Le décret du 20 décembre 2001 sur la qualité de l'eau potable distribuée aura plus de conséquences pour les petites unités de distribution. Pour les exploitants, il valide leurs démarches d'autosurveillance, conforte leurs procédures de qualité et encourage la mesure en continu.
Outre l'introduction de nouveaux paramètres à surveiller (comme les bromates, les chlorites ou les pesticides) et l'abaissement du seuil de quantités tolérées pour d’autres substances (comme l’arsenic ou le plomb), le nouveau décret apporte une série de modifications significatives pour les gestionnaires et les exploitants de services d'eau. Des modifications auxquelles ils se préparaient depuis un certain déjà.
Les modifications les plus importantes interviendront sur les petits services d'eau. Le renforcement du contrôle de la qualité de l'eau produite et distribuée entraînera un surcroît d’analyses qui pourront passer d'une par an à une dizaine par an selon la taille de la collectivité. Le coût de ces mesures supplémentaires se répercutera forcément sur le budget de fonctionnement et donc sur le prix de l’eau dans les collectivités concernées (surtout celles de moins de 30 000 habitants).
Parallèlement, pour respecter les nouveaux paramètres du décret transcrivant la directive européenne 98/83 sur l'eau potable en droit français, les distributeurs d’eau sont amenés à accroître leurs performances métrologiques. Le contrôle de la qualité de l’eau potable va de plus en plus se rappro-
cher des méthodes en vigueur dans l'industrie alimentaire, et notamment de la démarche HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point, en français analyse des risques et maîtrise des points critiques). L'idée force du protocole HACCP est d'identifier des risques spécifiques au produit (microbiologiques, chimiques, physiques), de déterminer des points de contrôle de ces risques pour la qualité du produit (de l'eau potable en l’occurrence) et de définir les mesures préventives à adopter en vue de maîtriser ces risques. Une suite d’opérations compatibles avec celles des démarches qualité du type ISO 9000.
La démarche est d’ailleurs signalée noir sur blanc dans le texte (article 18). Car, et c'est là une autre nouveauté, les analyses des exploitants pourront se substituer au contrôle sanitaire effectué jusqu'alors par les DDASS si ces exploitants mettent en place un plan d’assurance qualité au sein de leur système de production et de distribution.
La reconnaissance de l’autosurveillance
L'autre condition de la validité de l'autosurveillance est que les analyses soient réalisées ou bien par un laboratoire agréé ou bien par un laboratoire reconnu par un organisme certificateur de services. Un système informatique est en cours de montage pour permettre le fonctionnement commun des analyses des distributeurs et de celles des contrôles sanitaires.
Ces avancées sont pour les distributeurs des motifs de satisfaction : « La reconnaissance de notre autosurveillance par la loi constitue un gros progrès, se réjouit Daniel Villessot, directeur technique Lyonnaise des eaux France. Avant, on nous la refusait sous prétexte que nous étions juges et parties. Désormais, on nous fait confiance. Comme en Grande-Bretagne où toutes les compagnies sont responsables du contrôle de la qualité des eaux qu'elles distribuent. L'intégration de l’autosurveillance au contrôle sanitaire permettra une meilleure évaluation du risque pour l’eau livrée jusqu'au robinet du consommateur ».
Même sentiment pour Dominique Olivier, directeur adjoint technique et technologie Générale des Eaux (Vivendi) : « C'est une reconnaissance du travail que nous menions déjà mais qui aujourd’hui peut être pris en compte par le préfet et les services sanitaires. Nous avons mis en place depuis plusieurs années des mécanismes d’assurance qualité et des accréditations pour nos laboratoires. Nous sommes les premiers au monde à avoir accrédité tout notre système de calibration de nos laboratoires (national et régionaux). Et toutes nos usines sont ISO 9001 ».
Cependant, la multiplication des analyses ne permettra pas de résoudre à elle seule le problème de la qualité. C’est pourquoi la Générale s'est engagée depuis trois ans sur l’analyse des risques et l'adaptation à l'eau de la démarche HACCP : « Nous participons, avec le ministère de la santé, à l'élaboration d’un guide professionnel sur ce thème. Et nous avons défini des installations et des services pilotes fonctionnant sous ce type de méthodes ».
Le développement de la mesure en continu
Le ministère doit également encore publier vingt-sept arrêtés dont certains doivent préciser dans quelles conditions l’autosurveillance sera acceptée par les pouvoirs publics.
Il doit également clarifier dans quelles conditions seront intégrées les analyses en continu et là un grand travail reste à faire.
« Aujourd’hui, les contrôles sanitaires se font en laboratoires sur des échantillons, explique Daniel Villessot. Nous souhaitons pouvoir associer à ces résultats les analyses en continu, qui nous paraissent une voie de progrès nécessaire. Et, entre parenthèse, qui pourrait donner du souffle au marché, notamment français, de l'instrumentation. Désormais, nous pourrons mieux positionner notre chlorescan (mesure du chlore libre résiduel) que l’on attribuait jusqu'à maintenant au confort du distributeur. La mesure en continu, c'est ce que nous avons fait par exemple en 2001 pour la surveillance de la qualité des eaux de la Seine. Mais pour cela, il faut préciser, en termes de métrologie, les règles qui définissent et normalisent les valeurs pour le reporting. Le travail de concertation continue sur ce sujet avec le ministère ».
D'autres interrogations devront trouver réponse prochainement. Ainsi, comment doit s’effectuer le prélèvement de l’échantillon à mesurer au point d’arrivée, par exemple chez le particulier, pour être représentatif ? Faudra-t-il changer ou chemiser les tuyaux en plomb, traiter au robinet ou se contentera-t-on d’évacuer le plomb résiduel en faisant couler un peu d'eau avant de la consommer ?
De son côté, l’Agence française de sécurité sanitaire (Afssa) prévoit de donner cet automne ses recommandations pour la mesure et le traitement de l'aluminium dans l'eau, une substance souvent utilisée comme floculant par les exploitants.
Plus généralement, la mise en conformité des eaux distribuées dans les délais de la directive (d'ici 5 à 15 ans selon les substances) va entraîner d'importants travaux pour mobiliser des ressources exemptes de contamination et pour aménager les filières de traitement actuelles, notamment en réduisant les teneurs en sous-produits organiques résultant de la désinfection.
Reste que toutes ces évolutions ne vont pas sans susciter quelques inquiétudes du côté de l’administration, dont les ingénieurs du contrôle sanitaire ne sont pas encore suffisamment formés à ces nouvelles méthodes d'analyse.
La mise en conformité des eaux distribuées dans les délais de la directive va entraîner d'importants travaux pour mobiliser des ressources exemptes de contamination et pour aménager les filières de traitement actuelles.