Un réseau hydraulique est soumis d’une manière générale à plusieurs aléas tels que le climat, les ruptures (éclatements), les glissements des sols traversés, etc. L’exploitation aura sans doute pour but d’assurer un bon fonctionnement des lignes, c’est-à-dire livrer une eau potable et assurer une durée de vie aussi longue que possible au réseau. La lutte contre le vieillissement des réseaux de conduites d’eau potable consiste généralement à procéder essentiellement aux opérations suivantes : le remplacement, la réhabilitation et enfin la rénovation [1]. L’application de ces trois moyens préventifs permet de réduire le nombre de fuites et de ruptures, d’augmenter la capacité de portage et enfin d’améliorer la qualité de l’eau afin de satisfaire aux normes requises pour une large consommation. Si la politique de remplacement qui s’appuie sur la durée de vie optimale et le risque de rupture (fréquents lors des manœuvres d’exploitation) des conduites demande un appui économique et financier relativement important, à défaut de cela, il est possible de considérer les deux autres procédés comme une variante du premier. Afin d’augmenter la durée de vie des canalisations et d’améliorer la qualité de l’eau transportée, nous proposons, dans cette étude, de rechercher une méthode d’optimisation du nombre d’interventions entrant dans le cadre de programmes de réhabilitation d’un réseau hydraulique.
Les symptômes d’un vieillissement ou d’un mauvais fonctionnement du réseau sont généralement :
- Les fuites, précédées quelquefois de ruptures des conduites ;
- La diminution de la capacité de portage.
[Figure : Évolution de la pente hydraulique avec le temps]
- - L’altération de la qualité de l’eau dont les indices sont la coloration et la présence de particules et/ou d’organismes.
Procédé de réhabilitation
Dans le but essentiel d’augmenter la portance de la conduite par l’enlèvement des dépôts et des incrustations et améliorer ainsi la qualité de l’eau fournie, on pratique plusieurs méthodes et moyens de nettoyage.
Air-eau
Un mélange d’air et d’eau est utilisé pour des longueurs allant jusqu’à 4 km et des diamètres de l’ordre de 300 mm. Pour cela il serait nécessaire de créer un chemin préférentiel en pratiquant un cloisonnement des maillages.
Bouchons racleurs polly pigs
L’envoi d’un piston racleur permet de nettoyer la surface intérieure de la canalisation en enlevant les dépôts évitant à celle-ci les dangers de la corrosion. Un racleur circule dans la conduite sous l’action de la pression du liquide. Son utilisation nécessite un montage de gares de racleurs de départ et d’arrivée. En outre, l’existence sur la ligne d’obstacles impossibles à franchir (vannes, clapets, etc.) impose une coupure de la canalisation. Il existe plusieurs types de racleurs :
- - Racleurs sans revêtement destinés à enlever les dépôts visqueux ou végétaux dans des conduites avec un support intérieur en ciment. Ce traitement est applicable pour des conduites de longueur allant jusqu’à 20 km et d’un diamètre de 700 mm environ.
- - Racleurs avec croisillons en matière plastique ou segments abrasifs. Ils sont destinés à un grattage plus complet sur des diamètres analogues aux précédents et des longueurs d’environ 1 000 m.
[Photo : Début des travaux pour une conduite de diamètre égal à 200 mm]
[Figure : Diminution des frais d’énergie avec le nombre de cycles]
Jets d’eau haute pression
Il est nécessaire pour cela de pratiquer des coupes. Ils permettent d’enlever des dépôts plus consistants. La longueur de la conduite à traiter (150 à 200 m) ne peut dépasser deux fois celle du flexible, compte tenu de la portée du jet. Les diamètres à traiter n’excèdent pas 300 mm. Ceci est réalisé par un dispositif généralement monté sur camion d’où, éventuellement, des problèmes d’accès.
Mécaniques
De même que précédemment, cette technique implique des coupures pour l’introduction des appareils. Les parois de la canalisation sont grattées par un dispositif équipé de lames métalliques. Comme les racleurs, ils peuvent être mus par la pression de l’eau.
Chimiques
Ce procédé a pour but la dissolution des
[Photo : La présence de canalisations anciennes en annexes complique les travaux]
[Photo : Figure 3 : Prix de revient en fonction du nombre de cycles]
[Photo : Figure 4 : Modification de la valeur de n optimum]
dépôts et des incrustations par des solutions acides sans attaquer le matériau qui constitue la canalisation. Néanmoins cela nécessite un moyen complémentaire (air-eau, jets, etc.) afin d'enlever les incrustations restantes.
Lining
C'est un revêtement intérieur de la canalisation. Il permet d’éviter la reconstitution des dépôts donc le maintien en bon état de la paroi intérieure de la canalisation (généralement par des moyens mécaniques). On peut le réaliser :
- en pratiquant une peinture sur les parois intérieures ;
- en appliquant une couche de ciment ;
- en introduisant des gaines fixées sur les parois (chemisage).
Optimisation du cycle d’interventions
Compte tenu de plusieurs paramètres tels que la qualité de l’eau transportée, le diamètre de la canalisation et le profil comprimé (ou profil en long) du tracé, il est possible de pratiquer un ou plusieurs procédés de nettoyage. La même démarche peut être appliquée à chaque procédé ou à un groupe de procédés.
Du point de vue énergétique la principale conséquence d'une accumulation des dépôts dans une conduite est sans doute la portance. En effet, la couche de dépôts diminue le diamètre intérieur, augmente la rugosité des parois et donc les pertes de charge linéaires.
Étude technico-économique de la fréquence de nettoyage
Considérons un tronçon de conduite de longueur et de diamètre suffisants pour effectuer les procédés de nettoyage précités. Au bout d’un temps de fonctionnement on remarque une nette augmentation de la pente hydraulique avec le temps (t) pour un débit volumique moyen constant (Q) tel que tracé dans la figure 1.
Pour maintenir la pente (ou gradient) hydraulique i constante l’idéal étant une parallèle à l’axe des abscisses. Mais il est possible de calculer pour un débit donné, en fonction du prix de revient unitaire de l’énergie dépensée et des frais divers, la fréquence des interventions.
La somme algébrique des dépenses s’écrit :
F = Fₑ + Fᵣ (1)
où Fₑ : frais d’énergie dépensés durant les procédés de nettoyage
Fᵣ : frais divers composés de frais du personnel, frais du matériel utilisé, frais des véhicules employés, etc.
Les frais d’énergie sont fonction de la puissance consommée par les pompes [2]. Pour un débit Q on peut écrire :
N ρQg
Fₑ = ——— (2)
η
où N est la puissance consommée par la pompe de la station utilisée
ρ : la masse volumique de l’eau
g : l’accélération de la pesanteur
η : rendement de la station
H : hauteur de refoulement de la station pour un débit Q
Si l'on considère la conduite horizontale, alors la pente hydraulique i s’écrit :
i = H / L (3)
où L est la longueur de la canalisation.
Compte tenu du fait que la pente i est fonction du temps (figure 1), la relation (2) s’écrit alors :
N ρQg H(t)
Fₑ = —————— (4)
η L
Pour une période t’ située dans le temps entre deux programmes de nettoyage,
[Photo : Fin des travaux pour une conduite de diamètre 700 mm]
1 Dinar vaut environ 0,1 FF.
[Photo : Figure 5 : Quantité d’énergie gagnée]
L’énergie correspondante s’écrit :
e = ∫ η(t) dt (5)
Pour plusieurs programmes qui s’étalent sur un temps T on aura :
F_E = c ρ g Q L / n ∫ i(t) dt + n F_k (6)
n = T / τ
où c est le coût d’un kilowattheure consommé (en Dinars Algériens dans les calculs). La relation (1) prend alors la forme définitive suivante :
F ≤ K ∫ i(t) dt + n F_k
où l’on pose K = ρ g Q L / n (7)
et F_k / n correspond à t*
Elle peut être simplement calculée par la méthode du point milieu [3]. On peut ainsi déterminer de la même manière le terme sous l’intégrale pour toute valeur de t'.
Application
Considérons une canalisation de 800 mm de diamètre et de 10 km de longueur. Le débit moyen sur une période de T = 16 000 heures est de Q = 2000 m³/heure. Sur la figure 1 est donnée en fonction du temps la variation de la pente hydraulique i. Cela donne aussi l’influence de l’accumulation des dépôts au cours du temps. Le nettoyage de la paroi intérieure aurait pour effet graphique de réduire la pente de cette courbe, c’est-à-dire la rapprocher de l’horizontale. Comme on peut le remarquer sur la figure 2, les frais d’énergie diminuent avec l’augmentation du nombre de cycles n, ceci pour respectivement z = 2, 2,5, 3 correspondant aux courbes 1, 2 et 3. Sur la figure 3, les courbes donnant les frais F en fonction de n pour un prix unitaire de l’énergie de 2, 2,5, 3 DA* (Dinars Algériens) et FR/K = 1, le nombre optimum apparent de cycles est 4. L’influence des dépenses d’énergie n’influe donc pas fortement sur le nombre de cycles ; ce sont les frais divers FR lesquels, à partir d’une certaine valeur de n, entraînent une nette augmentation des frais totaux.
La figure 4, quant à elle, permet, pour un prix unitaire des dépenses d’énergie constant (2,5 DA) et pour plusieurs valeurs de FR/K = 0,4, 0,8, 1, 1,5 et 2, de modifier la valeur de n optimum. En effet, on remarque que n diminue avec l’augmentation de FR et inversement. La valeur des FR correspond à un ou plusieurs procédés de nettoyage. Il est évident de constater que leur emploi simultané donne lieu à des dépenses plus élevées, ce qui requiert alors un nombre de cycles plus petit (n = 3 pour FR/K = 2 correspondant à la courbe 1 de la figure 4). Sur la figure 5, la surface, le calcul nous montre, pour n = 4, la quantité d’énergie gagnée en pratiquant un ou plusieurs procédés de réhabilitation. Cette quantité correspond à la partie située entre la surface hachurée et la courbe (en blanc).
Conclusion
Les procédés de réhabilitation des réseaux hydrauliques doivent faire l’objet d’une programmation rigoureuse si l’on veut préserver la qualité de l’eau véhiculée et assurer une bonne maintenance du réseau. Dans la pratique, selon la disponibilité des équipements et des matériaux utilisés, les opérations (précitées) liées à ces procédés demandent à être optimisées pour les étaler dans le temps. Dans le cas contraire, la négligence d’un réseau hydraulique peut engendrer des détériorations avancées conduisant ainsi à d’éventuelles rénovations ou remplacements de tronçons entiers de canalisations, ce qui alourdit par conséquent la part des dépenses d’entretien.
Nous tenons à remercier les services de l’hydraulique de la wilaya de Boummerdès pour leur aimable collaboration.
Références bibliographiques
‒ O. Illpem. – 3 Renouvellement et réhabilitation des réseaux. T.S.M. L’EAU, octobre 1985.
‒ A.G.H. I.M. – Les stations de pompage d’eau. 4ᵉ éd. Lavoisier, 1991.
‒ J.P. Demailly – Analyse numérique et équations différentielles. Collection Grenoble Sciences, 1993.