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Dégradation de la ressource en eau : faire face aux polluants émergents

30 novembre 2012 Paru dans le N°356 à la page 99 ( mots)
Rédigé par : Christian GUYARD

Plus on cherche de polluants, plus on en trouve à très faible concentration. Produire une eau potable relève chaque fois du cas particulier. Seule l'ana¬lyse détaillée de la ressource permet de définir la gamme de traitements à mettre en oeuvre. Les membranes et le charbon actif apparaissent comme les solutions d'avenir pour les polluants émergents. Sur le long terme, seules la protection des zones de captage et la non dissémination des polluants rendront les masses d'eau moins polluées.

Il n’est pas rare d’assister à la fermeture, momentanée ou définitive, d’un captage. L’augmentation apparemment irréversible des pollutions de fond reflète la lenteur des phénomènes de dissémination et de propagation des substances polluantes indésirables dans l'eau potable. En parallèle, les moyens analytiques sont de plus en plus performants et les valeurs limites de potabilité sur certaines substances se resserrent. Le simple fait de baisser une valeur de concentration limite admissible peut rendre du jour au lendemain une eau non potable (arsenic par exemple). Une réponse rapide à un tel cas de figure est le classique mélange d’eaux de plusieurs provenances pour respecter la réglementation en créant un phénomène de dilution. Ce qui peut se comprendre pour quelques molécules chimiques comme des sels minéraux. Mais c’est un pis-aller pour les substances prioritaires et les polluants émergents compte tenu du manque de connaissances sur les relations dose/effet et l’incertitude sur l’existence ou pas de valeurs seuils de toxicité.

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[Photo : Il n'est pas rare d’assister à la fermeture, momentanée ou définitive, d’un captage. L’augmentation apparemment irréversibles de pollutions de fond reflète la lenteur des phénomènes de dissémination et de propagation des substances polluantes indésirables dans l’eau potable.]

Ressource : une dégradation générale mais des améliorations locales

On évoque fréquemment la dégradation de la ressource mais il existe également des améliorations. Ludovic Renoux, Chef de marché eau potable au sein du marketing municipal de Veolia Eau Solutions & Technologies remarque que « les pics à 120 mg de nitrates en Bretagne c'est fini. Nous vendons assez peu de systèmes de dénitratation aujourd'hui. Même s’il existe toujours des points noirs, des efforts conséquents ont été réalisés et la situation s'améliore sur ce point et dans cette région ». Bénédicte Welte, de la direction Recherche & Développement et Qualité de l’Eau à Eau de Paris relativise également : « il y a eu une nette amélioration de la qualité des eaux de surface depuis quelques années, sauf sur les polluants émergents, présents à des quantités infimes ». Des quantités infimes qui suscitent beaucoup d’intérêt. À juste titre, car l’aspect eau potable n’est pas seul en jeu : ces eaux sont aussi responsables d’autres types d’exposition, par baignade ou par consommation de poissons généralement concentreurs des pollutions. Il faut aussi sérier les dangers.

Ces améliorations prouvent l’efficacité des actions entreprises et la nécessité d’agir dans la durée, à long terme. Un exemple cité le 9 février dernier lors du « Colloque prévenir plutôt que traiter » organisé par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie et l’Association des maires de France : la commune de Saints en Puisaye (Yonne) a reconquis la source du Gondard qui dépassait les seuils réglementaires en nitrates, en turbidité et présentait des traces d’atrazine et produits de sa dégradation. Le maire, Jean Massé, également agriculteur et avec le soutien d'autres agriculteurs, a su mobiliser toutes les ressources possibles, impliquer jusqu’aux négociants en produits pour l’agriculture pour qu’en 2011 les nitrates soient redescendus à 40 mg/l même en cas de forts épisodes pluvieux. Ceci grâce à la modification de pratiques culturales, à la remise en herbe de surfaces importantes sur la zone de captage. Un combat d’une décennie. Les grands distributeurs...

[Encart : texte : La recherche pour faire face aux dégradations Plusieurs organismes de recherche sont impliqués dans la surveillance des milieux aquatiques et le développement de solutions. Le BRGM a développé une méthodologie d’étude des bassins versants sur le bassin de l’Allier, transposable à d’autres situations (projets Transposa et Regolithe). Grâce à des méthodes géochimiques poussées (utilisation des isotopes naturels des métaux), il devient possible de discriminer la provenance des polluants (naturelle ou apport humain), particulièrement sur les métaux et la manière dont ils circulent. Un travail spécifique a été mené sur les nitrates (projet Isonitrate du programme Life) pour déterminer là encore leur provenance grâce à la signature isotopique complexe du nitrate (combinatoire entre les différents isotopes des éléments oxygène et azote) et en étudiant aussi le bore, un comigrant des nitrates. L’IRSTEA travaille depuis de nombreuses années sur la question des phytosanitaires, comment éviter de les disséminer (aires spécifiques de lavage, pratique des bandes enherbées...) et sur l’efficacité des milieux naturels pour réduire la pollution des zones agricoles par des zones humides et forestières (projet ArWET programme Life). De nombreux travaux portent sur le fonctionnement des bassins versants (GIS Oracle), l’impact des aménagements hydro-agricoles sur la ressource en eau (qualité, quantité). Les recherches ne se bornent pas à observer. Le BRGM a développé une nouvelle classe de matériaux synthétiques en collaboration avec l’Institut des Sciences de la Terre d'Orléans et Lyonnaise des Eaux. Il s’agit d’hydroxydes doubles lamellaires HDL conçus pour retenir les nitrates (projet Trainit). Lors d’essais menés sur le captage de Tête Noire à Saran (nappe de Beauce-Loiret) la teneur en nitrates est passée de 48 mg/L à 8,3 mg/L par un principe d’échange anionique. Le procédé est resté au stade laboratoire et devrait être optimisé pour accroître la capacité à fixer le nitrate, de l’ordre de 10 mg/g. L’avantage des HDL est leur faible prix et la possibilité de les synthétiser à partir de minéraux industriels (procédé breveté BRGM). D’autres composés minéraux sont à l’étude pour piéger les polluants émergents.]
[Photo : La non-dissémination des polluants commence par un traitement plus complet des effluents. Les sites hospitaliers sont de grands pourvoyeurs de polluants (désinfectants, résidus médicamenteux divers) d’autant plus difficiles à éliminer qu’ils sont dilués dans le flux général des eaux usées urbaines.]
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Catherine Morlay Université Lyon 1 : « Les charbons actifs doivent être utilisés en fin de filière, quand les autres procédés ont éliminé tout ce qui pouvait l'être »

L’eau, L'Industrie, Les Nuisances : Comment les charbons actifs sont-ils le mieux utilisés ?

Catherine Morlay : Les charbons actifs sont très efficaces sur les matières organiques en général. Ils ont un large spectre d'action : petites et grosses molécules, plus ou moins solubles, plus ou moins polaires et même les ions ; les molécules contenant un noyau aromatique sont généralement bien retenues. Les charbons actifs sont particulièrement efficaces sur les traces (microgramme/L) et ultra-traces (nanogramme/L). C'est pourquoi il faut les utiliser en fin de filière, quand les autres procédés ont éliminé tout ce qu'ils pouvaient, c’est une finition. Tout le flux d'eau traverse un lit de 1 à 1,5 m d’épaisseur de charbon actif en grains (CAG) – quelques minutes de contact – en écoulement gravitaire. Le charbon en poudre (CAP) s'utilise en tête de filière en urgence (pic de pollution) ; il est alors perdu.

[Photo : Catherine Morlay, universitaire et ingénieur en traitement des eaux (ENSP), travaille sur les charbons actifs pour le traitement des eaux et de l'air, sur le plan fondamental et avec des industriels. Elle coordonne le programme « Sécurisation de l’alimentation en eau potable » établi entre la Région Rhône-Alpes et la Municipalité de Shanghai, appartient à l’Université de Lyon, l’Université Tongji de Shanghai et le Cirsee (Suez Environnement).]

EIN : Quels sont leurs avantages ? C.M. : Ils ne génèrent pas de sous-produits à la différence d'autres traitements. Ils ont une grande capacité de rétention de la matière organique dissoute. Leur vitesse de saturation dépend de la teneur en matière organique (d'où l’importance d'un très bon prétraitement), de la minéralisation (risque de précipités obturant les pores), et d’éventuelle colonisation par des bactéries. Ce dernier point peut devenir un avantage : le biofilm qui se forme sur les charbons hydrophiles participera à la consommation du carbone des matières organiques en parallèle aux mécanismes d'adsorption. Les CAG sont réactivables plusieurs fois par traitement thermique à 900/1000 °C.

EIN : Peut-on améliorer les traitements par charbon actif ? C.M. : Ils sont déjà performants. Mais on ne comprend pas encore complètement leur fonctionnement, pourquoi des molécules apparemment très semblables ne sont pas retenues de la même manière ; ceci fait l’objet de recherches et d'une collaboration avec un industriel. On sait caractériser les charbons actifs par leur texture (surface spécifique, volume poreux, distribution des tailles de pores) et l'état chimique de leur surface, notamment la présence d’oxygène sous différentes formes chimiques qui les rend hydrophiles. Cette connaissance est indispensable pour tenter d'expliquer pourquoi tel charbon actif est plus efficace sur telle ou telle molécule et, à terme, pour améliorer les performances.

S’intègrent au mouvement : Lyonnaise des Eaux, qui vient d’annoncer le renouvellement de son contrat avec la Communauté de l’Auxerrois, inclut ainsi contractuellement un volet de protection de la ressource par des actions préventives : pour maîtriser la teneur en nitrate, la nappe d’alimentation sera mise en pression via des gravières.

Le changement des mentalités est en route : lors d'une journée consacrée à la protection des captages d'eau potable le 9 octobre dernier à Calais, co-organisée par la Chambre d’agriculture, l'Agence de l'eau Artois-Picardie, la Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau et la ville de Calais, ces acteurs ont souligné l’indispensable co-construction des solutions de terrain pour retrouver des eaux de qualité. L’Agence de l'eau met en place les ORQUE (Opérations de Reconquête de la Qualité de l'Eau) qui mobilisent tous les acteurs d'un territoire (zones de captage) et prennent en compte toutes les sources de perturbations des milieux (agriculture, industries, villes, commerces) pour définir des solutions pérennes. L’agriculture, qui a sa part de responsabilité dans la dégradation de la ressource, est aussi largement associée à la reconquête et à la préservation à long terme de la qualité des eaux.

D’autres outils existent dont des mesures agro-environnementales pour la protection des captages (systèmes fourragers économes en intrants, mesures territorialisées de la DCE, etc.). L’approche globale de la pollution à l’échelle d'un bassin versant a fait l’objet du programme Rhodanos au sein du Pôle Axelera dont sont sortis de nombreux résultats. Les collectivités peuvent se tourner vers le Nitrascope développé par le Cirsee et plusieurs partenaires pour évaluer la qualité de leur ressource.

Ne pas disséminer les polluants

La clé pour diminuer les polluants est simple : ne pas les disséminer. Un exemple cité le 9 février : la ville de Caen qui a divisé depuis 2006 sa consommation de désherbants par six avec un impact réel sur la prise de conscience des habitants vis-à-vis de la pollution diffuse. Le Grand Lyon travaille aussi sur le « zéro pesticides », implante du mobilier urbain moins polluant (zinc des profils galvanisés), place des jardins de pluie qui bloquent les polluants avant le retour de l'eau à la nappe.

Il est temps que de telles initiatives se généralisent. Selon une étude publiée par le ministère du Développement durable, les traitements pour éliminer les différents polluants (nitrates, pesticides) concernent près de la moitié des volumes d'eau traités pour des montants chiffrés en centaines de millions : entre 260 et 360 M€ pour les pesticides, de 220 à 510 M€ pour les nitrates. La prévention coûtera toujours moins cher que les solutions curatives qui ne répondent qu’à un besoin immédiat. Il faut absolument considérer l'ensemble du cycle de l'eau.

La non-dissémination des polluants commence par un traitement plus complet des effluents. Les sites hospitaliers sont de grands pourvoyeurs de polluants (désinfectants, résidus médicamenteux divers) d’autant plus difficiles à éliminer qu’ils sont dilués dans le flux général des eaux usées urbaines. On pense de plus en plus à réaliser des traitements en sortie de site. Les procédés existent. Le procédé Loilyse développé par Loira, repris par Deriche-

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[Photo : Eau de Paris a mis l’accent sur le traitement UV pour parer au risque microbiologique (giardia et cryptosporidium) en équipant ses usines d’Orly et de Joinville avec des réacteurs UV moyenne pression (Aquaray® H2O) développés par Ozonia-Degrémont Technologies (2 × 300 000 m³/jour).]

Bourg Aqua ou encore l’ozonation catalytique développé par Serep et sa filiale Technavox constituent autant de technologies de rupture capables de venir à bout de molécules toxiques non-biodégradables. Plusieurs expérimentations sont en cours. Idem pour les stations de traitement des eaux usées avec une étape finale de traitement pour réduire la quantité de micropolluants organiques (médicaments, détergents, plastifiants, produits d’hygiène corporelle etc.) dans le milieu. On sait que les stations d’épuration sont des filtres assez efficaces vis-à-vis de cette pollution comme l’a montré le programme de recherche Ampéres réalisé par Suez Environnement, Université Bordeaux 1 et l’IRSTEA (2006-2010). Mais c’est insuffisant.

Lors de l’extension à 50 000 EH de la station d’épuration des Bouillides (Sophia Antipolis), Degrémont a intégré un traitement à l’ozone pour traiter les micropolluants. Xylem, au travers de sa marque Wedeco, travaille sur le sujet depuis de nombreuses années et a déjà réalisé plusieurs installations de ce type en Europe. Ainsi, elle a équipé, en partenariat avec les sociétés Ternois et Wabag, l’un des premiers traitements des micropolluants par ozonation et biofiltration sur la station d’épuration de Saint-Pourçain-sur-Sioule (10 000 EH) avec un appareil de sa nouvelle gamme SMOevo Wedeco.

La Suisse s’oriente vers l’adoption systématique d’un traitement quaternaire pour les stations de traitement des eaux usées de plus de 10 000 EH.

Combiner les procédés pour optimiser les traitements

Tous les traiteurs d’eau travaillent à des solutions qui font appel au charbon actif, aux membranes (bioréacteurs à membranes) sans oublier les solutions plus rustiques comme les zones humides en zone tampon avant rejet au milieu. La station d’épuration de Briis-sous-Forges (91), reconstruite par Stereau et démarrée fin 2011, traite les eaux par membranes (AquaRM®) et les rejette au travers de Jardins Filtrants®. Si nécessaire, un étage avec charbon actif Carboplus® peut être ajouté. Veolia Eau a réalisé des tests de longue durée.

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[Photo : Les systèmes de production d’eau mobile par ultrafiltration Ecoskid et Nomad d’Aquasource permettent de produire de manière temporaire de l’eau potable, en cas de dégradation des ressources, situations d’urgence, besoins ponctuels ou saisonniers.]
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[Encart : Le pulsazur™ de Degrémont est un réacteur de contact à charbon actif en poudre qui présente de forts abattements des matières organiques et des micropolluants pour des doses de CAP réduites. Il a été implanté sur l'usine d’Apremont (40 000 m³/j), qui doit garantir l'alimentation en eau du nord-ouest de la Vendée, de l'île d’Yeu et de l'île de Noirmoutier et produire une eau de qualité à partir d’une ressource dégradée contenant des pesticides.]

En Suisse avec ses procédés Multiflo® / Actiflo® Carb (cf. EIN 353).

Les procédés membranaires et l’utilisation des charbons actifs se retrouvent dans les usines de potabilisation d'eau. La différence est que les concentrations concernées sont nettement plus faibles en potabilisation (concentrations en nano à microgramme par litre) qu’en station d’épuration (concentrations en milli à microgrammes par litre). Pour donner une idée : une concentration de 10 ng/L dans les 89 km³ du lac Léman représente seulement 1 tonne de polluants !

Les usines d’eau potable respectent, sauf dérogation, les 31 paramètres de limite de qualité et les 27 paramètres de référence de qualité (cf. fiche Synteau qualité des eaux potables de juin 2012). Les traitements sont basés sur le concept de barrières successives. La priorité porte sur l’élimination des matières en suspension et le carbone organique total. Ensuite, selon les ressources, les métaux courants comme le fer et le manganèse, les nitrates (dénitration biologique) plus rarement de l’arsenic, du fluor. Les méthodes sont au point avec des filtrations diverses, traitements physico-chimiques par précipitation-coagulation, par échange d’ions, oxydation à l’air... Mais comment anticiper, et si possible aller plus loin, en éliminant aussi les micropolluants qui n’ont pas encore de limite réglementaire ou d'autres polluants dont on ne se préoccupait pas jusqu'à présent comme les perchlorates (cf. le Nord-Pas-de-Calais et l'agglomération de Bordeaux où ce problème s’est déclaré) ou une nitrosamine (pollution diffuse en Seine-Maritime à l’été 2012).

En 2007, la valeur limite sur l’arsenic est passée de 50 µg/L à 10 µg/L, « ce qui a créé un marché sur lequel nous sommes leaders pour les petites collectivités avec notre procédé Arsepur® » affirme Pascal Guasp, président de l’Eau Pure. Une solution peu coûteuse que la société exporte jusqu’au Bangladesh où le problème est particulièrement aigu. On compte une centaine d’installations en France, sur lesquelles l’Eau Pure en revendique une vingtaine. L'arsenic (ions arsénite et arséniate) est retenu par réaction sur des granules d’oxyde de fer (Bayoxide® E33 par exemple). Ce média filtrant reste actif de un à trois ans selon la concentration en arsenic à retenir et le pH de l'eau ; il capte d’autres métaux lourds (plomb, chrome, cadmium, molybdène et l'antimoine). Le produit saturé est un déchet non dangereux. Le fluor naturellement présent dans certaines régions est retenu avec un adsorbant à base d’alumine activée qui peut se régénérer.

Mobiliser des moyens analytiques de plus en plus performants

Mais la potabilisation devient de plus en plus difficile vu les performances demandées en capacité à retenir un large spectre d’espèces chimiques à des concentrations maximales très faibles ; la survenue de plus en plus fréquente d’épisodes extrêmes (sécheresse, précipitations importantes) n’arrange pas les situations : il faut penser aussi à la dégradation de l'eau par des microorganismes toxiques (cas de bloom algal). Eau de Paris met par exemple l’accent sur le traitement UV pour parer au risque microbiologique (giardia et cryptosporidium) en équipant ses usines d’Orly et de Joinville avec des réacteurs UV moyenne pression (Aquaray® H₂O) développés par Ozonia-Degrémont Technologies (2 x 300 000 m³/jour). Bio-UV, Trojan, Abionetec, Bordas UV Germi ou encore Xylem via sa filiale allemande Wedeco ne sont pas en reste et équipent de nombreuses usines de production d’eau potable pratiquant le concept multi-barrières.

Pour savoir si l'on a éliminé une espèce chimique, il faut savoir la quantifier.

[Photo : La nouvelle génération d’ozoneurs SMOevo Wedeco permet de réaliser des économies d’énergie de 20 % tout en accroissant les capacités de production d’ozone jusqu’à 300 kg/h.]
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[Photo : Le SEDIF a, depuis maintenant plus de 12 ans, renforcé l’étape de désinfection de son usine de production d’eau potable de Méry-sur-Oise en installant un traitement UV Abiotec/Berson, d’une capacité de 7500 m³/h.]

Abiotec

À l’entrée et à la sortie du dispositif où les concentrations sont particulièrement basses. Ce qui demande le développement de protocoles d’analyses et la mobilisation des moyens analytiques les plus performants (chromatographie liquide, spectrométrie de masse, etc.). Le défi réside presque plus dans la question du prélèvement et de sa représentativité (locale et temporelle) que dans la détermination elle-même, sachant qu’il faut analyser des dizaines et des dizaines de substances, au moins pour la mise au point des procédés. Le travail d’Aquaref en la matière est décisif pour le développement des méthodes et des protocoles et leur dissémination.

La variété des composés chimiques retrouvés dans l’eau est considérable. Il est très difficile de déterminer leur toxicité effective et leurs effets à long terme de manière individuelle, d’autant qu’ils donnent lieu très probablement à des effets cocktails (synergie des effets donc dangerosité plus grande du mélange).

Il vaut mieux miser sur des procédés qui “ratissent” large : membranes et charbon actif. La journée “Eau et Santé”, organisée à Lyon le 23 janvier par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée et le Grand Lyon a fait le point sur ces questions.

Pour être plus efficace, on combine des procédés entre eux, de manière séquentielle ou simultanée pour éviter de consommer trop de réactifs et travailler à l’optimum d’efficacité de chaque procédé. Typiquement : filtration, floculation puis filtration, ozonation (qui est une oxydation), passage sur charbon actif. Idéalement l’oxydation détruit les molécules organiques, mais vu la complexité de certaines, l’oxydation est une cascade d’étapes générant de nouvelles molécules. Tant mieux si ces dernières sont mieux retenues, leur élimination sera plus facile.

Le défi : mener à bien la potabilisation à un coût raisonnable

Membranes et charbons actifs ne suppriment pas des étapes classiques (coagulation-floculation, filtration) en début de traitement. Les membranes de nanofiltration dans un contexte de polluants multiples sont la solution ultime. Après la très célèbre usine de Méry-sur-Oise (140 000 m³/j depuis 1999), de nouvelles stations s’équipent.

Veolia Eau Solutions & Technologies, via sa filiale Opalium, a récemment vendu quatre projets en nanofiltration : Courchevel (162 m³/h) pour résoudre un problème de sulfate, Sinceny dans l’Aisne (120 m³/h) pour des questions d’adoucissement, Somain dans le Nord (136 m³/h) pour lutter contre le nickel, des séléniates, sulfates et assurer l’adoucissement et Urcel dans l’Aisne (30 m³/h) pour le fluor.

Pall, Aquasource et Polymem disposent également de nombreuses références dans ce domaine. La nanofiltration a l’avantage de travailler aux échelles ultimes des petites molécules et ions, d’où son “universalité”. En outre, elle ne nécessite pas, comme les résines échangeuses d’ions ou les charbons actifs, d’étape de régénération.

La plupart des molécules organiques peuvent être retenues par adsorption sur du charbon actif. « Exceptions notables, le glyphosate et l’AMPA son produit de dégradation et quelques autres » souligne Ludovic Renoux.

Ces charbons sont très efficaces pour de très nombreuses familles chimiques à de très faibles concentrations. Les chercheurs et développeurs de procédés travaillent sur la meilleure manière de les utiliser : en poudre CAP, en grains CAG, en synergie ou pas avec d’autres moyens comme l’ozonation et en optimisant l’hydraulique. La mise en contact du charbon avec l’eau à traiter

[Photo : Nanofiltration à Sinceny (Aisne), 120 m³/h. Installation construite par Opalium, filiale de Veolia Eau Solutions & Technologies. Adoucissement, pesticides, nitrates : cocktail de paramètres traités en une seule étape.]
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[Photo : Depuis quarante ans, l’Eau Pure met son savoir faire en matière de production d’eau potable au service des petites et moyennes collectivités.]

importe : traversée d’un filtre, mise en suspension dans un réacteur mélangé, à lit fluidisé. Ceci donne lieu à différents procédés : Opaline™, Multiflo™ Carb et Actiflo® Carb chez Veolia Eau, Carboplus et Carboflux chez Stereau, Pulsazur™ chez Degrémont.

L'objectif est de mettre en contact l'eau à traiter avec une concentration la plus élevée possible de charbon de 1 à 3 g/L tout en s'assurant qu’il n’est jamais saturé. Les constructeurs mettent l’accent sur la faible consommation de ces procédés et réalisent des simulations hydrauliques pour cela.

La palette de procédés unitaires pour abattre tel ou tel polluant ou classe de polluant est donc large. Le défi est de mener à bien la potabilisation à un coût raisonnable. « La conception des filières de traitement doit aussi tenir compte de l'empreinte carbone de la filière retenue (consommation d'énergie), de l'empreinte eau (rendement hydraulique) et du faible impact de son fonctionnement (lavage de filtres, traitement des concentrats, etc.) » rappelait Philippe Bréant, directeur du programme eau potable de Veolia Environnement lors du colloque de Lyon.

Cette préoccupation environnementale se décline à tous les niveaux comme le souligne Kader Gaid de la direction technique de Veolia Eau : « aujourd'hui, les floculants sont des polymères de synthèse comme les acrylamides. Certains pays comme l'Espagne ou le Danemark les interdisent et l'Asie commence à s’y mettre. Notre filiale Hydrex a développé des polymères “verts” à base d’amidon pour remplir cette fonction ». La potabilisation se met aussi aux matières biosourcées...

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