Conditionnement des Eaux
La théorie fondamentale de la corrosion du fer dans l'eau sera supposée connue et nous ne retiendrons que les processus essentiels que nous schématisons dans l'écriture suivante.
À l’anode
(1) Fe → 2e⁻ + Fe²⁺ (2) Fe²⁺ + 2OH⁻ → Fe(OH)₂ (3) 4 Fe(OH)₂ + O₂ + 2H₂O → 4 Fe(OH)₃
À la cathode
(1 bis) 2H⁺ + 2e⁻ → H₂ (2 bis) 2H₂ + O₂ → 2H₂O (3 bis) 2H₂O + O₂ + 4e⁻ → 4OH⁻
À l’anode, l’oxydation de l’hydroxyde ferreux instable conduit à l’hydroxyde ferrique, beaucoup moins soluble (que nous appelons communément la rouille).
Selon les températures atteintes, l’hydroxyde ferrique se transformera en un ou plusieurs des divers oxydes Fe₂O₃, Fe₃O₄.
À la cathode, l’hydrogène libéré forme une gaine gazeuse protectrice qui empêche les ions H⁺ de perdre leur charge au contact du métal. L’oxygène en se combinant avec l’hydrogène gazeux détruit cette polarisation et réamorce le cycle de départ en solution des ions fer.
Cette réaction (2 bis) étant d’autant plus fréquente qu’il y aura plus d’oxygène et d’hydrogène en présence, il apparaît clairement que les facteurs essentiels de la corrosion sont :
- — la présence d’oxygène dissous,
- — l’acidité du milieu.
C’est donc sur l’un de ces facteurs, ou sur les deux, que nous devons agir si nous voulons, CHIMIQUEMENT, arrêter la corrosion.
Nous savons que toutes les eaux contiennent de l’oxygène dissous. Nous savons aussi que la source de l’acidité des condensats est le CO₂ libéré en chaudière par la dissociation des bicarbonates alcalins et alcalino-terreux et la décomposition des carbonates alcalins.
Mais il est bon de rappeler les chiffres cités par HOWARD P. KALLEN (Power – déc. 1956) : l’oxygène est de 5 à 10 fois plus agressif que le CO₂, et l’action combinée des deux gaz est de 10 à 40 fois plus destructrice que la même quantité de l’un d’eux pris séparément.
Il n’est donc pas étonnant de rencontrer dans les circuits de collecte de condensat, par exemple, des phénomènes de corrosion accélérée.
I. — LES CORROSIONS AVANT CHAUDIÈRES
Dans les centrales à haute pression, le conditionnement chimique de l’eau déminéralisée et dégazée a permis d’éliminer, pratiquement, les corrosions des systèmes d’alimentation.
Il n’en est pas de même dans les installations à moyenne ou basse pression dans lesquelles on rencontre très souvent d’importantes corrosions dans la bâche alimentaire et dans les conduites d’alimentation.
Ce phénomène se remarque plus particulièrement avec les eaux de faible dureté et avec les eaux adoucies en cycle Na ou H-Na. Dans ces cas la protection chimique, par réduction de l’oxygène dissous, est difficilement applicable mais une nette amélioration peut être apportée en remontant le pH à la valeur 9 minimum par introduction continue de soude caustique ou de phosphate trisodique dans la bâche.
II. — LES CORROSIONS EN CHAUDIÈRES
Nous savons qu’en chaudière c’est l'oxygène qui est l'élément déterminant de la corrosion.
Toutefois, son action est conditionnée par de nombreux facteurs dont les principaux sont :
- — le pH de l'eau,
- — l'existence de piles électrochimiques locales.
Si nous pouvons ajuster le pH, nous ne pouvons rien contre la plupart des effets de pile qui se formeront :
- * par différence de concentration en oxygène,
- * par différence de concentration d'ions métalliques,
- * par différences de températures,
- * par différences de contraintes,
- * par la présence locale d’oxydes ou de dépôts.
Il ne reste donc qu'une ressource, mais qui est sûre, la réduction totale de l’oxygène dissous contenu dans l'eau d’alimentation.
Si, en fonction de la pression ou de la température, les manifestations de la corrosion se présentent sous des aspects quelque peu différents, le processus est le même.
Il y a formation de piqûres ou de pustules sur de minuscules plages anodiques ; l’oxyde formé ne protège pas le métal, sert au contraire d’élément d’accélération de la pile et la piqûre s'élargit jusqu’à la catastrophe.
Il est faux de croire que la présence de tartre protège la chaudière contre la corrosion car il est fréquent de rencontrer le métal attaqué sous un dépôt carbonaté ou sulfaté.
Réduction de l’oxygène dissous par le Sulfite de Sodium
En basse ou moyenne pression, le dégazage thermique, en raison de son prix de revient élevé et du matériel qu'il exige, est une exception. Une opinion assez répandue, qui doit dater de l’époque des semi-tubulaires, tend d’ailleurs à faire croire que les corrosions ne sont pas à craindre en dessous de 18 kg de pression.
Cette croyance est contredite par les innombrables cas que nous rencontrons sur des chaudières modernes.
À 20 °C une eau brute ou une eau adoucie contient de 7 à 9 mg/l d’oxygène dissous.
Selon leur température, leur brassage à l’air, les condensats ramenés à la bâche ont une teneur de 1 à 6 mg/l d’O₂.
Le dosage de quantités aussi importantes est relativement simple par la méthode de Winkler à l'aide de la pipette de Lévy.
Le sulfite de sodium, utilisé depuis de nombreuses années, est un réducteur efficace et relativement peu coûteux.
Il est généralement admis que la réduction s'opère selon l'équation :
2 Na₂SO₃ + O₂ → 2 Na₂SO₄
bien que certaines expériences tendent à prouver que les réactions sont plus compliquées.
Le sulfite de sodium est un produit solide blanc, cristallisé, facilement soluble et qui ne s’altère pas sensiblement à la suite d’un stockage normal non prolongé.
Relativement stable à l'air, il l'est moins en solution bien que la réaction soit très lente.
La solution est introduite dans l'eau d’alimentation par pompe-doseuse ou par tout autre système proportionnel.
La vitesse de l’oxydation du sulfite par l’oxygène est accélérée par l’addition de catalyseurs (en général des sels de métaux lourds) et influencée par la température, la présence d'un excès de réducteur et le pH de l'eau.
La dose théorique est de 8 mg/l de Na₂SO₃ par mg/l d’oxygène dissous et il y a lieu de maintenir en chaudière un excès de réducteur dans l'eau de chaudière (voir dosages).
Nous devons toutefois attirer l’attention sur deux inconvénients majeurs du sulfite, notamment la minéralisation qu'il apporte en chaudière et, aux hautes températures, sa décomposition qui provoque le dégagement d’hydrogène sulfuré, facteur, en plus du CO₂, d’acidification des condensats.
— Minéralisation
Introduire 8 mg/l de SO₂Na₂, par mg/l d’oxygène revient à introduire en chaudière 9 mg/l de sulfate de sodium SO₄Na₂. Or, en basse et moyenne pression, pour des eaux non dégazées, il est fréquent d’introduire 40 à 50 mg/l de sulfite qui vont se transformer en 45 ou 55 mg/l de sulfate. Cette introduction massive n’aura qu'une importance secondaire avec une eau moyenne bicarbonatée, mais il y aura rupture de l'équilibre ionique si nous avons affaire à une eau peu minéralisée. Sous certaines conditions de concentration et de température, ce déséquilibre peut se traduire par l'apparition de dépôts sulfatés provoquant des surchauffes locales.
— Décomposition
Le fait d’apporter des ions sulfates n'est pas le seul inconvénient du sulfite. Il est admis qu’en fonction de la température et de la concentration en sulfite, il y a décomposition de ce corps, probablement suivant la réaction :
4 SO₂Na₂ + 2 H₂O → 3 SO₃Na₂ + 2 NaOH + H₂S ↗
Si le dégagement d’hydrogène sulfuré peut aggraver les avaries aux surchauffeurs, il contribue certainement à augmenter l’agressivité des condensats en les acidifiant. Ce phénomène, toutefois, ne se produit qu’à une température supérieure à 275 °C. Aussi, l'emploi du sulfite de sodium est-il, à l'heure actuelle, plus spécialement réservé aux chaudières à basse et moyenne pression alimentées avec un pourcentage important d'eau minéralisée bicarbonatée et non dégazée.
Réduction de l’oxygène dissous par l’hydrazine
À l'état pur, l’hydrazine, N₂H₄, dérivé hydrogéné de l'azote, est un corps dont la manipulation est extrêmement dangereuse en raison de ses points d'inflammabilité et d’explosion qui sont très bas.
Commercialement, elle est connue sous forme de solutions aqueuses, plus ou moins diluées, ne présentant aucun risque et dont la manipulation ne nécessite d'autres précautions que celles prises pour les solutions caustiques, par exemple. C’est alors un liquide incolore, possédant une légère odeur ammoniacale.
C’est un réducteur plus puissant que le sulfite et sa propriété essentielle est de réduire l'oxygène dissous sans apporter aucune minéralisation.
La réaction peut s’écrire simplement :
N₂H₄ + O₂ → 2 H₂O + N₂ ↗ ou N₂H₄ → 4e⁻ → N₂ ↗ + 4H⁺
La réaction d’oxydo-réduction, lente à froid, augmente de vitesse avec l'élévation de la température et est pratiquement terminée à 140 °C.
D’après de nombreux auteurs, cette vitesse de réaction est maxima dans un intervalle de pH de 9 à 10 et en présence d’un excès d’hydrazine allant de 20 à 100 %.
La mise en œuvre de l’hydrazine est simple : l'introduction de la solution, proportionnelle à l’alimentation, se fait par pompe-doseuse sur la base de :
1 mg/l NH₂ pour 1 mg/l d’oxygène.
Le point d'injection est déterminé en fonction de l’installation et des auxiliaires à protéger éventuellement avant chaudières : il peut se situer avant ou après le dégazeur thermique, par exemple sur l'aspiration de la pompe d’extraction du condenseur ou sur l'aspiration des pompes alimentaires.
Bien qu’à température ambiante l’hydrazine ne réagisse que très lentement avec l’oxygène dissous, il est recommandé de conserver la solution concentrée à l'abri de l'air et de la préparer tous les jours, par dilution, dans le bac de la pompe-doseuse. Il est préférable d’utiliser, à cet effet, de l'eau distillée ou du condensat froid et de couvrir le bac à solution.
Contrairement au sulfite de sodium, aucun danger n’est à redouter d’un excès d’hydrazine. C’est un produit stable jusqu’à 175 ° et, au-delà de cette température, l’excès d’hydrazine se décompose en partie suivant la réaction :
3 N₂H₄ ↗ 4 NH₃ ↗ + N₂ ↗
De cette façon l’excès d’hydrazine participe à la protection des circuits d’eau condensée en augmentant légèrement le pH.
Il y a donc intérêt à maintenir en chaudière un léger excès qui peut être facilement contrôlé par dosage colorimétrique effectué sur un prélèvement d’eau de chaudière. À cet effet, d’ailleurs, les fournisseurs de solutions aqueuses d'hydrate d’hydrazine mettent à la disposition de leurs clients les témoins colorés nécessaires.
Si le pouvoir réducteur de N₂H₄ se manifeste surtout vis-à-vis de l'oxygène dissous, il agit également sur de nombreux oxydes.
Notons en particulier :
6 Fe₂O₃ + N₂H₄ → 4 Fe₃O₄ + N₂ ↗ + 2 H₂O
Il y a transformation de l’oxyde rouge en oxyde magnétique gris bleu. La présence du premier ne préservait aucunement le métal tandis que le second assure une protection puisqu’il se reconvertit en oxyde rouge en fixant préférentiellement l'oxygène :
4 Fe₃O₄ + O₂ → 6 Fe₂O₃
L’avantage essentiel de l’hydrazine sur le sulfite de sodium est de n’apporter aucune minéralisation en chaudière. Il s’ensuit que le remplacement du sulfite par l’hydra-
L’hydrazine permet une réduction du taux de purges de déconcentration. Et les économies réalisées de la sorte dépassent, en général, très largement la différence de prix d’achat.
Aussi, alors qu’à l’origine l’hydrazine était exclusivement utilisée dans les chaudières haute pression, elle est employée, de plus en plus, pour les installations moyenne et basse pression où le pourcentage de retours est important.
III. — LES CORROSIONS APRÈS CHAUDIÈRES
En chaudière, la corrosion est due essentiellement à l’oxygène dissous. Dans les circuits de vapeur et de condensat il est admis que l’acidité constitue le facteur principal.
Elle est due au gaz carbonique libéré par la décomposition, en température, des bicarbonates de l’eau d’alimentation.
Entraîné dans la vapeur, le gaz carbonique se redissout dans le condensat en formant de l’acide carbonique et abaisse le pH en fonction de la quantité de CO₂ en solution.
Pour des eaux d’alimentation moyennement bicarbonatées, le pH des condensats est généralement voisin de 6.
Si les eaux bicarbonatées dégagent toujours du CO₂ :
(1) (CO₃H)₂Ca → CO₃Ca + CO₂ ↑ + H₂O
le phénomène est aggravé avec une eau bicarbonatée sodique, résultant par exemple de la permutation sodique, car la réaction se prolonge :
(2) 2 CO₃Na₂ → CO₂ ↑ + CO₃Na₂ + H₂O (3) H₂O + CO₃Na₂ → CO₂ ↑ + 2 NaOH
Pratiquement, retenons qu’un degré de TAC calcique libère 4,4 mg/l et qu’un degré de TAC sodique peut libérer 8,8 mg/l de CO₂.
La présence de CO₂ dans les condensats est souvent paradoxalement masquée par un pH légèrement alcalin qui donne l’illusion de la protection contre la corrosion. En fait, le CO₂ n’est pas neutralisé et le pH peut être dû à des sels alcalins entraînés par primage et qui ne peuvent se combiner avec le CO₂.
Il en est de même du condensat provenant de vapeur désurchauffée avec de l’eau traitée au phosphate trisodique, par exemple.
Protection des circuits de retour par les amines neutralisantes
Pour combattre l’acidité des condensats, il vient naturellement à l’esprit d’y introduire un agent chimique neutralisant le CO₂ et remontant le pH.
Seul un corps alcalin volatil, partant dans la vapeur et se dissolvant dans le condensat, permet cette action atteignant les points de condensation.
C’est finalement dans l’arsenal de la chimie organique que certains corps, de production relativement récente, ont été retenus en raison de leurs caractéristiques qui doivent satisfaire aux exigences suivantes :
- être une base forte volatile,
- ne pas attaquer les non-ferreux,
- être stables en température,
- ne pas être toxiques,
- être produits industriellement.
Diverses amines, cyclohexylamine, morpholine, benzylamine, éthylamines, éthanolamines ont été expérimentées industriellement.
Cette expérience industrielle permet de ne retenir, pratiquement, que deux corps organiques de caractéristiques physiques et chimiques assez voisines.
Notre expérience porte sur ces deux corps, la cyclohexylamine et la morpholine, liquides incolores, ayant une forte odeur aminée, bases plus fortes que l'ammoniaque, moins fortes que la soude.
Mécanismes d'action
Introduites en chaudières, ces amines se volatilisent dans la vapeur d’eau, se condensent avec elle et forment, avec le CO₂ dissous, un bicarbonate ou un carbonate, selon la température (fig. 2).
Elles neutralisent ainsi l'acidité et remontent le pH.
Le pH optimum qu'il faut maintenir, dans un condensat non pollué, pour être assuré de la neutralisation totale du CO₂, diffère selon les auteurs.
Les expériences réalisées en notre laboratoire nous font conclure que le pH minimum est de 8 et qu'il vaut mieux maintenir, dans le circuit, un pH de 8,3 à 8,5 pour avoir une légère marge de sécurité.
Doses
La dose dépend essentiellement de la quantité de CO₂ dégagée en chaudière, c’est-à-dire de la qualité de l'eau d’alimentation.
Si nous considérons les masses moléculaires respectives des deux corps CO₂ et amine, il faudrait 100/44 = 2,3 mg/l d’amine pour neutraliser 1 mg/l de CO₂.
L'expérience prouve qu’en réalité l’inhibition est obtenue avec des doses beaucoup plus faibles.
Il n’est pas possible de déterminer la dose exacte si l'on s’en tient uniquement à la notion du pH. En effet, le pH peut être faussé par la présence de sels sodiques provenant d’entraînements d’eau. De plus, la résistivité du condensat, donc sa qualité d’électrolyte peut être influencée par la présence d’ions Fe²⁺ ou Cu²⁺, par exemple, qui ne sont pas révélés par la mesure du pH.
Notre expérience des traitements industriels permet de dire qu’en basse et moyenne pression les doses d'inhibition varient de 3 à 8 ppm alors qu’en haute pression, en présence de condensats relativement purs, ces mêmes doses se réduisent à 0,2 à 1 g par tonne de vapeur.
En raison de leur volatilité, les amines neutralisantes doivent être introduites par pompe doseuse proportionnellement à la vaporisation. De par leur tension de vapeur élevée et leur affinité remarquable pour le CO₂, même atmosphérique, il est préférable d’éviter l’exposition prolongée à l'air. Il est recommandé de préparer journellement la solution de traitement par dilution de la quantité d’amine nécessaire dans de l'eau froide aussi pure que possible (généralement eau distillée ou condensat) directement dans le bac à solution de la pompe.
Sans être hermétique, ce bac est fermé. La pompe doseuse débite soit dans la conduite d’alimentation, après dégazeur, avant ou après les pompes alimentaires si l’introduction est faite avant chaudière, soit dans un collecteur de vapeur. Cette dernière méthode permet de traiter des parties déterminées du réseau général de distribution de vapeur.
Il existe une méthode de dosage des amines neutralisantes mais elle n’est pas industriellement applicable en raison de sa complexité.
En pratique, le contrôle se fait par mesure du pH des condensats.
Protection des circuits de retour par les amines filmantes (film forming)
Contrairement aux corps précédemment étudiés, les amines filmantes agissent d'une manière physique. Elles tapissent les lignes de retour d'une pellicule monomoléculaire qui protège le métal de la corrosion en isolant celui-ci des agents agressifs O₂ et CO₂.
Ces produits sont :
— soit les amines elles-mêmes, amines grasses à longue chaîne (C₁₆, C₁₈) obtenues par hydrogénation catalytique de certains acides gras,
— soit leurs sels et dérivés qui, dissociant par chauffage, libèrent les amines.
— Mécanismes d'action
Les amines grasses à longue chaîne, introduites et libérées en chaudière, partent dans la vapeur et se condensent avec celle-ci. Possédant une forte tensio-activité cationique, elles détachent de la paroi les pellicules d'oxydes et, en s'adsorbant sur le métal par leur groupe polaire terminal, forment une véritable barrière non mouillante.
Il s'ensuit qu'en plus de la protection contre la corrosion elles apportent une amélioration sensible des échanges thermiques par suppression des isolants, dépôts d'oxydes et écrans d'eau.
Les amines grasses à longue chaîne se présentent en émulsion aqueuse sous forme de pâte de couleur blanche.
Elles sont solubles dans l'eau froide, mais la dilution sera plus rapide si elle est faite à l'eau tiède à 35-40 °C.
L'introduction se fait par pompe doseuse refoulant sur l'aspiration ou le refoulement des pompes alimentaires.
Dans le cas de traitement de parties déterminées du réseau général de distribution de vapeur, l'injection peut être faite en phase vapeur dans les collecteurs alimentant ces parties.
— Doses
Les doses sont ajustées pour maintenir dans les condensats une teneur en octadécylamine de 0,3 à 1 mg/l.
— Contrôle colorimétrique
Se fait par le dosage quantitatif précis des amines présentes dans les condensats.
NOUVEAU PROGRAMME DE CONDITIONNEMENT D’EAUX DE RÉFRIGÉRATION
À BASE D’INHIBITEURS EXEMPTS DE MÉTAUX LOURDS
J.-Y. GUYONBETZ-France
INTRODUCTION
Le but d’un conditionnement d’eaux de réfrigération est de permettre un fonctionnement des unités de production dans les meilleures conditions de rendement, en maintenant les coefficients de transfert de chaleur à leur valeur initiale, tout en minimisant les détériorations d’équipements, les interventions de maintenance ou les arrêts non planifiés.
Depuis un certain nombre d’années, les traitements à base de chromates ont pu, dans l’ensemble, satisfaire à ces exigences. Les chromates assurent une passivation anodique des surfaces d’échange par formation d’un film protecteur d’oxyde. Associés à des polyphosphates et des sels de zinc, leur efficacité se trouve largement accrue. Les formulations chromates-polyphosphates-zinc ainsi développées ont constitué, jusqu’à maintenant, une solution économique et fiable aux problèmes de conditionnement d’eaux de réfrigération dans l’industrie.
Malheureusement, en raison des problèmes de toxicité qu’ils posent au niveau des rejets des purges de déconcentration, les traitements à base de chromates sont pratiquement amenés à disparaître.
De gros efforts de recherche ont été déployés ces dernières années en vue de la mise au point de produits de substitution des chromates.
De nombreux programmes de conditionnement sans chromates ont été développés et commercialisés sans avoir, jusqu’à présent, pu produire une qualité de résultats équivalente à celle des chromates.
Les traitements de ce type les plus largement appliqués utilisent notamment comme produits de base des polyphosphates, des organophosphorés, des polymères carboxyliques, des sels de zinc. Les organophosphorés ou polymères carboxyliques sont d’excellents inhibiteurs d’entartrement qui, en général, permettent d’opérer en milieu entartrant dans des conditions où l’eau de réfrigération est moins agressive.
L’inhibition de la corrosion est, par ailleurs, renforcée par l’action des sels de zinc et des ortho et polyphosphates. Dans certains cas, des inhibiteurs de corrosion organiques sont également inclus dans les programmes de conditionnement.
Cette approche présente toutefois un inconvénient majeur de par la nature même des films protecteurs déposés sur les surfaces métalliques. Ces films, ou le plus souvent ces couches protectrices, sont le résultat d’une précipitation de sels tels que Ca₃(PO₄)₂ — Zn₃(PO₄)₂ — Zn(OH)₂ sous l’effet des conditions alcalines créées au niveau des cathodes d’oxygène des piles de corrosion qui s’établissent sur le métal.
Dans les circuits de réfrigération opérant dans des conditions sévères de fonctionnement (par exemple températures très élevées ou très faibles vitesses de passage de l’eau), le contrôle de ces précipitations devient difficile et l’on aboutit assez rapidement à des problèmes d’entartrage ou d’encrassement ainsi qu’à des corrosions rapides et localisées (en cas d’hétérogénéité de la couche protectrice : corrosions sur les sites anodiques non protégés, ou corrosion sous dépôts par aération différentielle).
DESCRIPTION DU PROGRAMME DIANODIC II
Un programme tout à fait nouveau : le DIANODIC II, qui contrôle parfaitement ces précipitations, vient d’être développé.
Il présente trois caractéristiques remarquables :
— Par une association de plusieurs dispersants dont un inhibiteur très efficace de la précipitation du phosphate tricalcique, il permet de maintenir propres les surfaces métalliques dans les conditions les plus sévères ;
— Il autorise le maintien de taux d’orthophosphates susceptibles d’engendrer la formation d’une passivation anodique de même nature qu’avec les chromates, avec pour conséquence, une même qualité d’inhibition de la corrosion ;
— Il ne présente pas les problèmes de rejets inhérents aux chromates.
PROPRIÉTÉS DISPERSANTES DU DIANODIC II
L’efficacité de l’inhibition de la précipitation du phosphate tricalcique est illustrée par la courbe ci-après :
Les performances affichées par le DIANODIC II dans l’inhibition du phosphate tricalcique permettent d’envisager l’utilisation de mélanges de polyphosphates et d’orthophosphates dans les circuits sans se soucier du taux d’hydrolyse des polyphosphates. Ceci est un avantage
INHIBITION DU PHOSPHATE TRICALCIQUE
dans la mesure où le taux de réversion des polyphosphates (qui dépend de facteurs tels que la température, le temps de rétention, le pH) est en général difficile à prévoir.
L’efficacité comparée du DIANODIC II vis-à-vis des dépôts les plus communément rencontrés dans les circuits de réfrigération est illustrée dans les diagrammes ci-après :
D 2 : DIANODIC II : Polymère hydroxylé
P.C.A. : Polycarboxylate
P.A. : Polycrylate (très bas poids moléculaire)
H.E.D.P. : Diphosphonate
INHIBITION DE LA CORROSION
Amorce de la corrosion dans un circuit non traité
Celle-ci est illustrée par le diagramme ci-après :
Fe → Fe²⁺ + 2 électrons CATHODE O₂ + H₂O + 4 électrons → 4 OH⁻
La prévention de la corrosion dans un circuit est assurée par l’utilisation d’inhibiteurs anodiques (produits ayant pour effet de bloquer les réactions anodiques) et/ou d’inhibiteurs cathodiques (qui bloquent les cathodes locales).
Les inhibiteurs anodiques passivent la surface métallique en favorisant la formation d’un film d’oxyde de fer très stable (γ Fe₂O₃), très mince et établi à partir du métal lui-même.
Les inhibiteurs cathodiques procèdent par précipitation de sels ou d’hydroxydes sur les zones cathodiques. On dépose ainsi sur les surfaces métalliques une couche protectrice beaucoup plus épaisse, hétérogène et moins stable qu’un film de passivation.
Traitements à base de chromates
Fe + CrO₄ → Fe₂O₃ PASSIVATION Ca + PO₄ → Ca₃(PO₄)₂ Zn + OH → Zn(OH)₂ PRÉCIPITATION
Ainsi que le montre le diagramme ci-dessus, les traitements à base de chromates assurent une protection dont le caractère anodique est prépondérant. Ce qui se trouve confirmé par la présence d’un film de passivation de γ Fe₂O₃.
Traitements classiques à base de phosphates
Fe + PO₄ → Fe₂O₃ PASSIVATION Ca + CO₃ → CaCO₃ Ca + PO₄ → Ca₃(PO₄)₂ PRÉCIPITATION 20-40 ppm DCA 1585 pH
Dans ce traitement, le phosphate agit à la fois en tant qu'inhibiteur anodique et cathodique.
Toutefois, le développement d'un film de passivation (prévention anodique) se trouve considérablement gêné par la précipitation rapide de phosphate tricalcique sur les surfaces métalliques.
Traitement DIANODIC II
Fe³⁺ + PO₄³⁻ → Fe₂O₃ ANODE (γ PO₄³⁻) PASSIVATION Ca²⁺ + PO₄³⁻ → Ca₃(PO₄)₂ PRÉCIPITATION
L’inhibition anodique est principalement réalisée par les orthophosphates qui, en l’occurrence, produisent le même effet que les chromates.
Les polyphosphates assurent une inhibition anodique secondaire.
Les ortho et polyphosphates agissent également en tant qu’inhibiteurs cathodiques.
La clé des programmes de traitement DIANODIC II (breveté depuis 1979) est son très fort pouvoir dispersant qui va supprimer l'interférence du phosphate tricalcique dans l’établissement du film de passivation de γ Fe₂O₃. Le dispersant du phosphate tricalcique va également intervenir dans le processus d’inhibition de corrosion en s’adsorbant directement sur les surfaces métalliques.
Ce mécanisme se trouve illustré par les photos ci-contre.
AVANTAGES DU TRAITEMENT DIANODIC II
Les résultats sont comparables à ceux obtenus avec les traitements chromates, dans des conditions aussi larges que :
- — 1,5 °F < TCa < 120 °F ;
- — conductivité jusqu’à 6 800 µS ;
- — température de l’eau jusqu’à 77 °C ;
- — température de peau des échangeurs jusqu’à 93 °C ;
- — temps de rétention jusqu’à 12 jours ;
- — métallurgie en acier, laiton, alliages Cu-Ni, acier inoxydable ;
- — vitesse de passage aussi faible que 0,15 m/s ;
- — variations de pH pouvant atteindre pH = 2 ou pH = 9 lors d’incidents ;
- — surdosage temporaire jusqu’à 50 ppm en orthophosphates.
En cas de fuite ou de variation de divers paramètres ayant entraîné une détérioration du film protecteur, un traitement DIANODIC II permettra de revenir à des conditions idéales d'inhibition plus rapidement et avec de meilleurs résultats que ne le ferait un traitement à base de chromates.
EXEMPLES D’APPLICATIONS
1. Dans une raffinerie
— Historique
Le traitement précédent, à base de phosphates se traduisait par de bons résultats sur des coupons de corrosion prétraités.
Néanmoins, lors d’ouvertures des échangeurs, les résultats n’étaient pas en rapport avec ceux des coupons. On notait la présence de tubercules, de dépôts d’oxydes de fer et de phosphate de calcium.
— Traitement phosphates - Zn
Un traitement Zn - phosphates fut mis en place sur une période de 47 jours.
Les taux de corrosion obtenus étaient les suivants :
- — acier : 142 µ/an
- — laiton : 22,9 µ/an
- — acier prétraité : 129 µ/an
Une chute de pH intervenue durant cette période semble être à l’origine de ces valeurs élevées.
À l’ouverture, les échangeurs présentaient à peu près les mêmes signes d’encrassement et de corrosion que lors du traitement phosphates seuls.
— Traitement DIANODIC II
Un essai avec un programme DIANODIC II fut mis en œuvre sur l’une des tours.
Les taux de corrosion ont été abaissés jusqu’aux valeurs suivantes :
- — acier : 24,4 µ/an
- — laiton : 0 µ/an
- — acier prétraité : 7,6 µ/an
Les autres tours restèrent avec un traitement PO₄ - Zn et présentèrent des taux de corrosion compris entre 15,2 et 135 µ/an. Les coupons étaient recouverts d’un film uniforme de phosphate de calcium.
À la fin de l’essai, les tubes traités au DIANODIC II présentaient une nette amélioration par rapport aux tubes traités au PO₄ - Zn.
Les tubercules avaient disparu ainsi que l’encrassement. Les tubes étaient lisses et totalement exempts de dépôts.
2. Dans une unité pétrochimique
— Historique
Le traitement précédent (polyphosphates, phosphonates) produisait les taux de corrosion suivants :
- — acier : 380 µ/an
- — acier prétraité
- — acier inox : 0 - 13 µ/an
Après mise en place d’un programme de traitement DIANODIC II, ces valeurs sont devenues :
- — acier : 104 µ/an
- — acier inox : 0 - 1,5 µ/an
Suite à ces premiers résultats, le taux en orthophosphates fut augmenté de 7 - 11 ppm à 11 - 15 ppm oPO₄.
Les derniers taux de corrosion enregistrés indiquaient :
- — acier : 48 µ/an
- — acier inox : 0 µ/an
CONCLUSIONS
Les premières expériences d’application du DIANODIC II ont montré que ce type de programme pouvait constituer une solution de remplacement des chromates sur le plan de la tenue des résultats en corrosion ainsi que de la propreté des surfaces d’échanges.
Il présente, par rapport aux chromates, le gros avantage de ne pas introduire, dans l’eau de réfrigération, des métaux lourds susceptibles d’apporter des nuisances au niveau des rejets.