La mesure de DBO (demande biologique en oxygène) sert à évaluer la biodégradabilité d'un effluent. Mesuré sur 5 jours, DBO5, ce paramètre a pour vocation principale le calcul des redevances de pollution industrielle, l'autosurveillance des stations d'épuration et le calcul des primes au bon fonctionnement. Pour cela, il existe une méthode normalisée. Mais la mesure de DBO dépasse le besoin administratif et d'autres méthodes de mesure se développent sur le marché.
« La détermination de la DBO₅ est de plus en plus utilisée. Depuis quelques années, je constate un accroissement du nombre d’analyses sur ce paramètre » affirme Pascale Racaud, responsable du laboratoire Saur de Maurepas. « Nous allons par exemple généraliser la mesure de DBO₅, à l’amont et à l'aval de nos stations d’épuration pour apprécier leur impact. Actuellement, ce paramètre correspond à trois grandes préoccupations. D’abord l’aspect réglementaire au travers de l'arrêté du 22 juin 2007 ; la DBO₅ est un paramètre à mesurer pour vérifier la conformité du rejet aux autorisations et calculer le rendement d’épuration. Ensuite en exploitation, pour vérifier le caractère biodégradable des effluents en utilisant le rapport DCO/DBO₅ ; si un ouvrage présente un dysfonctionnement, nous pouvons retourner à l'historique des analyses et ainsi élucider le problème. Le ratio DCO/DBO₅ d'un effluent nous sert aussi pour le dimensionnement des stations ou avant un raccordement d’industriel » explique
Si l’on veut avoir un résultat fiable et reproductible, il est impératif de respecter le protocole d’analyse ».
L’incertitude de mesure dans un laboratoire sérieux est de l’ordre de 20 %, et elle est supérieure dans les campagnes d’intercomparaison entre laboratoires. La mesure de DBO₅ répond donc principalement à des fins réglementaires. « La DBO₅ est un des éléments constitutifs de la pollution cités dans les arrêtés du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d’établissement des redevances pour pollution de l’eau et du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations (…) recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j DBO₅. La normalisation est essentielle car le résultat de la mesure sert au calcul des redevances pour pollution des industriels (chaque kg DBO₅ correspond à un montant en euros), et pour les Agences de l’eau au calcul des rendements d’épuration des ouvrages (abattement) et des primes pour épuration versées aux collectivités », explique Xavier Guérard, chargé d’affaires à l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée & Corse.
L’Agence Loire-Bretagne, depuis début 2008, a cessé d’accorder ces primes au bon fonctionnement, mais l’analyse DBO₅ reste d’actualité. Dans le cadre de l’autosurveillance des ouvrages, les exploitants réalisent des prélèvements en plusieurs points de leurs installations et avec une périodicité fonction de leur capacité (cf. encadré). Les données issues de ces analyses remontent aussi au niveau européen dans le cadre du suivi des directives. La DBO₅ permet le calcul des équivalents-habitant puisque 1 EH correspond à 60 g DBO₅, selon la directive européenne du 21 mai 1991, valeur utilisée dans l’arrêté du 22 juin 2007.
Pour éviter toute contestation dans la mesure de DBO₅, l’arrêté du 21 décembre 2007 stipule : « La détermination de la demande biochimique en oxygène en cinq jours (DBO₅) s’effectue sur liquide brut homogénéisé selon la norme NF EN 1899-1 (indice de classement T 90-103-1) intitulée “Détermination de la demande biochimique en oxygène (DBO)”. » Franck Eymery de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne confirme : « Pour l’industrie, la seule méthode acceptée pour la mesure de DBO₅ est la méthode normalisée. Mais les textes autorisent une autre voie : l’industriel peut utiliser un autre paramètre que la DBO₅, à condition qu’il soit corrélé de manière stable à la DBO₅ ; ceci s’applique aux sites relevant… »
Pascale Racaud qui précise « la DBO₅ n’est pas un paramètre utilisable pour la conduite d’installations puisqu’il faut attendre 5 jours pour obtenir le résultat » et insiste sur le fait que « la DBO₅ est un indice, pas le dosage d’une espèce chimique présente dans un effluent comme un métal dissous, le nitrate ou un pesticide. »
d'une tarification à la pollution rejetée ou « la pollution évitée ».
Une méthode délicate
La détermination de l’indice DBO₅ utilise des bactéries, donc du vivant : la reproductibilité du résultat ne s'obtient que par le respect strict des conditions de réalisation de l’analyse : la durée de 5 jours, la température de 20 °C pendant cette période et la mise à l’obscurité des échantillons pour éviter l'interférence par photosynthèse. Il existe des souches bactériennes très contrôlées pour ensemencer le milieu mais leur prix est un peu dissuasif. Franck Eymery de l’Agence Loire-Bretagne souligne l'importance des souches utilisées particulièrement en milieu industriel : « Sur un site papetier, l'industriel trouvait des valeurs de DBO₅ toujours significativement supérieures à celles trouvées par un laboratoire externe. L’industriel utilisait les bactéries de sa station alors que le laboratoire externe utilisait celles de la station d’épuration de la ville. Les bactéries du site industriel s'étaient sélectionnées au fil du temps pour une dégradation rapide, alors que les bactéries “généralistes” travaillaient plus lentement, conduisant à une DBO₅ plus faible. Ces biais induits par la nature biologique de l'essai sont ignorés. »
Les souches disponibles en station d’épuration sont utilisables moyennant quelques précautions. « Il faut être très rigoureux dans la préparation de l’eau de dilution (ajout d'eau résiduaire filtrée, des nutriments, de l'oxygénation), des réactifs utilisés (allyl-thiourée, nutriments) et la réalisation du protocole. Pour chaque détermination, nous réalisons trois essais à des dilutions différentes et nous faisons la moyenne ; de plus nous passons des témoins à chaque série d’analyses » explique Eric Planchamp, responsable du laboratoire à la station d’épuration de Thonon-les-Bains d’une capacité de 160 000 EH. Vu la capacité du site, il faut réaliser 156 mesures par an sur différents points : entrée, sortie, surverse et retour du bassin d’orage dans l'ouvrage. « Si la valeur en sortie est faible, c'est que la station fonctionne bien. »
L'offre en matière d’appareils de mesure de la DBO est variée. Elle est portée par des fabricants tels que Hach-Lange, Endress+Hauser, WTW, Macherey Nagel, EFS, Mesureo, Datalink, Équipements Scientifiques, Environnement SA, Swan, Secomam ou encore Hocer.
Question budget, il faut compter le matériel obligatoire (étuve, verrerie), les réactifs, y compris du glucose pour les témoins, la sonde à oxygène et son entretien, c’est-à-dire le changement de membrane sur l’oxymètre, réalisé ici tous les six mois.
En effet, la méthode normalisée impose une mesure électrochimique de l’oxygène dissous (oxymètre). Dans cette sonde, une membrane sépare le liquide de l’échantillon de celui de la cellule de mesure mais laisse passer l'oxygène. C’est un point faible de la méthode : à l’usage, cette membrane se sature (dérive dans le temps) et il faut la changer tous les 3 à 6 mois, ce qui est source de dépense. On lui reproche aussi une durée de mise en équilibre (environ une demi-heure) pour réaliser la mesure. Les électrodes récentes sont généralement compensées en température. WTW (représenté en France par Secomam) propose l'oxymètre ProfiLine Oxi197i et sa sonde StirrOx G à agitateur intégré permettant une mesure immédiate (pas de temps de polarisation) et signalisation des membranes endommagées.
Des méthodes alternatives
Mesurer la DBO peut se résumer en une mesure de l’oxygène dissous sur un même échantillon à deux instants différents. La mesure électrochimique n'est pas le seul moyen. Frédéric Soumet, directeur du laboratoire Hach-Lange France, énumère les alternatives : « L’oxygène dissous se mesure par sonde optique LDO (Luminescent Dissolved Oxygen), par la méthode Lange en microtube par photométrie (nécessité d’avoir un photomètre) et par macrométhode ou respirométrie (mesure de pression). »
FDO®925 de WTW est une nouvelle sonde optique oxygène de terrain conçue pour être utilisée avec les nouveaux appareils numériques de terrain MultiLine® et s'adapte aussi bien aux mesures de terrain qu’en laboratoire (diamètre 15,3 mm). Grâce à sa rapidité (T99 < 60 s) et sa tête…
Différence radicale avec les méthodes classiques, une tête de capteur biseautée permettant d’éviter les interférences liées aux bulles d'air, elle fournit des données précises pour des mesures exactes. Cette nouvelle sonde bénéficie de la technologie WTW sur les sondes optiques oxygène on-line : la technologie GLT (Green Light Technology) pour une durée de vie étendue du capteur optique. La tête de capteur échangeable est équipée d'une puce intégrée étalonnée en usine et dont les données peuvent être affichées sur les MultiLine®.
Si ces méthodes ne sont pas reconnues par les textes, elles permettent un suivi de terrain.
Le choix d'une méthode ou d’une autre sera fonction des autres besoins d’analyses : si le laboratoire dispose d'un photomètre, il est judicieux d’utiliser une méthode photométrique. Pascale Racaud de Saur relève que la mesure d’oxygène par LDO est déjà très appréciée des exploitants sur la mesure de l’oxygène dissous sur les bassins car facile d'emploi. Son utilisation pour la DBO ne devrait pas poser de problème : « Hach-Lange a développé une sonde spécifique LBOD qui couvre la gamme 0,1 à 20,0 mg/L (soit 1 à 200 % de saturation en oxygène). Avec cette méthode, plus de membrane à changer, plus de dérive due à la saturation de la membrane, ni de temps d’attente. Mais le laboratoire doit faire la démarche de validation de cette méthode », explique Frédéric Soumet.
En respirométrie, la consommation d’oxygène est calculée à partir de la dépression dans un flacon étanche où se déroule la digestion. Dans l'appareil DBOTrak (Hach-Lange), les échantillons sont placés dans des flacons spécifiques de 300 ml, additionnés éventuellement d'une gélule de tampon nutritif, avec agitation magnétique. Avant fermeture du flacon, une nacelle contenant de l'hydroxyde de lithium est introduite pour fixer le gaz carbonique dégagé. Une embase contient six flacons reliés par un tube au capteur de pression. Le tout est placé en enceinte à 20 °C pour 5 jours. L'appareil dispose d'un écran qui affiche la pression des flacons. Avantages : pas de dilutions à réaliser (si la DBO est inférieure à 700 mg/L) et possibilité de suivre l’évolution de la digestion pendant les 5 jours.
Autre système, l’OxiTop de WTW. Les flacons spécifiques disposent chacun d'une tête de mesure de pression sur le bouchon qui intègre aussi la soude pour fixer le gaz carbonique. Les flacons sont disposés dans des supports de 6 ou 12 places à placer en étuve. Dans le système OxiTop IS la valeur de DBO est affichée sur le bouchon (et mémorisée sur 5 jours). Dans le système OxiTop Control la lecture s’effectue avec un contrôleur infrarouge qui gère 100 têtes. Les gammes de mesure s'étendent de 0 à 4000 mg/L. L’OxiTop IS coûte moins de 2000 € (6 postes) ou de l’ordre de 3800 € (12 postes) ; la version Control 3200 € (6 postes) ou 5100 € (12 postes).
L’OxiDirect de Tintometer (Lovibond) dispose lui aussi d'une embase pour six flacons et d'une façade avant avec écran. L'appareil automatisé mémorise les valeurs de pression sur plusieurs jours. Une fonction démarrage automatique permet d'utiliser des échantillons qui ne sont pas encore à la température de 20 °C. Chaque flacon a sa sonde de pression et il est possible de suivre l’évolution de consommation d’oxygène.
Tous ces appareils automatisés de respirométrie permettent de construire une courbe d’évolution. La forme de la courbe permet par exemple de vérifier qu'il n'y a pas eu d’incident au cours des 5 jours. Ils disposent d'une large plage de mesure, sont compacts et de faible entretien.
Autre méthode qui prend peu de place sur une paillasse, la microméthode en tubes DBO-LCK chez Hach-Lange avec deux gammes LCK 554 pour les eaux peu chargées (0,5 à 12 mg/L) et LCK 555 (4 à 1650 mg/L).
L'échantillon et les réactifs sont introduits dans un tube de quelques millilitres, laissé 5 jours à l'obscurité. La lecture s'effectue sur le tube avec un spectromètre. Le principe utilisé est la coloration développée en présence d'oxygène par la pyrocatechine ; au fur et à mesure de la consommation d'oxygène, la couleur est moins dense.
La société propose un kit complet avec son protocole pour cette analyse en précisant que cette méthode est la moins chère pour obtenir la valeur de DBO.
Macherey Nagel propose de son côté deux tests pour la détermination de la DBO5 : une méthode avec incubation de l'échantillon dans les bouteilles de Winkler selon la norme DIN EN 1899-1-H51, mais également un test en cuves rondes proposant une méthode simplifiée et rapide. En effet, tous les réactifs et sels nutritifs sont déjà contenus dans le tube de test, l'utilisateur n'a plus qu'à ajouter l'échantillon et laisser le tube de test évoluer à l'obscurité pendant 5 jours. Cette nouvelle méthode, nommée DBO5-TCR, limite les interventions du technicien et fiabilise la mesure. De plus, un seul tube permet de lire la DBO5 entre 2 et 3000 mg/L O2. La lecture s'effectue également dans un spectrophotomètre.
Méthodes rapides en ligne
Si la DBO5 ne sert pas à proprement parler à conduire un procédé, la mesure de l'activité biologique sur un effluent apporte des informations intéressant les sites industriels. C'est la fonction qu'assure le BioMonitor de LAR, distribué en France par Anael, un analyseur en ligne dont le fonctionnement s'apparente à une mini-station d'épuration. L'effluent traverse quatre bioréacteurs successifs ; la teneur résiduelle en oxygène de l'atmosphère au-dessus du fluide analysé sert à calculer la consommation d'oxygène et à remonter à la valeur de DBO. Il est ensuite possible de programmer une corrélation DBO mesurée/DBO5. Les micro-organismes utilisés sont ceux du site. Pour s'affranchir de l'autoconsommation d'oxygène des bactéries, deux cascades de bioréacteurs sont mises en parallèle (avec et sans effluent). La sonde de mesure de l'oxygène est placée au-dessus des réacteurs contenant les boues et l'effluent, minimisant les opérations de maintenance. Une valeur de DBO est disponible toutes les cinq minutes, ce qui en fait un appareil de conduite de procédé. Le principe même de cet analyseur permet également d'obtenir une information sur l'état de la biomasse de la station (toxicité) et de déterminer l'activité des boues dans la cascade de réacteurs.
D'autres techniques de mesure en DBO existent, notamment utilisant la technologie UV. Secomam a développé et installé sur ce principe de nombreuses stations d'alerte – STAC – en sortie de station urbaine.
gamme de mesure de l'appareil est ajustable sur 1 à 50 mg ou 1 à 200 000 mg/L d'oxygène. Le prix de l'appareil est d'environ 40 k€ ; il ne nécessite pas de consommable. En option, une unité de recyclage des boues est disponible, ainsi qu'un système de dosage automatique des nutriments (pour les applications ayant de faibles valeurs de DBO, typiquement jusqu'à 200 mg/L). Selon Christophe Vaysse d'Anael, ce genre de mesure se développe en Allemagne, mais il n'existe pour l'instant qu'un seul appareil de ce type en France chez un industriel. Un nouveau modèle de l'appareil sortira début septembre.
Endress+Hauser propose de son côté le BIOX-1010. Matthieu Bauer cite les applications réalisées : « Dans l'industrie laitière, la station d'épuration du site peut recevoir des charges très variables par suite de lavage de cuve, de dysfonctionnements. En disposant d'une mesure de la DBO en quelques minutes, on détecte ces variations. Une installation fonctionne chez Armor Protéines qui évite les problèmes sur le système d’épuration et limite les pertes de matière valorisable. L’installation a coûté 40 k€, rapidement remboursée par les économies réalisées ». L'appareil fonctionne sans consommables, y compris sur des solutions troubles, par une mesure ampérométrique de l’oxygène dissous dans un système utilisant les bactéries locales fixées. Il travaille à charge constante grâce à une dilution dynamique de l’effluent ; la valeur de DBO est calculée par un logiciel à partir de la concentration en oxygène et du facteur de dilution. Un écran affiche la valeur instantanée et la courbe des résultats. D'autres analyseurs fonctionnent dans d'autres secteurs industriels et Endress+Hauser souhaite mieux diffuser cet appareil particulièrement auprès des industries qui rejettent beaucoup de matières oxydables : contrôler l'arrivée en station peut éviter bien des déboires.
D'autres techniques de mesure en DBO existent, notamment utilisant la technologie UV. Secomam a développé et installé sur ce principe de nombreuses stations d'alerte STAC en sortie de station urbaine. Les STAC permettent un suivi multiparamètres sur la DCO, le COT, le nitrate, la DBO, les détergents... ou le chlore sur des domaines aussi variés que le milieu naturel, le rejet urbain, les effluents industriels ou les mesures en tours de désodorisation. Les analyseurs UV type STAC fournissent de plus des informations qualitatives sur l'échantillon. Ces données sont précieuses pour l'exploitant et l'aident à prendre les bonnes décisions de gestion.