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Dans le traitement des eaux de chaudières. Peut on remplacer l'hydrazine ?

30 septembre 1985 Paru dans le N°94 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Francis MORAN

En octobre 1980, le service Division des Toxiques de l'Office fédéral de la Santé publique de Berne diffusait un document concernant les mesures de précaution à prendre lors de la manipulation de l’hydrazine, des solutions et des produits à base d’hydrazine. De larges extraits de ce document sont reproduits ci-après. De nombreux pays, dont la Suède et l'Italie, ont également mis en garde les utilisateurs de l'hydrazine de ses propriétés toxiques.

Le présent article fait le point sur l'utilisation de ce produit, ses avantages et ses inconvénients, et propose des solutions nouvelles, expérimentées avec succès en France, en Suède, en Grande-Bretagne et principalement en Italie.

L'HYDRAZINE — CHIMIE DE L’HYDRAZINE *

L’hydrazine (N₂H₄) est un fluide incolore ; elle est commercialisée le plus souvent sous la forme de solution aqueuse, par exemple à 64 % — ce qui correspond à l'hydrate d’hydrazine (N₂H₄·H₂O) — ainsi qu’à des concentrations plus faibles (24 et 35 %).

Selon ce qui précède, l'addition d’hydrazine doit être constamment adaptée aux conditions d’exploitation, c’est-à-dire à la teneur de l'eau en oxygène ; un dosage fixe n'est donc applicable qu’à un état de fonctionnement déterminé. Des temps d’arrêt de courte durée, ou exploitation continue, permettent généralement d’en réduire la consommation.

L’analyse de l'eau aux fins de contrôler sa teneur en hydrazine est l'un des devoirs de surveillance qui incombe au responsable d'une installation thermodynamique qui en utilise : l'excédent d’hydrazine ne doit jamais dépasser la valeur prévue.

Toxicité

L'hydrazine présente une toxicité orale aiguë élevée. Elle peut être également résorbée par la peau et, en raison de sa volatilité, inhalée. À l’état de liquide ou de vapeur, elle a un effet très irritant sur la peau et les muqueuses ; c’est en outre un puissant allergène ; sa valeur MAK est de 0,1 ppm = 0,13 mg/m³ d’air. D’après une évaluation critique des résultats d’essais sur l’animal, elle possède des propriétés carcinogènes. Comme on ne connaît pas le taux de dilution à partir duquel elle ne l'est plus, la prudence est de rigueur dans tous les cas. Son dosage doit donc être exécuté par un homme de métier et son emploi limité exclusivement à des systèmes fermés.

(*) Document de Berne.

En tant que base volatile, elle réagit de manière analogue à l'ammoniaque ; elle a un effet anti-oxydant sur les surfaces métalliques. Parce qu’elle est également un bon réducteur :

(N₂H₄ + O₂ → N₂ + 2 H₂O)

elle est fréquemment utilisée comme additif fixateur de l'oxygène et inhibiteur de la corrosion dans l'eau alimentant des générateurs de vapeur ou dans l'eau des systèmes de chauffage. Lorsqu’elle est employée à cette fin, il y a lieu de tenir compte du point de saturation de l'oxygène dans l’eau, qui varie en fonction de la température ; il s’élève par exemple à :

  • 10 °C : 11,2 mg d’oxygène/kg
  • 50 °C : 5,5 mg d’oxygène/kg
  • 95 °C : 0,8 mg d’oxygène/kg

Les solutions aqueuses ayant des teneurs en hydrazine dépassant 40 % d’hydrazine sont inflammables.

Emploi

Comme déjà dit, on ne connaît pas la concentration limite à partir de laquelle il n’y a plus lieu de craindre un effet carcinogène.

L'hydrazine et les produits à base d’hydrazine doivent donc être utilisés uniquement dans des installations excluant tout risque que des personnes soient atteintes par la vapeur ou de l'eau. Les conduites d’évacuation de l’air et les soupapes doivent aboutir sur le toit du bâtiment. Les installations doivent être constamment en état d’étanchéité, de telle manière que ni des personnes, ni des animaux domestiques, des denrées alimentaires (eau de boisson) ou des aliments pour animaux ne puissent être contaminés par la vapeur ou de l’eau contenant de l’hydrazine.

Il découle de ce qui précède que l'emploi de l’hydrazine pour l'humidification de l’air destinée à la climatisation des locaux, l'humidification sur les installations de repassage ainsi que pour la stérilisation et le nettoyage dans les secteurs médical et alimentaire (par exemple instruments chirurgicaux, bouteilles, boucheries) est en principe interdit.

Manipulation

Lors du dosage de l'hydrazine, aucun transvasement ni mesure ne seront effectués à la main ; on évitera tout contact avec la peau et toute inhalation. S’il n’est pas possible de procéder autrement, on portera des lunettes de protection, ainsi que des gants de caout-

…caoutchouc et un masque à gaz muni d’un filtre K. On changera immédiatement les vêtements qui auraient été éventuellement souillés et on lavera la peau abondamment avec de l’eau. Les récipients de stockage seront toujours hermétiquement fermés ; l’évaporation continue et durable du produit peut en effet conduire à une concentration suffisante pour que la solution s’enflamme.

Le seuil de son odeur se situe entre 3 et 4 ppm ; par conséquent, lorsqu’elle est perceptible à l’odorat, la valeur MAK est déjà dépassée d’au moins 30 fois…

Eaux usées

L’hydrazine peut provoquer des dommages d’ordre biologique dans les effluents et dans les stations d’épuration biologique des eaux usées. Une concentration de 0,5 ppm d’hydrazine (= 0,5 g/m³ d’eau) est déjà toxique pour les truites.

EMPLOI D’AUTRES RÉDUCTEURS

Le réactif le plus utilisé pour réduire l’oxygène est certainement le sulfite de sodium, mais il faut citer aussi d’autres formes de sulfites comme le sulfite acide, le disulfite de sodium et de potassium nomenclaturés dans le guide des additifs dits « alimentaires » sous les numéros E 221, 222, 223 et 224.

Cependant, ces réactifs, s’ils ne présentent pas de toxicité, ne peuvent être utilisés que dans certaines conditions :

— leur emploi est limité aux chaudières basse pression, car ils rajoutent de la salinité en réagissant avec l’oxygène et se transformant en sulfates ;

— les sulfites et sulfates formés se concentrent au sein du générateur et, dans les chaudières à flux thermique élevé, ils risquent de « séquestrer », c’est-à-dire de se concentrer au plan de vaporisation, d’atteindre leur limite de solubilité et de créer localement des phénomènes de surchauffe et de corrosion ;

— même si l’eau alimentaire est parfaitement traitée, les sulfites ne sont pas entraînés en phase vapeur (comme l’est l’hydrazine) et ne peuvent neutraliser des reprises intempestives d’oxygène au niveau des lignes de transfert vapeur et de condensats.

Enfin, l’emploi d’autres produits est actuellement à l’étude. La plupart des recherches connues ont porté sur des réactifs déjà utilisés comme anti-oxygène parmi les substances désignées comme additifs alimentaires. Ces additifs sont nomenclaturés (E 300, E 301, etc.).

Là encore, il faut différencier les vrais réducteurs, c’est-à-dire ceux qui réagissent vraiment avec l’oxygène, des anti-oxydants qui ne réagissent pas avec l’oxygène mais freinent les réactions d’oxydation des matières organiques. Les produits du second type ne peuvent pas être utilisés en chaudière : ils sont inefficaces.

Tous les réactifs que nous avons testés comme réducteurs parmi ceux nomenclaturés n’ont donné que des résultats décevants :

— les quantités nécessaires pour réduire l’oxygène sont importantes et supérieures à 100 grammes par gramme d’oxygène ;

— les vitesses de réaction sont toujours très lentes et supérieures au temps de séjour de l’eau dans la bâche ;

— certains favorisent le primage, d’autres se décomposent rapidement avec la température.

Devant cet état de fait, nous avons donc recherché des réactifs déjà utilisés pour le traitement des eaux de chaudière. Ces réactifs ne réduisent pas l’oxygène mais agissent par adsorption sur les surfaces en favorisant leur passivation. Ils limitent au maximum la diffusion de l’oxygène vers la surface et empêchent la réaction cathodique de l’oxygène dissous.

PROTECTION DES SURFACES : EMPLOI DES AMINES ET POLYAMINES GRASSES

Les amines sont des produits chimiques généralement alcalins dont certaines propriétés sont avantageusement utilisées pour le traitement des eaux industrielles.

Les amines utilisées en traitement des eaux sont principalement :

— les amines alcalinisantes et neutralisantes du gaz carbonique (CO₂) : l’ammoniaque, la morpholine, la cyclohexylamine et quelques alcanol-amines comme le diéthylamino-éthanol ou l’amino-méthyl-propanol ;

— des amines filmantes et des polyamines grasses.

Les polyamines choisies par l’U.C.I.O. pour entrer dans la composition des inhibiteurs de corrosion de type filmogène sont des polyamines de la famille des octadécyl-amines de poids moléculaire supérieur ou égal à 320.

Elles sont représentées par la formule générale :R [NH (CH₂)₃]ₙ NH₂

où R est une chaîne grasse linéaire hydrocarbonée à 18 atomes de carbone (chaîne octadécyl) et où n représente un nombre entier généralement compris entre 1 et 7.

Ces polyamines, introduites conjointement avec des amines neutralisantes en bâche alimentaire, possèdent la propriété de filmer les surfaces et de les protéger de la corrosion. De plus, ces polyamines grasses sont entraînées en phase vapeur dont elles suivent le cycle et se recondensent avec l’eau.

Dans ce cas, elles favorisent, par adsorption sur les surfaces, la condensation en gouttes et permettent une élimination rapide du film d’eau, ce qui a pour effet d’augmenter sensiblement le rendement des condenseurs tout en assurant la protection anticorrosion des

surfaces métalliques. Les amines alcalinisantes introduites conjointement neutralisent le gaz carbonique et placent l’eau au pH favorable à la passivation des matériaux, aciers, cuivre et alliages en particulier. Pour cela, elles sont judicieusement choisies parmi celles qui ne sont pas réactives avec le cuivre, ce qui exclut en particulier l’emploi de l’ammoniac.

La composition inhibitrice la mieux adaptée sera choisie en fonction de la qualité de l’eau alimentaire (eau simplement adoucie ou déminéralisée). Elle sera un mélange d’amines alcalinisantes (morpholine, cyclohexylamine, alcanol-amines du type butanolamine) et de polyamines grasses du type octadécylamine.

Des études effectuées en laboratoires ont montré que les taux de protection des surfaces métalliques étaient supérieurs à 90 % avec des eaux à saturation d’oxygène, et que la vitesse de diffusion à travers le film protecteur était diminuée de plus de 10 fois.

Ces mêmes études ont montré également que la résistance du film était croissante dans le temps, ce qui suggère la participation des « produits de corrosion » à la formation du film protecteur. On obtient ainsi, par exemple sur l’acier, la formation d’une couche passive de magnétite et d’amines liée chimiquement au métal et très résistante à la corrosion.

Dans ce cas, il a été montré que, même pour des flux thermiques élevés (essai à 400 000 kCal/h/m², 100 bars et 305 °C), la progression de la magnétite selon la réaction de Shikorr était pratiquement nulle : la teneur en hydrogène dans les incondensables est restée inférieure à 0,5 vpm (volumes par millions) après passivation des surfaces et pendant toute la durée de l’expérience.

Réaction de Shikorr :

3 Fe + 4 H₂O ⟶ Fe₃O₄ + 4 H₂

De nombreuses références industrielles (Usinor, Michelin, etc.) confirment l’efficacité du procédé.

Mise en œuvre des inhibiteurs

Le choix de la formulation dépend du type d’eau alimentaire. Par exemple, le réactif utilisé avec de l’eau adoucie dégazée ou non thermiquement, sera le Polaris V 15. Avec de l’eau déminéralisée, on préférera l’emploi du Polaris HP 18. Dans le cas de circuits fermés producteurs d’eau chaude ou d’eau surchauffée, on choisira le Polaris CC/OH et, dans les cas d’eau dure, le Polaris V 50.

Les doses d’emploi sont calculées par rapport aux appoints et sont de l’ordre de 20 à 100 g de réactif par m³ d’eau utilisée.

(*) Toutes les formulations Polaris ainsi que leur procédé d’application pour le traitement anti-corrosion des surfaces métalliques d’installations utilisant l’eau comme fluide thermique et énergétique ont fait l’objet d’une demande de brevet européen publiée sous le n° 0134365.

Tous ces réactifs sont liquides, homogènes, faciles à mettre en œuvre et introduits directement en bâche alimentaire par l’intermédiaire d’un groupe de dosage adapté.

De plus ils ne sont pas toxiques et nous avons regroupé, dans le tableau ci-après, quelques éléments comparatifs concernant la toxicité et la sécurité d’emploi de quelques réactifs.

Le point éclair représente la température à laquelle la substance s’enflamme à proximité d’une flamme. La DL 50 est la dose létale (exprimée en mg par kg de poids de l’animal) qui affecte en moyenne la moitié du groupe d’animaux traités par ingestion orale (ORL) sur une période déterminée. La DL 50 indiquée concerne des rats, après 14 jours.

Substance Point éclair DL 50 mg/kg
Hydrazine à 64 % 72 °C 60
Cyclohexyl-amine 32 °C 710
Morpholine 37,8 °C 1 050
Amino-méthyl-propanol 80,5 °C 2 100
Polaris V 15 Non inflammable 11 200
Polaris HP 18 Non inflammable > 5 000 (calculée)
Polaris CC/OH Non inflammable 9 600
Polaris V 50 Non inflammable 8 800

Les formulations Polaris sont réputées non toxiques. Elles ne nécessitent donc pas d’étiquetage de sécurité et sont classées, par la législation suisse, en classe de toxicologie 5 pour les réactifs de traitement des chaudières vapeur (Polaris V 15 et Polaris HP 18).

L’emploi des polyamines grasses du type octadécylamine est autorisé par le « U.S. Department of Health, Education and Welfare, Food and Drug Administration », dans le « Federal Register » du 20 juin 1962, 27 F.R. 6232, subdivision D, page 37, à condition que l’octadécylamine ne dépasse pas 3 ppm dans le système ; cette tolérance ne comprend pas l’emploi d’une telle vapeur en contact avec le lait et les produits à base de lait.

* * *

En conclusion, les réactifs Polaris peuvent être utilisés sans crainte pour remplacer l’hydrazine et d’autres réducteurs. Ils bénéficient d’une expérience industrielle et leur développement futur ne fait aucun doute.

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