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Contrôle automatique des procédés mis en oeuvre dans le traitement des eaux

28 février 1977 Paru dans le N°13 à la page 69 ( mots)
Rédigé par : Jacques BERNARD

— TRAITEMENT DES EAUX ET AUTOMATION —

L'automation des procédés est à distinguer de la mécanisation qui s'applique à une machine, à un équipement accomplissant toujours la même fonction spécifique. On mécanise une vanne, un dispositif de nettoyage, un préleveur d’échantillons, un système de brassage, etc... La mécanisation sera le plus souvent synonyme de motorisation. Elle aura pour but la suppression ou la simplification de tâches primaires, de travaux manuels.

L’automation, qui nécessite au préalable une mécanisation, repose sur la définition de séquences logiques. Ces séquences consisteront en la commande directe d'un ou plusieurs éléments mécanisés à partir de la mesure de paramètres ou à partir de l’état d’autres éléments mécanisés.

L'automation se traduit alors :

  • - ou par de simples asservissements dans lesquels un élément mécanisé est commandé en « tout ou rien » (marche-arrêt, ouvert-fermé) soit à partir d'un signal de dépassement de seuil provenant d’un capteur, soit à partir du changement d’état d'un autre élément mécanisé. C'est ainsi, par exemple, qu'une vanne d’alimentation d'un réservoir sera fermée lorsque le niveau dans celui-ci atteindra une valeur maximale. C'est ainsi également, par exemple, que la mise en service d’un dégrilleur entraînera la mise en service automatique du système d’évacuation des produits dégrillés. On pourra souvent définir une suite d’asservissements fonctionnant en cascade ou en parallèle ;
  • - ou par de véritables régulations dans lesquelles certaines grandeurs sont maintenues à des valeurs prédéterminées, par action sur des organes de réglage et cela quels que soient les facteurs perturbateurs extérieurs. Ces régulations peuvent être réalisées à partir d'un signal discontinu avec une action par « tout ou rien » ou à partir d'un signal continu, et généralement en boucle fermée, avec les différentes possibilités d’action connues : proportionnelle, dérivée, intégrale.

Les installations de traitement d’eau mettent le plus souvent en œuvre plusieurs procédés. L’automation peut être envisagée :

  • - sur une phase ou une partie d’un procédé. Par exemple : régulation de la teneur en oxygène dissous dans un réacteur biologique ou réglage des débits d’alimentation d'une batterie filtrante ;
  • - sur un procédé complet. Par exemple : automation complète d'un poste de dégrillage ou automation complète de l'alimentation et de la régénération d'une chaîne d’échangeurs d'ions (dont le meilleur exemple est celui des procédés d’échange continu) ;
  • - sur une combinaison de procédés. Par exemple : une installation d’épuration biologique met en œuvre essentiellement un procédé de dégradation biologique aérobie (le réacteur) et un procédé de clarification (le plus souvent par décantation) et ces deux procédés sont intimement liés.

Conférence présentée à E.W.T. 76 – « Effluent and Water Treatment Convention » à BIRMINGHAM (G.-B.) – 18 novembre 1976.

La variété des techniques mises en jeu dans le domaine du traitement des eaux (profondes, de surface ou usées) est telle que le champ d'application est immense. Les chaînes de procédés peuvent être suffisamment complexes pour que leur automation soit fortement désirée et poussée même jusqu’à une réelle optimisation.

2 — LES LIMITES DE L'AUTOMATION —

On se doit de constater que l'automation semble progresser moins vite dans le traitement des eaux que dans d'autres disciplines techniques. Bien des stations modernes de traitement d'eau de surface ou d’épuration d'eaux usées manifestent des progrès considérables par rapport aux installations réalisées il y a une vingtaine d’années. Mais l'effort des spécialistes semble plus s’être porté sur la réduction de l'encombrement des ouvrages, sur l'amélioration des performances du traitement ou sur la mécanisation que sur une véritable automation.

Les raisons de cette apparente « résistance à l'automation » — qui est plutôt « une prudence raisonnée » — sont multiples mais certaines :

  • — manque de capteurs peu coûteux et suffisamment fiables à l'échelle industrielle pour la mesure continue de certains paramètres essentiels dans la conduite de nombreux process. Par exemple : concentration en matières sèches de boues, demande en oxygène d'un effluent, analyseurs de gaz, potentiel de surface de colloïdes, filtrabilité de boues à déshydrater, etc... En particulier, pour l’épuration des eaux usées, la présence de fibres et de nombreux corps étrangers hétérogènes condamne l’utilisation industrielle de matériels parfaitement valables en laboratoire ;
  • — manque d'opérateurs suffisamment qualifiés pour exploiter et entretenir un matériel de mesure sophistiqué ;
  • — caractéristiques variables de l'effluent brut à traiter. La « matière première » n’est pas constante et si l'on veut éviter une multiplicité coûteuse des analyseurs des nombreux paramètres spécifiques, le choix et la détermination d’une grandeur unique synthétisant ou représentant ces différents paramètres ne peuvent, le plus souvent, être faits qu’après mise en route de la station ;
  • — inertie souvent très importante des procédés mis en jeu. Tel est le cas, par exemple, des réacteurs biologiques dont les temps de séjour dans les systèmes conventionnels sont de plusieurs heures et où l’âge des boues activées est de plusieurs jours. On conçoit qu’alors un souci de régulation trop fine de la masse de boues activées conduira à des dépenses inutiles. L’automation mise en place doit être basée sur la réalité de l'exploitation industrielle et non sur des seules théories de mise en œuvre de process inapplicables à l'échelle industrielle.

Il est évident que les gains en personnel et en efficacité apportés par l'automation seront d’autant moins nets que les phénomènes contrôlés sont à évolution lente ;

— Incertitude demeurant encore sur certaines lois gouvernant des phénomènes physico-chimiques ou biologiques entrant dans le traitement des eaux. Par exemple : bulking des boues activées, déstabilisation des particules colloïdales, épaississement des suspensions, etc...

Le traitement des eaux est devenu beaucoup plus scientifique mais des progrès restent à faire. Il n’en reste pas moins que l’automation a progressé sensiblement dans le domaine du traitement des eaux et que ces progrès vont s’accentuer. Nous essaierons ici d’illustrer cette avancée technologique.

3 — COAGULATION ET FLOCULATION

La séparation des colloïdes contenus dans l’eau nécessite leur coagulation par neutralisation des charges électriques puis leur floculation, c’est-à-dire leur agglutination. Dans la grande majorité des cas, tout procédé de clarification nécessitera une coagulation et une floculation préalables.

La bonne qualité de la floculation conditionnera le bon fonctionnement et l’économie du procédé de clarification. Son contrôle est donc essentiel.

COAGULOMÈTRE

SCHÉMA DE FONCTIONNEMENT

[Photo : Fig. 1 — Schéma de fonctionnement du coagulomètre]

La nature et la concentration des matières en suspension, le pH, la nature du coagulant utilisé, la composition ionique, la température auront une influence sur les doses de coagulant. Des relations semblables existent avec le floculant.

L’annulation (ou la réduction) du potentiel Zeta ou également la titration colloïdale sont des techniques qui permettent de préciser rapidement par des « tests globaux » la dose optimale de coagulant. La mesure du potentiel Zeta est plus universelle : c’est la méthode la plus utilisée. Toutefois, il est à noter que cette mesure est difficilement automatisable. Pour assurer la conduite automatique de la coagulation, il est souhaitable de disposer d’un signal représentatif de la mobilité électrophorétique.

À cette fin, nous avons étudié un coagulomètre, dont le schéma de principe est représenté sur la fig. 1, qui permet de disposer d’un signal variable suivant la densité optique du liquide due aux colloïdes. La fig. 2 donne quelques courbes de réponses du capteur au cours d’essais effectués avec des doses variables de coagulant. Les temps de réponse sont de quelques secondes. Il est donc tout à fait envisageable, dans la grande majorité des cas, de pouvoir piloter le dosage du coagulant à partir d’un automate.

[Photo : Fig. 2 — Signal du coagulomètre avec des doses variables de sulfate d’alumine]

Le contrôle de la mobilité électrophorétique est généralement un test valable pour la détermination des coagulants nécessaires à la meilleure élimination de la turbidité, mais on notera qu’il peut parfois ne pas conduire à la réduction maximale de certains autres paramètres polluants : bactéries ou virus, couleur voire matières organiques ; cependant ces cas sont très rares tout au moins sur des eaux de surface.

Un tel coagulomètre ne permettra pas de déterminer la dose de floculant (ou « d’aide à la coagulation »). La détermination du floculant nécessite l’appréciation des caractéristiques physiques du floc : vitesse de décantation, cohésion de la boue, etc... Bien que le plus souvent, la nature du coagulant et du floculant ait été déterminée à l’avance et que le rapport pondéral de ces deux réactifs puisse être maintenu constant, il est possible d’automatiser intégralement la procédure du jarr-test avec essais comparatifs de floculation pour des doses (voire des natures) variables de coagulant et de floculant. La fig. 3 représente ce type d’automate : le floculomètre automatique de la station de production d’eau potable d’Aire-sur-la-Lys, débit 100 000 m³/j, qui permet la réalisation de 5 jarr-tests simultanés et peut commander le dosage des réactifs.

[Photo : Fig. 3 — Aire-sur-la-Lys : photomètre]

Dans ce cas, le déroulement des différentes séquences que comporte la mesure entraîne un retard dans le réglage des réactifs. Pour une eau de surface, ce décalage est sans importance car les variations de qualité d’eau brute sont très lentes. Avec des eaux usées, il en est différemment et il faudrait alors disposer d’un réservoir-tampon : une prédécantation rapide, placée avant le poste de floculation-décantation, peut jouer ce rôle tout en éliminant simultanément des matières volumineuses et lourdes qui pourraient augmenter inutilement la demande en coagulant et floculant.

On remarquera ici que si des automates de ce type, à condition d’être bien conçus et de disposer de dispositifs de nettoyage systématique, sont aptes à un fonctionnement « on line » sur des eaux de surface ou sur de nombreuses eaux usées industrielles, ils ne peuvent être mis en œuvre sans précaution spéciale sur des eaux résiduaires contenant des corps volumineux, des fibres ou matières facilitant les bouchages. Un prétraitement de l’effluent brut est alors nécessaire : prédécantation ou filtration grossière suivant les cas.

Les appareils du type « coagulomètre », du fait de leur plus grande simplicité et de leur moindre coût, semblent offrir le plus de possibilités de développement. Sur une même installation, on peut même envisager plusieurs coagulomètres fonctionnant en parallèle avec des réactifs différents, le choix du réactif étant opéré automatiquement et sur le champ, sur des bases économiques, par un petit calculateur de process associé aux capteurs.

Si des progrès technologiques sont encore souhaitables, on peut cependant prévoir un développement de l'automation du procédé de coagulation-floculation dont l'emploi est universel en traitement d'eau. On notera que l'intérêt de cette automation est conditionné par plusieurs facteurs : importance de l'installation et du débit à traiter, dimensionnement et principe de fonctionnement de l'ouvrage de clarification situé en aval, variations de la qualité de l'eau brute, etc. Un bilan technique et économique est à faire. Un appareil de clarification surdimensionné par rapport à ses possibilités, un décanteur à lit de boues dans lequel la grande quantité de boues présentes dans l'appareil a un pouvoir régulateur important, toléreront par exemple une méthode de régulation plus simple.

4 — DÉCANTATION

La séparation des particules floculées ou pas est, dans la majorité des cas, réalisée par décantation, que ce soit pour la clarification des eaux de surface, la décarbonatation, la détoxication d’eaux résiduaires industrielles après précipitation, les prédécantations primaire ou secondaire d’eaux résiduaires subissant une épuration biologique.

La conduite d’un décanteur peut nécessiter les contrôles suivants : débit entrant, niveau du lit de boues, concentration des boues, qualité de l'eau décantée. Lorsque le décanteur est associé à un réacteur situé en amont, dans lequel des boues décantées sont recirculées, le contrôle de ce débit de boues recirculées est également important. Tel est le cas, par exemple, de l’épuration biologique par boues activées dont nous traiterons au paragraphe 7.

Sur des boues non collantes, ni graisseuses, telles que celles de floculation chimique d’eau de surface, de décarbonatation ou même des boues activées produites sur eau résiduaire prédécantée, la détection du lit de boues est maintenant possible par des capteurs utilisant une mesure différentielle des signaux de deux cellules photoélectriques immergées. La fréquence de nettoyage nécessaire est alors, dans beaucoup de cas, tout à fait compatible avec une exploitation normale. Des capteurs à ultra-sons ont aussi été essayés dans ce but.

Un contrôle de l’extraction des boues permettant d’obtenir une concentration maximale est d’un intérêt général, quelle que soit la finalité de traitement du décanteur, dans la limite permise, bien entendu, pour le maintien de la qualité de l'eau traitée. Ce contrôle a le plus d'intérêt mais présente le maximum de difficultés sur les décanteurs primaires d’eaux résiduaires. Une siccité importante des boues extraites permet alors des économies substantielles d'investissement et d’exploitation sur la chaîne de traitement des boues : digestion ou stabilisation, déshydratation et même souvent incinération. Les essais ont été nombreux en la matière mais les échecs aussi. La programmation cyclique des extractions — variable suivant les heures de la journée — au moyen de vannes automatiques à passage intégral donne de bons résultats mais est encore très empirique. Les densimètres basés sur une mesure « on line » de l'atténuation des rayonnements d'une source radioactive devraient présenter une solution au problème mais les calibrations doivent être fréquentes et les variations de la nature des matières en suspension, la présence de gaz occlus conduisent souvent à des résultats erronés. Une mesure optique est exclue sur ce type de boues. Les ultra-sons semblent présenter la solution la plus fiable mais la précision demeure

[Photo : Turbidimètre.]

limitée. Le contrôle de la concentration en matières sèches de boues concentrées et/ou hétérogènes laisse encore un très vaste champ libre à l'esprit d'invention. Pour l'instant, l'étuve permet encore la seule mesure indiscutable.

La régulation du débit d'alimentation du décanteur ne pose pas de difficultés en elle-même ; il est déjà plus délicat de commander cette régulation par la qualité de l'eau traitée. Un turbidimètre — comme celui représenté sur la fig. 4 — peut fournir, dans de nombreux cas, un signal valable.

Bien que, fréquemment, il ne soit pas possible de limiter le débit entrant et bien qu'il soit plus logique de disposer d'un process control regroupant à la fois floculation et décantation, il est possible de concevoir un organigramme de la commande automatique d'un décanteur.

[Photo : Système de contrôle d'un clarificateur d'eau préfloquée]
[Photo : Analyseur automatique de chlore]

5 — CHLORATION ET OZONATION

Une régulation précise des agents oxydants conduisant à l'application d'une dose suffisante mais non excessive est un facteur de sécurité et d’économie. La méthode analytique revêt une importance particulière.

Le contrôle de la chloration pour la désinfection finale des effluents ou, encore plus, pour le traitement de préchloration au point critique (break point) nécessite la mesure du chlore libre (non combiné). La mesure ne doit pas prendre en compte, en particulier, le chlore des chloramines.

L’automation de ces postes de pré ou postchloration peut être réalisée maintenant de façon rigoureuse, par une mesure spectrophotométrique, en utilisant une solution de syringaldazine qui n’est sensible qu’au chlore libre.

Les postes d’ozonation se prêtent bien à une automation poussée. La fig. 7 donne le schéma de principe de la régulation de production d'ozone de la station de traitement d'eau potable de Nantes.

En fonction de la valeur de consigne C adoptée pour le taux d’ozone résiduel, sont réalisés automatiquement :

  • — démarrage, arrêt et réglage de la tension des différents ozoneurs,
  • — démarrage, arrêt et réglage de la vitesse des surpresseurs d’air.

Un taux de traitement t est élaboré cycliquement, qui tient compte de l'écart éventuel entre les valeurs de consigne C et mesurée M d'ozone libre. La cadence de ces situations est variable et dépend du nombre de tours de contact en service (temps de séjour). La commande des ozoneurs et surpresseurs est réalisée à partir du calcul du produit Q (m³/h) × t définissant le débit massique d’ozone à produire. Cette automation est basée sur une régulation du type « pas à pas » à action proportionnelle.

6 — PASSAGE SUR LIT GRANULAIRE

De nombreux procédés de traitement des eaux consistent à faire traverser un lit constitué de matériau granulaire par l'effluent à traiter. Il peut s'agir d’une filtration sur sable ou sur anthracite pour l'élimination des matières en suspension, d'un passage sur charbon actif pour la fixation de matières organiques, élimination de chlore libre, d'une permutation ionique sur résines échangeuses d’ions, d'une épuration biologique sur lits bactériens immergés, etc.

De tels procédés sont mis en œuvre, soit dans des enceintes ouvertes, soit dans des enceintes sous pression. Ils se prêtent généralement très facilement à une automation poussée, pour les raisons suivantes :

— les paramètres de réglage du procédé sont peu nombreux,

SYSTÈMES

SOUFFLANTES

PROJETS SCHÉMATIQUES UTILISÉS COMME BASES

[Photo : Fig. 3 - SCHÉMA DE COMMANDE DES UNITÉS D’OXIDATION (VILLE DE NANTES)]

- ces lits de contact sont « régénérables » et si la régénération du produit peut être automatisée, l’installation peut alors avoir un fonctionnement entièrement autonome.

- ces procédés, à partir d’un certain seuil, ne sont plus opérationnels, soit pour des raisons physiques (perte de charge inadmissible par exemple), soit par suite d’une qualité de traitement insuffisante (fuite ionique par exemple sur des échangeurs d’ions) et la nécessité d’une régénération peut être facilement détectée.

Schématiquement, les paramètres mesurables suivants sont utilisés pour assurer le contrôle automatique de ces procédés :

7 — ÉPURATION BIOLOGIQUE PAR BOUES ACTIVÉES

Une grande prudence, voire une certaine méfiance, est généralement constatée sur les possibilités de l’automation dans ce domaine. Un réflexe fréquemment rencontré est de considérer l’action bactérienne, le développement des éléments vivants comme incontrôlables. La réalité est assez différente. Les réactions biocinétiques de base, les modèles mathématiques représentatifs de la dégradation de la DBO5, de la consommation en oxygène, de la production de matière cellulaire sont maintenant bien connus, mais dans ces relations seules la masse de micro-organismes, la masse de boues sont prises en compte.

Or, une épuration biologique se réalise dans des bassins dont les enceintes sont limitées et, d’autre part, englobe deux procédés successifs :

— celui de l’assimilation bactérienne de la pollution organique par des micro-organismes aérobies dans le réacteur biologique ;

— celui de la séparation du floc bactérien et de l’eau épurée dans le clarificateur avec recyclage des boues décantées.

La notion de « volume » occupé par les micro-organismes est, de ce fait, essentielle. Des boues activées décantant difficilement conduiront à un large dimensionnement du clarificateur et/ou à un plus large dimensionnement du bassin d’aération car les boues recyclées seront peu concentrées et, pour maintenir dans le réacteur le poids minimal nécessaire de micro-organismes, il conviendra de surdimensionner le bassin d’aération. Un dimensionnement insuffisant du clarificateur peut d’ailleurs suffire à arrêter l’épuration : entraînement des boues activées au déversoir du clarificateur et appauvrissement progressif de la liqueur mixte pendant les débits de pointe.

* Filtration sur sable ou anthracite * Passage sur charbon actif en grains * Échange d’ions * Filtration biologique immergée

Fonctionnement normal

niveau et/ou débit perte de charge et/ou turbidité eau filtrée

niveau ou pression (débit) qualité de l’eau traitée : * DTO ou TOC ou DCO ou teneur en chlore libre

débit qualité de l’eau traitée : * résistivité * dureté * alcalinité * teneur en silice * etc.

niveau ou débit teneur en O₂ dissous perte de charge

Régénération

débits d’eau et d’air de lavage temps

niveau eau

pour régénération chimique : * niveau lit charbon actif * débits régénérants * températures * temps

éventuellement niveau d’eau et du lit de résine

quantité et débits de régénérants débits de rinçage et détassage temps

débits eau et air de lavage temps

— qualité de l’eau traitée : * DTO, TOC ou DCO

On notera qu’automation complète ne sera pas systématiquement synonyme d’économie d’investissement ou d’exploitation. L’automation conduira à la mise en place de plus nombreux capteurs et pourra amener à la mise en place d’organes de manœuvre ou de contrôle nettement plus nombreux et coûteux. C’est ainsi, par exemple, que les installations d’échange d’ions en continu sont, sur la majorité des eaux de surface, plus coûteuses que les installations conventionnelles fonctionnant en discontinu avec régénération globale de la charge épuisée. Mais, dans ce cas, d’autres avantages sont liés au procédé, en particulier celui du gain de place et de la réduction du volume de résines mises en œuvre.

Rarement autant qu’en épuration biologique par boues activées, l’interdépendance entre deux procédés (celui de clarification et celui d’assimilation bactérienne) n’est aussi évidente. Un des défauts de la recherche menée depuis vingt ans sur l’épuration biologique est de s’être fixé trop exclusivement sur les réactions biocinétiques, sur l’aspect quantitatif, en négligeant par trop la phase de séparation du floc bactérien, l’aspect qualitatif.

Le développement de bactéries filamenteuses conduira à des taux d’expansion de boues élevés (forts indices de Mohlman) dont la répercussion défavorable est immédiate sur le fonctionnement du clarificateur. Des progrès ont été réalisés par une meilleure connaissance.

La connaissance des espèces associées à ce phénomène de bulking et sur les moyens de le prévenir et de le limiter a progressé, mais il est incontestable que nos connaissances doivent encore être complétées.

Pour en revenir aux possibilités de l’automation, on notera que deux propriétés conditionnent le contrôle du système par boues activées :

  • — maintien d’une teneur en oxygène dissous suffisante dans le réacteur biologique,
  • — pas d’entraînement du lit de boues au déversoir du clarificateur.

Une automation complète d’un système d’épuration par boues activées doit, en plus des deux paramètres précédents, inclure la régulation de l’extraction des boues en excès et du débit de recirculation. Un des objectifs théoriques d’une régulation du système d’épuration biologique serait de maintenir un « load factor » constant (kg DBO₅/kg MS/j). Du fait des grandes variations de charge entrant sur la station, il n’est possible, sur des effluents urbains, de maintenir ce « load factor » constant que si l’on dispose d’un réservoir-tampon de stockage d’eau brute ou d’un réservoir-tampon aéré de stockage des boues activées de retour. De telles dispositions sont trop coûteuses sur des eaux résiduaires urbaines, mais sont parfois réalisées sur des effluents résiduaires industriels.

La fig. 8 donne un schéma simplifié des principales fonctions régulatrices et de leur hiérarchie.

[Photo : fig. 8. Schéma des principales fonctions régulatrices mises en boucle par boues activées]

On notera que, pour assurer l’automation d’un système de boues activées, il est sage, pour l’estimation de la pollution entrante ou du poids de boues activées, de ne pas se baser sur de seules mesures de consommation d’oxygène effectuées sur l’installation industrielle. Les variations de concentration de la liqueur mixte dans le réacteur biologique dues au seul déplacement hydraulique des boues vers le clarificateur lors des augmentations de débit et, d’autre part, les variations de taux respiratoire des micro-organismes dues aux variations, le plus souvent inévitables, du « load factor » pourraient conduire à des estimations et à des ordres erronés et même à une divergence complète de la chaîne de régulation.

Dans le cas de régulation automatique de l’extraction de boues en excès, il est très souhaitable de disposer d’une mesure continue fiable de la concentration de la liqueur mixte.

Dans le cas de régulation du débit de pollution entrant, il est préférable de disposer d’un capteur fournissant un signal représentatif de la pollution (DCOmètre, par exemple, après décantation et tamisage de l’effluent) ou même des besoins respiratoires d’une mini-station fonctionnant à basse charge avec clarificateur à très faible vitesse.

La régulation de l’oxygène dissous s’est vraiment généralisée à l’échelle industrielle. Le contrôle du lit de boues du clarificateur est peu souvent réalisé, par suite essentiellement de l’absence, jusqu’à ce jour, de capteurs suffisamment fiables. L’extraction automatique des boues en excès est devenue fréquente mais, le plus souvent, au moyen de seuls programmeurs cycliques. Des régulations plus élaborées commencent à être mises en place ; on peut ainsi citer le cas, en France, des stations d’Achères et de Bordeaux.

Actuellement, est en cours de réalisation dans le sud de la France une installation dans l’industrie chimique où seront réalisées automatiquement les régulations suivantes : charge entrante, oxygène dissous, répartition du débit d’eau décantée dans le bassin d’aération, extraction des boues en excès, recyclage des boues décantées.

8 — L’EMPLOI DE CALCULATEURS

Si une grande partie des automatismes à mettre en œuvre dans le traitement des eaux peuvent l’être au moyen de systèmes logiques figés, l’utilisation de calculateurs de process (dont le niveau de prix de certains est aujourd’hui relativement bas) peut aussi présenter de l’intérêt.

Les calculateurs sont aussi intéressants pour la surveillance et la gestion que pour l’automation elle-même. Ils permettent :

  • — la centralisation des données et le contrôle du fonctionnement de l’installation ;
  • — le calcul direct des paramètres techniques et économiques les plus intéressants ;
  • — la possibilité d’édition d’historiques sélectionnés pour contrôle ou enquête a posteriori ;
  • — un programme d’entretien.

En ce qui concerne l’automation, les calculateurs peuvent permettre :

  • — une plus grande souplesse dans la définition des programmes d’automatisme ;
  • — une optimisation des procédés ;
  • — l’intégration de divers systèmes automatiques commandant plusieurs procédés.

De tels avantages sont spécialement appréciables sur de grandes installations quand une certaine puissance de calcul est nécessaire. Mais les possibilités offertes par les nouveaux mini-calculateurs et les contrôleurs programmables permettent de trouver des solutions adaptées à chaque type d’installation.

La tendance actuelle semble consister, même pour de grosses installations, à développer avec des microprocesseurs des systèmes de contrôle par calculateur qui sont moins centralisés que les anciens systèmes.

9 — CONCLUSION

L’automation a fait des progrès sensibles dans les techniques de traitement des eaux. Nous avons considéré quelques-uns de ses champs d’application les plus importants, mais il en existe bien d’autres : réactions d’oxydoréduction, digestion anaérobie, osmose inversée et ultrafiltration, conditionnements chimique et thermique des boues, déshydratation et incinération des boues, stations d’alerte en rivière pour la protection des prises d’eau, etc.

Si, dans certains cas, l’absence de capteurs fiables à l’échelle industrielle ou les connaissances parfois encore fragmentaires des phénomènes en cause justifient un niveau d’automation limité, le plus souvent ce sont d’éventuels surcoûts d’investissement et une réaction de méfiance appuyée sur un manque de personnel qualifié d’entretien qui limitent de tels développements.

Si, pour des petites ou moyennes stations, un surdimensionnement des ouvrages ou l’adoption de systèmes plus rustiques restera pour longtemps encore la solution du bon sens, il est certain, par contre, que sur des stations importantes la nécessité d’une maîtrise plus complète du traitement, l’évolution générale du personnel d’exploitation et de commande vers un travail plus personnalisé et plus qualifié ne pourront, dans les années à venir, que renforcer les transformations déjà constatées dans les deux dernières décennies, par une motorisation plus complète et une extension de l’automation dans les installations de traitement d’eaux.

J. BERNARD

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