Spécialement mises au point pour le traitement de l'eau potable, les membranes d'ultrafiltration Aquasource font la preuve de leur suprématie comme en témoigne le développement du parc des installations qui les mettent en ?uvre. Les études menées sur la première station mise en service en 1988 à Amoncourt (Haute-Saône - France) montrent qu'après cinq ans de fonctionnement les membranes sont toujours aptes à fournir de l'eau conforme aux normes sans avoir subi d'altération de leurs qualités initiales : leur longévité est donc prouvée sur le terrain. Avec un seuil de filtration de l'ordre de 0,01 micron, ces membranes assurent la désinfection de l'eau. La récente station d'Avoriaz (Haute-Savoie - France) l'illustre avec d'autant plus d'intérêt que l'action du chlore est amoindrie sur les eaux très froides. Puisque les membranes assurent la désinfection, le chlore ne sert plus qu'à la protection du réseau de distribution et sa dose est divisée par deux ou trois. C'est un grand avantage pour le consommateur qui dispose alors d'une eau agréable à boire.
Le traitement de l'eau potable par membranes d'ultrafiltration faisait ses premiers pas en France en 1988 à l'occasion du démarrage de la petite station d'Amoncourt en Haute-Saône. L'année suivante la station de Douchy (Loiret) était équipée des premiers modules industriels (diamètre 300 mm) (1). En novembre 1993, la station d'Avoriaz est mise en service au moment où l'on fête les cinq ans d'Amoncourt sans renouvellement des membranes. Ces deux événements permettent d'appréhender la technologie sous deux angles intéressants : durée de vie des membranes et désinfection par ultrafiltration. Par désinfection, on entend un abattement des micro-organismes pathogènes (kystes, bactéries et virus) de 6 log (norme Afnor) : plus de 7 log d'abattement de virus ont été constatés avec l'ultrafiltration (2).
Le choix des matériaux
Les membranes utilisées se présentent sous la forme de fibres creuses en polymère cellulosique, matériau par nature hydrophile. Ce type de membrane présente plusieurs avantages par rapport aux autres configurations (plane, spirale, tubulaire). Nous en retiendrons trois : elles sont facilement rétrolavables car le procédé d'assemblage se limite à un empotage aux deux extrémités du module ; elles offrent une large surface de filtration, ce qui permet de réaliser des modules dont la capacité de production est importante (jusqu'à 11 m³/h) ; elles présentent une forte résistance au colmatage (grâce à l'hydrophilie du polymère) et au vieillissement mécanique, ce qui leur confère une durée de vie importante (3). La membrane d'ultrafiltration dont il est question ici offre un seuil de coupure voisin de 0,01 micron. Elle est dite à « peau interne » c'est-à-dire que l'eau est filtrée de l'intérieur vers l'extérieur de la fibre. (On utilisera alternativement les termes de membrane ou de fibre pour désigner la surface de filtration).
Disposer de bonnes membranes n'est pas une condition suffisante pour réussir l'application de cette technologie au traitement de l'eau potable ; il faut encore que le procédé de mise en œuvre optimise leur mode de fonctionnement. De plus, le module utilisé, par son étanchéité, doit garantir une parfaite séparation entre l'eau brute et l'eau traitée. Le choix du type de membrane oriente la configuration du module. Là encore, les membranes planes ou spirales présentent des inconvénients car elles sont disposées dans des modules au sein desquels la répartition du régime hydraulique est défavorable. Il en résulte des problèmes de colmatage qui eux-mêmes auront des conséquences à long terme sur le comportement du système.
Les premiers modules de 100 mm de diamètre ont été réalisés à partir d'un faisceau de 2 200 fibres. Les études et les premières expériences ont montré qu'un module composé de 7 faisceaux, chacun étant disposé dans une grille perforée, serait de la taille idéale (300 mm de diamètre) tant en matière de répartition des charges, de volume d'eau traitée que d'efficacité et d'homogénéité du rétrolavage (figure 1) (voir page suivante).
Après ces cinq années d’expérience, il apparaît clairement que le choix d’une membrane du type fibre creuse en polymère, disposée dans un module cylindrique (300 × 1 300 mm) avec empotage à la résine aux extrémités, avec l’assurance d’une étanchéité complète, est la solution la mieux adaptée à la clarification et surtout à la désinfection de l’eau. C’est aujourd’hui l’un des meilleurs systèmes en service, car il permet de garantir la désinfection de l’eau compte tenu des deux niveaux d’étanchéité existant dans ce type de système : d’une part entre les membranes elles-mêmes, d’autre part entre le carter et les membranes. Les technologies qui utilisent des embouts collés aux extrémités des modules présentent des risques de fuite (les modules de membranes spirales disponibles sur le marché connaissent aussi des problèmes d’étanchéité entre les membranes situées à l’intérieur du système) ; or le traitement de l’eau potable pour la consommation humaine requiert une parfaite étanchéité.
Mises en service à cinq ans d’intervalle, les stations d’Amoncourt et d’Avoriaz permettent d’approfondir deux questions clés en matière de technique séparative : la longévité des membranes et la désinfection de l’eau.
Amoncourt cinq ans après : des membranes intactes
La station d’Amoncourt est constituée de deux lignes de dix modules d’ultrafiltration de 10 cm de diamètre (ce qui représente 7 m² de surface membranaire par module) ; ces modules assurent en moyenne une production nominale de 0,6 m³/h. Les rétrolavages, à l’eau ultrafiltrée, ont lieu toutes les heures. Comme la capacité de production dépasse largement la demande (il s’agit d’un prototype), la station fonctionne environ huit heures par jour.
La ressource est une eau souterraine karstique dont la turbidité moyenne est de 5 NTU, pour une teneur en carbone organique total (COT) de l’ordre de 3 mg/l. Très fortement influencée par la pluviométrie, cette eau connaît des pointes de turbidité atteignant des valeurs de 200 à 300 NTU en quelques heures. Ces pointes peuvent être accompagnées d’augmentations de COT atteignant 9 mg/l.
L’évaluation de la qualité des membranes tout au long de leur fonctionnement sur site met en jeu un certain nombre de paramètres définis ci-après. Cette étude est nécessaire pour appréhender la durée de vie des modules et par conséquent le coût d’exploitation d’une station. En dehors des tests réguliers sur la qualité de l’eau traitée, deux campagnes d’études approfondies ont été menées après trois et cinq années de fonctionnement.
Les méthodes d’analyse utilisées sont très diverses. Le test d’intégrité consiste à injecter de l’air pressurisé et à mesurer la chute de pression intervenant au cours du temps pour vérifier qu’aucune fibre ne s’est rompue. Si c’est le cas, le test identifie celle qui est défectueuse et elle est isolée par une simple opération d’obstruction avec de la résine.
Le calcul de la perméabilité mesure la production d’eau en litre/heure/m² à 1 bar de pression transmembranaire ; il sert à vérifier que les membranes offrent toujours le même flux, c’est-à-dire qu’elles sont capables de produire le volume d’eau traité initialement requis.
L’examen par microscopie électronique contrôle l’état de la surface filtrante ; on vérifie qu’il n’y a pas eu d’abrasion.
L’étude de la résistance mécanique des membranes sur le plan de l’allongement à la rupture indique le vieillissement général des membranes.
Trois ans après...
L’étude menée pendant les trois premières années de fonctionnement fut réalisée à partir de cinq modules prélevés alternativement sur l’une ou l’autre ligne de production afin d’être autopsiés. Cette opération fut menée au bout de 4, 19, 48, 90 et 150 semaines. Des échantillons de membranes ont été prélevés en neuf endroits différents sur chacun des modules afin de procéder à une évaluation complète de l’évolution des fibres.
Les résultats sont positifs. Les cinq modules sont dans un état satisfaisant ; aucune rupture de fibre n’a été constatée. On n’observe aucune dégradation ni érosion des peaux de la membrane qu’il s’agisse de l’intérieur ou de l’extérieur de la fibre. Les propriétés mécaniques sont inchangées. L’allongement à la rupture n’a que très légèrement baissé à la fin de la première année pour se stabiliser ensuite pendant les deux suivantes. On peut donc dire que les membranes n’ont pas véritablement subi de vieillissement mécanique. La conclusion de l’étude indique que les modules ont toutes les chances de durer plus de cinq ans ; les essais de vieillissement mécanique accéléré effectués en laboratoire montrent qu’ils sont encore aptes à subir plus de 90 000 cycles de filtration/rétrolavage.
Cinq ans après...
Seconde vaste campagne de tests en octobre-novembre 1993 : elle démontre qu’il n’y a pas de passage de micro-organismes pathogènes dans l’eau ultrafiltrée (10⁷ d’abattement sur les virus) et que la turbidité est en permanence réduite à moins de 0,2 NTU. L’eau traitée est donc conforme aux normes, quelles que soient les variations de l’eau brute. Un module est testé en profondeur selon les paramètres cités plus haut ; tous les autres modules sont testés à l’air : les résultats sont similaires. La seule altération concerne l’allongement à la rupture déjà observé après trois ans d’utilisation ce qui permet de conclure que ce phénomène s’est produit au début de la mise en service ; il n’a d’ailleurs pas d’influence sur la qualité de l’eau. Quant à la perméabilité du module, mesurée sur de l’eau ultrafiltrée, elle a baissé de 10 % (la précision de la mesure étant de l’ordre de 5 %).
Amoncourt est donc entrée dans sa sixième année. Huit modules sur vingt ayant été prélevés entre 1988 et 1994, 60 % d’entre eux sont encore d’origine. Un suivi rapproché sera effectué dans le futur : test à l’air tous les 3 à 4 mois sur l’ensemble des modules (non destructif) ; prélèvement d’un module tous les six mois (destructif). L’objectif est de réaliser un contrôle précis des membranes et de vérifier leur intégrité pour garantir la distribution d’une eau de qualité.
Ces opérations sont essentielles pour suivre le comportement des membranes dans le temps puisqu’il s’agit d’une technologie nouvelle dans le traitement de l’eau. En fait, le vieillissement d’une membrane est en partie dépendant de la fréquence des rétrolavages et des nettoyages lessiviels. Plus ils sont espacés et moins les membranes seront soumises à l’usure mécanique ; les risques de rupture de fibre seront donc moindres. C’est pourquoi il est important d’utiliser un matériau qui permette de réduire les phénomènes de
Colmatage afin que la perméabilité soit maintenue ; les opérations de récupération de la perméabilité seront ainsi les plus espacées possible. Pour mémoire, les récupérations de perméabilité sont effectuées quotidiennement par les rétrolavages et exceptionnellement par les nettoyages lessiviels.
Amoncourt subit un nettoyage lessiviel par an. Douchy (eau souterraine – Loiret – 50 m³/h) qui a démarré en 1989 n’en a pas encore connu. Blomac (eau de surface – Aude – 8 m³/h) en demande un par an. Des tests sur l’eau de Seine, à Vigneux, ont montré la nécessité d’un nettoyage tous les quatre mois pour les membranes d’ultrafiltration et d’un nettoyage toutes les une à deux semaines pour certaines membranes de microfiltration. (5)
C’est pourquoi le choix de l’ultrafiltration par fibre creuse en polymère hydrophile est justifié pour le traitement de l’eau ; de plus, c’est seulement à partir de ce seuil de filtration-là que les virus sont stoppés. Enfin, rappelons l’importance du procédé de fonctionnement, qui intervient lui aussi dans la maîtrise du colmatage, puisque c’est l’élément régulateur des mouvements de la station. Membrane, module et procédé sont bien les trois clés des techniques séparatives.
Aspects économiques
Les membranes représentent 15 à 30 % du prix de l’installation et leur renouvellement 50 % du coût d’exploitation. Au début des recherches dans ce domaine, on espérait les faire durer trois ans puis quatre ans comme certaines membranes de microfiltration ; en fait, les membranes d’Amoncourt étant entrées dans leur sixième année d’existence, la part du coût d’exploitation consacrée à leur renouvellement baisse de 20 %. Il faut également noter que le coût de renouvellement des modules baisse aussi au fur et à mesure de l’industrialisation du système : s’il était de 1,15 F/m³ à Amoncourt, il n’est plus que de 0,18 F/m³ à Lugay le Male (Indre), station qui démarrera en 1994.
Avoriaz : l’atout de la désinfection physique
À 1 800 m d’altitude sur la commune de Morzine, la station d’ultrafiltration alimente l’ensemble du domaine d’Avoriaz : 300 habitants en basse saison, 7 000 en moyenne saison et 15 000 pendant les hautes saisons estivales et hivernales. Elle peut produire 3 000 m³/jour avec ses deux unités de 14 modules chacune (modules de 70 m²). Le réseau de distribution en fonte est assez compact : sa longueur totale atteint 18 km.
L’approvisionnement en eau d’Avoriaz provient de trois origines. Des sources captées en toute saison dans le vallon de Chavanette : en hiver la turbidité est faible et il y a peu de risque de pollution bactériologique ; pendant la fonte des neiges et en été, des épisodes fortement turbides apparaissent avec des risques de contamination bactériologique.
Deux retenues collinaires sont situées à 2 000 et 1 730 m d’altitude : le lac 2000 (40 000 m³) et le lac 1730 (65 000 m³). Elles sont principalement utilisées en hiver et sont sujettes à la turbidité, aux contaminations bactériologiques et à la présence de matières en suspension.
Une des sources de Morzine assure le secours nécessaire pendant la haute saison hivernale au moyen d’une chaîne élévatoire (90 000 m³/an relevés à 800 m de HMT) ; l’eau est mélangée à celle du lac 1730.
Ces ressources présentent quatre caractéristiques : elles sont froides, turbides (plus de 50 NTU avec des variations brusques et fortes surtout pendant l’été et en période de fonte des neiges), elles subissent des risques de contamination par des micro-organismes dont certains sont pathogènes, elles sont mal ou pas du tout protégées des risques de pollution ; caractéristiques communes à beaucoup de ressources de montagne. Ce sont des eaux peu minéralisées et peu chargées en matière organique. Le tableau indique la contamination fécale détectée le 21 septembre 1993 dans les différentes ressources.
Deux solutions concurrentes
Deux filières possibles ont été comparées par le CIRSEE : l'ultrafiltration et la coagulation sur filtre. Une campagne d’essais avec pilotes a été menée du 21 janvier 1993 au 23 février 1993 pour étudier la filière ultrafiltration : installation d’une unité mobile “Sirocc’Eau” équipée de 4 modules (capacité maximum 440 m³/j) sur le refoulement de l’eau de Morzine (à mi-pente) ; installation d’un pilote “Nautilus” sur le site même (45 l/h). Le Sirocc’Eau avait pour but de tester le comportement des modules sur une eau dont la température soit proche de 0 °C. Le Nautilus évaluait les performances des membranes sur l'eau des lacs. Une étude de la solution coagulation sur filtre a également été réalisée. Les conclusions des essais définissent deux filières possibles.
Coagulation sur filtre :
ajout d'acide sulfurique (20 g/m³ pour un pH de 7 à 7,5) ; utilisation de 10 g/m³ de sulfate d'aluminium ; filtration sur sable dont les caractéristiques seraient Te = 0,75 mm pour 8 m³/h ; mise au pH d’équilibre avec 15 g/m³ de soude ; limite de traitabilité de l'eau brute : 20 NTU. Avec cette filière, la turbidité de l'eau traitée serait de l’ordre de 0,3 NTU et la dose de désinfectant de l’ordre de 0,25 g/m³.
Ultrafiltration par membranes :
production nominale des modules de 70 m² = 3,2 à 3,8 m³/h pour de l'eau comprise entre 0,5 et 2 °C ; traitement de l'eau brute jusqu’à 200 NTU ; abattement de 100 % des micro-organismes ; chloration finale faible, de l’ordre de 0,1 mg/l ; turbidité de l'eau traitée < 0,1 NTU.
Le rapport final souligne la complexité de mise en œuvre de la coagulation sur filtre sur de telles eaux. La difficulté des dosages de réactifs est accrue par la variabilité de la qualité de l’eau brute constatée dans une même journée, les moments les plus critiques se situant lors de fonte des neiges et pendant l’été (mai à octobre). À cette période, si l’eau traitée présente une turbidité un peu forte, elle risque de souiller le réseau en entraînant un risque de reviviscence bactérienne dommageable pour le consommateur.
* Centre International de Recherche sur l’Eau et l’Environnement.
Autre point de comparaison entre les deux techniques : la chloration finale, qui demande une dose de 0,2 à 0,3 g/m³ après la coagulation sur filtre et de 0,1 g/m³ après l’ultrafiltration, soit en moyenne deux à trois fois moins, et cela quel que soit l’état de la ressource. L’ultrafiltration étant une technique de désinfection de l’eau, le chlore n’est plus utilisé que pour la protection du réseau ; par ailleurs l’absence de matières en suspension réduit considérablement la demande en chlore. Dans le cas de la coagulation sur filtre, le chlore assure une double mission : la désinfection de l'eau et la protection du réseau.
Cette double mission est rendue d’autant plus difficile que la très faible température de l’eau amoindrit l’effet désinfectant du chlore. Avec l’ultrafiltration, ce sont les membranes qui assurent la désinfection.
Le chlore et l'eau froide
L’étude préparatoire au projet d’Avoriaz a intégré l'effet de la température sur le pouvoir désinfectant du chlore. À cette altitude, la température des ressources, en degrés centigrades, est la suivante :
été | hiver | |
---|---|---|
sources | 6 | 1 |
lacs | 10 | 3 |
eau de Morzine | 4 | 1 |
L'action bactéricide du chlore sur le pneumophilia est présentée sur la figure 2. Le comportement du pneumophilia à trois températures différentes (32 °C, 21 °C et 4 °C) illustre la résistance croissante du micro-organisme à basse température : si à 21 °C il faut 60 mn de temps de contact pour le détruire, à 4 °C ses chances de survie ne sont pas encore nulles après 90 mn. Les eaux d’Avoriaz sont tout particulièrement concernées par ce type de données puisque pendant environ huit mois par an leur température est comprise entre 1 °C et 3 °C.
Autre facteur pris en compte : le pH. Plus il est élevé et plus la concentration résiduelle en chlore libre doit être augmentée pour obtenir la même efficacité (figure 3). Les eaux d’Avoriaz présentent un pH compris entre 7,75 (lac 2000 et sources de Chavanette) et 7,85 (lac 1730). La technique d'ultrafiltration par membranes, un tamis absolu pour toute particule d’une taille supérieure à 0,01 micron, élimine tous les micro-organismes y compris ceux qui sont pathogènes. Elle apporte une solution à la difficulté de la désinfection de l'eau à basse température et à pH élevé, une désinfection qu'elle permet de réaliser sans dosage de réactifs ni gestion de temps de contact. C'est une désinfection sécurité. D’autres sites mettent à profit cet avantage : à Charcenne (Haute-Saône, 570 m³/j) l'eau ultrafiltrée alimente une fromagerie industrielle ; à l’hôpital militaire Jean-Prince de Tahiti (Polynésie, 100 m³/j) la petite station alimente tous les services hospitaliers y compris la balnéation des brûlés.
Le goût
La désinfection opérée par les membranes d’ultrafiltration et l'absence de particules dans l'eau traitée permettent de limiter au maximum la dose de chlore nécessaire à la distribution de l’eau dans le réseau, ce qui explique une nette amélioration du goût de l’eau à son arrivée au robinet des consommateurs. Là encore Avoriaz fournit des éléments intéressants : le tableau 1 et les figures 4 et 5 présentent les doses de chlore mesurées en trois points du système de distribution et les seuils de dégustation correspondants. La chute est nette à partir de décembre 1993, soit après le démarrage de l’ultrafiltration : la chloration est diminuée de 40 à 45 %. Un taux résiduel se maintient jusqu’à l'office de tourisme situé au centre du lotissement, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le maintien de la qualité de l’eau dans le réseau est illustré par les seuils de dégustation mesurés à la sortie du réservoir : entre septembre et novembre 1993, odeur et saveur y étaient couramment
Tableau I
Analyses bactériologiques type P1 réalisées par la DDASS 74 le 21 septembre 1993 (avant mise en route de l’ultrafiltration).
Lieu du prélèvement | Résultat - Observation |
---|---|
Lac 1730 | non conforme (2 coli, 4 strepto) |
Drain Lac 2000 | conforme |
Les Lanches | non conforme (1 coli, 2 strepto) |
Le Fornet | non conforme (5 coli, 1 strepto) |
Chavanette | non conforme (2 coli) |
Pompe Chavanette | conforme |
Fontaine froide | non conforme (7 coli, 1 strepto) |
Tableau II
Avoriaz : évolution de la chloration de protection du réseau et du résiduel de chlore (mg/l).
Date | entrée du réservoir | sortie du réservoir | Office du tourisme |
---|---|---|---|
28/09/93 | 0,25 | 0,10 | 0 |
18/10/93 | 0,25 | 0,15 | 0 |
16/11/93 | 0,25 | 0,10 | 0 |
20/12/93 | 0,13 | 0,06 | 0,02 |
10/01/94 | 0,13 | 0,06 | 0,01 |
08/02/94 | 0,15 | 0,07 | 0,01 |
28/03/94 | 0,15 | 0,09 | 0,05 |
Compris entre les seuils 2 et 5 ; après installation de l’ultrafiltration, les seuils se situent soit au niveau 1 (20/12 et 8/2) soit au niveau 2 (la norme se situe entre 2 et 3 selon la température). Rappelons que le seuil 1 ne présente ni goût ni odeur.
La figure 6 donne le résultat des mesures de turbidité effectuées sur l’eau brute distribuée avant la mise en route de l’usine puis sur l’eau ultrafiltrée. Depuis la mise en service de l’ultrafiltration, l’eau traitée présente une turbidité moyenne de 0,1 à 0,2 NTU. En décembre 1993, on observe une pointe de turbidité de 30 à 70 NTU juste avant les premières chutes de neige. Sans l’ultrafiltration, il aurait fallu isoler l’alimentation des réservoirs et limiter la consommation. Avant le démarrage de cette nouvelle usine, un capteur analysait en continu la turbidité à l’entrée des réservoirs et les isolait en cas de dépassement de la CMA. À la sortie des réservoirs, un dispositif d’analyse du chlore en continu avait été installé, couplé à une alarme. Ce dispositif de sécurité a été maintenu à titre préventif.
Aspects économiques
En règle générale, et comme on l’observe en passant en revue les calculs économiques des six autres stations qui ont démarré en 1993, le coût d’exploitation de l’ultrafiltration se situe aujourd’hui entre 0,70 et 1 F/m³ (TC). Ceci comprend l’investissement, l’amortissement, le renouvellement des modules, la main-d’œuvre et l’énergie.
Le projet d’Avoriaz s’élevait à 8,6 MF (génie civil, équipement, canalisations, étude). Il a bénéficié de subventions importantes : FNDAE (12 %), Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (28 %), Société d’Aménagement de Morzine-Avoriaz (11 %), Lyonnaise des Eaux (6 %). Les copropriétaires ont financé le solde (42 %) soit 860 francs par logement. L’ultrafiltration représentait une dépense de 30 % supérieure à la coagulation sur filtre mais pour un résultat bien plus fiable en matière de qualité d’eau traitée. Selon les sites, cette différence de prix peut être comprise entre 5 et 30 %. Les conditions particulières d’Avoriaz situent ce projet dans la fourchette haute.
Conclusion
Les cinq ans de la première station d’ultrafiltration et le succès de l’application de cette technologie sur les eaux de montagne sont deux étapes importantes de l’application des membranes au traitement de l’eau potable ; ces deux événements se déroulent à l’heure où la plupart des sociétés de distribution cherchent à appliquer cette technologie en mettant en œuvre diverses formules.
Aujourd’hui, notre procédé d’ultrafiltration par membranes a pris le leadership dans ce domaine (figure 7). La prochaine étape majeure sera marquée par le démarrage de l’usine de l’Apier-Saint-Cassien dans les Alpes-Maritimes en 1995 : 25 000 m³/jour traités par 160 modules d’ultrafiltration. La ressource qui sera utilisée est une eau de barrage traitée par une combinaison charbon actif et ultrafiltration. L’application des membranes d’ultrafiltration est maintenant possible sur les eaux souterraines comme sur les eaux de surface au profit des petites collectivités comme des grandes.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Thébault P., Bersillon J.L., Les membranes de l’eau potable : l’eau claire pour l’an 2000 à Douchy. T.S.M, 85ᵉ année, mai 1990.
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(3) Aptel P., Vial D. (1992), New membrane plants for water treatment. Première bourse européenne des technologies innovantes en épuration des eaux.
(4) Cabassud C., Aptel P. (1992), The Amoncourt ultrafiltration plant : evaluation of membranes life time.
(5) Anselme C., Mandras V., Baudin I., Mallevialle J., Optimum use of membrane processes in drinking water treatment. AIDE Budapest, octobre 1993.