Your browser does not support JavaScript!

Deferrisation biologique appliquée à la préparation de l'eau potable

30 mars 1988 Paru dans le N°117 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : A. DEGUIN et D. SIBEN

L'installation de déferrisation de l’usine de production d’eau potable de Manonviller (Meurthe-et-Moselle) a été mise en service le 17 décembre 1987. Elle présente la particularité d’employer un procédé de déferrisation biologique, tel que nous le décrivons ci-après.

Qualité de l’eau brute

Captée dans la nappe du grès vosgien, entre 350 et 410 m de profondeur, l’eau qui alimente l’installation présente les particularités suivantes :

— quelques traces de sulfures (0,05 mg/l) ; — absence d’oxygène dissous ; — température relativement élevée (22-23 °C) par rapport à la moyenne des eaux souterraines de France (12-13 °C) ; — teneur moyenne en fer de 0,6 mg/l (la concentration maximale admissible selon la Directive de la CEE se situe à 0,2 mg/l avec un niveau-guide de 0,05 mg/l) ; — teneur en sels dissous moyenne à forte, à dominante chlorure et sulfate de sodium, calcium et magnésium, sans qu’aucun des éléments pris séparément n’excède les normes en vigueur pour l’eau destinée à la consommation ; — pH voisin de 7,9 (potentiel d’oxydo-réduction : –5 mV) ; — peu de matières organiques (COT 0,5 à 1 mg/l) ; — peu de silice (5 à 7 mg/l SiO₂) ; — peu de manganèse (inférieur à 0,03 mg/l).

En résumé, l'eau présente le seul inconvénient de contenir une teneur excessive en fer par rapport à la norme, d’où le traitement de déferrisation mis en œuvre.

En 1967 une installation de déferrisation physico-chimique prévue pour traiter 40 m³/h était réalisée sur les bases de dimensionnement suivantes :

— une tour d’oxydation à l’air d’un diamètre de 1 600 mm (6 minutes de contact) ; — deux filtres à sable (taille effective 1 mm, hauteur de couche 0,8 m) de diamètre unitaire 2 000 mm (vitesse de filtration 6,4 m/h).

En 1986, un renforcement de production est souhaité par le Syndicat intercommunal, de façon à faire passer le débit de 40 à 60 m³/h.

Tenant compte d’une part de la nécessité de renouveler les équipements existants, et d’autre part de l’évolution de la technologie de déferrisation, la S.A.U.R. a proposé de remplacer l'installation existante par un filtre biologique unique de 1 400 mm de diamètre (vitesse de passage 39 m/h). Le gain ainsi obtenu sur l’encombrement permettait, en conservant le génie civil existant, de réaliser une économie importante.

Des essais sur une installation pilote de 5 m³/h, réalisés de juin à octobre 1986, ont permis de démontrer la faisabilité d’un tel traitement à partir de ce type d'eau et, en juillet 1987, était lancée l’opération de remplacement de l'installation existante par une déferrisation biologique.

Nous présentons ci-après, successivement, le principe du procédé mis en œuvre et la description de l'installation proprement dite et de ses performances.

Principe du procédé

En première approche, le procédé biologique de déferrisation est basé sur l’aptitude de certaines bactéries présentes naturellement dans l'eau à utiliser le fer comme source énergétique nécessaire à leur développement.

Dans l’eau, le fer dissous se trouve à l’état réduit (degré d’oxydation + 2). En présence d’un apport d’oxygène suffisant, le fer dissous s’oxyde en fer ferrique (degré d’oxydation + 3) lequel précipite en s’hydrolysant sous forme d’hydroxyde ferrique Fe(OH)₃. C’est le mécanisme réactionnel utilisé dans le procédé physico-chimique, lequel présente l’inconvénient de produire de la boue qui colmate rapidement le lit de sable en surface et réduit donc le volume d’eau traité entre deux lavages de filtre. Les bactéries de déferrisation, quant à elles, vont induire une « oxydation-réduction » du fer au sein du massif filtrant. L’efficacité du traitement dépendra donc de leur niveau de population et de leur état.

En pratique, ce procédé permet d’augmenter les flux traités par unité de temps, par unité de surface et par unité de volume, ce qui a pour conséquence de réduire le dimensionnement des installations.

Les bactéries du fer sont nombreuses ; citons les plus fréquemment rencontrées :

Gallionella, Leptothrix, Crenothrix, Siderococcus, Siderocapsa, etc.

Leurs principales exigences pour se multiplier sont les suivantes :

  • — température supérieure à 5 °C,
  • — teneur en fer suffisante,
  • — teneur en oxygène ni trop faible ni trop élevée (à ajuster en fonction du pH de l'eau),
  • — potentiel d’oxydoréduction adapté (entre 100 et 350 mV selon le pH de l'eau),
  • — teneur en ammoniaque faible (inférieure à 0,2 — 0,3 mg/l),
  • — teneur en sulfures faible (inférieure à 0,1 — 0,2 mg/l).

Lorsque toutes ces conditions sont réunies, il suffit de leur offrir un support d’accrochage pour qu’elles puissent s’installer et se reproduire ; nourries régulièrement, les bactéries déferrisantes (autotrophes tant que la teneur en fer reste modérée) colonisent rapidement le filtre et fixent le fer (par exemple dans leur pédoncule pour les Gallionella, souche la plus répandue).

L’installation de Manonviller

Le puits (figure 1) fonctionne soit en mode artésien, à 20 m³/h, soit par pompage à 60 m³/h.

[Photo : Vue de la station. Au premier plan : la tête de puits.]

Le filtre biologique (figure 2) est dimensionné pour un débit de pointe de 60 m³/h. À ce débit, la vitesse de l’eau atteint 39 m/h et descend à 13 m/h lorsque le puits fonctionne en artésien.

Le pompage est asservi à un niveau du réservoir d'eau traitée.

Environ 1,5 mg/l d’oxygène apporté par aération est nécessaire en amont du filtre.

[Photo : Le filtre biologique.]

Une seconde aération est pratiquée en aval pour assurer une oxygénation correcte de l’eau avant distribution.

Le filtre contient 1,1 m de sable de 1,35 mm de taille effective.

Les bactéries se reproduisent rapidement et meurent après quelques jours ; les cadavres produisent de la boue, laquelle est évacuée périodiquement par lavage du sable.

Les séquences de lavage sont classiques :

  • — phase de détassage à l’air pendant 1 minute à 50 N m/h ;
  • — phase de lavage à l’air et à l’eau à courant ascendant pendant 5 minutes à 10 m/h ;
  • — phase de rinçage à l’eau à courant ascendant pendant 10 minutes à 20 m/h.

La commande du lavage et l’enchaînement des séquences sont assurés par un automate programmé soit sur une perte de charge, soit sur un volume d'eau filtrée.

[Photo : Armoire électrique. Au centre, l’automate.]

L'installation est reliée en permanence à un central de télésurveillance basé à la direction régionale de Nancy, lequel renvoie les instructions reçues à l’agent d’exploitation locale.

[Photo : Vue de l’armoire de commande. À gauche, le coffret de télétransmission.]

La fréquence des lavages est de l’ordre d’une fois par semaine. L’ensemencement s’est produit naturellement en une semaine pendant l’achèvement des travaux. L’observation microscopique des boues révèle la présence en majorité des souches Gallionella et Siderococcus.

L’eau traitée

Elle présente les caractéristiques principales suivantes :

  • — sulfures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0
  • — oxygène dissous . . . . . . . 5,5 mg/l
  • — température . . . . . . . . . 22,5 °C
  • — fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0,01 à 0,03 mg/l
  • — pH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,9
  • — potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . 295 mV
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements