Cette optimisation du procédé est déjà entamée, comme le souligne Marie-Marguerite Bourbigot de Vivendi Water : « La modélisation hydraulique des réservoirs permet de mieux maîtriser les temps de contact des réactifs, d’éviter les zones mortes ; nous revoyons aussi les techniques de transfert gaz-liquide. Pour l’ozone, les mélangeurs statiques en deux étapes (dissolution puis dilution) améliorent les conditions de réaction ». Tendance confirmée par Francis Luck d’Anjou Recherche qui souligne l’importance de « décortiquer » les mécanismes de formation de composés indésirables comme les bromates, les odeurs, pour éviter de les former. Ces connaissances transférées aux usines compliquent la conduite de l’usine, la rendent plus pointue. On est loin de l’époque où l’on pensait « qui peut le plus peut le moins » et où l’on forçait sur les doses de réactifs.

Faire évoluer les procédés

Un autre fait qui agit sur la conduite des procédés est la prise en compte de la variabilité saisonnière de la ressource (température, types de matières en suspension ou dissoutes notamment) et en relation avec les pratiques culturales (épandages). La performance des membranes est moindre à basse température, les coagulants se comportent différemment. De même les exploitants évitent les interventions sur les filtres à charbon actif au printemps et en été car les teneurs en pesticides s’accroissent à ces périodes.

Les recherches sur les charbons actifs se développent pour mieux estimer leurs domaines de fonctionnement et leurs performances, donc la durée de vie des filtres. Au-delà, des études essaient de prévoir l’adsorption d’un composé à partir de sa structure moléculaire et ses différentes propriétés. Mais là encore l’exploitation a une influence décisive sur les performances : comme le souligne Maria Prados de la direction technique de Générale des Eaux « la rétention sur charbon actif est un processus compétitif entre les différentes matières dissoutes (pesticides, matières organiques) ; un composé peut-être relargué si les conditions changent ».

Depuis quelques années, on ne cherche plus à oxyder les pesticides pour les éliminer (problème des sous-produits), mais à optimiser leur rétention sur les charbons actifs en jouant sur leur complémentarité : la poudre utilisée en tête de filière (utilisée en consommable) et les grains utilisés en fin de filière pour l’affinage (avec régénération possible). Stereau, avec son procédé Carboflux breveté en 1997, s’écarte de ce schéma en utilisant seulement du charbon en poudre dans un réacteur à lit fluidisé. L’objectif est de fiabiliser le système de potabilisation et d’encaisser des variations importantes de concentration de pesticides. La forte capacité de rétention est obtenue par la concentration élevée du charbon (3 à 5 g/l) et le temps de contact important (30 minutes).

Comme le résume Michel Riotte, directeur du développement de Stereau, « on a l’efficacité de la concentration en g/l et une consommation qui se compte en g/m³ ».

Deux installations sont en service à Beaumont (300 m³/h) et Andrézieux (400 m³/h) ; l’année 2000 est marquée par la mise en service d’une unité de 3 000 m³/h (retenue sur le Jaunay pour les Sables d’Olonne) et à Ploërmel (400 m³/h). En outre, précise M. Riotte, le Carboflux réagit très vite aux problèmes d’ammoniaque. Autre possibilité du charbon actif, son couplage avec les membranes d’ultrafiltration comme le fait le procédé Cristal de Lyonnaise des Eaux. Jean-Michel Lainé, de la Lyonnaise, indique que onze installations de ce type seront mises en service cette année, dont Lausanne avec

[Encart : Un défi : l’analyse bactériologique en ligne Tout traiteur d’eau redoute la contamination bactériologique. Les méthodes normées sont trop lentes pour répondre aux besoins de la distribution qui souhaite un contrôle en ligne automatisé. En attendant les biopuces, dont on espère beaucoup, la seule solution est de choisir une technique classique de la microbiologie, de l’éprouver, puis de la rendre compatible avec les exigences des exploitants. C’est ce qu’a fait Saur avec son Colitrack présenté officiellement pour la première fois au congrès Paris 2000 début juillet. D’après Frédérique Nakache, qui a eu en charge le développement de l’appareil en collaboration avec le Crecep, il s’agit du seul appareil sur le marché à détecter les coliformes totaux dix fois par jour. La réaction utilisée pour l’estimation de la concentration initiale en bactéries est l’acidification d’un milieu hyperglucosé à 44 °C. Le temps nécessaire à cette acidification est directement proportionnel à la concentration initiale. La difficulté du développement a tenu dans la vérification de la sélectivité de la réaction (seule E. coli réagit dans ces conditions et il n’y a pas de résultat faux positifs) et l’établissement des courbes d’étalonnage. D’un point de vue pratique, il a fallu automatiser l’analyse qui s’effectue directement sur le prélèvement de 100 ml, en garantissant la stérilité de tout le circuit (choix des matériaux et des géométries, des séquences de rinçage etc.). Un premier appareil est en fonctionnement à Royan. Autre appareil sur le marché, celui de Seres, Colilert 3000, qui détecte les coliformes totaux grâce à une réaction d’hydrolyse à 37 °C d’un substrat par la bêta-galactosidase présente dans les coliformes. Un échantillon est prélevé toutes les six heures et un résultat négatif (absence de coliformes) est obtenu en 17 heures. En changeant la température d’incubation à 44 °C, seule E. coli est détectée.]
[Photo : Membrane de nanofiltration]

65 000 m³/j. La panoplie de procédés est donc large. Plus les études avancent, plus il est évident que la chasse à la turbidité est une priorité en raison de tout ce qui se trouve lié aux particules en suspension. La première étape de floculation a donc intérêt à être menée aussi soigneusement que possible, tous les traiteurs d’eau sont d’accord sur ce point. La variété des coagulants aujourd’hui disponibles offre de nouvelles possibilités. De plus il faut pousser au maximum l’élimination des matières organiques pour éviter la formation de sous-produits d’oxydation. La tâche des bureaux d’études est donc d’assurer la cohérence globale du procédé face à une ressource en eau particulière et pas seulement de mettre bout à bout des étages de traitement.

Les membranes

montent en puissance

Pourtant, devant la multiplicité des problèmes à traiter (pesticides, microbiologie, matière organique dissoute, matières en suspension, goûts), la tentation est forte de recourir aux membranes dans les cas délicats. D’autant plus que cette technologie est mûre même si les développements se poursuivent. Le professeur Ben Aim, de Toulouse, voit l’avenir dans les fibres immergées travaillant avec une faible perte de charge, donc dans leurs meilleures conditions. La baisse des prix favorisera ce mouvement bien réel : J.M. Lainé indique ainsi qu’un module ayant un prix de 100 en 1994 est à 30 en 2000 ! On voit apparaître des modules unitaires de 125 m² (Ultrazur 450), eux mêmes assemblés en rack standard : 3 000 m² de membranes en 24 modules pour une emprise au sol de 27 m² ! Les usines de grande capacité, plus de 150 000 m³/j ne font plus peur. « Il ne faut pas invoquer brutalement le coût d’investissement (1 500 à 2 500 F par m³/j de capacité), mais comparer effectivement deux filières complètes, y compris la notion de risque résiduel dans les deux cas » rappelle Kader Gaid d’OTV. Ce dernier paramètre (tendre vers le risque zéro) va prendre de l’importance à l’avenir. Pour l’instant il existe moins d’une cinquantaine d’installations pour l’eau potable en France, essentiellement des petites, sur des eaux karstiques, où elles ont démontré la souplesse de leur exploitation : de quelques pourcents de temps de fonctionnement jusqu’à l’utilisation continue. Les membranes peuvent aussi être utilisées en complément d’une installation existante pour accroître sa capacité (multiplication par deux ou trois). Leur gros avantage est qu’elles peuvent accepter des pointes de pollution très élevées sans que la qualité du perméat ne soit trop affectée ; c’est vrai sur la turbidité (ultrafiltration) et sur les matières dissoutes (nanofiltration) alors que des techniques comme le charbon actif risquent une saturation rapide. Par contre, et particulièrement sur les grosses usines, va se poser le problème du rejet (environ 15 % du volume soit 25 000 à 30 000 m³/j) : les membranes ne font que séparer, donc concentrer les matières indésirables. Peut-on vraiment les remettre dans le milieu lorsqu’il s’agit de composés toxiques ? C’est la question que s’est posée la société Eurodia à propos de l’électrodialyse pour l’élimination des nitrates (voir encadré). Cette technique est encore jugée trop chère par les grands traiteurs d’eau, pourtant il semble qu’il y ait un créneau.

[Encart : L’électrodialyse au secours des communes moyennes Début 2001, la commune de Jaunay-Clan toute proche du Futuroscope bénéficiera d’une dénitration par électrodialyse installée par Eurodia. Sur une telle application ce sera la première référence française pour ce constructeur, mais aussi la plus grosse jamais réalisée pour l’eau potable. En fait le premier problème de la commune est la dureté de l’eau, 42 ° TH et la commune voulait diviser par deux cette valeur. Mais d’un autre côté, la commune voit s’accroître inexorablement le taux de nitrate dans le captage, déjà à 26 mg/l. C’est donc aussi le futur qu’elle prévoit. Pour ce réseau demandant 170 m³/h d’eau un appel d’offre a été lancé. Au final c’est la solution par membranes d’électrodialyse qui a été retenue car significativement moins chère que les autres solutions proposées. La société s’est engagée sur un coût inférieur à 0,70 F/m³. Le coût de l’installation (3 modules de 660 cellules, surface totale de membranes 792 m²), y compris le bâtiment est d’environ 7,50 MF. L’installation n’a qu’une faible emprise au sol (bâtiment de 140 m²). Le coût d’installation n’est pas le seul avantage retiré. Sur la base d’autres installations en service (une dizaine en Europe), Dominique Largeteau directeur commercial d’Eurodia, indique que l’exploitation est réduite à sa plus simple expression puisque le fonctionnement est automatique. Une installation de moindre taille (250 m³/j, 340 m² de membranes en deux unités) à Haraucourt près de Nancy fonctionne depuis cinq ans pour diminuer le taux de sodium, et n’a pas été ouverte depuis sa mise en route (fiabilité des membranes). En Autriche une installation de 140 m³/h fonctionne six mois de l’année (printemps été) et reste à l’arrêt en hiver. Le redémarrage est immédiat et la dessalinisation (enlèvement de nitrates) est instantanée à la différence d’une installation biologique qui impose des temps de démarrage et d’arrêt. Autre avantage de l’électrodialyse, la non consommation de réactif (éventuellement une correction de pH) puisque c’est le courant électrique qui impose la migration des ions au travers de la membrane. Par contre, il existe un rejet puisque le nitrate n’est pas détruit alors qu’une installation biologique le fait. Le perméat sera à Jaunay-Clan une solution concentrée à 5 g/l (débit de rejet de 6 à 7 m³/h) des sels minéraux existants dans l’eau du captage. Que faire de cette solution ? Ici la commune a choisi de l’envoyer dans sa nouvelle station d’épuration biologique ; à raison d’environ 14 kg/j d’azote le rejet dans la rivière proche était toutefois possible. Pour s’affranchir de cet inconvénient, Eurodia a développé avec un laboratoire CNRS-ENS de chimie de Montpellier une solution consistant à coupler un bioréacteur à membrane pour détruire ces nitrates concentrés. À Jaunay-Clan, l’eau est issue d’un captage et ne demande pas de prétraitement particulier. L’eau captée est électrodialysée puis chlorée et envoyée dans le château d’eau. L’installation est surdimensionnée de 20 % ce qui permettra de traiter plus d’eau ou de s’adapter à la dégradation de la ressource. Avant de décrocher ce marché, Eurodia a réalisé mi 99 un essai de longue durée avec le Siveer (Syndicat des eaux de la Vienne) sur la commune de Vouillé. Ce pilote de 12 m³/h réalisait un abattement de 70 % des nitrates (de 75 mg/l à 23) et de 40 % de la dureté (TH de 29 °F à 17). Ces taux s’ajustent en fonction des paramètres de fonctionnement du procédé.]
[Photo : Vue de la salle de nanofiltration à Méry-sur-Oise (95).]
[Photo : Vigneux, série de modules d’ultrafiltration associés au charbon actif en poudre (CAP) dans le procédé Cristal.]
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