par Jehan CHANGARNIER Ingénieur I.E.G., Directeur du Département Anti-corrosion, « LE GAZ INTEGRAL ».
INTRODUCTION
La corrosion des métaux est une altération de ces derniers qui aboutit à leur destruction plus ou moins généralisée et à leur retour à l'état de minerais naturels ayant servi à leur élaboration. Au cours de cette transformation, ils perdent toutes leurs qualités mécaniques et ainsi deviennent après un temps plus ou moins long inutilisables pour l'industrie.
Cette dégradation des métaux est lourde de conséquences, une fuite sur une canalisation ou un réservoir entraîne, non seulement une perte du produit transporté ou stocké (gaz, pétrole, eau, etc.), mais peut provoquer des arrêts d’usine coûteux, des incendies, des explosions, des affaissements de sol, des pollutions, dont les conséquences peuvent être graves et parfois mortelles.
Un rapport présenté par M. UHLIG devant le congrès des Nations Unies en 1949 assurait que les dégâts provoqués chaque année aux U.S.A. par la corrosion dépassaient 28 milliards de dollars.
Il importe donc de lutter contre ce fléau qu’est la corrosion. De nombreux moyens peuvent être utilisés : matériaux nobles (acier inoxydable, etc.), revêtements protecteurs ou peintures, inhibiteurs de corrosion, etc.
Dans de nombreux cas, malheureusement, il n'est pas possible de faire appel aux moyens de lutte contre la corrosion que nous venons de citer. Pour des canalisations enterrées d’une certaine importance, il ne peut être question d’utiliser des aciers inoxydables, ce serait d'un prix de revient prohibitif et d'une efficacité aléatoire dans certains cas (courant vagabond, pile géologique).
Il n'est pas question également d’introduire des inhibiteurs dans le sol pour protéger les ouvrages métalliques enterrés ou immergés. Les revêtements ou peintures que l'on peut appliquer sur de tels ouvrages n’ont qu'une durée limitée ; il n’est pas pensable, pour la plupart, d'envisager de les déterrer ou de les mettre à nu pour refaire un revêtement ou appliquer un nouveau système de peinture.
Il existe heureusement un moyen de protection électrique, appliqué aux structures métalliques à condition qu’elles soient enterrées ou immergées, qui empêche la corrosion de se produire et dont l’efficacité est totale et durable dans la limite où il est entretenu et exploité convenablement. Il s'agit de la protection cathodique.
Ce système de protection est connu depuis très longtemps dans la marine pour la protection des carènes en acier ; un savant français, M. BECQUEREL, en 1865 présentait un mémoire à l'Académie des Sciences de l'Institut Impérial intitulé « De la préservation des métaux de l’action corrosive de l'eau de mer par le contact de métaux plus oxydables ». Il rappelait : « un morceau de zinc de la grosseur d'un pois, fixé sur des lames de cuivre immergées dans l'eau de mer, suffisait pour garantir 256 à 320 cm² de cuivre ». Il mentionnait également la possibilité de protection des canalisations en fonte par des lames de zinc.
Toutefois, ce n’est que dans le dernier quart de ce siècle que la protection cathodique a été reconnue par tout le monde et appliquée industriellement en France. Les premiers systèmes de protection cathodique ont été appliqués sur des réseaux gaz dans le Sud-Ouest, vers les années 1944-1945.
Dans l’exposé qui suit, on passera brièvement en revue l'origine des principales corrosions des structures enterrées ou immergées ; les principes de base de la protection cathodique, ses procédés de mise en œuvre et ses domaines d’application.
I — CORROSION DES STRUCTURES ENTERRÉES OU IMMERGÉES
Il n'est question dans cet exposé que des ouvrages métalliques enterrés ou immergés, ce sont en effet, comme on le verra plus loin, les seuls auxquels puisse être appliquée la protection cathodique.
Les structures métalliques enterrées ou immergées sont assimilables à des électrodes métalliques plongées dans un électrolyte plus ou moins conducteur, constitué par le sol ou l'eau ; elles sont donc soumises aux lois de l’électrochimie.
La matière est constituée d’atomes. L’atome est formé d'un noyau chargé d’électricité positive autour duquel gravitent un ou plusieurs électrons chargés d’électricité négative en nombre tels qu’ils compensent la charge positive du noyau.
Les métaux, de par la répartition des électrons sur des orbites autour du noyau, ont tendance à perdre des électrons ; il y a alors excès de charges positives ; l'atome est devenu un ion positif (cation). Les métalloïdes au contraire ont tendance à gagner des électrons, d’où formation d’ion négatif (anion) par excès de charges négatives.
Un métal plongé dans un électrolyte a plus ou moins tendance à s'ioniser, c’est-à-dire à se décomposer en ions métalliques positifs (cations) qui passent dans la solution, les cations passant en solution laissent le métal chargé négativement par ses électrons, cette charge négative s'oppose à l'éloignement des ions positifs et un équilibre s’établit, qui, sauf rupture pour une cause extérieure, empêchera l'ionisation, c’est-à-dire la corrosion de se produire. À l’interface métal-électrolyte, il y a donc une couche double en équilibre composée d’ions métalliques dans l’électrolyte et d’électrons dans le métal. Voir figure n° 1.
Le fer, par exemple, se dissout suivant l'équation :
Fe = Fe** + 2e
Le potentiel d’un métal dans une solution de concentration quelconque est donné par la formule de NERNST :
RT E = Eo + —— log c F
avec :
E = potentiel du métal dans une solution de concentration C, Eo = potentiel normal d’électrode, R = 8,314 joules (constante des gaz), T = température en degré Kelvin, F = Faraday = 96 500 coulombs, c = concentration de la solution en ions-gramme par litre.
Si pour une cause quelconque, les électrons sont déplacés, soit vers l'intérieur du métal, soit dans l’électrolyte, la couche double n’est plus en équilibre, les ions métalliques ne sont plus retenus à la surface du métal, ils passent dans l’électrolyte, il y a alors corrosion.
Les causes de rupture de la couche double, donc de corrosion sont multiples, dans le cas d’ouvrages métalliques enterrés ou immergés ces causes sont nombreuses, les principales sont :
a) Les hétérogénéités de surface du métal
La présence de calamine ou d’autres oxydes sont à l’origine de formation de piles à très petite échelle dont les courants de circulation à travers l’électrolyte détruisent la couche double mentionnée précédemment. Voir figure n° 2.
b) Les hétérogénéités de l’électrolyte
Si par exemple une canalisation enterrée traverse des terrains de nature très différente (sable et argile), elle prend dans chacun de ces terrains un potentiel spontané différent et se créent ainsi des zones anodiques et cathodiques sur la canalisation, engendrant des courants dits « courants de piles géologiques » qui se reformeront par le sol et détruisent également l'équilibre de la couche double. D’une manière générale, les canalisations dans les terrains humides et lourds sont anodiques par rapport à celles qui sont dans les terrains secs et aérés. Les premières sont donc le siège de corrosion. Voir figure n° 3.
c) Les couples galvaniques entre métaux différents
Deux métaux présentant des potentiels d’équilibre très différents, plongés dans le même électrolyte et reliés électriquement constituent une pile dans laquelle le métal le plus électronégatif est l’anode et se corrode. Le tableau suivant donne quelques potentiels caractéristiques :
Cuivre | Cu²⁺ | + 0,345 V |
Hydrogène | H⁺ | 0 par définition |
Fer | Fe²⁺ | −0,440 V |
Zinc | Zn²⁺ | −0,762 V |
Magnésium | Mg²⁺ | −2,34 V |
Ce type de corrosion se rencontre chaque fois que l’on associe une canalisation principale en acier à une conduite de cuivre. La partie acier près du cuivre se corrode.
d) Les courants vagabonds
Cette éventualité se présente dans la pratique, lorsque des courants continus, au lieu d’être véhiculés en totalité par des conducteurs électriques appropriés, s’échappent partiellement de ces derniers, empruntent le sol et les structures métalliques qui s’y trouvent pour ensuite retourner par le sol à leur circuit initial.
Dans les zones où le courant quitte les structures métalliques pour passer dans le sol, il y a départ d’électrons, donc destruction de la couche double et corrosion. Les sources les plus importantes de courants vagabonds sont les voies de chemin de fer ou de tramways électrifiées en courant continu.
e) Les actions bactériennes
Certains phénomènes biochimiques, dus à la présence de bactéries aérobies ou anaérobies, ont également pour effet de dépolariser les systèmes électrochimiques et détruisent l’équilibre de la couche double. Parmi les bactéries les plus souvent rencontrées et les plus dangereuses, il y a lieu de citer la « vibrio désulfuricans » qui est une bactérie anaérobie qui réduit les sulfates du sol en libérant H₂S, gaz très corrosif. On la rencontre dans les terrains compacts et lourds, tels que l’argile.
Cette rapide énumération montre que les causes de corrosion des structures enterrées et immergées sont nombreuses. Les phénomènes de corrosion sont d’autant plus violents que les forces électromotrices et les courants électriques évoqués précédemment sont plus importants. Ils sont particulièrement à redouter dans les milieux qui possèdent une grande conductibilité électrique permettant ainsi aux courants de corrosion engendrés dans les circonstances évoquées précédemment de circuler plus facilement. C’est en particulier le cas pour des milieux tels que les argiles, les marais, l’eau de mer, etc. Certaines canalisations soumises à l’influence de courants vagabonds ont été percées après trois ou quatre mois, les phénomènes de piles géologiques ou bactériens peuvent arriver à percer des conduites en trois ou quatre ans.
II — Principe de la protection cathodique
La corrosion des métaux étant due à une rupture d’équilibre de la couche double ions-électrons à la surface de séparation métal-électrolyte, on conçoit que pour la faire cesser, on doit rétablir l’équilibre ainsi rompu. Pour cela, et afin de retenir les ions chargés positivement à la surface du métal, on fait un apport d’électrons chargés négativement ; amener des électrons à la surface du métal, c’est le polariser négativement.
La protection cathodique consiste donc à polariser négativement, par rapport au milieu électrolytique dans lequel elles se trouvent, les structures ou conduites métalliques.
II.1 — Critère de protection cathodique
On appelle critère de protection cathodique le potentiel au-dessous duquel un métal considéré, plongé dans un électrolyte donné, ne peut se corroder. Ce critère dépend donc de la nature du métal et de l’électrolyte. Si l’on prend le cas du fer, qui intéresse le plus d’utilisateurs, de nombreux essais effectués aux U.S.A. par le N.B.S. (National Bureau of Standards), sanctionnés par des milliers de mètres carrés d’acier protégés cathodiquement, ont montré que les valeurs suivantes pouvaient être retenues :
Fer dans le sol, l’eau douce ou l’eau de mer : critère de protection égal à −0,85 volt mesuré à l’aide de l’électrode impolarisable au Cu/SO₄Cu.
Fer dans le sol, l'eau douce ou l’eau de mer ; avec présence de bactéries anaérobies :
- @ critère de protection égal à — 0,95 volt mesuré à l'aide de l’électrode impolarisable au Cu/SO₄Cu.
Par ailleurs le professeur POURBAIX, à partir des données thermodynamiques, a tracé le diagramme théorique de corrosion de différents métaux. En portant en abscisse les pH des électrolytes et en ordonnées les potentiels du métal, on peut définir les différents domaines de stabilité ou de corrosion des métaux. La figure n° 6 donne le diagramme de corrosion théorique du fer dans l'eau. Ce diagramme définit des zones de corrosion :
- — une zone de passivation, où le fer se trouve protégé par les oxydes,
- — une zone d’immunité qui est le domaine de la protection cathodique.
Dans la pratique, la protection du fer par passivation est utilisée avec prudence car il faut être certain que les oxydes protecteurs forment une couche uniforme et stable. La protection cathodique du fer par contre est un moyen électrique sûr.
Le professeur POURBAIX a établi les diagrammes théoriques de corrosion de beaucoup d'autres métaux, mais il n’est pas possible de tous les donner dans le cadre restreint de cet article.
Dans la pratique pour le fer, on voit que les valeurs limites du diagramme de corrosion sont basées sur une concentration de 10⁻⁶ ions-grammes de fer par litre, ce qui correspond à un potentiel de — 933 mV (électrode Cu/SO₄Cu). En fait l'expérience prouve qu’on peut admettre qu'il n’y a plus de corrosion à des concentrations plus élevées, à savoir 10⁻⁴ ions-grammes de fer par litre, qui correspond à un potentiel de — 850 mV (Cu/SO₄Cu). Ces valeurs confirment bien d’ailleurs les résultats du N.B.S.
II. 2 — Différents types de protection cathodique
La polarisation négative peut être obtenue par trois procédés différents.
a) Anodes galvaniques
Dans ce procédé, encore appelé protection par anodes sacrificielles, on relie électriquement les ouvrages métalliques à protéger à des électrodes constituées d’un métal moins noble (plus électronégatif) enterrées ou immergées dans le même milieu. Il se forme ainsi une véritable pile, dont la cathode protégée est constituée par les structures métalliques à protéger et l'anode corrodable par le métal le moins noble. Les métaux couramment utilisés à cet effet, comme anodes sacrificielles sont :
- @ le magnésium, le zinc et l’aluminium.
La figure n° 7 donne le principe de la protection par anodes galvaniques.
b) Soutirage de courant
Ce mode de protection, encore appelé « courant imposé », consiste à relier les structures à protéger au pôle négatif d’une source à courant continu ; la plupart du temps il s’agit d’un redresseur dont le pôle positif est connecté à une prise de terre, appelée « déversoir » de courant. Le courant continu débité par le redresseur est diffusé dans le sol ou l’eau par le déversoir de courant et pénètre dans les ouvrages métalliques à protéger qui le véhiculent jusqu’au pôle négatif. Il en résulte sur ces derniers un abaissement de potentiel par rapport au sol ; ils sont donc protégés cathodiquement. Le déversoir de courant, par contre, subit de fortes corrosions et doit donc être constitué d’un métal le moins corrodable possible. Voir figure n° 8.
c) Drainage de courant
Quand une structure métallique est soumise à l’influence de courants vagabonds, il est souvent possible de supprimer les dangers d’électrolyse dont elle est l’objet en la reliant électriquement au pôle négatif de la source émettrice de courant.
Les courants vagabonds qui circulent alors dans le réseau sont directement restitués à la génératrice par la liaison ainsi constituée et non plus par le sol. Pour que cette solution de protection soit possible, il est indispensable que le système à protéger soit à proximité de la source émettrice de courants vagabonds et il faut également – cette condition est formelle – que la liaison soit faite sur une source de courant dont le potentiel est toujours négatif par rapport à la structure que l’on veut protéger. Cette condition est toujours réalisée si l’on se relie au pôle négatif d’une sous-station, mais elle ne l’est pas toujours si la liaison est faite sur un rail de chemin de fer ou de tramway, par exemple ; ces derniers, en effet, peuvent avoir des potentiels variables en polarité et en valeur absolue selon le trafic et la position des motrices.
En certains points, par exemple, où le rail est en général négatif sans trafic, il peut être rendu positif au passage de chaque motrice. Dans ce cas, il y a lieu d’interposer sur le câble reliant le rail à l’ouvrage à protéger un appareil appelé « drainage de courant » qui a pour rôle de laisser passer les courants dans le sens structures à protéger vers rail et de les stopper dans l’autre sens. La figure n° 9 donne le principe du drainage de courant.
On doit signaler que souvent on associe drainages et soutirages de courant. Ces derniers, en effet, assurent la protection lorsque les drainages ne fonctionnent que par intermittence compte tenu de la polarité des voies ferrées.
III — MISE EN ŒUVRE DE LA PROTECTION CATHODIQUE
Après avoir passé en revue le principe de la protection cathodique, il importe d’examiner maintenant ce que nécessite sa mise en œuvre.
III. 1 — Étude préalable
Dès qu’un problème de protection cathodique est posé, on procède tout d’abord à une étude préalable de l’ouvrage à protéger. Cette étude est indispensable pour choisir le mode de protection à adopter et définir ses caractéristiques.
Le premier élément à connaître est l’intensité de courant nécessaire pour assurer la protection de l’ouvrage. Cette intensité est essentiellement fonction de ses dimensions, de son isolement par rapport au milieu dans lequel il se trouve et enfin de la nature même de ce milieu. Il est bien évident, par exemple, que si une canalisation est protégée par un bon revêtement, l’intensité à prévoir sera plus faible que si le revêtement est inexistant ou défectueux. De même, il faudra plus de courant pour protéger une structure en eau de mer, qui constitue un excellent électrolyte, que pour une structure enterrée dans un sol sec.
Quand cela est possible, il est préférable de procéder à un essai de protection en vraie grandeur, afin de déterminer l’intensité nécessaire ; quand cela n’est pas possible – et c’est souvent le cas – on doit s’appuyer sur des données expérimentales antérieures, calculer les intensités après avoir fait des hypothèses sur les isolements des structures.
Voici, à titre indicatif, quelques valeurs usuelles d’intensité :
• En eau de mer
— acier nu en eau de mer agitée : 80 à 200 mA/m²
— acier nu en eau de mer calme : 60 à 100 mA/m²
Si l’acier est recouvert d’un revêtement, les densités de courant précédentes peuvent être réduites dans des proportions importantes : dans le rapport de 1 à 10 avec des revêtements bitumeux classiques et de 1 à 100 avec des revêtements plus élaborés en époxy ou brai époxy.
• Dans le sol
— acier nu : 1 à 40 mA/m² selon nature du sol
— acier avec revêtement bitumeux : 0,5 à 20 mA/m²
— acier avec revêtement bitumeux armé de voile de verre : 0,01 à 0,5 mA/m²
La densité de courant étant connue, on doit choisir le mode de protection à adopter et définir ses caractéristiques et son implantation. Pour cela, dans le cas de canalisations acier enterrées, par exemple, on doit rechercher si elles sont sollicitées ou non par des courants vagabonds, effectuer de place en place des mesures de conductibilité du sol afin de fixer les emplacements éventuels des postes de soutirage de courant ou des anodes sacrificielles ; on doit également étudier les possibilités d’alimentation en énergie électrique.
Connaissant la densité de courant, on peut avoir l’intensité en multipliant le nombre de mètres carrés à protéger par la densité pour des ouvrages assez ramassés ; par contre, pour des conduites de plusieurs kilomètres, il est nécessaire de faire appel à des formules mathématiques plus complexes. Pour un pipe-line, par exemple, protégé par un soutirage de courant situé à une de ses extrémités, on utilise les deux formules dérivées des équations de propagation :
Es = E Ch I
Es —— = ……… Is
avec :
Is = intensité de soutirage en ampère,
Es = gain de potentiel du pipe-line par rapport au sol, du fait de la protection au point de soutirage, en volts,
E = gain de potentiel du pipe-line par rapport au sol du fait de la protection à l’extrémité opposée du soutirage, en volts.
r = résistance longitudinale de la conduite en ohms par mètre linéaire, R = résistance d'isolement transversale de la conduite en ohms par mètre linéaire, l = longueur de la conduite en mètre.
On voit dans ces deux équations l’importance du facteur :
R √r
appelé facteur d'atténuation. Pour avoir une intensité de soutirage Is la plus faible possible, il faut avoir :
• « r » la résistance ohmique la plus faible possible, c’est-à-dire une continuité électrique la meilleure possible ; shuntage des brides, des vannes, etc., pour une canalisation. • « R » le plus grand possible, c’est-à-dire un revêtement très isolant, pas de mise à la terre, pose de joints isolants pour éviter les mises à la terre par les installations terminales des canalisations, etc.
Après avoir déterminé l'intensité de courant nécessaire, il est alors possible d’établir un projet détaillé du système de protection préconisée.
III.2 — Protection par anodes galvaniques ou solubles
On utilise en général trois types d’anodes à base : de zinc, d’aluminium et de magnésium.
Le tableau ci-après donne les caractéristiques des principaux types d’anodes utilisés ; il existe d'autres compositions d'anodes, celles indiquées ci-dessous sont les plus couramment utilisées.
Compositions
Zinc Zn = 99,99 % Fe 0,005 % Potentiel électrode Ag/AgCl : –1,05 V Rendement : 95 % Capacité : 780 Ah/kg Aluminium a) Zn 0,35 à 0,5 % — Hg 0,035 à 0,048 % — Fe 0,08 % maxi — Si 0,11 à 0,21 % — Cu 0,006 % maxi — Al le reste Potentiel : –1,05 V — Rendement : 95 % — Capacité : 2 830 Ah/kg b) Fe 0,13 % maxi — Si 0,10 % maxi — Cu 0,01 % maxi — Zn 0,5 à 5 % — In 0,005 à 0,05 % — Al le reste Potentiel : –1,10 V — Rendement : 90 % Magnésium Cu 0,02 % maxi — Al 5,3 à 6,7 % — Si 0,10 % maxi — Fe 0,003 % maxi — Mn 0,15 % mini — Zn 2,5 à 3,5 % Potentiel : –1,50 V — Rendement : 50 % — Capacité : 1 230 Ah/kg
Les anodes sacrificielles se présentent sous des formes et des dimensions diverses : cylindriques, parallélépipédiques, coniques, quelquefois sous forme de bracelets pour la protection des pipes immergés et enfin sous forme de câble souple avec armature d’acier pour le magnésium. Leurs poids varient de quelques grammes (anodes pour chauffe-eau) à plusieurs centaines de kilogrammes (anodes pour ouvrages en mer et pour pipe-lines immergés).
Le poids d’anode à prévoir pour protéger un ouvrage est donné par la formule :
P = (S × i × N × 8760) / (1000 × C)
P = le poids d’anode à prévoir en kilogramme, S = le nombre de mètres carrés à protéger, i = la densité de courant de protection en mA/m², N = le nombre d’années pendant lequel la protection est à assurer, C = la capacité du matériau d’anode choisi en ampère-heure par kilogramme.
Pour les structures immergées, les anodes sont munies de pattes de fixation qui permettent de les souder directement sur les surfaces à protéger. Les pipes immergés en mer (mer du Nord) sont protégés par des bracelets en zinc entourant les conduites et soudés sur le métal de ces dernières. Ces bracelets sont installés à des distances variant de 150 à 500 m, selon les diamètres considérés ; dans ce cas particulier, on a calculé les anodes pour avoir une durée de vie de trente ans.
Pour la protection des canalisations enterrées, on utilise des anodes sacrificielles munies d'un câble ; ces dernières sont enterrées à quelques mètres des canalisations à protéger et raccordées aux conduites par l'intermédiaire d'une barrette de connexion démontable installée dans une bouche à clé ou un coffret afin de pouvoir contrôler l'intensité débitée par les anodes. Il est nécessaire de créer autour des anodes de magnésium ou de zinc un milieu homogène qui régularise la corrosion propre des anodes (milieu non passivant) et qui entretienne une humidité constante pour réduire la résistance de contact anode/sol.
Pour cela, on entoure l'anode avant de la recouvrir d’un « backfill » à base de bentonite de pH 6 à 7,5 et de sulfate de calcium.
[Figure : Installation d'une anode sacrificielle]Les anodes sacrificielles sont utilisées fréquemment pour la protection d’ouvrages en mer quand on ne dispose pas d’énergie électrique à proximité. Dans le cas de structures enterrées, elles conviennent particulièrement bien pour des terrains de faible résistivité, inférieure à 30 Ω·m, pour des protections locales ou d’ouvrages de faible importance. Elles sont toutes indiquées pour les réseaux ou ouvrages qui ne sont pas l'objet de surveillance suivie, car elles nécessitent peu d’entretien.
Dans certains cas où l’on redoute le risque d’étincelles, elles sont recommandées car elles mettent en jeu des tensions et des courants électriques très faibles. Enfin, on peut les utiliser, en particulier celles en zinc, comme prises de terre de sécurité pour des bacs, des vannes motorisées, etc. ; elles présentent l'avantage d’éviter la formation du couple fer/cuivre créé par les terres en cuivre et, par ailleurs, elles assurent la protection cathodique.
Ill. 3 — Protection par soutirage de courant ou courant imposé
Comme on l’a vu précédemment, un « soutirage » de courant est constitué d'un générateur de courant continu alimenté à partir d'un réseau électrique basse tension, d'une prise de terre « déversoir » et de liaisons électriques entre le redresseur, les ouvrages à protéger et la prise de terre. La figure n° 11 donne l'implantation générale d'un soutirage de courant.
[Figure 11]CONDUITE À PROTÉGER SONDABLE CONDUITE / PÔLE REDRESSEUR LIAISON À LA PRISE (PÔLE POSITIF DU REDRESSEUR)
a) Générateurs de courant
Les générateurs de courant continu sont en général des transformateurs-redresseurs, comprenant un transformateur abaisseur de tension alimenté en basse tension alternative et un dispositif redresseur de courant par diodes au sélénium ou au silicium.
En général la tension d'utilisation côté continu est comprise entre 6 et 50 volts et est réglable en continu de 0 à la tension nominale à l'aide de transformateurs à multiprises ou, plus généralement, à l'aide d’un système variac. Les redresseurs sont munis d’un voltmètre et d’un ampèremètre de contrôle.
Ils sont installés soit à l'intérieur de bâtiments (salle de contrôle, sous-station), soit à l'extérieur, fixés sur poteaux ou accrochés à des murs ; dans ce cas ils sont installés dans des coffrets étanches. Ils sont normalement à refroidissement par air. Parfois, dans les pays chauds et très humides, on utilise des appareils dans l’huile. Dans les zones à atmosphère dangereuse on prévoit des enveloppes antidéflagrantes.
La puissance des transformateurs-redresseurs est très variable : elle va de quelques watts, 20 à 50 watts, pour de petites installations (chauffe-eau, réseaux enterrés de faible importance) jusqu’à 20 à 50 kilowatts pour des installations importantes (plate-forme de forage en mer, docks flottants, réseau de palplanches, etc.).
De plus en plus on utilise des redresseurs à régulation automatique ; l’intensité de protection est variable en fonction des besoins réels. Le pilotage de la régulation d’intensité est fait à partir des indications de potentiels de la structure protégée relevées par rapport à une électrode impolarisable.
Quand on ne dispose pas d’énergie électrique (zone désertique) on peut utiliser des éoliennes, des groupes alimentés au fuel ou au gaz, des générateurs thermoélectriques au gaz ou au fuel. Il existe enfin des générateurs constitués de turbines de 1 000 à 2 000 watts, entraînées par l’effluent circulant dans les canalisations que l’on désire protéger.
b) Prises de terre « déversoirs »
Les prises de terre « déversoirs » branchées au pôle positif des redresseurs sont constituées de masses métalliques sacrifiées.
Elles sont prévues de façon à avoir une durée de vie déterminée la plus longue possible et à présenter une faible résistance ohmique de façon à permettre le passage du courant de protection sous une force électromotrice la plus faible possible.
Les matériaux couramment utilisés comme prise de terre déversoir sont : soit des ferrailles de rebut (rails, profilés, canalisations), soit du graphite sous forme de rondins cylindriques, soit du ferro-silicium à 14 % de silicium (avec 5 % de chrome dans le cas d’utilisation en eau de mer), soit du titane platiné, soit du plomb argent.
Le tableau ci-dessous donne les consommations des principaux matériaux utilisés comme prise de terre déversoir :
Matériau utilisé | Consommation / Densité de courant |
---|---|
Fer | 10 000 g/A·an |
Graphite | 670 à 900 g/A·an — densité de courant : 0,22 A/dm² |
Ferro-silicium | 225 à 450 g/A·an — densité de courant : 0,22 A/dm² |
Plomb-argent (2 %) | 45 à 225 g/A·an — densité de courant : 0,22 A/dm² |
Titane platiné | 0,01 g/A·an — densité de courant : 5,5 A/dm² |
D’une manière générale, on utilise le graphite et le ferro-silicium pour des anodes déversoirs enterrées ; pour des anodes déversoirs en eau de mer, on utilise le ferro-silicium à 5 % de chrome, le plomb-argent et le titane platiné. Les prises de terre déversoirs sont dimensionnées pour durer au moins 10 ans et souvent 20 ans.
Elles sont installées dans des terrains de faible résistivité afin de présenter une faible résistance ohmique ; parfois on diminue la résistivité du sol à l'aide de bentonite.
Les anodes de graphite et de ferro-silicium sont enrobées de poussière de coke qui améliore la prise de terre et favorise les dégagements éventuels de gaz.
Les prises de terre sont implantées à des distances variant entre 50 et 150 mètres des structures à protéger quand il s’agit de canalisations de grande longueur.
c) Liaisons électriques
Les prises de terre et les structures sont connectées aux pôles positifs et négatifs des redresseurs à l'aide de câbles unipolaires de section suffisante pour éviter les chutes de tension importantes. Les câbles utilisés sont, pour les câbles enterrés, des câbles type U 1000 R 02 V à double isolement ; pour les câbles immergés, on utilise des câbles série 1000 à isolement transversal renforcé et parfois des câbles armés soit de feuillards galvanisés, soit de torons en acier.
Ill. 4 — Protection par drainage de courant
Les appareils de drainage sont essentiellement constitués d'une cellule, la plupart du temps au silicium, montée sur une liaison électrique rail-conduite et laissant passer le courant dans le sens conduite/rail et le bloquant dans l'autre sens. La cellule doit être munie de dispositifs de protection contre les surtensions accidentelles.
Un ampèremètre est monté sur le circuit afin de contrôler les courants de drainage. Très souvent on est amené à limiter les courants de drainage, en particulier pour ne pas trop abaisser le potentiel des conduites protégées et pour ne pas perturber les structures voisines non protégées ; pour cela on monte en série, sur le circuit, des tableaux de lampes dont la résistance augmente avec la chaleur émise par le courant de drainage et ainsi limite l’intensité.
En cas de branchement sur une voie ferrée électrifiée munie de blocks automatiques, il est indispensable de se brancher au neutre d’une connexion inductive. La figure 12 donne l’implantation générale d’un drainage.
Les courants drainés sont essentiellement fonction des différences de potentiels existantes entre les voies ferrées et les conduites ainsi que de l’importance des ouvrages à protéger et de leur isolement. Il n’est pas rare de relever des courants de drainage de 50 à 100 ampères. Un drainage a même atteint des intensités de 500 à 600 ampères.
III. 5 — Mise en place du dispositif de protection cathodique
L’intensité de courant de protection étant connue, on doit choisir le mode de protection à adopter parmi les systèmes qui viennent d’être décrits et définir ses caractéristiques et son implantation. Pour cela, dans le cas d’un réseau de canalisations enterré, on doit rechercher s’il est sollicité ou non par des courants vagabonds, effectuer de place en place des mesures de conductibilité électrique du sol afin de fixer les emplacements éventuels des anodes sacrificielles ou non ; on doit étudier également les possibilités d’alimentation en énergie électrique.
On procède alors à la mise en place des appareils de protection cathodique. Celle-ci comporte, non seulement l’installation des postes d’anodes, de soutirage et de drainage, mais également celle d’un certain nombre d’équipements complémentaires. C’est ainsi par exemple qu’il est nécessaire de prévoir des joints isolants pour isoler électriquement les canalisations à protéger des structures susceptibles de créer des mises à la terre importantes (prise de terre électrique, conduite en fonte, etc.), mises à la terre qui entraîneraient des consommations anormales de courant.
Il est également indispensable de prévoir sur les canalisations enterrées des prises de potentiels, constituées de câbles isolés, soudés sur la canalisation et débouchant dans un coffret ou une bouche à clé.
Les prises de potentiels installées de place en place permettent de contrôler le potentiel des canalisations sans qu’il soit nécessaire de faire des fouilles.
Les travaux de mise en place du matériel étant effectués, il est alors possible de procéder à la mise en service du dispositif de protection cathodique.
Cette opération comporte bien entendu le réglage de l’intensité du ou des postes de soutirage de façon à obtenir en tous les points du réseau protégé le potentiel minimum requis pour que la protection soit effective, à savoir – 850 mV (Cu/SO₄Cu). Le contrôle du potentiel est fait à l’aide de voltmètres à haute impédance, au minimum 20 000 ohms par volt, mais de préférence 100 000 à 200 000 ohms/volt ou mieux à l’aide de voltmètres électroniques. Les mesures sont faites en utilisant des électrodes de référence impolarisables qui permettent d’avoir des résultats stables et comparables. Pour des mesures par rapport au sol, on utilise la plupart du temps des électrodes au cuivre-sulfate de cuivre qui présentent par rapport à l’électrode à hydrogène une différence de potentiel égale à – 316 mV ; en eau de mer, on utilise une électrode au chlorure d’argent dont la différence par rapport à l’hydrogène est égale à – 288 mV. On utilise également en eau de mer des électrodes impolarisables au zinc pour piloter les redresseurs à régulation automatique. En présence de courants vagabonds, étant donné les fortes variations de potentiels créées, il est indispensable d’effectuer des enregistrements de potentiel de longue durée, souvent de 24 heures, afin de juger de l’efficacité du système.
Dans le cas d’anodes réactives, on contrôle quand on le peut l’intensité débitée par chaque anode afin de juger de son efficacité et prévoir sa durée de vie.
À la mise en service d’un système de protection, on vérifie également l’efficacité des joints isolants, s’il y en a, ainsi que l’isolement général de l’ouvrage protégé, dont on peut ainsi contrôler l’évolution dans le temps.
Interactions
Le contrôle des potentiels de protection doit s’accompagner du contrôle des interactions éventuelles sur les structures voisines métalliques non protégées. En particulier, à proximité des déversoirs de courant, une partie du courant peut être captée par une conduite étrangère et restituée à la conduite sous protection à un point de croisement. Au point de sortie du courant de la première conduite dans la seconde, des corrosions peuvent se produire ; pour les annuler il est indispensable de réaliser des liaisons électriques avec des résistances réglables afin que les courants captés s’écoulent dans ces liaisons plutôt que dans le sol. La figure n° 13 illustre ces phénomènes d’interactions et les moyens de les supprimer.
Ces contrôles d’interactions sont importants et doivent être faits en présence des différentes parties intéressées. En cas d’installation de drainage de courant sur des voies ferrées électrifiées, tous les usagers du sous-sol sont convoqués par la Circonscription Électrique intéressée à laquelle le responsable de l’installation de protection cathodique a auparavant transmis une demande et un dossier technique.
L’interprétation des résultats des mesures d’interactions et les conclusions pratiques sur l’obligation d’effectuer ou non des liaisons d'équilibre font l'objet d’un accord entre les différentes parties intéressées.
Le contrôle des interactions et leur correction éventuelle est une chose sérieuse, quelquefois négligée par certains. Il importe d'insister pour qu’elle soit faite systématiquement et avec beaucoup de soin.
III. 6 — Surveillance et entretien
Il peut sembler superflu de mentionner la nécessité de surveiller et d’entretenir avec soin les systèmes de protection cathodique. Il est bon toutefois d’insister.
Car, en effet, l’arrêt et le mauvais fonctionnement de la protection cathodique, n’ayant pas d’effet immédiat sur le bon fonctionnement des installations (ils ne perturbent pas l’écoulement du gaz, de l'eau dans les canalisations, n’empêchent pas les bateaux de naviguer, etc.), on a tendance à considérer la protection cathodique comme quelque chose d’accessoire que l’on néglige un peu.
Quand les corrosions se sont produites, il est quelquefois trop tard pour intervenir et la protection ne colmate pas les dégâts et les pertes de métal antérieures.
Il est donc indispensable d’assurer une surveillance régulière et un fonctionnement ininterrompu. Ceci est d’autant plus nécessaire que des modifications importantes peuvent se produire dans le temps, tant dans l’environnement de l'ouvrage protégé que sur ce dernier. Ainsi, une canalisation peut voir son revêtement protecteur perdre ses qualités d’isolement, ses joints isolants n’être plus efficaces ; elle peut, à la suite de travaux, se trouver en contact avec des structures étrangères ; le terrain dans lequel elle est enterrée peut véhiculer des courants vagabonds qui n’existaient pas avant, etc. Pour toutes ces raisons le réglage initial peut être insuffisant et inefficace ; des contrôles périodiques permettent d'apporter les modifications nécessaires du dispositif de protection pour assurer son efficacité. Faute de les exécuter, on risque des déboires.
Le contrôle systématique d’un système de protection peut être fait sur les bases suivantes :
Protection par anodes sacrificielles :
— contrôle une ou deux fois par an du débit des anodes et des potentiels des anodes et des conduites.
Protection par soutirage :
— vérifier le fonctionnement du ou des redresseurs deux fois par mois, vérifier les potentiels de la conduite deux fois par an.
Protection par drainage :
— vérifier le bon fonctionnement du drainage toutes les semaines, contrôle des potentiels des conduites avec enregistrements trois fois par an.
IV — Domaines d’applications de la protection cathodique
La protection cathodique, telle qu’elle vient d’être décrite, a un domaine d’applications très vaste.
Les deux conditions pour qu'une structure puisse être protégée cathodiquement sont :
- — qu'elle soit métallique et conductrice de courant électrique ;
- — qu'elle soit dans un milieu électrolytique permettant des échanges ioniques, ce qui revient à dire qu’elle soit enterrée ou immergée dans un liquide.
Une structure aérienne ne peut donc pas être protégée cathodiquement. Les deux conditions précédentes étant réalisées, rien ne s’oppose en théorie à faire appel à la protection cathodique. Si une structure métallique présente des discontinuités électriques, il est indispensable de les supprimer par des shuntages électriques. C’est le cas de canalisations en fonte avec joints standards en caoutchouc.
Parmi les principales applications de protection cathodique, on peut citer :
- — protection externe des canalisations acier enterrées ou immergées ;
- — protection externe des canalisations fonte enterrées ou immergées, dans la limite où la continuité électrique est assurée ;
- — protection interne des canalisations de gros diamètre transportant de l'eau et en particulier de l'eau de mer ;
- — protection externe des puits, des casings des puits de pétrole, de gaz et d'eau ;
- — protection de rideaux de palplanches ;
- — protection des docks flottants, des plates-formes de forage en mer, des ballasts de pétroliers, des coques de navires ;
- — protection interne des réservoirs métalliques ;
- — protection externe des réservoirs métalliques enterrés ou des fonds de bacs des réservoirs aériens ;
- — protection des boîtes à eau de réfrigérants et d’échangeurs ;
- — protection des grilles de centrales thermiques, des gazomètres ;
- — protection des enveloppes métalliques des câbles électriques ou téléphoniques, des canalisations en BONA et des armatures métalliques du béton.
V — Quelques exemples de réalisation
Nous donnons ci-après quelques exemples pratiques de protection cathodique, qui montrent la diversité des installations réalisées.
Réseau de gaz région parisienne
Ce réseau est constitué de 300 m de canalisation de 150 et 80 mm de diamètre, en acier avec revêtement C. La protection est assurée par deux anodes de magnésium de 8,5 kg chacune.
Les anodes débitent chacune 12 mA et les potentiels de la conduite sont compris entre − 950 et − 1150 mV (Cu/SO₄Cu).
Réseau d’eau en Provence
En acier revêtement C comprenant : — 700 m de Ø 300 - 1000 m de Ø 250, — 2000 m de Ø 200 - 1000 m de Ø 80.
La protection est assurée par un poste de soutirage, débitant 700 mA sous 3,7 volts.
La prise de terre déversoir est constituée de 15 anodes de graphite.
Les potentiels de la conduite sont compris entre — 2,9 V et — 1,4 V par rapport au sol.
Pipe-line en Tunisie
En acier revêtement en bandes plastiques sur primaire. Longueur 80 km Ø 150 mm.
La protection est assurée par un poste de soutirage débitant 10 ampères sous 12 volts.
La prise de terre déversoir est constituée de 24 anodes de graphite.
Les potentiels du pipe-line varient entre — 2,4 V et — 1 V par rapport au sol.
Dépôt pétrolier en France
Ce dépôt comprenant deux réservoirs de 10 000 m³ et trois de 3000 m³ avec une pomperie, des postes de chargement wagons et camions, avec des réseaux d’hydrocarbures et d’incendie en acier enterrés.
La protection de l’ensemble des structures enterrées, y compris les fonds de bacs, est obtenue à l’aide d’un soutirage de courant constitué d’un redresseur débitant 14 ampères sous 19 volts et d’une prise de terre déversoir de 15 anodes de graphite.
Le potentiel des structures métalliques protégées est compris entre — 1100 et — 1800 mV (Cu/SO₄Cu).
Appontement pétrolier en mer du Nord
Les parties métalliques de cet ouvrage protégées cathodiquement comprennent : • 55 pieux métalliques de 1422 mm de diamètre immergés en mer, • 14 pieux métalliques de 2755 mm de diamètre servant de duc d’Albes,
représentant un total de 20 000 m² d’acier à protéger. Les parties immergées sont recouvertes d’un revêtement à base de brai époxy.
La protection est assurée par quatre postes de soutirage.
Soutirage n° 1 : Redresseur : 60 A sous 12 V. Anodes déversoir : 20 anodes ferro-silicium de 35 kg chacune.
Soutirage n° 2 : Redresseur : 130 A sous 8 V. Anodes déversoir : 7 anodes titane platiné de capacité unitaire 23 A.
Soutirage n° 3 : Redresseur : 220 A sous 7,5 V. Anodes déversoir : 13 anodes titane platiné de capacité unitaire 23 A et 4 anodes titane platiné de capacité unitaire 30 A.
Soutirage n° 4 : Redresseur : 35 A sous 6,5 V. Anodes déversoir : 4 anodes titane platiné de capacité unitaire 23 A.
Les potentiels de l’ensemble des pieux métalliques par rapport à l’eau de mer sont compris entre — 920 et — 1200 mV (électrode Ag/AgCl).
Raffinerie
Il s’agit de la protection de l’ensemble des installations enterrées d’une raffinerie en France, y compris tous les fonds de bacs des réservoirs de stockage.
Cette protection est réalisée par des dispositifs de soutirage, du type intégral. C’est-à-dire que les structures métalliques à protéger ne sont pas isolées électriquement des autres ouvrages métalliques, tels que prises de terre, massifs supports, etc. On protège ainsi l’ensemble des masses métalliques enterrées de la raffinerie.
La protection est assurée par : — 9 redresseurs de capacité unitaire 120 A sous 20 V, — 1 redresseur de capacité unitaire 200 A sous 30 V.
Chaque poste de soutirage est équipé de 3 prises de terre déversoir, constituées chacune d’un casing en acier posé verticalement, à l’intérieur duquel a été introduit un chapelet de 7 anodes de ferro- silicium de 23 kg chacune.
Les potentiels de l’ensemble des structures enterrées de la raffinerie sont compris entre — 800 et — 2000 mV (Cu/SO₄Cu).
CONCLUSION
À la fin de ce trop long et en même temps trop rapide exposé sur la protection cathodique, il y a lieu de faire deux remarques :
— La protection cathodique est une technique rigoureuse qui doit être utilisée en connaissance de cause et appliquée avec soin après des études sérieuses et des contrôles rigoureux.
— Mise en œuvre dans ces conditions, elle permet de solutionner de nombreux problèmes de corrosion et de sauvegarder un capital important que constituent les réseaux et structures métalliques enterrées et immergées. Dans le domaine de l’industrie de l’eau en particulier, la protection cathodique est très utile, puis- qu’elle permet de protéger tous les réseaux de distribution d’eau métalliques enterrés et, d’autre part, elle permet dans de nombreux cas d’assurer la protection de toutes structures qui sont en contact avec des eaux de toute nature, ces dernières constituant presque toujours des électrolytes qui permettent la mise en œuvre de la protection cathodique.
J. CHANGARNIER