Le réseau de canalisations, quant à lui, est essentiellement constitué de tuyaux en fonte, la fonte ductile ayant notamment remplacé la fonte grise à partir des années 70. Quelles que soient les qualités de ce matériau quant à sa fiabilité et à son vieillissement, la fonte est néanmoins sensible à certains types d’agressions, chimiques ou électriques ; elle résiste mal, également, aux contraintes dues aux mouvements de terrain.
Depuis quelques années, une réflexion est née autour du développement de l’emploi des matériaux plastiques pour la réalisation de réseaux d’eau et c’est ainsi que le Polyéthylène haute densité (PEhd) a retenu particulièrement notre attention. Le présent article se propose donc de présenter les différentes utilisations que l’on peut attendre de ce type de matériau, à l’issue de trois années de chantiers expérimentaux réalisés sur le territoire du Syndicat des Eaux d’Ile-de-France.
Un matériau de qualité
Les avantages du Polyéthylène sont sa légèreté, sa souplesse, son inertie vis-à-vis des produits chimiques, son insensibilité à la corrosion électrique ; en outre, sa fabrication par extrusion, donc en continu, permet d’obtenir de grandes longueurs de tube, ce qui diminue le nombre de joints, source de fuites.
Les tubes destinés à la distribution de l'eau potable sur le territoire de la banlieue de Paris sont fabriqués conformément au « règlement pour l’attribution et le fonctionnement de la marque de qualité des tubes en Polyéthylène 5 » dont le C.E.M.P. (Centre d’Études des Matières Plastiques) assure la gestion. Les caractéristiques dimensionnelles, les spécifications physiques et mécaniques et les méthodes d’essais correspondantes répondent aux normes françaises de l'A.F.N.O.R., lesquelles sont en concordance technique avec les normes internationales de l’I.S.O. Toutefois, nous avons décidé d’être plus exigeants en ce qui concerne les essais de résistance à la pression hydraulique à 20° et 80°, en portant de 1 à 4 heures et de 170 à 400 heures les durées minimales de tenue en pression à ces deux températures. Par ailleurs, un contrôle organoleptique est effectué sur chaque lot de fabrication.
Le tube « Bande bleue-eau » a été élaboré en fonction des spécifications évoquées ci-dessus. Ses caractéristiques dimensionnelles correspondent à celles de la série S4-PN 12,5, telles qu’elles apparaissent dans la norme française NF T 54-002. Ce choix a été fait pour prendre en considération la pression qui règne dans le réseau en cause et dont la valeur maximale ne dépasse pas 12 bars.
Les chantiers expérimentaux que nous avons réalisés au cours de ces trois dernières années ont porté sur la pose d’antennes de 50 x 5,6 mm et 63 x 7,1 mm ainsi que sur celle de canalisations maillées de 125 x 14 mm. En outre, des branchements ont été exécutés dans ces mêmes diamètres, auxquels il faut ajouter le 90 x 10 mm.
La souplesse du Polyéthylène permet le conditionnement de ces tubes en couronnes jusqu’au 63 mm et sur tourets au-delà (figure 1). Il peut également être livré en barres droites, ce qui est préférable pour l'exécution de montages situés en parties visibles ; les pièces spéciales : coudes, tés, manchons... sont également réalisées en PEhd et moulées par injection. Ce sont des pièces électrosoudables, ainsi qu'il est expliqué plus loin.
[Photo : Tube de diamètre 125 sur porte couronne mobile.]
L’assemblage
L’aspect le plus original quant à l’emploi de ce matériau réside dans son mode d'assemblage, effectué par électrosoudage.
Ce procédé fait appel à cette caractéristique spécifique du Polyéthylène, matière plastique thermoplastique, de se ramollir sous l’effet d'une augmentation de température pour retrouver, après refroi-
…son état initial sans transformation chimique. La surface interne des raccords plastiques électrosoudables comporte à cet effet une résistance électrique incorporée. Mise sous une tension contrôlée, elle échauffe en même temps la surface externe du tube et la surface interne du raccord, réalisant ainsi au droit de cette jonction une soudure formant un assemblage parfaitement étanche et indémontable. L’ensemble de la canalisation posée constitue un tout homogène, autobuté, éliminant par là-même les habituels massifs de butée placés en général derrière les coudes, tés, etc., et dont le but est de prendre en compte les forces de poussée (figure 2).
[Photo : Fig. 2 — Montage auto-buté d’un robinet-vanne de prise.]
Réalisations techniques
Le PEhd trouve son intérêt dans la variété de ses possibilités de mise en œuvre, ce qui lui permet de s’adapter à toutes les situations rencontrées en zones urbanisées.
Il se pose généralement en tranchée ouverte. L’idéal serait certes de le dérouler simultanément à l’ouverture de la tranchée et de procéder immédiatement à son remblai, mais en site urbanisé, l’encombrement du sous-sol ne permet pas toujours d’agir de cette façon. La première phase consiste donc à ouvrir un tronçon de tranchée dont la longueur dépend des contraintes locales, circulation, zone commerçante ou de la consistance du sous-sol, ou des équipements particuliers à installer en parcours. Puis, d’une extrémité, il faut tirer la longueur de tube correspondante. Chaque tronçon de conduite est ensuite assemblé avec le suivant au moyen d’un manchon électrosoudable (figure 3).
[Photo : Fig. 3 — Pose en tranchée ouverte.]
Une autre utilisation très intéressante est le fonçage, opération qui consiste à réaliser dans le terrain en place une gaine à l’intérieur de laquelle sera introduit le tube. L’emploi des fusées souterraines automotrices, qui fonctionnent à l’air comprimé, permet de diminuer notablement les travaux de terrassement. Ceux-ci se limitent alors aux fouilles de départ et d’arrivée de la fusée et à celles qui sont nécessaires en cours de route pour contrôler (en direction et hauteur) l’avancement de la fusée. Ces fouilles intermédiaires sont réalisées à l’emplacement des branchements projetés sur la nouvelle conduite. Cette procédure implique en contrepartie une excellente connaissance du sous-sol et des obstacles cachés.
Par analogie avec ce qui précède, le tubage des canalisations abandonnées par suite de vétusté est une application tout à fait intéressante pour l’emploi de ces tubes. Dans ce cas, le problème de la connaissance du sous-sol ne se pose plus puisque l’espace est déjà occupé par une conduite que l’on souhaite réutiliser. Il convient préalablement d’examiner l’état de celle-ci par prélèvement d’un échantillon, de procéder éventuellement à son raclage et de choisir des tronçons rectilignes. Les encombrements de chantier sont ainsi réduits au minimum.
Ces deux applications n’apportent qu’un minimum de perturbations à l’environnement (en particulier aux riverains) et aux responsables de la voirie.
Branchements
Outre la réalisation des réseaux de conduites, l’emploi du Polyéthylène haute densité est tout à fait indiqué pour l’exécution des branchements : livré en barres droites, léger, se coupant facilement, ce matériau permet en effet de s’adapter à toutes les configurations (figure 4). L’assemblage des divers éléments étant réalisé par électrosoudage, le montage obtenu est autobuté et seul un collier de maintien est nécessaire. L’inertie à la corrosion est, dans ce cas, d’autant plus appréciée que bien souvent les arrivées de branchements et le système de comptage sont situés dans des sous-sols mal aérés, soumis à une condensation permanente.
[Photo : Fig. 4 — Installation de comptage : branchement incendie pour R.I.A. avec branchement domestique en dérivation.]
Au terme de trois années au cours desquelles nous avons fait appel à l’ensemble des applications que nous avons testées et mis au point une technique conforme à nos exigences, il se confirme que le Polyéthylène haute densité est un matériau séduisant :
- — ses qualités mécaniques, sa présentation s’adaptent à tous les cas de figure ;
- — ses qualités chimiques lui permettent de supporter la plupart des agressions provenant du milieu dans lequel il sera placé ;
- — sa rapidité de mise en œuvre et l’originalité de son système d’assemblage en font un matériau économique.
Il ne faut pas oublier, toutefois, que cette apparente facilité d’emploi nécessite une très bonne connaissance des divers modes opératoires et que les matériaux concurrents n’en perdent pas pour autant leur domaine d’emploi.