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Déchets hospitaliers : il y a relâche..

30 janvier 1992 Paru dans le N°151 à la page 34 ( mots)
Rédigé par : Michel MAES

L’épidémiologie, à son tour, n’est plus ce qu’elle était

Depuis la nuit des temps, les maladies infectieuses ont été chargées d’un potentiel affectif extraordinaire, fusionnant pêle-mêle dans l’affolement les stéréotypes : de la mort inéluctable « qui s’avance en grimaçant, armée de sa grande faux vengeresse », de la vulnérabilité humaine rendant les gens, pauvres ou nantis, égaux devant la sentence finale, et de l’invisible et sournois « esprit mauvais » qui colporte souffrances, déchéances, infirmités et agonies. Littérature que tout cela ? Aujourd’hui, les pays occidentaux ne souffrent plus d’épidémies graves ; certes, pendant des siècles ils ont été atteints de peste, lèpre, variole, fièvres éruptives (scarlatine, rougeole, rubéole, varicelle), maladies digestives (dysenterie, fièvres typhoïdes), choléra, typhus, paludisme, grippes, etc. et la mortalité que ces fléaux ont entraînée a eu des répercussions démographiques, sociales, politiques, économiques et administratives intenses. Mais nous avons vaincu la plupart des maladies épidémiques, d’abord par l’élévation de notre niveau de vie qui a permis d’améliorer notre nourriture, notre hygiène individuelle et collective, notre habitat, puis grâce à la médecine scientifique, qui a inventé les vaccinations, forgé la chimiothérapie et découvert les antibiotiques* (Pr J.-C. Sournia, Académie de Médecine, revue RPD, n° 146, janvier 1987).

* Victoire limitée tout de même puisque réservée aux pays économiquement développés, elle n’empêche pas plusieurs milliards d’hommes du Tiers-Monde d’en souffrir et d’en mourir encore. Un niveau lamentable d’hygiène vaut en ce moment la réapparition au Pérou du choléra (200 morts). Le vibrion cholérique, propagé par ingestion d’eaux et d’aliments souillés, risque d’étendre sa toxi-infection à tout le continent sud-américain.

[Photo : Fig. 1 : Principaux centres collectifs d’incinération des déchets hospitaliers contaminés. Situation en 1990.]

À la fin de la seconde guerre mondiale 1939-1945, la liberté revenue en France apportait avec elle l’affranchissement des peurs ancestrales par les antibiotiques, et chacun de s’enthousiasmer, avec médecins et chirurgiens, pour l’antibiothérapie. Il faut dire qu’à cette époque du grand renouveau, tout réussissait, ou presque... Et même lorsque se manifestèrent les premiers cas de résistance aux antibiotiques, on ne s’en inquiéta pas trop parce que l’industrie pharmaceutique florissante produisait chaque année plusieurs antibiotiques. Le réveil a toutefois été autant inattendu que cruel : des patients pourtant opérés et traités avec soins et diligence mouraient, guéris de leur maladie, certes, mais atteints tout de même d’une infection contractée à l’hôpital. Car tous ces germes que l’on croyait avoir amadoués, désarmés, affaiblis, tenus en laisse, étaient devenus à nouveau redoutables (M. Maisonneuve, CHR Rouen, revue RP, n° 51, novembre 1980). Le risque nosocomial surgissait.

Notre légitime fierté d’avoir triomphé des épidémies allait encore être atténuée par nombre d’incertitudes qui se dressaient au milieu des progrès thérapeutiques, et qui subsistent encore. Incertitudes, par exemple, sur l’interprétation du déferlement soudain et l’éradication de ces fléaux qui décimaient autrefois la société. Nous ne savons pas encore très bien expliquer ces phases suc-

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CHAMBRE DE COMBUSTION

Incinération

1 four rotatif  
type : R 178-250 EC  
capacité : 1,5 t/h  
puissance thermique : 5 000 Th/h  
tonnage annuel traité : 13 000 t  

Récupérateur de chaleur

1 chaudière de récupération fluide : vapeur saturée  
pression de service : 16 bars  
timbre : 20 bars  

équipements :  
— 1 échangeur tubulaire (fumées :  
  T° entrée : 950 °C  
  T° sortie : 260-280 °C)  
— 1 bâche alimentaire  
— 1 groupe d’alimentation  
— 1 aérocondenseur  
  puissance : 4 500 Th/h  
— 1 poste de traitement de l'eau  

Traitement des fumées

débit traité : 13 900 Nm³/h  
température entrée : 260-280 °C  
température sortie : 120 °C  

équipements : 1 ensemble de déchlorination et dépoussiérage par neutralisation à sec à la chaux et filtres à manches  
teneurs résiduelles (CO₂ ramené à 7 %) :  
HCl : 100 mg/Nm³  
poussières : 150 mg/Nm³  
métaux lourds : 6 mg/Nm³  
mercure gazeux : 0,3 mg/Nm³  

Évacuation des fumées

1 électro-ventilateur de tirage  
1 cheminée auto-stable hauteur 25 m  
1 ensemble de gaines de raccordement  

Station de lavage des conteneurs

2 postes de lavage en fonctionnement alternatif  
1 groupe de préparation  
capacité totale de lavage : 20 conteneurs/heure  

Les eaux issues du lavage des conteneurs sont traitées pour éviter toute pollution d’ordre bactériologique ou chimique. Les rejets d’effluents gazeux ou liquides sont conformes à la réglementation en vigueur (température, MES, hydrocarbures, métaux lourds, phénols, DCO).

[Photo : Plateforme d’incinération Prociner de Bordeaux-Bassens (d’après l’ingénierie Montenay).]

cessives, ces poussées brutales et ces déclins inopinés, ni dire pourquoi des régions ou des villes restaient indemnes au milieu de zones contaminées et sinistrées. Nous subissons depuis deux siècles les agressions répétées et multiformes des grippes, redoutables pour les personnes affaiblies ou âgées, et contre lesquelles nous ne disposons d’aucun remède efficace. L’épidémiologie d’aujourd’hui, qui concerne presque exclusivement les maladies dites de civilisation, délaisse l’étude des maladies transmissibles, dont certaines posent des problèmes de santé publique, telles les hépatites virales et les MST (maladies sexuellement transmissibles), ainsi que les recherches sur les épidémies du passé que nous croyions avoir maîtrisées. Car nous ne sommes pas en mesure de diriger ou d’infléchir les évolutions biologiques : qu’une bactérie pathogène récupère un gène de résistance sur ses plasmides, qu’un virus aujourd’hui inoffensif change une spire de son ADN et ils deviendront redoutables pour l’organisme humain. Sans aller jusqu’à cette vision apocalyptique du « parachutage dans la nature d’un méchant lambeau d’ADN infestant et cancérisant la planète » ! Oui, l’épidémiologie a perdu de sa gloire d’antan. Elle a gagné en complexité.

Aléas de gestion

La peur renaît avec l’extension de la maladie du Sida, dont le rétrovirus HIV prend pour cible le système immunitaire lui-même. Outre le défaut thérapeutique auquel le Sida expose actuellement, cet affaiblissement des défenses naturelles pourrait être la cause d’une résurgence de certaines maladies, comme la tuberculose, la lèpre ou la malaria, et de la virulence nouvelle des germes opportunistes et banals devenus mortels (Pr. Montagnier, Institut Pasteur, brochure « Sida », Éd. FIIS, 1985).

L’hôpital est le foyer de germes le premier visé. La sensibilité extrême du public en danger omniprésent de la contamination liée à l’exercice conjoint dans les hôpitaux des services de maladies tropicales, de pathologies infectieuses et l’accueil des malades atteints du Sida, a contraint les instances ministérielles à promulguer une législation adaptée à la collecte et au traitement des déchets hospitaliers.

Par ailleurs, les récentes affaires de décharges scandaleuses de Brest, Quimper, Tours et La Baule ont ravivé cette peur. Brest, novembre 1989 : alerte aux DH ! On a signalé une décharge à ciel ouvert, mal clôturée, dégageant des émanations épouvantables de fumées de combustion spontanée de journaux, magazines et reliefs alimentaires jointes à des odeurs de décomposition de pièces anatomiques, morceaux de placenta, pansements souillés, flacons de culture toxiques, lots de seringues usagées, filtres de reins artificiels et produits radioactifs. Quimper, novembre 1990, un an plus tard : pleins feux sur les DH ! La décharge municipale de Kerjéquel, déjà détentrice clandestine de 1,5 kt de cendres fines issues de l’usine d’incinération de Concarneau, vient d’accueillir une centaine de fûts emplis de résidus hospitaliers contaminés qui ont été enfouis, éventrés, écrasés parmi les OM que les bennes y déversent chaque jour. Des villes comme Tours et La Baule ont connu pareille mésaventure en leur temps, avec les DH. Quand ce n’est pas, aux USA, le cadre touristique des plages de Long Island que souillent les centres hospitaliers new-yorkais !

Mais la mise en décharge publique de rebuts hospitaliers n’est pas seulement condamnable par son impact affreusement spectaculaire : elle dissémine en effet dans le sous-sol et les eaux souterraines des bouillons de germes pathogènes, de produits toxiques et des lixiviats de métaux lourds. Quant au recours à l’incinérateur, il avait gardé son côté folklorique : il n’y a pas si longtemps, les déchets hospitaliers étaient jetés à même la fosse, mélangés avec les OM et chargés dans le four par un grappin ouvert à tous vents. Le four lui-même ne répondait qu’approximativement aux caractéristiques nécessaires d’incinération des résidus urbains (température de combustion, temps de

  1. 1. Trémie d’alimentation
  2. 2. Oscillateur d’alimentation
  3. 3. Broyeur
  4. 4. Trémie réceptrice avec hublot de contrôle
  5. 5. Contrôles de niveaux
  6. 6. Convoyeur principal
  7. 7. Générateurs micro-ondes
  8. 8. Convoyeur secondaire, maintien de la température
  9. 9. Convoyeur final, vidage des déchets en conteneur
  10. 10. Contrôles des températures
  11. 11. Mise en dépression de la trémie, filtrage des particules
  12. 12. Réserve d'eau d’aspersion
  13. 13. Générateur de vapeur
  14. 14. Vaporisateurs
  15. 15. Moteur hydraulique
  16. 16. Chauffage ambiant
  17. 17. Conteneur, enveloppe close de l'installation

Comme le montre le schéma, l’installation comprend principalement, après la trémie d’alimentation, un broyeur ; les déchets entrent ensuite dans une vis sans fin à travers laquelle ils sont convoyés tout en étant soumis à l’action des micro-ondes. Un système informatique régule le maintien de la température et la durée de séjour dans le convoyeur, afin que l’action d’inertage soit conduite à bon terme. En fin de parcours les déchets banalisés sont repris directement dans des conteneurs.

[Photo : Procédé de décontamination par micro-ondes « Sthémos » de la société Vetco-Sanitec.]

séjour des gaz, taux d’imbrûlés dans les cendres…), malgré un renforcement constant de la réglementation (Circulaire du 6 juin 1972, Arrêté du 9 septembre 1986, Directives CEE des 8 et 21 juin 1989, Arrêté du 25 janvier 1991) et une meilleure connaissance des polluants. Le four fumait plutôt noir et dispersait dans le ciel et la basse atmosphère immédiate des flammèches goudronneuses, des aérosols toxiques et des odeurs acides, piquantes, lacrymogènes… « De loin, on repère mon hôpital, son incinérateur a du panache… », avouait malicieusement M. Tarrazi, Directeur de l’hôpital d’Auch (Colloque ARVAMIP, décembre 1989).

Des réalisations françaises remarquables (CIE de Créteil de la filière AP-HP, système « Trèfle » du complexe BAB, plates-formes Prociner de Bordeaux-Bassens et CGC, UIOM du Mans…) (figure 1) et des recherches actives en procédé de décontamination et destruction thermique prouvent que les solutions existent. Examinons-en quelques-unes*.

* Des références d’installations d’incinération de déchets hospitaliers ont déjà été citées par l’auteur avec l’article « Gestion des déchets : New age », Eau, L’Industrie, les Nuisances, n° 142, 1990.

Filière AP-HP

Dans cette filière, les déchets contaminés aboutissant au CIE de Créteil évoqué précédemment, c’est le mode de collecte qui retient cette fois notre attention.

L’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, forte de 43 établissements en Ile-de-France (30 000 lits), doit organiser l’évacuation d’environ 45 kt/an de déchets dont 15 kt de déchets spécifiques. Le schéma préconisé et testé par l’hôpital-pilote Avicenne de Bobigny dès 1988 s’appuie sur les recommandations du Guide Technique n° 2 de l’Hygiène Publique. Ce schéma depuis a fait école et une quinzaine d’hôpitaux franciliens l’appliquent, en sous-traitance avec les sociétés Dexel et Containor, filiales de Sita. Il offre l’avantage d’obtenir des tarifs dégressifs à mesure que les établissements adhèrent au système Avicenne, soit un coût actuel d’environ 500 F/t, au lieu de 1 200 à 2 000 F/t ordinairement. Il s’articule ainsi :

  • ● déchets banals : collecte en bacs plastiques puis compaction après aspersion automatique de produits bactéricides,
  • ● déchets non contaminés : collecte sous double emballage plastique, puis compaction en cartons étanches à fermeture automatique par mini-compacteurs équipés d’un système de purification de l’air et d’une lampe germicide, opération effectuée sur le lieu de production, dans les étages,
  • ● déchets à risques : pré-traitement éventuel des déchets hautement contaminés des labos par auto-clavage, collecte et stockage en fûts plastiques à usage unique, parfaitement étanches aux liquides et aux gaz, mis à disposition et enlevés toutes les 48 h vers un centre d’incinération extérieur, celui de Créteil.

À l’hôpital Bichat (où l’on recense 200 lits d’infectieux sur 1 300 lits totaux 530 t/an de déchets non ménagers occasionnant une dépense de 1,27 MF, soit 0,12 % de son budget pour l’exercice 1989, soit 2 300 F/t TTC de déchets), tous les déchets, à l’exception de ceux qui sortent des cuisines, de l’administration et de tous les services généraux, sont étiquetés « médicaux » dès qu’il y a possibilité de contact avec un malade. L’enveloppe du courrier, le papier de bonbon, l’emballage du paquet de biscuits suivent la voie des pansements et des seringues. Mis dans des sacs en plastique, ils sont immédiatement compactés à l’étage ou dans le service, dans des cartons fermés (double enveloppe à film PVC étanche aux odeurs et écoulements), mais sans que le personnel ne soit jamais en contact avec ceux-ci. Acheminés par des ascenseurs réservés jusqu’au local aménagé, un industriel viendra les enlever dans des chariots de capacité 1 m³ et les conduire jusqu’à l’usine d’incinération de Créteil, en véhicules isothermes et étanches. À l’arrivée, les chariots sont accrochés à un bi-rail de transport par balancelles puis pris par un basculeur qui les vide au niveau des trémies des fours. Un second système de balancelles renvoie les chariots vides dans un tunnel de lavage à eau sous pression, chargée d’un puissant bactéricide agréé par la Pharmacie Centrale des Hôpitaux (S. Martin, Containor, revue QS, n° 6, août 1990).

Plateforme Prociner de Bordeaux-Bassens

La maison Montenay a bien changé ! Où est donc passé le petit limonadier des années 1860 qui courait livrer le charbon dans Châtellerault ? Négoce en combustibles, maintenance chauffagiste, fabrication d’ascenseurs, création et entretien des espaces verts ludiques, le groupe Montenay fait tout ça. Il est progressivement devenu l’un des interlocuteurs privilégiés des collectivités locales et des établissements de santé publics et privés (dératisation, curage des égouts et cheminées, exploitation des stations d’épuration, télé-surveillance, télé-distribu-

Devis estimatif pour la desserte d’une ville de 70 000 habitants

Données de base

  • * Déchets ménagers à traiter : 26 000 tonnes/an
  • * Composition moyenne standard :
  • - matières organiques : 44 %
  • - papiers et cartons : 25 %
  • - matières plastiques : 8 %
  • - métaux : 6 %
  • - verres : 5 %
  • - inertes : 12 %
  • * PCI = 2 500 kcal/kg soit 10 400 kJ/kg

Après traitement thermolytique des déchets, on obtiendra par tonne traitée :

  • - eaux : 360 kg, et par an 8 300 m³
  • - charbon : 210 kg, et par an 5 460 t
  • - gaz non condensés : 100 kg, et par an 2 600 t
  • - hydrocarbures : 100 kg, et par an 2 600 t
  • - métaux : 60 kg, et par an 1 560 t
  • - verres : 50 kg, et par an 1 300 t
  • - inertes : 120 kg, et par an 3 210 t

* L’énergie potentielle contenue dans les déchets représente 75 000 000 kWh.

L'usine de thermolyse comportera essentiellement : une fosse de réception ; la ligne de broyage ; la fosse de stockage des produits broyés ; le thermolyseur ; la ligne de lavage des gaz ; la station de décantation des hydrocarbures ; une station de traitement des eaux.

Investissement (HT, coût décembre 1989)

  • - Génie civil : 2 400 KF
  • - Unité de réception et préparation : 1 800 KF
  • - Unité de thermolyse : 15 100 KF
  • - Électricité-Contrôle Salle de Conduite : 1 600 KF
  • - Études – Transports – Montage – Essais : 2 400 KF

TOTAL : 23 300 KF

L’usine peut être « modulée » et les extensions réalisées progressivement. Elle peut être construite en huit mois à compter du début des travaux. Le coût ci-dessus ne comprend pas les terrains, les aménagements extérieurs, les formalités réglementaires et les intérêts intercalaires.

Exploitation

Les frais d’exploitation incluent les frais financiers, les charges salariales, les dépenses d’exploitation et d’entretien.

Frais financiers (financement à 10 %/an sur 15 ans, sans subvention) : 3 050 KF

a) Charges salariales (17 personnes à 135 KF/an) : 2 300 KF

b) Entretien – pièces de rechange (4 % de la valeur neuve) : 930 KF

c) Produits d’exploitation (1 % de la valeur des matériels) : 240 KF

d) Charges administratives, impôts, taxes (20 % de a + b + c + frais financiers) : 1 100 KF

Total a + b + c + d : 4 570 KF

Soit à la tonne : 176 F (65 F/an/habitant)

[Encart : Fig. 4 – Données techniques et financières du procédé par thermolyse de la société Gerte (d'après P. Chaussonet, G. Surier, société Gerte, revue GU, octobre 1990).]

Le groupe a lui-même financé en 1987 la construction d'une unité centrale d'incinération exclusive des DH (25 MF) desservant la communauté urbaine de Bordeaux, conçue selon sa propre ingénierie, et qu'il exploite également. Du CHR bordelais, regroupant sept hôpitaux, les déchets transportés en cartons doublés ou conteneurs métalliques (nettoyés, désinfectés sur place avant réemploi), sont enfournés à partir du sas d’un skip par un chargeur à poussoir qui assure l’étanchéité à l’alimentation et interdit les remontées de flammes (figure 2). La combustion a lieu à 750 °C dans un four rotatif cylindrique incliné à 4°, assurant un brassage continu de 1,5 t/h. La progression des solides est du type équicourant, pour un transit de quatre heures. Les gaz passent ensuite dans la chambre de post-combustion à 1 000 °C, puis dans un échangeur à tubes ; ils sont refroidis, filtrés et neutralisés à sec avant évacuation. Pour rentabiliser l'installation (capacité d’incinération : 13 kt/an ; production de vapeur : 32 kt/an), la charge locale de 6 kt/an de DH est insuffisante ; une charge importée d’Italie de 4 kt/an est nécessaire (G. Cot, Montenay, Revue VP février 1991).

Filière intra-hospitalière

La recherche du moindre coût F/t conduit souvent à la filière intra-hospitalière.

À la clinique privée La Roseraie d’Aubervilliers (306 lits ; budget déchets : 1 020 KF en 1990, soit 0,36 % du CA), l'incinération sélective est choisie. Les déchets contaminés (270 t/an) vont à Créteil, tandis que 320 t/an d'ordures ménagères, cartons, non-tissés et déchets non contaminés alimentent un incinérateur intra-muros, dont la chaleur produite économise 43 KF/an. Même souci de récupération thermique au CHRU de Poitiers (1 950 lits) qui détruit la majeure partie de ses déchets spécifiques et à risques (1 kt/an) dans son incinérateur à récupération d’énergie ; l'excédent va à l’UIOM de St Éloi, et les déchets domestiques à la décharge de Chardon-Champ (coût 700 KF/an contre 2 MF/an pour une filière extérieure intégrale) (J. Marquis, Revue QS n° 6 août 1990).

Le centre hospitalier de Valence s'est doté d'un incinérateur pyrolytique ATI-Muller avec récupération calorifique (2 t/j). Cette société compte plus de 250 références d’incinération de DH en France. L'installation comporte une chambre de distillation à 700 °C suivie d'une chambre de pyrolyse à 1 100 °C (cendres : 2,5 % des DH). Prévue pour desservir plusieurs établissements, son ingénierie et son exploitation ont été confiées à la Cofreth (groupe Lyonnaise des Eaux-Dumez).

Au CHR de Toulouse (hôpitaux de Purpan : 1 850 lits, et de Rangueil : 1 300 lits), l'incinération pyrolytique en deux étages (700 °C puis 1 100 °C) a également été retenue. Les déchets banals sont collectés dans des compacteurs autonomes et évacués vers l'UIOM de Toulouse. Les déchets contaminés, placés dans des sacs plastiques sans compactage, sont stockés en conteneurs ensuite enlevés par véhicules spéciaux, puis décontaminés après vidage. L’installation comprend deux incinérateurs TES (2 t/j chacun) à sole fixe, alimentation en air de combustion étagée, sans récupération thermique jugée trop onéreuse (temps de retour : 10 ans, coût d'incinération : 1 000 F/t).

(1) L'entreprise Montenay, filiale de la CGE, réalise un CA consolidé de 6,4 milliards de F (17 % à l’étranger), possède 140 sociétés (45 à l’étranger) et emploie 9 200 personnes.

Décontamination

Si, réglementairement, la seule méthode de destruction admise pour les DH contaminés est l'incinération, il se développe à l'heure actuelle des techniques intermédiaires visant à réduire, voire annuler, le risque infectieux. Le CSHPF (Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France), qui se trouve sollicité par divers protagonistes de ces techniques, devra se prononcer sur l’éventuelle assimilation des DH ainsi décontaminés aux ordures ménagères. Évidemment, cette banalisation des DH permettrait aux établissements hospitaliers de s’affranchir des contraintes d’incinération, en diminuant les coûts de traitement de leurs déchets.

Quelles sont ces méthodes ?

Désinfection chimique

Le traitement « Virhoplan » de la société Epsilon’s, en expérimentation aux CHR de Bordeaux et de Niort, consiste à déchiqueter les déchets, puis à les broyer en granulés avant de les tremper dans un bain désinfectant et, enfin, à les compacter. Ce système économise les frais d’emballage et réduit le coût d’élimination à 400 F/t (F. Belouin, société Epsilon’s, revue VP février 1991).

Désinfection par micro-ondes

En essais au CHG E. Roux du Puy-en-Velay, le procédé « Sthémos », développé par la société Vetco-Sanitec et commercialisé par ESYS et STH, repose sur la stérilisation sous micro-ondes des DH. Les déchets, initialement broyés, sont humidifiés par injection de vapeur à 150 °C, puis chauffés par micro-ondes à la température de 100 °C durant 20 mn (champ électromagnétique de haute fréquence : 2 450 MHz) (figure 3), ce qui a pour effet de détruire germes et parasites et en même temps de réduire de 80 % le volume des déchets bruts. Le produit final serait un granulat homogène, non identifiable parmi les ordures ménagères (F. Le Prince, Sté ESYS, revue VP février 1991). Le procédé « Sthémos » prétend déjà à une douzaine de références européennes en proposant une gamme adaptée aux besoins (coût de la machine de capacité 3 kt/an : 2,5 MF).

L’éventualité d’un traitement de décontamination limité au seul effet bactériostatique (réduction du taux de croissance des micro-organismes), sans effet bactéricide certain (réduction du nombre des micro-organismes vivant sur le biotope), expliquerait les réticences du CSHPF. En effet, les bactéries inhibées, mais non tuées par la bactériostase (normes NF T 72-100 et T 72-161), peuvent « repartir » dès qu’elles atteignent un milieu neuf trophique. D’où la nécessité, en contrôle microbiologique du dénombrement des germes revivifiables, avant et après traitement, en particulier des pathogènes vis-à-vis des saprophytes, en tenant compte de ce que tout milieu sélectif de culture, partiellement inhibiteur, ne donne qu'une estimation minorée de la réalité (M. Huet, A. Chantefort, revue RP novembre 1980).

Quoi qu’il en soit, les recherches s’orientent aussi vers un traitement thermique moins onéreux.

Destruction thermique

Thermolyse

Le procédé de traitement développé par la société Gerte, à partir de travaux de la société espagnole RSU, repose sur la thermolyse des déchets broyés à 500 °C et sous vide partiel de 100 millibars. La décomposition thermolytique engendre un mélange gazeux qui traverse une colonne de lavage à l'eau sodée à 50 °C, retenant ainsi les éléments S et Cl (élimination des PCDD et PCDF), tandis que les hydrocarbures condensés sont décantés et stockés en vue d'une valorisation énergétique. Les eaux de neutralisation de la colonne passeront avant rejet sur un filtre à charbon. Les produits solides, charbons, métaux et verres, sont également récupérés en recyclage, mais les cendres de combustion seront bloquées dans un coulis de ciment avant mise en décharge.

Le traitement pyrolytique est censé convenir aux déchets de toute nature, ménagers, hospitaliers, vétérinaires, industriels et toxiques, mais vraisemblablement en production importante (figure 4) (P. Chaussonet, G. Surier, Sté Gerte, revue GU octobre 1990).

Électro-brûlage

Parmi les procédés thermiques qui se distinguent de l'incinération classique, il faut mentionner la destruction par électro-brûleur. EDF travaille depuis 1987 à la mise au point de ce système, qui atteint de très hautes températures (concurrent de la torche à plasma Aérospatiale-CNIM) et qui est basé sur des brevets Stein-Heurtey et Bertin. Moins onéreux que la torche à plasma, mais aussi moins performant, le prototype est en cours de test à Marseille (coût : 800 F/t).

Il est de fait qu’aujourd’hui la nature « silencieuse » et implacable de l'épidémie de Sida, au temps d’un certain flottement dans l’hygiène publique face aux problèmes des DH, se prête aux amalgames de déduction catastrophique. Mais l’orientation vers une collecte rationnelle de ces DH sur tout le territoire et une destruction systématique en centre collectif doit pouvoir en dédramatiser l'impact social.

[Encart : L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES présente ses vœux de bonne année à ses lecteurs et, avec une attention particulière, à ses auteurs et annonceurs qui lui apportent leur précieuse collaboration.]
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