Nous présentons ci-après deux nouveaux produits destinés au traitement des eaux industrielles et à celui des eaux résiduaires :
- - le POC, copolymérisat d’acroléine et d’acide acrylique, qui associe l'effet bien connu de dispersion des polyanions à bas poids moléculaire à un effet marqué d'inhibition de la cristallisation à l'égard du carbonate de calcium, du sulfate de calcium et d'autres sels de dureté ;
- - le TMT 15, qui en tant qu’agent de précipitation de métaux lourds forme des composés insolubles avec ceux qui sont contenus dans les eaux résiduaires.
LE TRAITEMENT DES EAUX INDUSTRIELLES PAR LE POC
La polymérisation par oxydation d’acroléine (seule ou en mélange avec l’acide acrylique) permet, en présence de peroxyde d’hydrogène, d’obtenir des polymères du type suivant (1) (2) :
HO-[(CH₂-CH)x-(CH₂-CH)y]p/2-OH | | COOH R
avec p = degré moyen de polymérisation
R = –CHO, –CO–O–CH₂–CH₂–COOH, –CH(OH)₂ ou –CH₂–OH
En fonction du rapport de mélange des substances de base, on peut produire des polymères qui diffèrent par leurs groupes fonctionnels différents et leur degré de polymérisation (tableau 1). En raison des groupes oxygénés R, ces polymérisats sont également qualifiés d'acides polyoxycarboxyliques (ou, en abrégé, POC) ; ils peuvent être neutralisés à l'aide d’alcalis pour obtenir les sels correspondants.
À l'égard des particules solides contenues dans l'eau (kaolin, calcaire, hydrate ferrique et substances analogues), ces polymères de POC donnent un effet de dispersion aussi bon que les acides polyacryliques ou autres polyanions de poids moléculaire comparable. En revanche, on note l'efficacité étonnante comme inhibiteurs d’entartrage des POC à bas poids moléculaire présentant un degré moyen de polymérisation compris entre 10 et 20 (figure 1).
Tableau 1
Paramètres structurels de quatre qualités POC
Acide acrylique dans la préparation (%) | x (% mol.) | y (% mol.) | Degré moyen de polymérisation p |
---|---|---|---|
0 | 62 | 38 | 10 |
20 | 69 | 31 | 20 |
50 | 81 | 19 | 60 |
65 | 83 | 7 | 120 |
Par là-même, les POC satisfont à deux exigences qui ne pouvaient jusqu’à présent, en règle générale, être satisfaites que par une combinaison d’au moins deux produits. Ils permettent en effet d’obtenir en une seule action des produits exempts d’azote et de phosphore pour le traitement de l’eau ; les inhibiteurs usuels de corrosion peuvent y être incorporés sans problèmes supplémentaires. Lors de l'établissement de la formule ou lors d'un emploi conjugué avec des biocides, on doit cependant tenir compte du fait que des composés d’ammonium quaternaires à longue chaîne peuvent être incompatibles avec les polyanions.
Les résultats obtenus en laboratoire ont été confirmés dans la pratique et depuis plusieurs années, les POC ainsi que les formules les renfermant sont utilisés avec succès comme agents anti-dépôts dans les tours
frigorifiques, installations de climatisation et systèmes à eau industrielle. En l’occurrence, ces polymères ne se bornent pas à stabiliser le carbonate de calcium, ils peuvent également être utilisés pour la stabilisation du sulfate et de l’oxalate de calcium, de l’hydrate ferrique et autres sels métalliques. En conséquence, leurs domaines d’application vont de l’eau de refroidissement — en passant par la déminéralisation de l’eau de mer — du secteur de la fabrication du sucre et du papier à la stabilisation des eaux de puits renfermant des sels de fer.
Chaque fois que des solutions aqueuses de sels métalliques ont tendance à se cristalliser en raison d’influences extérieures telles qu’élévation de la température, décalage du pH, modification du degré d’oxydation du métal, concentration, etc. et que les dépôts de sels ainsi constitués peuvent occasionner des perturbations, il paraît avantageux d’étudier l’emploi de ces polymères. Utilisée depuis plus de dix ans, cette catégorie de produit s’implante en permanence dans de nouveaux domaines.
On peut dire en résumé que l’emploi du POC permet, en stabilisant les solutions sursaturées, et en modifiant la structure cristalline de leurs sels, de traiter efficacement une eau industrielle sans accroître la teneur en phosphore ou en azote des eaux résiduaires. Une dose de 3 à 10 ppm de POC permet ainsi dans une large mesure d’éviter les dépôts dans les installations utilisant les eaux industrielles.
LA SÉPARATION DE MÉTAUX LOURDS DANS LES EAUX RÉSIDUAIRES : LE TMT 15
Le terme TMT désigne une solution aqueuse à 15 % de la substance active trimercapto-s-triazine (C3H3N3S3) présentée sous forme de sel de sodium ; sa densité est d’environ 1,12 g/cm3 et sa valeur de pH est de l’ordre de 12,5.
Le TMT 15 forme avec des ions de métaux lourds tels que cuivre, nickel, mercure, argent, cadmium, plomb, etc. présents dans une solution aqueuse des composés difficilement solubles, et il permet d’éliminer par précipitation ces métaux même à partir de composés complexes. Les produits de précipitation donnent des composés organométalliques présentant la structure suivante :
S—C=N N—C—S \ S—Me—S—C N=C—S (Me = ion métallique bivalent)
Il s’agit de molécules relativement grosses, et il en résulte que les précipitations de métaux/TMT donnent un bon floc bien filtrable et très stable ; les molécules correspondantes ne sont pas attaquées par les acides dilués et présentent une résistance élevée à la température.
Précisons par ailleurs que le TMT 15 ne correspond pas à un produit dangereux dans le classement de la réglementation sur les transports et que son emploi n’est pas nuisible à l’environnement [dans l’essai sur les carassins dorés (DEVL 15), on obtient un taux de survie de 100 % de l’espèce, même dans le cas d’un surdosage — improbable — de 12 l de TMT 15 par m3 d’eau résiduaire].
Ses domaines d’application
Depuis de nombreuses années, le TMT 15 donne d’excellents résultats dans le recyclage de solutions renfermant du cuivre, du cadmium, de l’argent, du mercure, du plomb et du nickel et des eaux résiduaires de la galvanotechnique, de l’industrie électronique, du laquage électrique par immersion dans l’industrie des véhicules automobiles, dans le traitement des solutions et eaux résiduaires des industries chimique et photochimique, dans les installations centrales de détoxication ainsi que, depuis peu, dans l’épuration des eaux de lavage des gaz de fumées produites par l’incinération des déchets.
On utilise aussi des complexants organiques ou inorganiques dans de nombreux procédés de traitement par voie humide de surfaces métalliques. Ils empêchent par exemple les précipitations de calcaire en liant les agents de dureté de l’eau, ou bien ils évitent et éliminent les couches d’oxydation sur les métaux. Leur principal effet est de dissoudre les métaux ou les composés métalliques et de les maintenir en solution. Les complexants organiques comprennent en particulier les polyalcanolamines (par exemple triéthanolamine), polyamines (par exemple éthylènediamine), les acides polyamino-polycarboxyliques (par exemple EDTA, NTA) et les acides polyhydroxy-polycarboxyliques (par exemple acide tartrique, acide gluconique) ; les complexants inorganiques englobent les cyanures, les phosphates condensés, l’ammoniaque et les thiosulfates. Ces produits sont utilisés essentiellement dans les bains de métallisation (galvaniques ou sans courant), dans les préparations de décapage, dans les bains de dégraissage et de nettoyage, dans les solutions de rongeage et de démétallisation ainsi que dans les bains photographiques. Leur emploi aboutit fatalement au maintien en solution dans les eaux résiduaires d’ions de métaux lourds qui sont liés par les complexants. Si ceux-ci ne sont pas détruits ou si leur fonction n’est pas éliminée lors du traitement des eaux résiduaires, les complexes stables aboutissent dans les cours d’eau où ils sont détruits par des réactions de dégradation de longue durée, en dégageant des ions métalliques qui présentent un effet très toxique à l’égard des poissons et des organismes vivants inférieurs (tableau 2). Ces eaux résiduaires doivent donc être traitées pour ramener leur teneur en métaux lourds jusqu’aux concentrations résiduelles admissibles.
Les méthodes usuelles comportent une neutralisation à la lessive de soude caustique, au carbonate de
Tableau 2Rapport de nocivité de différentes substances toxiques renfermées dans les eaux résiduaires de galvanisation, par rapport à KCN = 1 (d’après R. Weiner)
Substance | poissons | daphnies | coli-bacilles | |
---|---|---|---|---|
KCN | CN⁻ | 1,0 | 1,0 | 1,0 |
KOCN | OCN⁻ | 0,0013 | 0,14 | 1,6 |
K₃Cu(CN)₄ | CN⁻ | 0,1 | 6,25 | 0,2 |
K₂Ni(CN)₄ | CN⁻ | 0,003 | 0,37 | 0,8 |
K₂Zn(CN)₄ | CN⁻ | 0,3 | 0,7 | 0,1 |
K₂Ca(CN)₄ | CN⁻ | 0,15 | 10,0 | 2,0 |
CuSO₄ | Cu²⁺ | 0,37 | 125,0 | 2,0 |
NiSO₄ | Ni²⁺ | 0,002 | 0,97 | 2,5 |
ZnSO₄ | Zn²⁺ | 0,007 | 0,42 | 2,5 |
CdSO₄ | Cd²⁺ | 0,004 | 10,0 | 1,0 |
K₂Cr(SO₄)₂ | Cr³⁺ | 0,001 | 0,125 | 5,0 |
K₂CrO₄ | CrO₄²⁻ | 0,0003 | 2,0 | 3,0 |
Sodium ou au lait de chaux : il se forme alors des hydroxydes ou carbonates métalliques difficilement solubles qui doivent être éliminés par sédimentation ou par filtration.
Si les composés métalliques tels que ceux au cyanure de cuivre ou au thiosulfate d’argent sont susceptibles de destruction par oxydation avec des composés de peroxyde ou avec l’hypochlorite, il faut observer que cette méthode est inefficace à l’égard de nombreux autres composés métalliques et que d’autres procédés utilisés, tels que la précipitation de sulfures avec l’acide sulfhydrique ou le sulfure de sodium, présentent l’inconvénient d’être fortement toxiques et de dégager une odeur nauséabonde. En outre, les flocons colloïdaux de sulfures métalliques ainsi obtenus sont difficilement déshydratables.
Le TMT 15 offre la possibilité d’éviter ces inconvénients : il n’est pas toxique, n’affecte pas la faune aquatique, et son emploi ne conduit pas au dégagement d’odeurs désagréables. En outre, par addition d’adjuvants de floculation, il fournit de gros flocons facilement filtrables et déshydratables tout en évitant la formation de dépôts.
L’opération peut s’effectuer soit dans un bassin de décantation soit en continu (par exemple pour neutraliser les eaux résiduaires provenant des ateliers de galvanoplastie).
Exemple d’incinération du procédé
Lors de l’incinération des déchets les fumées contiennent, outre des gaz acides, des composés métalliques volatils ainsi que des cendres volantes qui sont le plus souvent éliminés par lavage. L’eau de lavage est ensuite neutralisée et, en l’occurrence, les métaux dissous — à l’exception du mercure — se précipitent en majeure partie sous forme de boues d’hydroxydes. Habituellement séparées par sédimentation ou filtration, celles-ci sont déposées dans des décharges spéciales, alors qu’elles renferment encore des concentrations élevées en mercure, lequel, sous cette forme, présente comme les métaux lourds, un danger pour l’environnement.
Or, un procédé combiné recourant au lait de chaux et au TMT 15 permet d’éviter les dangers dus à la présence du mercure, comme des autres métaux lourds (tels que le cadmium et le nickel), dans ces eaux de lavage. On neutralise tout d’abord, de la façon usuelle, l’eau de lavage acide au lait de chaux et on ajoute ensuite une dose appropriée de TMT 15 (en pratique 50 ml par m³). Il se forme un mélange d’hydroxydes métalliques et de composés métaux/TMT, de telle sorte qu’une grande partie des substances polluantes est déjà précipitée par le lait de chaux, et que seule la quantité résiduelle restant dans la solution est précipitée par le TMT 15 sous forme de flocons de boue.
La boue retirée du bassin de décantation présente des concentrations élevées en métaux lourds et doit être évacuée dans une décharge spéciale. On procède souvent à une déshydratation préalable ; des études effectuées sur la composition des eaux résiduaires provenant de cette opération ont montré qu’une grande partie des cations et anions s’y trouvaient en dessous de la limite de détectabilité, et que notamment la teneur en mercure y était bien inférieure à la limite admissible.
Par ailleurs, des expériences portant sur la dégradation des boues déposées dans ces décharges ont fait ressortir qu’il n’y avait pas lieu de craindre la dissolution des métaux lourds par les eaux de pluie.
Ces métaux, en particulier l’argent, peuvent aussi être récupérés par traitement thermique dans les boues déshydratées, où leur teneur peut atteindre 10 %.
BIBLIOGRAPHIE
1) K.-H. Rink, fascicule de brevet allemand 1 071 339.
2) H. Haschke, fascicule de brevet allemand 1 904 941.