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Coûts comparatifs des procédés de désinfection chimique des eaux de piscine

30 octobre 1991 Paru dans le N°149 à la page 55 ( mots)
Rédigé par : Pierre SCOTTE et Jean AUBERT

Lorsqu’il évoque le coût du traitement appliqué à l'eau d’une piscine, le responsable ne tient compte en général que du coût des produits qu'il va mettre en œuvre, car bien souvent ce sont les services techniques municipaux qui gèrent l’ensemble des installations.

Les produits de traitement ne représentent que 4 % en moyenne du coût de fonctionnement de la piscine, c’est-à-dire des dépenses de fonctionnement, en excluant les frais financiers et les grosses réparations qui sont considérées comme de l'investissement (mise en conformité, remplacement des filtres). Or, du choix judicieux des produits de traitement et de leur bonne utilisation va dépendre une économie ou un surcoût sur différents postes de dépenses, soit :

Le coût du traitement

— d'une manière quantitative (donc directement chiffrable) :
  * sur les coûts de fonctionnement (coût matière, main-d'œuvre, énergie),
  * sur les investissements : coût d’achat du matériel de mise en œuvre, durée de vie du matériel, maintenance, corrosion,
— d'une manière qualitative (non directement chiffrable) :
  * conditions d’hygiène et sécurité du personnel (accidents, arrêts de travail),
  * conditions de confort du public (nombre d’entrées).

Il est évident que de faibles variations sur les postes du personnel et du chauffage (qui représentent 75 à 80 % du budget de fonctionnement) vont entraîner des répercussions bien plus importantes que des variations notables sur le coût des produits :

chaque piscine, chaque eau, chaque type de gestion créent autant de cas particuliers, et il est donc difficile de chiffrer des coûts d’exploitation pour chaque établissement ; néanmoins en se plaçant dans des conditions moyennes on peut dresser une évaluation, ainsi qu’un canevas qui permettra d’étudier chaque cas particulier.

Diverses considérations sont en effet évidentes :

— le prix de la main-d'œuvre peut varier d'une piscine à l'autre,
— l'importance du temps de travail dépend du personnel dont on dispose,
— le prix des produits de traitement peut varier sensiblement en fonction des conditions locales (éloignement des sources d’approvisionnement, condition de concurrence, etc.) et des quantités consommées (consigne de bidons, transport...).

Choix de l’exemple

Nous nous placerons dans le cas classique d'une piscine couverte du type traditionnel comportant un bassin de 1000 m² de 2 m de profondeur moyenne et conforme aux normes de 1981. On supposera que l’eau est de qualité normale, c’est-à-dire qu’elle est équilibrée (TH 12 à 20° F/TAC 15 à 30°F) et qu'il n’est donc pas nécessaire d’ajouter des réactifs pour modifier son équilibre calco-carbonique.

Précisons que le pH d’alimentation est de 7,5 ± 0,1, que la filtration s’effectue sur filtre à sable dit « lent » (U < 20 m/s) et que la fréquentation est évaluée à 650 personnes par jour.

Coût du traitement de filtration

Le seul traitement à effectuer est la mise en œuvre de floculant (sulfate d’alumine). La quantité journalière à mettre en œuvre est d’environ 0,5 g/m³ d'eau recyclée soit 3 kg/j. La main d'œuvre de dissolution peut être estimée à 6 mn/j soit 5 F.

Le coût de la filtration se chiffrera donc quotidiennement comme suit :

— réactif : 3 kg de sulfate d’alumine 9,00 F  
— amortissement de l'installation (6 000 F/3 000 jours d’ouverture) 2,00  
— maintenance de l’appareillage 1,00  
— main-d'œuvre 5,00  
soit un coût total journalier (non compris l’entretien du filtre) de 17,00 F

Nous rappelons que la floculation consomme des ions bicarbonates. Le renouvellement journalier de l’eau apporte la quantité nécessaire de bicarbonate si l'eau d’appoint présente un TAC supérieur à 15 °F. Si ce TAC se trouvait inférieur à 15° F, soit par la nature de l'eau d’appoint soit par ajouts d'acides dans l'eau de la piscine, il y aurait lieu de prévoir une correction de l'eau par addition de bicarbonate de soude (1,68 g/m³/° F de TAC).

Coût du traitement de stérilisation

Nous nous bornerons à l'étude des composés chlorés autorisés par la législation, c’est-à-dire : chlore gazeux, hypochlorites (eau de Javel...), chlorocyanuriques.

[Photo : Teneur en CHX, dans l’eau en fonction de la durée.]

Quantités que nous mettrons en œuvre dans chacun des cas sont des valeurs moyennes, afin d’obtenir une eau conforme aussi bien du point de vue visuel que bactériologique. La filtration est supposée en bon état et bien dimensionnée. L'injection de produit chloré a lieu au moins 3 m après le réchauffeur. Le non-respect de ces conditions entraînerait une surconsommation pouvant être importante et qui n’est pas prise en compte dans cette étude.

Fonctionnement

Nous examinerons pour chaque poste l’incidence de chacun des produits de traitement.

Chlore gazeux

Compte tenu des caractéristiques de notre piscine, elle consomme 4,5 kg par jour de chlore. Le prix moyen du chlore gazeux rendu sur place, comprenant le prix du produit, la location et la vérification des bouteilles et le transport, ressort actuellement à 12 F par kg.

La dépense de fourniture de Cl₂ s’élèvera donc à 54 F.

Le chlore gazeux entraînant une acidification de l’eau, il sera nécessaire de corriger le pH par une adjonction de 3,36 kg de carbonate de soude, soit une dépense de 3,36 × 3 = 10,08 F et un coût total des matières de 64,08 F.

Extrait d’eau de Javel

La piscine consommera 30 l d’extrait d’eau de Javel avec un prix de revient de 1,50 F le litre, soit 45 F/j. Il sera nécessaire d’utiliser 3 l/j d’acide chlorhydrique à 22° Baumé pour maintenir le pH, soit 7,50 F/jour. Le prix de revient de cette fourniture sera donc de 52,50 F.

Chlorocyanuriques

* Dichlorocyanurate de sodium (DCCNa)

On utilisera 2,5 kg de DCCNa au prix de revient moyen de 27 F, soit 67,50 F ; aucun réactif correcteur de pH ne sera nécessaire.

[Photo : Teneur en CHX, dans l’eau en fonction de la mesure DPD 1.]

* Galets d’acide trichlorocyanurique (ATCC)

La piscine emploiera 1,75 kg de galets par jour au prix de revient moyen de 30 F, soit 52,50 F. L’ATCC étant acide, il sera nécessaire de mettre en œuvre 0,5 kg de carbonate de soude au prix de 3 F/kg, soit 1,50 F.

De si faibles quantités peuvent être ajoutées manuellement une fois par semaine dans le bac de disconnexion ; aucun appareillage n’est donc nécessaire.

Le prix de revient « matières » sera donc de 54 F.

Du strict point de vue des matières premières, nous obtenons donc l’ordre suivant :

Eau de Javel ATCC Cl₂ DCCNa
52,50 F < 54 F < 64,08 F < 67,50 F

Mise en œuvre des produits de traitement

Dans les calculs ci-dessus, l’heure de travail de l’ouvrier d’entretien a été évaluée à 60 F charges comprises.

Chlore gazeux

La main-d’œuvre journalière : réception des bouteilles, changement des bouteilles, tournée de contrôle, mise en œuvre de carbonate, peut être estimée à 30 mn par jour, soit un coût de main-d’œuvre approximatif de 30 F/j.

Eau de Javel

La réception des bidons, la mise en œuvre de l’extrait d’eau de Javel et de l’acide chlorhydrique, le nettoyage des bacs, pompes et clapets d’injections (qui s’entartrent en raison du pH des solutions d’eau de Javel) demanderont une main-d’œuvre moyenne d'une heure par jour, soit 60 F. Nous avons volontairement éliminé la solution qui consiste à injecter directement de l’extrait d’eau de Javel à partir d’un bac de grande capacité ; en effet, si cette solution offre des avantages du point de vue des coûts des matières (meilleur prix pour une livraison en vrac) et de la main-d’œuvre (réduction d’environ 50 % du temps de travail), elle présente en revanche des inconvénients :

— formation d’haloformes (injection d’un produit très concentré à un pH élevé), d’où inconfort des baigneurs et du personnel,

— pertes en chlore au stockage, d’où consommation plus élevée en fin de cuve,

— amortissement des frais d’investissement de la cuve.

La faible économie réalisée ne se justifie pas, compte tenu des sujétions imposées au personnel.

Chlorocyanuriques

DCCNa : la réception des bidons et la préparation de la solution de DCCNa à injecter pendant une période de 1 à 4 jours (selon la grandeur du bac) n’excède pas 10 mn/j, soit 10 F.

ATCC : le remplissage du surchloreur tous les 10 à 12 jours et l’ajout de carbonate peuvent être estimés à 5 mn/jour, soit 5 F.

[Photo : Teneur en CHX, en fonction de la teneur en COT.]

Economies d’énergie

Sur l’air

Des recherches effectuées par divers laboratoires à la suite des nuisances constatées dans les piscines ont montré l’existence de dérivés organo-chlorés dans l’air des piscines. Le volume de ces dérivés dépend essentiellement du renouvellement de l’air et de l’intensité de leur évaporation au cours des opérations de désinfection.

Ces études montrent que leur proportion dans l’eau dépend en premier lieu de la nature du désinfectant : en particulier les chlorocyanuriques, de par leur nature chimique, réduisent d'un facteur 2 à 3 la formation de ces composés (figures 1, 2, 3). Du fait de leur utilisation, la quantité d’air à renouveler au-dessus du bassin va donc pouvoir être réduite.

Sur le plan hygiénique

On considère que le renouvellement de l’air nécessaire doit atteindre un débit de 6 l/s ; si l’on admet une fréquentation maximale instantanée (FMI) de 0,5 baigneur/m² de bassin (valeur moyenne couramment utilisée), on aura une FMI de 250 baigneurs, soit un renouvellement d’air de 5 400 m³/h. Ce taux, suffisant avec un trai-

Tableau I

Comparaison des dépenses journalières entraînées par l'utilisation des divers réactifs

Cl₂ Javel DCCNa ATCC
QuantitéPx unit.Totaux QuantitéPx unit.Totaux QuantitéPx unit.Totaux QuantitéPx unit.Totaux
Matières stérilisantes 4,5 kg12,00 F54,00 F 3 l1,5 F4,50 F 2,5 kg27,00 F67,50 F 1,75 kg30,00 F52,50 F
Carbonate 3,36 kg3,00 F10,08 F 0,5 kg3,00 F1,50 F
Acide chlorhydrique 3 l2,50 F7,50 F
Total 64,08 F 52,50 F 67,50 F 54,00 F
Main d'œuvre 2 h60,00 F30,00 F 45 mn60,00 F45,00 F 10 mn60,00 F10,00 F 5 mn60,00 F5,00 F
Amortissements
stérilisants (10 ans) (10 ans)80 000 F26,67 F (10 ans)6 000 F2,00 F (10 ans)6 000 F2,00 F (10 ans)6 000 F2,00 F
installations de correction du pH (10 ans)6 000 F2,00 F
Maintenance 6,00 F 1,00 F 1,00 F 1,00 F
Amortissement du filtre et des tuyauteries (20 ans)200 000 F33,33 F (20 ans)200 000 F33,33 F (25 ans)200 000 F26,66 F (25 ans)200 000 F26,66 F
Sous-total 162,08 F 133,83 F 107,16 F 86,66 F
Économies d'énergie :
air 100 th30,00 F
eau 0,4 m³18,00 F7,20 F
Total général 192,08 F 165,83 F 114,36 F 88,66 F
Hygiène et sécurité***********
Confort des utilisateurs***********

Sur l'eau

En application de la réglementation et en se basant sur une fréquentation de 650 personnes par jour, le renouvellement d'eau minimum sera de 19,5 m³/j. Ce chiffre peut théoriquement être respecté avec un traitement au chlore gazeux ou à l'eau de Javel, mais il faut vérifier si, dans le cas de l'utilisation de chlorocyanuriques, ce renouvellement est suffisant pour ne pas dépasser la teneur de 75 ppm en acide cyanurique.

Le calcul des teneurs limites donne 30,8 ppm avec l'ATCC et 76,6 ppm avec le DCCNa. Dans le cas du DCCNa, le renouvellement n'est donc pas suffisant, et le calcul montre que pour ne pas dépasser 75 ppm il est nécessaire de porter le renouvellement de l'eau à 19,9 m³/j. On considère alors que l'eau chauffée et traitée revient à 18 F/m³, ce qui entraîne un surcoût de 0,4 × 18 = 7,20 F/j.

Amortissement des investissements

Chlore gazeux : une installation revient à environ 80 000 F, et l'on peut considérer qu'elle dure 10 ans, soit 26,67 F/jour de fonctionnement.

Eau de Javel : l'installation, d'un prix moyen de 6 000 F, durera 10 ans, soit une dépense de 2 F/j. Il y a lieu d'y ajouter un montant égal pour le bac et la pompe à acide chlorhydrique, soit au total 4 F/j.

Chlorocyanuriques

DCCNa : l'installation d'un ensemble bac-pompe doseuse est identique à celle d'une installation à l'eau de Javel, soit donc un prix de revient de 2 F/j. Aucune installation n'est à prévoir pour corriger le pH.

ATCC : le coût d'un surchloreur est semblable à celui d'une installation bac-pompe, ce qui correspond à un amortissement de 2 F/j.

Maintenance du matériel

Matériel de désinfection

Ce poste est assez difficile à évaluer, car il dépend beaucoup des qualités professionnelles du personnel d'entretien. En effet, il comprend non seulement l'entretien du type classique (changements de joints, par exemple), mais aussi le remplacement de certaines pièces pour cause de corrosion ou

de casse. Nous avons évalué ce poste à 6 F/j pour une installation au chlore gazeux et à 1 F/j pour les autres installations.

Corrosion de l'installation hors circuit de désinfection (filtre, tuyauterie)

Là aussi, ce poste est difficile à évaluer, compte tenu de l'incidence du rendement du personnel. Nous supposons donc que l'entretien classique (peinture...) est bien réalisé et que l'eau est bien équilibrée (ni corrosion, ni entartrage). La corrosion est alors principalement due à la salinité de l'eau, et essentiellement à la présence de chlorures, qui peuvent agir sur les parties métalliques (tuyaux, filtre) en causant des piqûres caractéristiques de leur présence. Depuis la législation de 1981, le renouvellement de l'eau du bassin a été réduit (et l’analyse relative aux chlorures a été supprimée) ; il s'ensuit une accumulation des chlorures dans l'eau si l'on s’en tient aux prescriptions légales (figure 5).

[Photo : Répartition de la teneur en CHX, Partage air/eau.]

Les chlorocyanuriques dont tous les ions Cl sont oxydants, et dont la quantité à mettre en œuvre est plus faible, vont amener dans l'eau beaucoup moins de chlorures que le chlore gazeux ou l’eau de Javel, ce qui peut permettre de gagner quelques années sur la durée de vie d'un filtre. Nous avons estimé le prix de remplacement de celui-ci à 200 000 F, et sa durée de vie à 20 ans dans le cas d'emploi de Cl ou d’eau de Javel, et 25 ans si on utilise les chlorocyanuriques, ce qui conduit à des prix journaliers d'amortissement respectifs de 33,33 F et 26,66 F.

[Photo : Variation de Cl⁻ en fonction du traitement et du renouvellement.]

Incidences non directement chiffrables

Hygiène et Sécurité du personnel

Au niveau du personnel d’entretien il faut réfléchir à un certain nombre de risques possibles dus à la « fatalité » ou aux négligences :

  • — fuites accidentelles de chlore,
  • — projection accidentelle d'eau de Javel ou d’acide chlorhydrique,
  • — accidents par encombrement du lieu de travail (stockage des produits par exemple).

Au niveau des bassins, il est nécessaire de prendre en compte les teneurs en dérivés organochlorés de l’air respiré par le personnel (voir les figures). Sur ce chapitre, il est évident que les chlorocyanuriques présentent des avantages certains sur le chlore gazeux ou l’eau de Javel.

Confort du public

Si la présence des dérivés chlorés dans l’atmosphère ne présente pas de risques pour le public, compte tenu du peu de temps qu’il passe à la piscine, par contre, les utilisateurs apprécient le confort qui peut leur être assuré aussi bien en matière d'accueil, de propreté de l'eau, de température qu’au niveau de l’absence des irritations amenées par l’eau ou par l’air. Cela peut se traduire par un nombre d’entrées plus élevé dans les piscines traitées aux chlorocyanuriques et donc une réduction indirecte du déficit éventuel.

Conclusion

Pour plus de clarté, ces évaluations ont été reportées sur le tableau 1, qui montre que dans une piscine couverte, et si l’on prend en compte tous les facteurs inhérents au type de traitement choisi, les chlorocyanuriques, bien que plus chers en « prix de revient matière », se révèlent finalement à l'utilisation moins onéreux que le chlore gazeux ou l’eau de Javel.

Il est évident que chaque piscine constitue un cas particulier, mais nous avons voulu dans cet article montrer que le choix d’un traitement désinfectant doit prendre en compte l’ensemble de ces facteurs.

La gestion d'un ensemble sportif de natation forme en effet un tout, et l'on ne doit pas découper les prix de revient en tranches, sous peine de faire de fausses économies.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Les piscines. Références AFDES 178.

[2] Memento technique de l’eau Degrémont.

[3] Les composés organohalogénés dans les piscines couvertes, L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, n° 86 (octobre 1984).

[4] Médecine, Hygiène et Sécurité du travail, Bureau International du travail, Vienne (Autriche).

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