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De nouveaux outils de dosage du PO4 3- et de la DBO dans les eaux résiduaires urbaines ?

30 novembre 2011 Paru dans le N°346 à la page 143 ( mots)
Rédigé par : V. ROCHER, C. PAFFONI, A. GONCALVES et 4 autres personnes

La Direction du Développement et de la Prospective du SIAAP a testé deux nouvelles méthodes de mesure rapide des phosphates (Enalyse-P®) et de la Demande Biochimique en Oxygène (Enverdi®) qui, de par leur simplicité, leur rapidité et leur coût limité, pourraient intégrer la boîte à outils des services techniques en charge du suivi des stations d'épuration. Nos résultats ont montré que ces deux méthodes de dosage rapide semblent être suffisamment performantes pour être utilisées pour des effluents de sortie de station d'épuration faiblement concentrés en phosphates (0,1- 0,5 mg P-PO4 3-.l-1) et en DBO (10-20 mg O2.l-1).

Ces 20 dernières années, la réglementation concernant le traitement des eaux usées et la qualité des eaux rejetées dans le milieu naturel a fortement évolué. Dès 1991, l’application de la Directive européenne sur la collecte, le traitement et le rejet des eaux résiduaires a conduit les États membres de l'Union européenne à définir des zones sensibles à l’eutrophisation dans lesquelles les rejets de phosphore et d’azote devaient être réduits. Plus récemment, la Directive-cadre sur l'Eau a imposé aux États membres de l'Union européenne de restaurer le bon état écologique et chimique des masses d'eau superficielles dans un délai de 15 ans. Le bon état physico-chimique a été défini et des concentrations à ne pas dépasser dans les eaux superficielles ont été fixées pour les paramètres physiques (oxygène, température) et les nutriments (carbone, azote, phosphore).

Cet accroissement des exigences réglementaires a conduit les collectivités en charge du traitement des eaux résiduaires urbaines à moderniser leurs usines afin de disposer de filières de traitement capables d’éliminer de manière efficace le carbone, l’azote et le phosphore des eaux usées. Ces installations de traitement modernes doivent permettre à court terme de satisfaire les obligations réglementaires, c’est-à-dire d’atteindre les normes de qualité environnementales définies pour nos masses d'eau superficielles. Cependant, atteindre ces objectifs dans le milieu naturel suppose que l’on soit capable de maintenir une qualité de traitement constante en toutes circonstances, c’est-à-dire quels que soient les débits et les charges en polluants acceptés sur les ouvrages de traitement.

La question du pilotage et de la surveillance du fonctionnement des usines de traitement est donc aujourd'hui centrale. Assurer le maintien de performances épuratoires élevées tout au long du traitement des eaux suppose que l'exploitant dispose d'outils de suivi des polluants fiables ; les informations apportées par ces outils permettant de contrôler le fonctionnement des ouvrages et d’éventuellement agir sur

(96 puits).

Les conditions d’exploitation (dosage des réactifs, notamment). Ainsi, les ouvrages de traitement physico-chimique sont généralement équipés d’analyseurs « phosphates » et/ou de turbidimètres tandis que les unités de traitement biologique sont équipées de systèmes permettant de mesurer en continu les concentrations en azote (sondes NOx, analyseurs NH₄⁺). En complément de ces outils de mesure en continu, les équipes d’exploitation disposent généralement d'outils de mesure qui leur permettent de doser rapidement les concentrations en nutriments dans les effluents transitant dans la file de traitement. L’utilisation de ces kits de mesure, proposés par les principales sociétés de l'industrie chimique, permet d’apporter des informations rapides sur la qualité des effluents. Cette capacité à obtenir une information rapide et fiable sur la qualité des effluents est essentielle pour maintenir une conduite d'ouvrage réactive.

Dans ce contexte, la Direction du Développement et de la Prospective du SIAAP a testé des nouvelles méthodes de mesure rapide des nutriments qui, de par leur simplicité, leur rapidité et leur coût limité, pourraient intégrer la boîte à outils des services techniques en charge du suivi des stations d’épuration. Plus précisément, il s'agit de deux méthodes de mesure rapide des phosphates (PO₄³⁻) et de la demande biochimique en oxygène (DBO). Notre travail a consisté à adapter les modes opératoires à la matrice « eaux résiduaires urbaines » et surtout à vérifier que ces méthodes de mesure sont suffisamment performantes pour être utilisées dans le domaine du traitement des eaux usées. Plus précisément, il est nécessaire de vérifier que ces outils permettent de mesurer les PO₄³⁻ et la DBO dans nos effluents de sortie de station d’épuration dans lesquels les concentrations sont respectivement de l’ordre de 0,1-0,5 mg P·l⁻¹ et 10-20 mg O₂·l⁻¹.

Méthode d’analyse rapide des phosphates

Présentation du dispositif de dosage

Principe théorique

Le principe de la mesure est issu de la synthèse de nombreux travaux scientifiques sur le dosage du phosphate par la méthode au Vert de Malachite dans des matrices variées (Attin et al., 2005, Bernal et al., 2005, Juan et al. 2011, Geladopoulos et al. 1991, Hojin et al. 2009, Singh et Dwivedi, 2003, Zhu et al. 2009). Cette méthode, plus sensible que celle de la norme ISO EN ISO 6878, a été adaptée et optimisée par la société Envolure pour l’analyse en microplaque du phosphate dans les eaux usées et les eaux de surface. En milieu acide, les phosphates réagissent avec le molybdate d’ammonium pour former un complexe qui réagit ensuite avec le vert de Malachite pour donner un composé coloré. Un surfactant est ajouté pour accélérer et fixer la réaction chimique. La coloration obtenue est directement proportionnelle à la concentration en phosphates. L’absorbance de la solution est mesurée à une longueur d’onde de 600 nm.

Matériel et mode opératoire

L’originalité de cette nouvelle méthode (Enalyse-P®, Envolure) réside dans l'utilisation du format microplaque « 96 puits » classiquement employé dans le domaine biomédical. Le mode opératoire consiste à injecter 40 µl d'un réactif composé de molybdate d’ammonium en milieu acide, 200 µl de l’effluent à doser, et enfin 40 µl d’un second réactif composé de Vert de Malachite et d’un surfactant. La lecture de l'absorbance se fait à 600 nm après une période de 30 minutes d'incubation à température ambiante. Parallèlement aux échantillons d’effluents, 6 solutions étalons de concentrations comprises entre 0,01 et 1 mg PO₄³⁻·l⁻¹ – soit 0,003 à 0,3 mg P-PO₄³⁻·l⁻¹ – sont traitées selon le même mode opératoire. Cette droite d’étalonnage permet de déterminer les concentrations en phosphates dans les échantillons injectés dans les puits.

Tests de validation du dispositif de mesure

Descriptif de la procédure de validation

Types d’effluents testés.

La validation a été réalisée en utilisant des effluents de station d’épuration plus ou moins traités (eaux traitées biologiquement et rejets), dont les concentrations en PO₄³⁻ sont d’environ 0,1-0,5 mg P-PO₄³⁻·l⁻¹, et des eaux de surface (Seine en aval de Paris) dont les niveaux de concentrations en PO₄³⁻ sont d’environ 0,03-0,1 mg P-PO₄³⁻·l⁻¹.

Analyses réalisées.

Les échantillons provenant des stations d’épuration et du milieu naturel ont systématiquement été transmis, sous un délai de cinq heures, aux équipes en charge de l'analyse rapide par kits et au laboratoire d’analyse de la Direction du Développement et de la Prospective du SIAAP (accréditation COFRAC, depuis 2003). Au sein de ce laboratoire d’analyse, la concentration en orthophosphates a été déterminée par dosage spectrophotométrique au molybdate d’ammonium (NF EN ISO 6878 – limite de quantification de 0,1 mg P·l⁻¹) ou par chromatographie ionique en phase liquide (NF EN ISO 10304-1 – limite de quantification de 0,01 mg P·l⁻¹) selon le niveau de concentration en phosphates de l’échantillon. La valeur fournie par le laboratoire d’analyse a constitué notre valeur de référence, utilisée pour évaluer la justesse du kit de mesure rapide. Le dosage des phosphates par la méthode rapide par kits a systématiquement été tripliqué, pour juger de la répétabilité du dosage par kits.

Évaluation de la justesse du kit de mesure

La figure 2 permet de comparer les valeurs données par les kits de mesure rapide

[Photo : Figure 1 : (a) dispositif de mesure rapide des phosphates et (b) support de lecture par microplaque]
[Photo : Figure 2 : comparaison des concentrations en phosphates mesurées par méthode rapide et par analyse normalisée (laboratoire COFRAC) dans des effluents de STEP et des eaux de surface (moyennes des triplicats) et nos valeurs de référence obtenues par l'utilisation des méthodes normalisées pour un ensemble d'échantillons d'effluents de STEP (rejets, effluents nitrifiés/dénitrifiés) et d'eau de surface couvrant une gamme de concentrations de 0,01-0,5 mg P.L⁻¹.]

La figure 2a montre clairement que les valeurs kits restent très proches des valeurs de référence sur l'ensemble de la gamme de concentrations considérée et pour les deux types de matrice étudiés. L'écart entre la valeur kit et la valeur de référence ne dépasse que très rarement les + 20 % et aucune tendance à la sous ou la surestimation des concentrations par la méthode rapide n’a été mise en évidence. La figure 2b, qui présente l’évolution de l’écart relatif à la valeur de référence en fonction du niveau de concentrations en phosphates mesuré dans l'effluent, confirme les bonnes performances des kits de mesure rapide. On note même que l’écart relatif est le plus souvent inférieur à l'incertitude calculée pour notre valeur de référence (zone rose sur la figure 2b).

La comparaison de ces deux méthodes d’analyse de mesure à l'aide de tests statistiques confirme les observations faites à partir des graphiques. En effet, le test bilatéral de Wilcoxon, utilisé dans la mesure où les deux échantillons testés sont appariés et ne suivent pas une distribution normale (XL-Stat® – Test de Shapiro-Wilk – α = 0,05), confirme que les résultats des mesures faites par les deux méthodes ne sont pas différents (XL-Stat® – Test de Wilcoxon – α = 0,05).

Évaluation de la répétabilité du kit de mesure

Sur l'ensemble des échantillons testés dans le cadre de cette étude, le dosage des phosphates par la méthode rapide par kits a systématiquement été tripliqué. La figure 3 présente les trois concentrations mesurées pour les 32 échantillons testés et associe pour chaque échantillon un coefficient de variation calculé sur la base des trois réplicats.

[Photo : Figure 3 : concentrations en phosphates mesurées par méthode rapide sur les 32 échantillons testés.]

La figure 3 permet d’apprécier la répétabilité des dosages rapides par kits. Pour la quasi-totalité des échantillons testés, la variation des concentrations des réplicats a été faible, ne dépassant que très rarement les 30 %.

Bilan sur le dispositif de mesure

Nos résultats ont montré que cette méthode de dosage rapide semble être performante et adaptée aux eaux résiduaires urbaines. Cet outil pourrait être utilisé pour doser les phosphates dans des effluents de sortie de station d’épuration faiblement concentrés en phosphates. Le caractère répétable des dosages par kits nous incite également à penser que dans le cas d’une utilisation de routine la réalisation de triplicats n’est pas indispensable. Enfin, si ce kit de mesure a été développé en vue d’être utilisé sur des effluents faiblement concentrés, les quelques tests concluants effectués sur les eaux brutes ([PO₄³⁻] = 24 mg P.L⁻¹) nous ont rassurés sur la capacité de ce dispositif à fournir des résultats fiables pour des concentrations supérieures à la gamme 0-0,5 mg P.L⁻¹.

Méthode d’analyse rapide de la DBO

Présentation du dispositif de dosage

Principe théorique

Rappels sur le catabolisme énergétique.

Le processus de création d’énergie à partir de l’oxydation des substrats carbonés peut être schématisé en trois étapes. La première étape consiste en la fragmentation des grosses molécules en unités plus petites. Ainsi, les protéines sont hydrolysées en leurs 20 acides aminés constitutifs, les polysaccharides en oses simples tels que le glucose et les graisses en glycérol et acide gras. Cette étape est strictement préparatoire et aucune énergie n’est formée lors de cette phase. La deuxième étape consiste en la dégradation des nombreuses petites molécules en un très petit nombre d’unités simples qui jouent un rôle central dans le métabolisme. En fait, la plupart d’entre elles (sucres, acides gras, amino-acides, etc.) sont converties en unités acétyle de l’acétyl-coenzyme A. De l’Adénosine Tri-Phosphate (ATP) est créé lors de cette étape mais en quantité très faible. Enfin, la dernière étape permettra la production d’ATP à partir de l’oxydation complète de l’unité acétyle de l’acétyl-coenzyme A. Cette étape est celle

[Photo : vue d'ensemble du cycle de l'acide citrique (Stryer et al., 2003).]

qui combine le cycle de l’acide citrique et la phosphorylation oxydative.

Le cycle de l’acide citrique, aussi nommé cycle de Krebs, est la voie commune terminale d’oxydation des molécules énergétiques : acides aminés, acides gras et glucides. La plupart de ces dernières entrent dans le cycle sous forme d’acétyl-coenzyme A. La structure d’ensemble du cycle est présentée par la figure 4. Un composé à 4 carbones (oxaloacétate) se condense avec une unité acétyle à 2 carbones pour donner un acide tricarboxylique à 6 carbones (citrate). Un isomère du citrate est ensuite décarboxylé par voie oxydative. Le composé à 5 carbones qui en résulte (α-cétoglutarate) est lui aussi décarboxylé par voie oxydative pour donner un composé à 4 carbones (succinate). L’oxaloacétate est ensuite régénéré à partir du succinate. Deux carbones entrent dans le cycle sous forme d’unités acétyles et 2 carbones quittent le cycle sous forme de 2 molécules de CO₂. Trois ions hydrure sont transférés à 3 molécules de nicotinamide adénine dinucléotide (NAD⁺), tandis qu’une paire d’atomes d’hydrogène est transférée à une molécule de flavine adénine dinucléotide (FAD) (Stryer et al., 2003). La fonction du cycle de l’acide citrique est de récolter des électrons à partir des carbones des molécules énergétiques.

Le cycle de l’acide citrique ne crée pas une grande quantité d’ATP. En fait, il prend des électrons à l’acétyl-coenzyme A et les utilise pour former du NADH et du FADH₂. Pendant la phosphorylation oxydative, les électrons libérés lors de la réoxydation du NADH et du FADH₂ passent à travers un ensemble de protéines membranaires (chaîne de transport des électrons) pour créer un gradient de protons de part et d’autre de la membrane. Ces protons s’écoulent alors à travers l’ATP-synthase pour créer de l’ATP à partir de l’ADP et du phosphate inorganique (Stryer et al., 2003). À la fin de la chaîne de transport des électrons, l’oxygène est l’accepteur d’électron nécessaire à la régénération du NAD⁺ et du FAD.

Principe d’action du kit de mesure rapide

Le principe du kit de mesure rapide est fondé sur le piégeage des électrons libérés lors de la réoxydation du NADH en utilisant un réactif fluorescent. Ce réactif fluorescent, non toxique et perméable aux membranes cellulaires, contient une molécule dont la partie active, le fluorophore, est un dérivé de la résazurine. La partie inactive contient des groupements fonctionnels participant à la solubilité et à la stabilité de la molécule. La résazurine, de couleur bleue et non fluorescente, peut être réduite en résorufine, de couleur rouge vif et fluorescente sous l’influence d’une longueur d’onde de 560 nm pour une émission à 600 nm (figure 5). La quantité de fluorescence sera donc proportionnelle à la quantité de matière organique dégradée par les cellules. Les détails concernant les mécanismes d’action impliqués dans ce dosage rapide de la DBO sont apportés dans Dudal et al. (2006).

Matériel et mode opératoire

Cette nouvelle méthode de mesure rapide (Enverdi® – Envolure) utilise aussi le format microplaque « 96 puits » classiquement employé pour des applications biomédicales. Le mode opératoire proposé par les équipes technico-scientifiques de la société Envolure a été validé et adapté à nos eaux résiduaires urbaines.

Préparation de la microplaque.

Le mode opératoire consiste à injecter dans les puits 90 µl d’un réactif composé d’une molécule dont la partie active est la résazurine (figure 5). Cette molécule baigne dans une solution tamponnée de phosphates qui vise à stabiliser le pH à 7,2. La composition de la solution tampon est identique à celle utilisée lors de la mesure standardisée de la DBO à 5 jours (KH₂PO₄, K₂HPO₄, NaHPO₄, NH₄Cl). Un volume de 90 µl de l’échantillon à doser est ensuite ajouté dans le puits. Enfin, le puits est inoculé avec un volume de 90 µl d’une solution riche en micro-organismes bactériens. Les tests réalisés dans le cadre de cette étude ont permis de conclure qu’une eau brute de réseau d’assainissement, non filtrée et diluée au 50ᵉ, constituait un inoculum efficace. Ce niveau de dilution est suf-

[Photo : principe théorique d’action du kit de mesure rapide de la DBO.]
[Photo : Figure 6 : (a) dispositif de mesure rapide de la DBO et (b) support de lecture par microplaque (96 puits).]

faisant pour limiter l'apport de matière organique biodégradable dans le puits mais pas excessif, ce qui permet d’apporter la charge microbienne indispensable à l'installation rapide d’une activité bactérienne. Parallèlement aux échantillons d’effluents, des solutions étalons composées d’acide glutamique et de glucose et de concentrations en DBO connues sont traitées selon le même mode opératoire. Ces solutions permettront de tracer la courbe d’étalonnage utilisée pour estimer la concentration en DBO des échantillons injectés dans les puits. Les tests réalisés dans le cadre de cette étude ont permis de conclure qu'une gamme d’étalonnage comprise entre 0 et 45 mg O₂ l⁻¹ permettait l’obtention de résultats satisfaisants (7 solutions de concentrations croissantes) ; l'utilisation d'une plus large gamme de concentrations induisant une diminution de la qualité de la régression mathématique et, par conséquent, une dégradation de la justesse des concentrations estimées. Le dosage de la DBO sur des échantillons plus concentrés en DBO nécessitera donc une étape préalable de dilution. Des tests préalables ont montré que les échantillons pouvaient être dilués avec de l'eau distillée.

Suivi de la fluorescence.

La microplaque ainsi préparée est placée au sein de la cellule de lecture qui est maintenue à une température de 30 °C, soit une température plus élevée que celle employée lors du dosage de la DBO à 5 jours. Une lecture de la fluorescence émise à 600 nm, après excitation à 560 nm, est alors réalisée toutes les 30 minutes dans chaque puits (figure 6).

Lecture et traitement des résultats.

La fluorescence émise en continu dans chaque puits ne peut pas être traduite immédiatement en DBO. Il faut, en effet, un certain temps avant que la courbe d’étalonnage construite sur la base des fluorescences émises lors de la consommation des solutions étalons soit utilisable. La figure 7, qui présente les fluorescences mesurées pour les 7 puits étalons à différents temps dans le cas d'une de nos expérimentations, illustre ce phénomène. On note que, durant les 5 premières heures, l’activité biologique n’a pas induit la fluorescence suffisante pour que la courbe de régression soit exploitable. Après 10 heures d’activité biologique, la courbe d’étalonnage se dessine très nettement et le coefficient de détermination dépasse 0,90. La poursuite de l’activité biologique pendant les 10 heures suivantes permet un affinage de la courbe de régression dont le coefficient de détermination atteint alors 0,99.

Ce type d’évolution de la courbe d’étalonnage dans le temps a systématiquement été observé pour l'ensemble des expérimentations menées dans le cadre de cette étude. Ainsi, nous avons pu tracer pour l’ensemble des expérimentations l’évolution des coefficients de détermination des courbes d’étalonnage en fonction du temps d’incubation (figure 8).

La figure 8 confirme le caractère inexplorable de la courbe d’étalonnage les 10 premières heures, et cela quelle que soit l'expérimentation. Le délai au bout duquel les

[Photo : Figure 7 : évolution des fluorescences cumulées entre la 1ʳᵉ et la 20ᵉ heure d'incubation dans les puits remplis de solutions étalons ([DBO] comprises entre 0 et 45 mg O₂ l⁻¹).]
[Photo : Figure 8 : évolution des coefficients de détermination (r²) de la courbe d’étalonnage au cours de l’incubation de la microplaque (n = 9). Les différentes couleurs des courbes correspondent aux différentes expérimentations réalisées lors de cette étude (n = 9).]

Les courbes d’étalonnage présentent un coefficient de détermination correct à partir de 15 heures. Ainsi, la lecture de la concentration peut être réalisée après une période d’incubation de 15 heures. Cependant, il est apparu au cours de quelques expérimentations que cette période de 15 heures pouvait ne pas être suffisante ; la détermination de la concentration à partir d'une courbe d’étalonnage non stabilisée conduisant à une surestimation sensible de la concentration en DBO. Ainsi, pour éviter ce biais analytique, nous préconisons de vérifier le caractère exploitable de la courbe d’étalonnage au moment de la lecture en s’assurant que le r² est supérieur à 0,98 et en utilisant systématiquement un point de contrôle (solution étalon de concentration connue ajoutée sur la microplaque mais non utilisée pour construire la courbe d’étalonnage).

Tests de validation du dispositif de mesure

Descriptif de la procédure de validation

Types d’effluents testés. La validation a été réalisée en utilisant des effluents de station d’épuration plus ou moins traités (eaux brutes, eaux décantées, eaux traitées biologiquement et rejets), dont les concentrations en DBO varient entre 10 et 300 mg O₂/l, et des eaux de surface (Seine en aval de Paris) dont les niveaux de concentrations en DBO sont de 1-3 mg O₂/l.

Analyses réalisées. Les échantillons provenant des stations d’épuration et du milieu naturel ont systématiquement été transmis, sous un délai de cinq heures, aux équipes en charge de l'analyse rapide par kits et au laboratoire d’analyse de la Direction du Développement et de la Prospective du SIAAP (accréditation COFRAC, depuis 2003). Au sein de ce laboratoire d’analyse, la concentration en DBO a été déterminée selon la norme NF EN 1899-1 sur les échantillons non dilués dans le cas des eaux de surface et des eaux de rejet et sur les échantillons dilués dans les cas des eaux brutes et partiellement traitées. La valeur fournie par le laboratoire d’analyse a constitué notre valeur de référence, utilisée pour évaluer la justesse du kit de mesure rapide. Le dosage des DBO par la méthode rapide par kits a dans la plupart des cas été tripliqué, pour juger de la répétabilité du dosage par kits.

Évaluation de la justesse du kit de mesure

La figure 9 permet de comparer les valeurs données par les kits de mesure rapide et nos valeurs de référence obtenues par l'utilisation des méthodes normalisées pour un ensemble d’échantillons d’effluents.

[Photo : Figure 9 : comparaison des concentrations en DBO mesurées par méthode rapide et par analyse normalisée (laboratoire COFRAC) dans des effluents de STEP et des eaux de surface.]
[Photo : Figure 10 : concentrations en DBO mesurées par méthode rapide sur les 30 échantillons testés.]

STEP et d’eau de surface couvrant une gamme de concentrations allant de 2 à 300 mg O₂·l⁻¹.

La figure 9a montre que, pour la gamme de concentrations étudiée, les valeurs kits restent relativement proches des valeurs de référence. Pour la majorité des points, les écarts entre la valeur kit et la valeur de référence ne dépassent pas 30 % (figure 9a - zone délimitée par les deux droites rouges). La figure 9b, qui présente l’évolution de l’écart relatif à la valeur de référence en fonction du niveau de concentrations en DBO mesuré dans l’effluent, confirme les bonnes performances des kits de mesure rapide. On note même que, pour la plupart des échantillons, l’écart relatif est inférieur à l’incertitude calculée pour notre valeur de référence (zone rose sur la figure 9b). La comparaison de ces deux méthodes d’analyse à l'aide de tests statistiques confirme les observations faites à partir des graphiques. En effet, le test bilatéral de Wilcoxon, utilisé dans la mesure où les deux échantillons testés sont appariés et ne suivent pas une distribution normale (XL-Stat® - Test de Shapiro-Wilk - α = 0,05), confirme que les résultats des mesures faites par les deux méthodes ne sont pas différents (XL-Stat® - Test de Wilcoxon - α = 0,05).

Évaluation de la répétabilité du kit

Pour la plupart des échantillons testés dans le cadre de cette étude, le dosage de la DBO par la méthode rapide par kits a été triplé. La figure 10 présente les trois concentrations mesurées pour les 30 échantillons testés et associe pour chaque échantillon un coefficient de variation calculé sur la base des trois réplicats.

La figure 10 permet d’apprécier la répétabilité des dosages rapides par kits. Pour la quasi-totalité des échantillons testés, la variation des concentrations des réplicats a été faible. Le coefficient de variation ne dépasse pas les 20 % pour des échantillons présentant une concentration en DBO supérieure à 50 mg O₂·l⁻¹ et est globalement compris entre 60-100 % pour les échantillons très faiblement concentrés en DBO.

Bilan sur la méthode

Nos résultats ont montré que cette méthode de dosage rapide de la DBO semble être performante et adaptée aux eaux résiduaires urbaines. Cet outil pourrait être utilisé pour doser la DBO dans des effluents de sortie de station d’épuration présentant des concentrations de 10-20 mg O₂·l⁻¹. L’utilisation de cette méthode rapide pour doser la DBO dans des effluents fortement concentrés (eaux brutes, par exemple) nécessitera une dilution préalable qui pourra être réalisée avec de l'eau distillée. Le caractère répétable des dosages par kits nous incite également à penser que dans le cas d'une utilisation de routine la réalisation de triplicats n’est pas indispensable.

Conclusion

La Direction du Développement et de la Prospective du SIAAP a testé deux nouvelles méthodes de mesure rapide des phosphates et de la Demande Biochimique en Oxygène qui, de par leur simplicité, leur rapidité et leur coût limité, pourraient intégrer la boîte à outils des services techniques en charge du suivi des stations d’épuration.

Nos résultats ont montré que ces deux méthodes de dosage rapide semblent être suffisamment performantes pour être utilisées pour des effluents de sortie de station d’épuration faiblement concentrés en phosphates (0,1-0,5 mg P-PO₄³⁻·l⁻¹) et en DBO (10-20 mg O₂·l⁻¹).

À court terme, ces méthodes de mesure rapide pourront donc être utilisées par les services en charge du contrôle du fonctionnement des installations industrielles (Services Process, Services d’Assistance Technique pour l’Exploitation et le Suivi des Eaux). Dans ce cadre, la mesure rapide de la DBO est particulièrement intéressante. En effet, le coût relativement élevé de la mesure en laboratoire et, surtout, la période de cinq jours nécessaire à l’obtention du résultat sont des éléments qui conduisent souvent le personnel technique à préférer la DCO à la DBO, relativement facile à mesurer par kit de dosage rapide. Si ce choix est compréhensible, il revient à se priver d'une information essentielle sur la nature de la matière organique présente dans l’effluent.

À plus long terme, l'utilisation de ces méthodes dans le cadre de la surveillance réglementaire des installations industrielles, aujourd’hui réalisée en employant des méthodes d’analyses normalisées, pourrait même être envisagée. Il convient d’ailleurs de souligner que la réglementation prévoit la possibilité de substituer les méthodes rapides aux méthodes normalisées, si la règle de corrélation entre les deux méthodes a, au préalable, été établie et qu’elle est régulièrement vérifiée (Arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d’établissement des redevances pour pollution de l’eau et pour modernisation des réseaux de collecte – Annexe III).

[Encart : Références bibliographiques * Attin T, Becker K, Hannig C, Buchalla W and Wiegand A (2005). Suitability of a malachite green procedure to detect minimal amounts of phosphate dissolved in acidic solutions, Clin Oral Invest 9: 203-207. * Bernal C, Palacin C, Boronat A and Imperial S (2005). A colorimetric assay for the determination of 4-diphosphocytidyl-2-C-methyl-D-erythritol 4-phosphate synthase activity, Analytical Biochemistry 337: 55-61. * Dudal Y, Holgado R, Knoth K, and Debroux M (2006). A fluorescence-based microplate assay to quantify DOM-induced catabolic activity. Anal Bioanal Chem 384: 175-179. * Juan F, Yuan C, Jun P, Xiaolan Y, Chun Z, Sha Z, Yunsheng Z, Yonghua Y, Huidong Y, Fei L (2011). An improved malachite green assay of phosphate: Mechanism and application, Analytical Biochemistry 409: 144-149. * Geladopoulos T, Sotiroudis T and Evangelopoulos A (1991). A Malachite Green Colorimetric Assay for Protein Phosphatase Activity, Analytical Biochemistry 192: 112-116. * Hojin K, Hyeryeon K, Sohyun H, Goo Rhee S, Woojin J (2009). A colorimetric assay for sulfiredoxin activity using inorganic phosphate measurement, Analytical Biochemistry 393: 36-40. * Singh K and Dwivedi VK (2003). Tween 20 and Malachite green: a new reagent system for the microdetermination of phosphate in water and wastewater. J. Indian Chem. Soc. 80: 868-870. * Sha Zhu, Zhiyong Gan, Zhirong Li, Yin Liu, Xiaolan Yang, Ping Deng, Yan Xia, Mingan Yu, Hong Li, Yunsheng Z, Lina Z, Fei L (2009). The measurement of cyclic nucleotide phosphodiesterase 4 activities via the quantification of inorganic phosphate with malachite green. Analytica Chimica Acta 636: 105-110. * Stryer L, Berg JM et Tymoczko JL (2003). Biochimie. Flammarion - 5ᵉ édition, 974 pages.]