Mehrdad SHAMSHIRSAZGuinard - KSB
Lors de l'exploitation des pompes à hélices, l’expérience a montré qu'il existait des conditions d'utilisation pouvant conduire à l'entraînement de matières solides à fibres longues, telles que les herbes, les feuilles et les bandes plastiques qui s'accrochent à l’arête avant des aubes, ce qui peut provoquer une augmentation inadmissible de la puissance d'entraînement et même, occasionner l'arrêt d'une station de pompage.
Après avoir étudié les paramètres en cause, nous présentons une aube d’hélice mise au point en collaboration avec Jan Bernauer* et Mathias Stark**, qui remédie à ces inconvénients et dont l'efficacité a été démontrée au cours d’essais expérimentaux et dans l’utilisation pratique.
Les pompes centrifuges axiales (pompes à hélice) sont principalement affectées au pompage de débits relativement élevés, à des hauteurs de refoulement ne dépassant pas 10 m, et leur vitesse spécifique correspond à des valeurs caractéristiques de nₙ > 150 à 400 tr/mn. Les matériels de cette nature, utilisés aujourd’hui avec de grandes vitesses périphériques, de bons rendements et également de faibles NPSH, peuvent être exploités sans problèmes, à condition toutefois que les fluides véhiculés soient peu chargés et que les pompes puissent être protégées contre les perturbations risquant de provoquer des encrassements susceptibles — selon leur nature — d'influencer considérablement leur comportement en service. Nous examinerons ci-après une solution qui permet, grâce à une construction spéciale de l’aube, de maîtriser ces phénomènes.
Les problèmes rencontrés
Les conditions précitées se rencontrent essentiellement en matière de pompage d’eaux de surface, qui sont fréquemment chargées en fonction de la fréquence des pluies, de la période de l'année et de la nature de l'installation. Il s'agit en majorité de constituants végétaux d’herbes et de feuilles. Lors de crues récentes, on a pu observer que l'eau était également polluée par des bandes plastiques d’articles d'hygiène.
Les pompes à hélices utilisées sont, soit de modèle à corps tubulaire, soit des groupes submersibles (figure 1) de construction moderne, compactes et faciles à monter dans l’ouvrage. Elles marquent un nouveau pas dans la technique des pompes, en aboutissant à des moteurs tournant à des vitesses rapides avec un faible nombre de pôles, ce qui a permis de mettre au point des aubages axiaux tournant à des vitesses périphériques atteignant 30 m/s. Ces aubages tournant à vitesse rapide sont naturellement plus sensibles à la présence des matières en suspension dans l’eau.
Le problème essentiel réside dans le fait que les matières fibreuses (herbes, bandes plastiques ou similaires) s'accrochent à l’arête d’entrée des aubes de la roue. Lorsqu’elles sont nombreuses, on peut constater, après quelques minutes seulement, une telle modification du profil de l’aube qu’il en résulte une surcharge du moteur et l’arrêt de la pompe.
L’aube de roue (figure 2) d'une pompe à hélice traditionnelle, tournant à vitesse rapide et véhiculant des liquides chargés de matières à fibres longues, capte et retient une grande partie de celles-ci car le rapport entre la vitesse périphérique et la vitesse méridienne de telles pompes est de l’ordre de cinq à six ; une bande d’assez grande longueur peut ainsi être saisie par plusieurs aubes avant d’avoir traversé la roue dans le sens axial. Si l’un des points de contact de la bande se trouve à proximité de son centre de gravité, elle ne peut plus se décrocher de l’arête de l’aube et tourbillonne en permanence.
Pour ne pas perdre les avantages de la pompe à hélice, même dans ces conditions de service difficiles, nous avons tout d’abord étudié en détail les phénomènes provoquant le colmatage de la roue et nous avons ensuite recherché une forme d’aube adéquate.
La solution du problème
Nous avons utilisé pour nos essais une pompe submersible à aubage standard dans laquelle, afin de rendre visible le mécanisme de l’engorgement des aubes, la partie intéressée du corps de pompe a été façonnée en verre acrylique.
*Groupe KSB**Université technique de Berlin
Le débit, la hauteur de refoulement, la puissance d’entraînement ainsi que la vitesse ont été mesurés, et des photographies ont été prises aux différents stades des essais. On a ainsi pu constater que toutes les bandes de matière plastique que nous avons introduites ont été captées dès le début de l’opération.
On a nettement pu voir les bandes se fixer sur l’arête avant du profil, puis s’amasser, surtout du côté « aspiration » des aubes, ce qui a eu pour conséquence d’alourdir et d’épaissir considérablement celles-ci. Il est frappant de constater qu’aucune bande n’a traversé la roue pour passer dans l’aubage du diffuseur.
À l’arête d’entrée de l’aube il se forme ainsi une couche épaisse d’agrégats qui empêche la pompe de fonctionner correctement. Lorsque celle-ci est arrêtée, les bandes restent en place, sans glisser ; même une courte marche en sens inverse ne dégage pas les aubes, car les bandes plastiques recouvrent aussitôt l’arête arrière de l’aube qui, dans ce cas précis, joue le rôle d’arête d’entrée.
La figure 3 montre l’effet de cet engorgement sur la puissance mise en jeu. Dans une station de pompage, l’alimentation de la pompe se serait déjà coupée en raison de la surintensité du courant… Les recherches effectuées montrent que le phénomène de saturation de l’aube dépend de deux influences primordiales : d’une part, la forme de l’aube et le dessin de son arête d’entrée, et d’autre part, la position du point d’engorgement sur l’arête avant du profil.
Plusieurs facteurs tels que sa propre résistance, la force centrifuge et les frottements statiques, qui se traduisent par une force radiale (Fr) et tangentielle (Ft) — dont l’ensemble forme une force résultante F (figure 4) — agissent sur un corps étranger accroché à l’arête d’entrée de l’aube. Si celle-ci satisfait à une condition telle que sa tangente soit égale ou plus fermée, par rapport à la direction périphérique, que celle de la tangente de la force résultante, les matières solides ne peuvent s’accrocher. C’est donc le vecteur de la résultante qui doit déterminer le dessin de l’arête d’entrée d’une aube pour obtenir le résultat recherché ; toutefois, dans ce cas, les matières fibreuses glissent en direction du rayon extérieur, mais sans pour autant quitter l’aube.
Les aubes sont habituellement conçues de manière à ce que le fluide atteigne au point optimum tous leurs profils, de façon hydrodynamique et sans à-coups. Les points d’engorgement des différentes sections de profils (r constant) se trouvent alors à proximité immédiate du point de franchissement de la ligne d’ossature (médiane) située sur le profil ; or, si l’on fait pivoter les profils extérieurs pour obtenir des angles d’attaque plus faibles (par rapport à la direction périphérique), les points d’engorgement de ces sections se déplacent vers le côté aspiration. Les matières à fibres longues glissant vers l’extérieur reçoivent ainsi une impulsion supplémentaire qui les propulse dans le flux.
La nouvelle aube ainsi mise au point (figure 5) a été testée longuement sur banc d’essai, ce qui a permis de constater que le problème posé était parfaitement maîtrisé. Lors de ses premières utilisations pratiques dans des installations d’assèchement de polders fortement chargés d’herbes, des caractéristiques de fonctionnement absolument parfaites et constantes ont pu être atteintes par rapport aux aubages normaux, malgré une eau fortement chargée.
Avec ce nouvel aubage, qui vient de faire l’objet d’une demande de brevet, le domaine d’utilisation des pompes à hélices, englobant le transport de matières solides à fibres longues, a été considérablement élargi et leurs restrictions d’emploi antérieures font maintenant partie du passé.