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Critères du pouvoir oxydant d'un corps : potentiel d'équilibre et courbe voltammétrique

30 novembre 1978 Paru dans le N°29 à la page 55 ( mots)

Pour apporter des précisions sur la comparaison des pouvoirs oxydants du chlore et du brome, abordée dans un récent article : « Le brome, son utilisation pour la stérilisation des eaux de piscines » (1) et reprise par SAUNIER (2), nous rappelons d’abord l’importance du facteur cinétique dans l’étude des réactions d’oxydo-réduction. En effet, le potentiel normal est souvent le seul critère retenu, par divers auteurs (2, 3), pour comparer le pouvoir oxydant des halogènes. Nous examinons ensuite les calculs des potentiels d’équilibre et les courbes voltammétriques relatives au chlore et au brome.

1. PRÉVISION DES RÉACTIONS D’OXYDO-RÉDUCTION

Pour prévoir les réactions d’oxydo-réduction, il est commode de classer tous les couples oxydo-réducteurs, tels que Ox + ne = Red, en fonction de leur potentiel normal E° . Ainsi, un oxydant est d’autant plus fort (un réducteur d’autant plus faible) que la valeur de E° du couple redox correspondant est plus élevée. Donc en théorie, dans les conditions normales de température et d’activité, un oxydant d’un couple 1 peut réagir sur le réducteur d’un couple 2 si E°1 > E°2. La connaissance du potentiel normal (grandeur thermodynamique liée à l’enthalpie libre standard de la réaction par la relation : ΔG° = – nF E°), n’apporte aucune indication sur la cinétique de réaction. En pratique, l’évolution spontanée d’un système réel implique, d’une part un potentiel différent du potentiel d’équilibre, et d’autre part une vitesse v suffisamment grande. Cette double condition se résume par la relation : v > 0 avec une affinité positive (A = – ΔG) et une vitesse v positive. Si les vitesses de réactions sont lentes, le facteur cinétique prédomine. Par exemple, malgré le potentiel normal élevé du couple S₂O₈²⁻/SO₄²⁻ (E° = 2,01 V), le persulfate n’est pas utilisé sans catalyseur, car son pouvoir oxydant « effectif » est faible, le système redox considéré étant très lent.

Autre cas intéressant, les couples ClO₄⁻/ClO₃⁻ (E° = 1,19 V) et ClO₂/Cl⁻ (E° = 1,38 V), ont des potentiels normaux nettement supérieurs à celui du couple Fe³⁺/Fe²⁺ (E° = 0,77 V). En ne considérant que les valeurs E°, en milieu acide Fe²⁺ devrait réduire le perchlorate ou en chlorure, mais en fait les cinétiques étant très lentes, les réactions ne se produisent pas (4).

Les courbes intensité-potentiel, mode de prévision plus sûr que le précédent, tiennent compte de ce facteur cinétique. En effet, une courbe i = f (E) constitue une mesure de la vitesse de réaction pour chaque valeur de potentiel imposée à l’électrode, puisque l’intensité du courant est proportionnelle au nombre d’électrons échangés par unité de temps. La courbe voltammétrique d’un système redox est caractérisée par des courants anodique et cathodique nuls au potentiel d’équilibre E_eq. Pour un système « lent », le réducteur ne peut être oxydé avec une vitesse notable que pour une valeur de potentiel très supérieure à E_eq, et l’oxydant est réduit à la même vitesse si le potentiel atteint une valeur très inférieure à E_eq. Le système présente une surtension |E – E_eq| importante. Par contre dans le cas d’un système redox « rapide », l’oxydation a lieu, avec la même vitesse que précédemment, pour un potentiel très peu supérieur à E_eq et la réduction pour un potentiel très peu inférieur à E_eq. La surtension est ici très faible ; l’oxydation et la réduction peuvent s’effectuer dans des conditions voisines de la réversibilité (5).

Lors de la réduction électrolytique d’un mélange de deux oxydants, tels que le persulfate et le Fe³⁺, l’anion devrait se réduire avant le cation d’après les potentiels normaux des couples correspondants. En fait, pour une différence de potentiel E_appl – E_eq appliquée entre les électrodes, H₂O s’oxyde en O₂ à l’anode et Fe³⁺ se réduit en Fe²⁺ à la cathode. L’examen des courbes voltammétriques des différents couples oxydo-réducteurs correspondants (figure 1) permet de justifier ces faits expérimentaux (5).

Compte tenu des divers facteurs intervenant en cinétique, les courbes voltammétriques représentant un système redox donné se déplacent en fonction de la nature de l’électrode de travail et des caractéristiques du milieu d’électrolyse (nature du solvant, température, force ionique...).

2. APPLICATION AU CHLORE ET AU BROME EN EAU DE PISCINE

2.1 Calcul des potentiels d’équilibre

Pour comparer le pouvoir oxydant des halogènes dans l’eau, il est nécessaire d’examiner les potentiels d’équilibre des systèmes relatifs aux espèces HXO et XO⁻ et non leur potentiel normal (les conditions d’utilisation, en particulier les concentrations des réactifs HXO, XO⁻, X⁻, H⁺, OH⁻ étant très éloignées des conditions normales). Les potentiels normaux relatifs aux formes X₂ étant exclus, car dès leur introduction en phase aqueuse, les halogènes subissent une hydrolyse selon l’équilibre :

X₂ + H₂O ⇌ HXO + H⁺ + X⁻  (X = Cl, Br)

suivie de la réaction de dissociation de l’acide hypohalogéneux :

HXO ⇌ XO⁻ + H⁺   avec   K = [XO⁻][H⁺]/[HXO]

et, éventuellement, de la formation de trihalogénure X₃⁻. Les proportions respectives de ces produits halogénés dépendent de la température, du pH, de la concentration en halogénure et peuvent être calculées à partir des constantes d’équilibre des réactions précédentes. Dans les conditions des eaux de piscines (milieu neutre ou légèrement alcalin, faible concentration en halogénure), l’halogène est essentiellement présent sous les formes acide hypohalogéneux et hypohalogénite. La concentration de chaque espèce est simplement déterminée à partir de la réaction de dissociation. Ainsi, en posant :

[OX] = [HXO] + [XO⁻]

où [OX] représente la concentration totale en halogène exprimée en mol · l⁻¹, on obtient :

[HXO] = K [OX] / (K + [H⁺])
[XO⁻] = [H⁺] [OX] / (K + [H⁺])

Les réactions d’oxydo-réduction à envisager sont les suivantes :

(a)  HXO + H⁺ + 2 e⁻ ⇌ X⁻ + H₂O
(b)  XO⁻ + H₂O + 2 e⁻ ⇌ X⁻ + 2 OH⁻

Potentiels normaux correspondants (V/ENH) :

X Cl Br
E°ₐ 1,494 1,331
E°ᵦ 0,888 0,761

Lorsque le pH croît, le système (b) se substitue progressivement au système (a). Le potentiel d’équilibre s’obtient, par la relation de Nernst :

E_eq = E° + (RT/nF) ln ([Ox]/[Red])

À 25 °C et par rapport à l’électrode au calomel saturé (ECS) :

E_eq = E° + 0,05916 /n · log ([Ox]/[Red]) – 0,242

D’où, pour (a) et (b) :

E_eq(a) = E°ₐ + 0,05916 · pH – 0,242
E_eq(b) = E°ᵦ + 0,05916 · (14 – pK) – 0,05916 · pH – 0,242

et l’on vérifie que :

E°ₐ = E°ᵦ + 0,05916 · (14 – pK)

En retenant des concentrations en halogène de 1 mg ·l⁻¹ et en halogénure de 100 mg ·l⁻¹ (mol ·l⁻¹) :

[Cl₂] = 1,41 · 10⁻⁵      [Cl⁻] = 2,82 · 10⁻³      K_Cl = 3,3 · 10⁻⁶
[Br₂] = 6,26 · 10⁻⁵      [Br⁻] = 1,26 · 10⁻²      K_Br = 1,9 · 10⁻⁵

Les potentiels d’équilibre calculés (V/ECS) montrent que, pour chaque halogène, les couples HXO/X⁻ et XO⁻/X⁻ ont des potentiels théoriques quasiment équivalents ; il sera donc difficile de distinguer leurs vagues de réduction sur les courbes voltammétriques. Les potentiels relatifs au chlore sont toujours supérieurs à ceux du brome : la différence est de 0,163 V à pH 6 et de 0,131 V à pH 9.

2.2 Examen des courbes voltammétriques du chlore et du brome en solution aqueuse

Pour tenir compte du facteur cinétique dans la comparaison du pouvoir oxydant du chlore et du brome, des courbes voltammétriques ont été tracées sur des solutions tamponnées et désoxygénées d’halogène (≈ 2 · 10⁻⁴ M) et d’halogénure (≈ 5 · 10⁻⁴ M) en présence de K₂SO₄ (électrolyte support), à l’aide d’un montage à trois électrodes (électrode de travail : platine poli ; balayage du potentiel dans le sens croissant).

L’examen des courbes i = f(E) révèle : – le couple HBrO/Br⁻ est rapide pour pH < 7,5 ; en milieu plus alcalin, le couple BrO⁻/Br⁻ devient relativement lent (résultats partiellement confirmés par MAGNO) ; – les couples HClO/Cl⁻ et ClO⁻/Cl⁻ sont lents quel que soit le pH, en accord avec TREMILLON et DUCLOUX.

Potentiels d’équilibre calculés (V/ECS)

pH Chlore E_eq(a) = HClO/Cl⁻ Brome E_eq(a) = HBrO/Br⁻ = E_eq(b) BrO⁻/Br⁻
6,0 1,006 0,843
7,0 0,973 0,814
8,0 0,928 0,782
9,0 0,872 0,741

Sur les figures 2 et 3 nous avons regroupé à pH 6,55 et pH 8,4 les courbes voltammétriques relatives au chlore et au brome. Le potentiel cathodique de demi-vague (qui situe la vague de réduction de l’oxydant d’un système lent) est plus grand pour le brome que pour le chlore. Les potentiels cathodiques de demi-vague observés sont :

pH = 6,55 E1/2 Cl = 0,68 V E1/2 Br = 0,85 V
pH = 8,40 E1/2 Cl = 0,55 V E1/2 Br = 0,66 V

Les potentiels d’équilibre, calculés à partir des relations E° (a) ou E° (b) avec les concentrations retenues en halogène et en halogénure, sont :

pH = 6,55 E° Cl = 1,02 V E° Br = 0,86 V
pH = 8,40 E° Cl = 0,93 V E° Br = 0,80 V

Les potentiels d’équilibre sont bien situés entre les branches cathodique et anodique des courbes. On constate aussi le bon accord entre les valeurs de E° = 0,86 V et de E1/2 = 0,85 V pour le système rapide HBrO/Br-, à pH 6,55. Les courbes voltammétriques permettent aussi d’interpréter les écarts entre les valeurs expérimentales (figure 4) et les valeurs théoriques des potentiels d’équilibre en fonction du pH. Un bon accord est obtenu à pH 6 et 7 pour le brome, car le système est rapide. À pH 8 et 9, l’écart plus important résulte d’un système plus lent, et le potentiel mesuré n’est pas stable ou ne correspond pas à un état d’équilibre. Ceci est confirmé par une dispersion des valeurs sur la courbe (figure 4), pour pH > 7,5.

Dans le cas du chlore, où le système est encore plus lent indépendamment du pH, les valeurs mesurées (0,84 V à pH 6,55 et 0,70 V à pH 8,4), très inférieures aux valeurs théoriques, sont très proches de celles reportées par WHITE (10) (0,83 V à pH 6,55 et 0,71 V à pH 8,4 par interpolation de la courbe figure 4.9). Ces valeurs expérimentales coïncident avec les potentiels de départ des vagues cathodiques sur les figures 2 et 3, ce qui semble indiquer que l’état d’équilibre du système n’est pas atteint. L’hypothèse de SAUNIER (2), permettant d’expliquer les écarts entre les potentiels mesurés et calculés dans le cas du chlore par la présence de sels ammoniacaux formant des chloramines, est à exclure. Lors de nos mesures, des précautions rigoureuses ont été prises : emploi d’une eau bidistillée exempte de matières organiques ou azotées, utilisation de réactifs très purs, nettoyage et flambage de l’électrode de platine avant chaque essai. Par ailleurs, contrairement à l’affirmation de SAUNIER (2), le dosage du chlore libre des eaux de piscines ne peut être déterminé par potentiométrie. L’influence des chloramines, l’action de nombreux paramètres (pH, température, teneur en chlorure, impuretés diverses), la relation logarithmique entre le potentiel et la concentration d’halogène, rendent peu probants les résultats des mesures de chlore libre (10 — 11). À la méthode potentiométrique, il faut préférer la technique ampérométrique pour le dosage de l’halogène.

CONCLUSION

Pour comparer le pouvoir oxydant des réactifs, il ne suffit pas de considérer les valeurs des potentiels standards ou même des potentiels d’équilibre des systèmes redox correspondants. Le facteur cinétique qui apparaît dans le tracé des courbes voltammétriques reste prépondérant. Dans les conditions des eaux de piscines où les halogènes sont présents sous les formes HClO, ClO- ou HBrO, BrO-, le chlore se comporte comme un oxydant beaucoup plus lent que le brome. L’analyse des matières organiques non oxydées sur des eaux traitées au chlore et au brome montre que, pour obtenir la même efficacité en pouvoir oxydant, il faut utiliser des concentrations pondérales voisines, mais correspondant à des concentrations molaires 2,25 fois plus élevées en chlore qu’en brome (tableau 8, référence 1).

R. JURION — M. SOULARD

[Figure : Courbes voltammétriques]

3ᵉ Salon des équipements collectifs de sports et de loisirs

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