En application de la loi n°92-646, du 13 juillet 1992, relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux ICPE, il n'y aura plus en 2002 de mise en décharge des déchets autres que les déchets ultimes et inertes. D'ici l'échéance, les filières de valorisation doivent être mise en place. Intégrée dans une filière globale de valorisation de la matière et de l'énergie, l'incinération est indispensable en milieu urbain. L'association AMORCE et L'ADEME ont réalisé en 1995 une enquête sur la production de chaleur et d'électricité par les usines d'incinération des ordures ménagères. Dans une conférence à un séminaire de Euroforum, l'auteur a présenté les données techniques et économiques que l'enquête a fourni sur la cogénération à partir de l'incinération des OM.
L’objectif des élus est de traiter intelligemment les déchets au meilleur coût, donc en valoriser la plus grande partie, en combinant les trois modes de valorisation :
- recycler les matières (papier, verre…), ce qui économise de la matière première et aussi de l’énergie ;
- faire brûler les ordures pour produire de la chaleur et de l’électricité ;
- récupérer la matière organique contenue dans les ordures pour produire du compost ou du gaz.
Les projets et les réalisations récentes des collectivités françaises combinent ces trois filières avec une décharge pour les déchets non valorisables et les résidus des filières de valorisation.
L’incinération avec production d’énergie traite, selon les cas, entre 50 % et 85 % de la masse initiale de déchets collectés.
L’objectif de cet article est de fournir aux collectivités et à leurs conseils les principales informations techniques et économiques issues de l’expérience française de la valorisation des déchets ménagers par incinération.
Le potentiel énergétique
Une famille de 3 personnes produit une tonne d’ordures par an. La combustion de cette tonne dégage la même énergie que
200 litres de fuel. L’incinération des déchets produits par 7 familles assure les besoins de chauffage et d'eau chaude d'une famille. Si on ne produit que de l’électricité, l’incinération des déchets de 20 familles assure les besoins électriques (hors chauffage) d'une famille. Le potentiel énergétique des déchets ménagers est donc loin d’être négligeable. L’incinération des ordures permet de produire une énergie qui ne serait pas exploitée et de remplacer du fuel, du charbon ou du gaz. On substitue ainsi :
- - une énergie « renouvelable » (tant que notre société produira des déchets) à une énergie fossile ;
- - une énergie locale à une énergie importée ;
- - une énergie fatale à une énergie qu’on doit extraire et transporter.
En 1995, 80 usines d’incinération des ordures ménagères produisent de l’énergie ; elles traitent 8 310 000 tonnes de déchets par an, dont 6 902 000 tonnes d’ordures ménagères, soit 32 % de la totalité des ordures ménagères.
La puissance installée est 1 450 MW thermiques et 250 MW électriques.
Elles produisent 7 600 000 GWh sous forme de chaleur (soit 1 % de la consommation nationale pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire) et 800 GWh sous forme d’électricité.
Compte tenu des rendements, le poids de l’incinération des déchets dans le bilan énergétique du pays est de l’ordre du million de Tep qui évitent la consommation de fuel, gaz ou charbon importés. Avec un coût moyen de 800 F la tonne, c’est donc un bénéfice de 0,8 milliard de Francs pour la facture d’importation d’énergie et une amélioration en conséquence de la balance commerciale.
Compte tenu que ce mode de traitement des déchets peut concerner d'ici 10 ans une quinzaine de millions de tonnes de déchets, on peut estimer que l’enjeu énergétique est le suivant :
- - si l'on produit de la chaleur, de l’ordre de 2 millions de Tep, l’enjeu sur la facture énergétique et la balance commerciale est de l’ordre de 2 milliards avec une tonne de pétrole à 1 000 F ;
- - si l'on ne produit que de l’électricité, une puissance de 900 MW équivalente à une tranche EDF.
Les techniques
La combustion des déchets produit des gaz à 900 °C qui cèdent leurs calories à de l'eau à travers une chaudière de récupération. L’eau est transformée en vapeur.
On a trois solutions pour valoriser cette vapeur :
- - vendre directement de la chaleur ;
- - produire de l’électricité, la consommer et la vendre ;
- - produire et vendre à la fois de la chaleur et de l’électricité (cogénération).
Le choix entre ces trois solutions dépend de considérations techniques et économiques.
Pouvoir calorifique
Une tonne d’OM a un pouvoir calorifique inférieur (PCI) de 1 600 à 2 500 kWh par tonne selon les collectivités et la saison. En secteur rural, les OM collectées sont plus humides (jusqu’à 50 % de taux d’humidité) et le PCI se situe vers 1 600 kWh par tonne.
En secteur urbain dense, il y a peu de déchets de jardin et le mode de consommation induit une plus grande proportion d’emballages combustibles ; le PCI dépasse largement 2 000 kWh par tonne. Quand l’usine incinère une proportion importante de déchets industriels banals (parfois jusqu’à 30 %), le PCI peut alors dépasser 3 000 kWh par tonne.
Ce pouvoir calorifique augmente régulièrement en raison des modes de consommation, et aussi en raison du fait que la collecte séparative du verre non combustible progresse plus rapidement que celle des papiers-cartons et des plastiques combustibles.
Rendement
Les rendements de l'ensemble four-chaudière varient de 50 % à 85 % selon la qualité des déchets, la qualité de combustion, la température de sortie des fumées. Un rendement moyen annuel de 75 % est courant. Ce n’est pas le rendement nominal instantané annoncé par les constructeurs qui est évidemment plus élevé. Pour illustrer par un exemple, nous adoptons une moyenne de 2 200 kWh et un rendement four-chaudière de 73 % : il sort de l’usine 1 600 kWh.
Production de chaleur seule
La vapeur est à une pression de l'ordre de 20 bars. Ces 1 600 kWh sont envoyés dans un réseau de distribution sous forme de vapeur ou d'eau surchauffée (180 °C). Selon la longueur et la qualité d’isolation des canalisations, les pertes sont de 2 % à 7 %. Dans notre exemple, on dispose donc à l’extrémité du tuyau de 1 500 à 1 550 kWh.
Cette chaleur est vendue :
- - soit directement à des clients industriels ou tertiaires,
- - soit à une collectivité ou entreprise qui gère un réseau voisin de distribution de chaleur.
La vente directe à des clients dépendra des conditions de consommation du client :
- - achat de chaleur toute l’année (industrie utilisant la chaleur pour son process, hôpital, piscine) ou seulement en saison de chauffage,
- - achat de toute la chaleur disponible au fil de l’eau ou limitation en puissance,
- - niveau de température et de pression demandés.
Il est évident que l’on aura intérêt à avoir un client permanent qui achète la totalité de la chaleur produite.
Les clients industriels sont en général intéressants car ils achètent de grosses quantités toute l’année, mais ils posent un problème de pérennité. L’usine peut être amenée à disparaître, à diminuer son activité, ou à changer de process. On se retrouve alors sans client et sans possibilité de trouver un nouvel acheteur de chaleur à proximité.
La vente à un réseau de chaleur : les besoins de puissance d'un réseau de chaleur sont très variables selon la saison, on les représente en général sous la forme d'une courbe « monotone » qui porte en ordonnées la puissance et en abscisse le nombre d'heures d’appel de cette puissance. En moyenne, une source d’énergie qui correspond à 20 % de la puissance de pointe assure 50 % de l’énergie consommée, et une source qui assure 50 % de la puissance fournit 85 % de l’énergie.
Deux situations différentes se présentent selon la situation de l’usine d’incinération dans le réseau :
- - soit le réseau de chaleur est alimenté par d'autres chaufferies importantes qui utilisent des combustibles fossiles (charbon, fioul, gaz), l'usine d’incinération n’assure qu’une partie faible de la puissance de pointe du réseau de chaleur. Comme sa production est permanente et les ordures non stockables, l’usine d’incinération fonctionne « en base » ; l’idéal est que la puissance d’été de l’usine d’incinération corresponde aux besoins d’été du réseau de chaleur. Toute la chaleur issue de l’incinération sera alors vendue. C’est le cas pour les usines qui sont branchées sur de grands réseaux de chaleur urbains (Paris, Grenoble, Lyon, Metz).
- - soit le réseau de chaleur n’est alimenté que par l’usine d’incinération et quelques chaufferies d’appoint de faible puissance. L’usine d’incinération produit alors une part importante de la chaleur vendue dans le réseau. Mais elle produit plus que nécessaire en été, et donc ne vend pas toute la chaleur produite. C’est en général le cas des petits réseaux de chaleur.
Production d’électricité seule
La température et la pression de la vapeur doivent être suffisamment élevées (30 à 45 bars, 320 à 400 °C). Au-delà de 40 bars et 360 °C, il y a des risques d’encrassement et de collage, ce qui explique qu’on dépasse rarement ces valeurs.
La vapeur sert à entraîner une turbine à condensation qui produit ainsi de l’électricité par l’intermédiaire d'un alternateur. L’énergie de la vapeur qui sort de la turbine n’est plus utilisable, cette vapeur est condensée à l’air (aérocondenseur à 0,25 bar) ou à l'eau (0,1 bar).
La quantité d’électricité produite dépend de
la pression et de la température de la vapeur à l'entrée et à la sortie de la turbine.
En général, dans les usines de taille moyenne, la production d’électricité par tonne incinérée est de 350 kWh. Dans les usines de grande taille ou les plus récentes, on va jusqu’à 40 bars de pression, et la production électrique peut atteindre 420 kWh. L’électricité est utilisée de 3 façons :
- - pour les besoins propres de l'usine qui sont de l’ordre de 90 kWh par tonne incinérée,
- - pour les besoins du producteur, mais sur 3 autres sites de consommation électrique avec transport par EDF,
- - vendue à EDF qui est tenue de l’acheter.
Cogénération
La vapeur est introduite dans une turbine à contre-pression, c’est-à-dire que la vapeur de sortie est réglée à une pression (3 à 10 bars) et une température (plus de 120 °C) qui la rendent utilisable pour satisfaire des besoins de chaleur. La détente de la vapeur est plus faible, on produit moins d’électricité qu’avec la turbine à condensation, mais on utilise la chaleur résiduelle.
On peut aussi prélever la chaleur dans un étage intermédiaire d’une turbine à condensation, c’est la technique du soutirage.
On épuise au maximum le potentiel énergétique de la vapeur, et les lois de la thermodynamique (principe de Carnot) nous indiquent que le rendement énergétique est bien meilleur (de l’ordre de 80 % alors qu’il n’est que de 30 % dans la turbine à condensation).
Cette production simultanée de chaleur et d’électricité s’appelle la cogénération. C’est une des opérations énergétiques les plus performantes puisqu’elle permet de produire de l’électricité sans perdre la chaleur, comme c’est le cas dans les centrales thermiques.
La cogénération est très bien adaptée aux besoins énergétiques urbains. En effet, les besoins d’un logement moyen sont de l’ordre de 10 000 kWh sous forme de chaleur (chauffage et eau chaude) et 4 000 kWh sous forme d’électricité (électroménager, éclairage, audiovisuel). La production et la distribution combinée des deux énergies est de loin la solution technique qui permet d’économiser le maximum d’énergie et de dégager le minimum de gaz polluants pour satisfaire un besoin énergétique donné. Les figures 1, 2 et 3 montrent que, pour fournir 120 kWh à un logement (100 en chaleur et 20 en électricité), deux systèmes de production-distribution séparés nécessitent la combustion de 185 kWh de combustible, et la cogénération ne consomme que 150 kWh du même combustible.
À noter que la cogénération sera d’autant plus intéressante que la température de la chaleur distribuée par le réseau sera basse. En effet, avec une eau à 90 °C, on épuisera plus le potentiel énergétique de la vapeur qu’avec de l'eau surchauffée à 180 °C.
Dans les conditions d’exploitation actuelles des usines d’incinération, la production par tonne incinérée est la suivante : 1 400 à 1 500 kWh en chaleur et 100 à 200 kWh en électricité.
À la sortie de la turbine, la vapeur peut passer ensuite dans le réseau de chaleur, et l’électricité est auto-consommée ou vendue à EDF.
Impact sur l'environnement
L'incinération est un moyen de valoriser les déchets en les éliminant. On évite donc les pollutions engendrées par les décharges sur l’eau, les sols, et les paysages. L’incinération pollue l’air. L’incinération des ordures produit en effet des rejets polluants dans l’atmosphère. La combustion des matières plastiques crée de l'acide chlorhydrique (HCl), il y a des oxydes de soufre et d’azote (mais moins que dans la combustion du charbon et du fuel), des poussières, certains métaux lourds, et enfin des traces de dioxines et furanes. Une usine d’incinération nouvelle crée donc une pollution nouvelle. En revanche, une usine d’incinération avec production d’énergie supprime la pollution qui existait auparavant. En effet, la chaleur produite se substitue à la chaleur qui chauffait les logements ou les industries desservies par le réseau de chaleur, et l’électricité produite se substitue à celle qu’aurait produite une centrale EDF. Comment faire le bilan d’une usine d’incinération en matière de pollution atmosphérique ? Dans un premier temps, on prend en compte les rejets de la cheminée de l’usine, théoriques et réels (la commission locale d'information et de surveillance doit avoir communication des mesures).
Si l’usine produit de la chaleur distribuée par un réseau de chaleur, celle-ci se substitue à une autre énergie de chauffage qui dégageait des pollutions. Il faut donc connaître quelle énergie on remplace :
- - soit le réseau de chaleur existait déjà et on remplace du fuel lourd ou du charbon par l’incinération,
- - soit le réseau de chaleur n’existait pas, et on remplace alors des chaufferies d’immeuble, en général au fuel domestique,
- - soit l'usine d’incinération va chauffer un quartier neuf, et l'incinération se substitue en général à un projet de chauffage gaz ou électrique.
Il faut donc prendre en compte la pollution évitée par la mise en service de l’incinéra-
Capacité | Refroidissement | Chaudière eau surchauffée des fumées | Chaudière 20 bars 250 °C ou vapeur saturée | Chaudière 30 bars 350 °C | Traitement des fumées |
---|---|---|---|---|---|
3 t/h | -3 MF | -6 MF | +7,50 MF | +9 MF | -2 MF |
6 t/h | -4 MF | +10,50 MF | +12 MF | +14 MF | -5 MF |
12 t/h | -5 MF | +17 MF | +18,50 MF | +22 MF | -9 MF |
Tableau 1 : Surcoûts et économies d’investissement par rapport à une incinération sans valorisation (Source : BETURE pour ADEME)
tion et la comparer à la pollution ajoutée par l’usine d’incinération. L’expérience montre que le bilan est souvent en faveur de l’usine d’incinération car les normes imposées aux usines d’incinération des ordures ménagères sont plus sévères que celles que doivent respecter les grandes et petites chaufferies qui utilisent des combustibles fossiles.
Par circulaire du 24 février 1997, le Ministre de l’Environnement a demandé aux préfets d’imposer aux usines d’incinération nouvelles une anticipation sur la future directive européenne à paraître vers 1999 : traitement des dioxines à 0,1 ng/Nm³, et traitement plus poussé de l’acide chlorhydrique, des oxydes de soufre, et des métaux lourds. À quantité de chaleur utile identique, le chauffage des locaux par usine d’incinération émettra moins de gaz polluants que par le fuel domestique.
Si l’usine produit de l’électricité, le bilan pollution n’est plus strictement local puisque l’électricité va se substituer à celle qu’aurait produit une centrale EDF située ailleurs. La pollution de l’usine va donc se substituer à la pollution des centrales EDF au fuel, au charbon, ou à une petite partie de centrale nucléaire. Le bilan est alors d’une grande complexité car il faut prendre en compte le rendement (cogénération ou pas) et connaître la part de chaque combustible dans le kWh EDF, ce qui dépend de l’heure et du jour.
Pour que le bilan soit complet, il faut comparer la pollution émise par l’usine d’incinération avec celle qui aurait été émise si on avait traité les déchets autrement. Chaque filière (le compostage, la décharge, et même le recyclage) produit ses propres pollutions qu’il faut mettre dans la balance.
L’exercice est difficile et rarement fait, mais il faut se garder de raisonnements trop simples qui ne prennent en compte qu’une partie de la réalité.
L’incinération a aussi un impact sur l’effet de serre
Dans une décharge, les déchets organiques se décomposent lentement et produisent du biogaz qui contient 60 % de méthane. Or, si l’on en croit les données les plus récentes des chercheurs, le méthane qui s’échappe ainsi dans l’atmosphère se révèle, au cours des 20 ans qui suivent son émission, un absorbant 60 fois plus puissant que le gaz carbonique. L’incinération produit du gaz carbonique au lieu de laisser produire du méthane. Donc la tonne d’ordures mise en décharge ou compostée est un facteur bien plus important de l’effet de serre que la même tonne incinérée ou méthanisée. Dans le rapport de la mission interministérielle sur l’effet de serre, le remplacement des décharges par l’incinération est un des moyens les plus efficaces pour lutter contre le risque de réchauffement de l’atmosphère.
Conditions économiques
Il faut souligner que la vente de chaleur ou d’électricité n’équilibre jamais le coût de l’incinération ; l’élimination gratuite des ordures ménagères est une illusion.
De plus, la validité économique de la récupération d’énergie va dépendre de plusieurs paramètres : taille minimum de l’usine, proximité d’un réseau de chaleur ou à défaut d’un habitat dense, possibilité de vendre de la chaleur en été à un gros consommateur (industriel ou hôpital par exemple), tarifs de vente de la chaleur bien maîtrisés, production électrique correctement ajustée en fonction des prix de rachat d’EDF. C’est pourquoi, un projet d’incinération avec récupération d’énergie doit toujours faire l’objet d’une étude prévisionnelle détaillée.
Investissements
Les installations de récupération d’énergie nécessitent des investissements qu’on peut indiquer de façon sommaire (source : BETURE pour ADEME – Étude technico-économique de la récupération d’énergie dans les usines d’incinération de déchets urbains, 1991 et 1995) :
- Récupération d’énergie (vapeur ou eau surchauffée)
La première étape de la récupération est la fabrication de vapeur ou d’eau surchauffée. Cette étape est commune aux deux modes de production d’énergie. La récupération doit être comparée à une solution sans récupération de chaleur où les fumées doivent forcément être refroidies à l’air ou à l’eau. Il y a des investissements supplémentaires (chaudière de récupération, raccordement au réseau de chaleur), mais aussi des économies sur le refroidissement des fumées et sur le dimensionnement du traitement de fumées :
- Chaudière (voir Tableau 1).
- Production de chaleur :
- Poste de livraison (échangeur de départ réseau, régulation, sécurité, compteurs, pompes) : 0,8 à 2 MF
- Canalisations souterraines de liaison entre l’usine d’incinération et le réseau de chaleur (double canalisation aller et retour en caniveau) : 4 MF le km (secteur rural) à 6 MF le km (secteur urbain)
- Production d’électricité :
La production d’électricité comprend les mêmes équipements de production de vapeur que la récupération de chaleur auxquels on ajoute le turbo-alternateur et ses accessoires.
Il est difficile de donner des ratios d’investissement car c’est un calcul spécifique qu’il faut faire à chaque fois. On peut simplement indiquer que l’investissement par MW électrique installé est de l’ordre de :
- contre-pression : 2 (au-dessous de 1 MW) à 1 (au-dessus de 3 MW)
- condensation : 4 (au-dessous de 2 MW) à 2 (au-dessus de 5 MW), coût auquel il faut ajouter l’aérocondenseur sous vide.
La technique du soutirage augmente les coûts de 10 % par rapport à la condensation.
Coûts d’exploitation
- Récupération d’énergie (vapeur ou eau surchauffée) : par rapport à la solution sans
récupération, on peut estimer qu'il n'y a pas de surcoût d’exploitation, les dépenses supplémentaires (maintenance, provision pour renouvellement, électricité pour chaudière) étant compensées par les économies d’eau de refroidissement et d’électricité (ventilateurs).
- * Production de chaleur : faible (électricité pour les pompes)
- * Production d’électricité : 200 000 F par an par MW de puissance électrique
Vente de chaleur
La quantité vendue dépend des besoins de l'acheteur : un réseau qui ne dessert que des logements valorise moins de chaleur qu'un réseau qui dessert des industries ou des hôpitaux forts consommateurs d’énergie en été. Le taux de valorisation de la chaleur produite sera donc le paramètre essentiel de l’équilibre économique de la récupération de chaleur. Le prix de vente du MWh est en général négocié en fonction de divers paramètres :
- - les conditions d’enlèvement : un enlèvement total sur toute l'année sera négocié à un prix inférieur à celui d’un enlèvement ponctuel ;
- - la notion d’énergie de substitution : de nombreuses usines d’incinération sont installées dans une zone déjà construite dont les immeubles ont une chaufferie existante. La chaleur issue de l’incinération est alors proposée aux consommateurs qui ne l'acceptent que si elle leur revient moins cher ou à prix égal à l’énergie qu’ils utilisent déjà. On institue alors un système de décote qui fait varier le prix du MWh issu de l'incinération en fonction de celui de l’énergie remplacée. Ce système est très délicat car il fait dépendre les recettes de facteurs non maîtrisables comme le prix international du pétrole ou du gaz. Intéressant en période de prix du pétrole élevé, il s'est révélé hasardeux à l’époque du contre‐choc pétrolier ;
- - le prix est quelquefois le résultat d’un arbitrage politique. En effet, l'usine d’incinération est en général gérée par une structure intercommunale dont le souci est de maîtriser le coût résiduel à réclamer aux contribuables par le biais de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Le réseau de chaleur est géré en régie ou en concession par la commune sur laquelle il est implanté, qui souhaite maîtriser les charges de chauffage des habitants. Le prix de vente du MWh par l’usine d’incinération au réseau de chaleur est le résultat d'une négociation entre ces deux collectivités et leurs objectifs respectifs.
Les données des usines d’incinération françaises actuelles sont les suivantes :
Une enquête réalisée par Amorce en 1995 montre que :
- - le prix du MWh sortie usine varie de 50 à 180 F HT (moyenne 109 F) ;
- - le nombre de MWh vendu par tonne incinérée varie de 0,4 MWh à 1,8 MWh, avec une moyenne de 0,9 MWh.
La recette de chaleur par tonne d’ordures incinérée varie donc dans une fourchette de 40 à 200 F, avec un point moyen à 85 F.
Vente d’électricité
L’électricité produite par l'usine d’incinération peut être commercialisée de la façon suivante :
- - Autoconsommation de l’usine (environ 90 kWh par tonne incinérée) : on fait une économie sur la facture d’achat à EDF, le kWh est alors valorisé à un prix moyen annuel de 30 à 40 centimes.
- - Consommation dans 3 établissements appartenant à soi‐même, une filiale ou maison mère. On peut tirer une ligne privée ou passer par le réseau EDF. EDF est obligé d’accepter le transport, moyennant une indemnité qui dépend de la distance. Cette possibilité n’a encore jamais été utilisée à notre connaissance, alors que les calculs montrent qu’elle peut être intéressante pour des gros consommateurs proches de l'usine (station d’épuration, piscine avec pompe à chaleur).
- - Vente à EDF : EDF doit racheter l’électricité produite par les déchets. L’obligation d’achat par EDF aux autoproduceurs d’électricité est supprimée par décret du 20 décembre 1994, mais elle est maintenue pour tout kWh produit à partir des déchets ou par cogénération. On peut donc supposer la pérennité de cette obligation. Quant aux tarifs, ils évolueront en moyenne comme les tarifs de vente d’EDF, et leur structure interne atténuera la différence entre les périodes de pointe et de creux. Comme la production des usines d’incinération est constante tout le long de l’année, les recettes ne devraient pas être influencées par cette évolution.
L’électricité est payée en fonction d’un tarif de rachat dérivé de ses tarifs de vente en A5 ou A8 TLU (très longues utilisations). Ce tarif comprend :
- - une prime fixe en fonction de la puissance garantie,
- - un prix du kWh différent selon les jours et les heures, donc bien plus élevé en pointe d’hiver qu’en heure creuse d’été. Ce prix est calculé à partir du prix du kWh au tarif TLU diminué de 5 %.
Le choix à faire porte sur la garantie d’une puissance à EDF, qui paye alors une prime fixe, mais fait payer des indemnités en cas de défaillance.
Pour plus d’informations sur les tarifs de rachat, on se référera à la brochure publiée par EDF : « Bien connaître les tarifs d’achat ».
L’expérience de plusieurs usines d’incinération montre que la vente à EDF procure des recettes moyennes (hors taxes) sur l’année de :
- - sans puissance garantie : 20 à 23 centimes le kWh,
- - avec puissance garantie : 24 à 28 centimes le kWh.
Si l’usine ne fait que de l’électricité, elle produit de 350 à 420 kWh par tonne incinérée, ce qui procure une recette hors taxes par tonne incinérée de l’ordre de 70 F à 100 F.
Calcul économique de la cogénération
Le calcul économique de la cogénération suppose l’estimation d’un temps de retour par rapport à une solution de base qui est la production de chaleur seule ou la production d’électricité seule. La cogénération suppose un investissement supérieur aux deux autres solutions. Selon la solution de base, l'investissement supplémentaire sera différent. Si la solution de base est la seule production de chaleur, il faudra rajouter un turbo‐alternateur, mais aussi travailler à une pression de vapeur probablement plus élevée, ce qui augmente le coût de la chaudière elle‐même et de ses annexes (robinetterie, pompes). Si la solution de base est une production d’électricité seule par turbine à condensation, il faudra rajouter un soutirage, ainsi que le poste de livraison de vapeur et les canalisations de raccordement aux clients ou au réseau de chaleur.
Les recettes seront supérieures à chacune des deux solutions puisque le rendement
Énergétique de la cogénération est supérieur. Beaucoup dépendra des prix respectifs de vente de la chaleur et de l’électricité. La recette électrique est difficile à estimer. En effet, contrairement à la solution de vente à EDF au fil de l'eau à puissance constante tout au long de l'année, les ventes d’électricité seront très variables en cogénération car les besoins de chaleur varient selon la saison et selon les besoins de chauffage des consommateurs. On produira d’autant plus d’électricité qu’il y a moins de besoin de chaleur. La recette électrique ne peut donc être prévue qu’au moyen d’hypothèses sur la vente de chaleur par période tarifaire EDF. Quelques bureaux d'études ont mis au point des logiciels spécifiques. Nous avons encore peu de retour d’expérience sur de telles opérations.
Il existe une trentaine d’usines d’incinération qui produisent de l'électricité, mais une vingtaine ont limité la puissance du turbo-alternateur aux besoins propres de l'usine. Seules une dizaine d’usines récentes ont cherché à optimiser les productions et ventes respectives d'électricité et de chaleur. Le temps de retour est très influencé par les choix tarifaires. En raison du manque de « métier », les exploitants des usines d’incinération ont hésité à choisir des puissances garanties et des coefficients de disponibilité élevés par crainte des pénalités. Or, ceux qui l’ont fait au prix d’une maintenance et d'une gestion rigoureuse ont nettement amélioré l’économie des opérations.
Les critères du choix :
Comment choisir entre chaleur, électricité, cogénération ?
● Maîtrise de l’énergie et de l’environnement
On classera les solutions en fonction de leur rendement énergétique.
En effet, plus celui-ci est élevé, plus l’opération produit d’énergie finale pour une énergie primaire consommée équivalente, et plus on réduit la pollution de l’air pour satisfaire le même besoin du consommateur final.
On adoptera alors les priorités suivantes :
1 - cogénération (rendement 80 %) 2 - chaleur seule (rendement 70 %) 3 - électricité seule (rendement 30 %)
Dans la plupart des projets d’usines d’incinération des ordures ménagères de grande taille situés en milieu urbain, on a observé depuis 1992 un choix majoritaire de la cogénération, ce qui permet d’estimer que le potentiel installé en cogénération en usine d’incinération des ordures ménagères dépassera 200 MW en 2000.
En revanche, on observe dans nombre de projets récents une fâcheuse tendance à ne produire que de l’électricité.
Il est certes parfois impossible de trouver un acheteur de chaleur.
Mais dans des villes déjà pourvues de réseau de chaleur, l’usine d’incinération est implantée loin du réseau souvent en raison d’un rejet des riverains.
Dans ce cas, il est dommage que le débat sur l’impact de l’usine d’incinération ne prenne pas en compte toutes les données. L’usine d’incinération aux normes pollue souvent bien moins le quartier que le fuel ou le charbon qu’elle remplace.
On a malheureusement vu des cas où l’usine d’incinération des ordures ménagères est implantée à plusieurs kilomètres de la ville dans laquelle on continue à chauffer des milliers de logements par une chaufferie au fuel lourd non équipée de désulfuration !
Nous ne pouvons que recommander une étude d'impact exhaustive, les calculs d’émission de polluants ne sont pas très complexes à réaliser.
● Économie
Si on se réfère aux conditions économiques pour la collectivité ou l'entreprise qui fait le projet, on est amené à un calcul complexe qui intègre tous les paramètres que nous avons examinés plus haut :
- - distance du consommateur de chaleur et donc investissement nécessaire en réseau de transport de chaleur,
- - température du réseau de chaleur,
- - subventions de l’ADEME variables selon le taux de valorisation énergétique,
- - prix de vente de la chaleur,
- - possibilité de vente de chaleur en été, et taux de valorisation annuel de la chaleur,
- - quantité d’électricité auto-consommée,
- - quantité d’électricité livrable en 3 points par EDF.
Il n'existe aucune solution applicable à tous les cas.
Conclusion
La production d’énergie par les usines d’incinération des ordures ménagères, peu répandue il y a dix ans, se développe, et devient même quasiment obligatoire depuis que la loi de juillet 1992 a interdit l’élimination sans valorisation au-delà de 2002.
Le choix de l’énergie et de sa valorisation devient un problème complexe typique de la gestion moderne de l'environnement.
Il faut faire une optimisation technique, environnementale, et économique d’un projet en fonction de multiples paramètres. L’association AMORCE, qui réunit collectivités et professionnels, souhaite synthétiser le maximum de cas réels pour pouvoir fournir aux auteurs de projets des informations fiables utiles à leur choix.
Références bibliographiques :
Jean Yves LE GOUX – Catherine LE DOUCE – L'incinération des déchets ménagers – Éditions Economica, 49 rue Héricart, 75015 Paris – 275 F.
ADEME – Récupération et valorisation d’énergie dans les usines d'incinération – Guide réalisé par le BETURE – 1991, actualisé en 1995.
AMORCE – ADEME – Enquête sur la production de chaleur et d’électricité par les usines d’incinération des ordures ménagères – 1995.