Your browser does not support JavaScript!

Contribution à l'étude de la stérilisation de l'eau pure par les ultraviolets

26 avril 1977 Paru dans le N°15 à la page 54 ( mots)
Rédigé par : Étienne-le CARPENTIER

UN POINT DE DÉPART : LA STÉRILISATION À BORD DES NAVIRES U.S.

Il faut savoir que la mise au point de l'application des U.V. au traitement de l'eau doit beaucoup à son adoption comme procédé agréé de stérilisation de l'eau potable à bord de bateaux américains, navires de commerce et bâtiments de croisière.

Dans les ports U.S., l'eau potable destinée aux navires ne doit être approvisionnée qu’à des points d’alimentation et auprès de producteurs d'eau agréés par le Médecin Général de la Santé Publique. De plus, si l'eau est traitée à bord pour être rendue ou maintenue potable, ce ne peut être que selon des procédés approuvés par le même Médecin Général.

Certains bateaux qui fréquentent des ports étrangers, et particulièrement les bâtiments de croisière, n’ont pas à bord des réservoirs d’eau potable de capacité suffisante pour la totalité de leur périple, ni d'appareils de distillation. Il faut donc pomper l'eau dans différents ports, où la fourniture est en général d'une qualité bactériologique suffisante, mais peut réclamer la sécurité d'une désinfection complémentaire à bord.

C'est en 1961 que la Compagnie américaine « AMERICAN PRESIDENT LINES » s'est intéressée à cette désinfection par rayonnement ultraviolet, pour ses propres navires croisant autour du monde. En février 1961 un essai expérimental a débuté sur le SS « PRESIDENT POLK », et fut poursuivi au cours de six croisières autour du globe.

En décembre 1961, le docteur RODNEY YOELL, Médecin-Chef de la Compagnie, demanda au Médecin Général l'autorisation d’évaluer le procédé dans ses conditions pratiques d'utilisation. Un des experts désignés pour rédiger le rapport, C.B. HUFF, contrôla ainsi l'expérimentation à bord du « PRESIDENT POLK » à la fois sur le plan technique et sur le plan bactériologique pendant toute une croisière de trois mois autour du monde, de San Francisco à New York en passant par l'Asie et l'Europe, du 28 avril au 23 juillet 1963. Les résultats de ces essais ne furent pas particulièrement évidents car l'eau embarquée dans la plupart des escales était de bonne qualité bactériologique.

(1) Voir de ce même auteur un autre article dans « L'EAU ET L’INDUSTRIE », n° 13 : février 1977, « Une technique enfin opérationnelle : la stérilisation de l'eau par les ultraviolets », page 42 et suivantes.

Plusieurs évaluations furent cependant réalisées sous de sévères conditions de contrôle. Il est intéressant de se reporter au compte rendu de cette étude sérieuse menée pour apprécier l'efficacité du traitement ultraviolet et donc comprendre les raisons de son adoption, compte tenu des facteurs particuliers suivants qui entrent en ligne de compte en matière de stérilisation de l'eau à bord des navires :

  • — longueur du réseau de distribution : il s’agit par principe d'un circuit relativement court,
  • — nécessité de l’accès aux tuyauteries, pour effectuer les inspections permanentes,
  • — équipement de sécurité, pour être certain que l'eau insuffisamment traitée soit rigoureusement détournée du réseau de distribution,
  • — emplacement de l’installation, laquelle doit pouvoir demeurer sous la constante et compétente surveillance du chef de la Branche « Transports Inter-États », Division technique de l’Environnement et de la Protection des Aliments au Ministère de la Santé Publique des U.S.A. : RICHARD R. MARK.

HYPOTHÈSES ET RECHERCHES SUR L’EFFET GERMICIDE DES ULTRAVIOLETS

On pense généralement que l'effet germicide du rayonnement ultraviolet est lié à son absorption par les divers composants de la molécule organique indispensables au fonctionnement de la cellule. La dispersion du rayonnement par excitation, causant une rupture des liaisons non saturées, principalement de la purine et de la pyrimidine composants des nucléoprotéines, paraît produire une transformation biochimique progressive et mortelle.

LOOFBOUROW, utilisant les techniques d’action du spectre, a défini le taux d’absorption de rayonnement ultraviolet selon les effets d’inhibition mini-maxi de l'acide ribonucléique sur l’ESCHERICHIA COLI, à travers la gamme des longueurs d’ondes germicides.

De nombreuses recherches quantitatives ont été nécessaires pour établir la relation entre : la longueur d’onde, le rayonnement, le type de micro-organisme et les autres facteurs par rapport à l'effet mortel du rayonnement ultraviolet sur les micro-organismes.

Les premières découvertes de base ont été reprises par REDDISH et par LOOFBOUROW, dans leurs études sur la longueur d’onde. Pour la plupart des espèces l'effet bactéricide en fonction de la longueur d’onde est maximum entre 2 500 et 2 600 Å, avec une

[Photo : SPECTRE GERMICIDE DE L'ULTRAVIOLET]

décroissance brutale entre 2 900 et 3 000 Å, suivie d’une décroissance continue à l'œil nu. Certaines recherches ont amené la découverte d'une efficacité minimum secondaire entre 2 300 et 2 400 Å, suivie d’une décroissance de l'efficacité pour des longueurs d’ondes plus courtes.

Pour une longueur d’onde donnée, il y a semble-t-il une dose de rayonnement-seuil, en dessous de laquelle l'inhibition est nulle et au-dessus de laquelle le taux de destruction ou d’inhibition s’élève d'abord rapidement et ensuite plus lentement. La représentation graphique du pourcentage de cellules survivantes en fonction de la dose de rayonnement (ou le pourcentage de celles détruites en fonction du tracé de la dose de rayonnement) se rapproche d'une ligne droite pour un grand nombre de valeurs.

La sensibilité au rayonnement ultraviolet des différents micro-organismes fut déterminée à la suite de nombreuses recherches. NAGY rapporte que E. COLI a une plus grande résistance aux rayons U.V. que tous les autres germes pathogènes entériques en suspension dans l’eau.

CORTELYOU et ses collaborateurs n’ont plus trouvé de SALMONELLA TYPHOSA survivants, pour des concentrations de 7 000 à 20 900 par 100 ml irradiées après passage dans un appareil à rayons U.V. ; des concentrations légèrement plus élevées d’E. COLI, recevant des doses similaires d'U.V., ont présenté un taux de destruction de 99,97 à 99,99 %.

KAWABATA et HARADA ont défini, ci-dessous, les temps nécessaires pour rendre inactives 99,99 % de ces espèces, avec une intensité ultraviolette déterminée.

— Germes Gram-négatif :
E. COLI ............. 60 secondes
SHIGELLA ........... 47 secondes
S. TYPHOSA ......... 49 secondes

— Germes Gram-positif :
STREPTOCOCUS FAECALIS ....... 165 secondes
BACILLUS SUBTILIS ............ 240 secondes
B. SUBTILIS spores ............ 369 secondes

Les résultats fournis par ces chercheurs et par d'autres indiquent que E. COLI, en tant que représentant du groupe coliforme et parce qu’il possède une résistance relative plus grande, serait un micro-organisme bactériologique-test adéquat pour évaluer l'efficacité du traitement de l’eau de consommation par les rayons U.V.

APPLICATION AU TRAITEMENT DE L’EAU

Jusqu’à la découverte récente de sources plus efficaces de rayonnement U.V. germicide à 2 537 Å, les conditions nécessaires à la désinfection de l'eau n’étaient pas réalisées par l'utilisation de ce procédé.

Avec la venue des lampes à mercure basse pression, lumière froide, émettant 85 % ou plus de leur puissance dans cette partie du spectre, de nombreux fabricants ont effectué des recherches sur la quantité de rayonnement nécessaire, la définition et les essais d'un matériel adéquat.

À propos de l’efficacité germicide du rayonnement U.V. : à la question subsidiaire de savoir s’il faut une certaine dose U.V. pour atteindre les micro-organismes et si, théoriquement, l’eau peut être désinfectée au niveau requis, LUCKIESH et HOLLIDAY, analysant plusieurs centaines de cultures, ont présenté un rapport de base sur la relation entre le taux de survivance de E. COLI en suspension dans l’eau et la dose totale de rayonnement U.V.

L'équation exponentielle ci-dessous déterminée s’exprime ainsi :

P/Po = e^ -Et

où :

P  est le nombre restant de survivants,
Po est le nombre original avant radiation,
E  est l'intensité du rayon germicide,
t  est le temps d’exposition en minutes,
Et est l'exposition (Et) définie comme unité de dose mortelle et reconnue comme étant approximativement 40 microwatt-minutes/cm².

Pratiquement, cette équation semble représenter la relation adéquate et cela fut la base pour définir le nombre d'unités stérilisatrices, avec un coefficient de sécurité au moins double comme cela avait été demandé par les chercheurs.

CORTELYOU et ses assistants ont décrit cette équation comme à peu près correcte, mais ils ont trouvé des différences sur les grands débits avec l'appareil qu'ils avaient essayé. Par des modifications de structure pour obtenir un brassage approprié, l’efficacité s’est trouvée accrue pour des débits plus rapides.

Les facteurs qui affectent la pénétration du rayon ultraviolet à travers l'eau (et de ce fait la destruction effective des micro-organismes) ont été débattus par LUCKIESH et ses assistants. Les coefficients d’absorption à 2 537 Å étaient affectés principalement par la turbidité, les sels ferreux et les composés organiques. Les composés de Ca, Mg, Na et Al ont peu d’effet sur la transmission, à moins que deux ou plus de ces composés ne forment un précipité. En faisant passer des prélèvements d'eau à travers des filtres de verre pilé, du plus gros grain vers le plus fin, le taux de pénétration fut augmenté dans bien des cas.

GILCREAS et DE LALLA, essayant un appareil de traitement par U.V., ont étudié les effets de la turbidité ajoutée (en utilisant de la silice de diatomées), de la couleur (thé) et des composés de fer.

Un traitement efficace, pour une capacité déterminée, fut obtenu pour des densités de coliformes variant de 2 400 à 240 000 par 100 ml avec la combinaison des facteurs suivants, en p.p.m. :

a) turbidité 85 – fer 3 – couleur 90
b) turbidité 15 – fer 5 – couleur 150

CORTELYOU et ses collaborateurs ont découvert deux facteurs importants qui peuvent réduire l'intensité des lampes :

— les variations du courant électrique,
— la température ambiante.

Une chute de tension de 110 V à 100 V fait baisser l’intensité de 22 %. Les températures de 0 ° à 10 °C réduisent de 26 % l’intensité par rapport à celle que l’on obtient à 20 °C avec des lampes enveloppées de tubes de quartz ; ces mêmes températures réduisent de 42 à 78 % l’intensité obtenue à 20 °C sans enveloppes de quartz autour des lampes.

Dans une étude sur le vieillissement des lampes, les intensités étaient suffisantes après 4 000 à 5 000 heures d’utilisation. On a conseillé toutefois de changer les lampes après une utilisation de 6 mois en continu.

Plusieurs types d’appareils U.V. ont été essayés et donnèrent satisfaction pour la désinfection d’eaux de qualités variées et pour des usages différents.

LUCKIESH et HOLLIDAY, CORTELYOU et ses collaborateurs cependant ont considéré qu'il était préférable de déterminer la fiabilité de tout type d’appareil en dessous des conditions spécifiques qui

Le décompte d’A. AEROGENES et S. FAECALIS survivants, dans la plage d’intensité au-dessous de 13, était supérieur à 100 pour 100 ml, au cours de plusieurs essais.

La couleur est aussi un facteur de limitation de la pénétration du rayon U.V et les résultats sur l’efficacité résultante de destruction des micro-organismes sont présentés dans le tableau 2.

TABLEAU 2

Effet de la couleur sur l’intensité du rayon U.V, et efficacité du traitement, pour un débit de 8,5 gpm

Agent colorant / Micro-organismes Unités couleur Intensité U.V lue Énumérations avant U.V pour 100 ml Énumérations après U.V pour 100 ml
Bleu de méthylène
E. COLI....................... 33 16 2 100 000 < 0,067
A. AEROGENES.............. 30 15 210 000 < 0,067
................................................ 15 +20 3 400 000 < 0,067
S. FAECALIS.................. 33 16 4 600 000 < 0,067
Orzan « S »
E. COLI....................... 15 2 40 000 150,0
................................................ 7 7 3 400 000 < 0,067
................................................ 5 7-8 1 900 000 < 0,067
A. AEROGENES.............. 7 7 630 000 < 0,67
S. FAECALIS.................. 5 7 18 000 000 0,13
................................................ 5 11 9 000 000 0,067
Thé
E. COLI....................... 12 5 4 000 000 330,0
................................................ 7 9 1 400 000 1,0
A. AEROGENES.............. 10 5-6 10 000 000 3,3
................................................ 7 13 3 400 000 < 0,13
Extrait de feuilles
A. AEROGENES.............. 10 4 8 300 000 0,2
................................................ 5 9-10 3 500 000 < 0,067

(+) = Diminution de l’intensité, ramenée à 15, par diminution du voltage.

Le bleu de méthylène, pour des concentrations de 30-33 unités de couleur, n’abaissait pas l’intensité en dessous de 15 alors que l’introduction d’une quantité d’Orzan « S », de thé ou d’extrait de feuilles, prévue pour donner 7 unités-couleur ou presque, ramenait les intensités à 7-13.

Pour ce même débit déterminé, les densités contenues dans l’eau traitée et teintée à 30 unités-couleur de bleu de méthylène étaient toutes inférieures à 1 pour 100 ml.

Par contre, celles avec 15 unités-couleur produites par l’Orzan « S » et celles avec 12 unités-couleur produites par le thé étaient toutes supérieures à 100 pour 100 ml, quant à E. COLI.

Cela se traduisait aussi par une lecture de 2 et 5 sur l’appareil de mesure. Avec des unités-couleur 5 à 7 en utilisant ces deux produits et l’extrait de feuilles, le décompte coliformes donnait un résultat inférieur à 1 pour 100 ml dans cinq essais sur six, à même débit (un seul atteignit 1 pour 100 ml).

Les résultats des recherches sur la turbidité sont reproduits dans le tableau 3. La turbidité introduite pour contrôler les eaux, par addition de kaolinite ou de terre à foulon, causait de sérieuses différences en décroissement d’intensité lorsque l’on comparait les unités de turbidité ajoutées par chaque substance.

Les turbidités dues à la kaolinite (déterminées par le turbidimètre de JACKSON) s’échelonnant de 55 à 190 unités, provoquaient une chute d’intensité de 28 à 10 sur le cadran gradué tandis que celles de la terre à foulon, s’échelonnant de 5 à 20 (obtenues par dilution d’une solution concentrée de turbidité connue) provoquaient une décroissance d’intensité de 20 à 9.

Les turbidités de la kaolinite, échelonnées de 55 à 190 et celles de la terre à foulon vers 20 donnèrent, pour un même débit, un décompte en micro-organismes coliformes inférieur à 1 pour 100 ml.

L’eau usée, ayant une turbidité de 20, présentait cependant un décompte de 2,5 pour 100 ml.

Les influences provoquées par le fer sont présentées dans le tableau 4. Le fer n’affecte pas l’intensité de pénétration du rayon U.V à 0,3 ppm.

C’est seulement lorsqu’une concentration de 4,8 ppm était atteinte que l’intensité tombait au-dessous de 15 sur le cadran gradué, avec toutefois une limite à 9.

Pour un débit déterminé, les eaux, à ce niveau de concentration de fer, ont donné une énumération inférieure à 1 pour 100 ml pour les deux micro-organismes coliformes analysés.

En utilisant un mélange de 0,3 ppm de fer, 5-7 unités de turbidité (terre à foulon) et 5-7 unités-couleur (thé), l’intensité descendit à 13. Au maximum du débit déterminé, l’énumération pour 100 ml était de 0,16 pour E. COLI et de 0,33 pour A. AEROGENES.

Un mélange de produits condensés en protéines (protéoses, peptones, extraits de levures) fut introduit dans un échantillon d’eau déminéralisée, pour une valeur de 40 ppm. On remarqua alors une décroissance d’intensité de 6-8 graduations sur l’échelle de mesure pour chaque valeur ajoutée de 10 ppm. À 40 ppm, pour une intensité résultante tombée à 13, et à débit constant, l’énumération d’E. COLI était inférieure à 0,067 pour 100 ml. Du lactose ajouté à l’eau d’expérimentation pour une concentration de 20 ppm n’a pas diminué l’intensité du rayon U.V.

De même pour le chlorate de potassium à 500 ppm. La baisse d’intensité ne fut guère sensible, et les dénombrements furent inférieurs à 1 pour 100 ml à débit constant.

L’eau de ville distribuée par la municipalité de Cincinnati (Ohio), utilisée comme support de contrôle, n’a pas donné une lecture d’intensité inférieure à 15 et l’énumération était inférieure à 1 pour 100 ml.

Des échantillons d’eau témoins, prélevés dans la Little Miami River, des eaux usées domestiques, donnèrent une intensité décroissante de 5 à tout juste 2, ce qui était considérablement en dessous des limites fixées.

TABLEAU 3

Effet de la turbidité sur l’intensité du rayon U.V. et efficacité du traitement pour un débit de 8,5 gpm

Agents causant la turbidité – Micro-organismes Unités de turbidité Intensité U.V. lue Énumérations avant U.V. pour 100 ml Énumérations après U.V. pour 100 ml
Kaolinite
E. COLI 190 11 3 900 000 < 0,17
     55 + 28 4 600 000 < 11
A. AEROGENES 90 9-10 4 800 000 < 13
S. FAECALIS 190 11 3 900 000 < 0,17
     55 + 28 100 000 000 < 0,067
Terre à foulon
E. COLI 20 12-13 570 000 < 13
     5 + 18 310 000 < 0,08
A. AEROGENES 20 12-13 6 000 000 < 33
     5 + 20 5 900 000 < 0,067
S. FAECALIS 20 9 2 500 000 1,6
     5 15 10 000 000 < 67
Eau usée, diluée à 1/20 20 5-6 14 000 2,5

(+) = Diminution de l’intensité, ramenée à 15, par diminution du voltage.

TABLEAU 4

Effet du fer sur l’intensité du rayon U.V. et efficacité du traitement pour un débit de 8,5 gpm

Micro-organismes et composés ferreux Fe (ppm) Intensité U.V. lue Énumérations avant U.V. pour 100 ml Énumérations après U.V. pour 100 ml
E. COLIFeCl₃ 4,8 9-10 2 300 000 < 0,11
    3,7 + 18 2 300 000 < 0,077
FeSO₄ 3,7 15 280 000 < 0,077
    0,3 + 35 270 000 < 0,067
A. AEROGENESFeCl₃ 2,5 13 2 000 000 < 0,96
    0,7 + 20 2 400 000 < 15
FeSO₄ 1,0 + 35 2 200 000 < 0,067

(+) = Diminution de l’intensité, ramenée à 15, par diminution du voltage.

L’eau résiduaire diluée à 1/20 avec l’eau de la ville donna une intensité lue de 5-6, une énumération coliformes de 2,5 pour 100 ml, la turbidité étant de 20 unités (tableau 3).

Les températures des eaux déminéralisées analysées étaient sensiblement constantes, autour de 10 °C ± 3 °C. L’indicateur de mesure d’intensité accusait une légère variation de l’eau déminéralisée à ces températures avant l’adjonction des agents expérimentaux.

Une expérience fut menée pour déterminer si, pour des densités variables, un pourcentage constant de micro-organismes survivait aux conditions limites d’efficacité du traitement.

Le tableau 5 présente les résultats concernant différentes densités d’E. coli s’étendant dans la plage des 1 000. Le pourcentage de survivance, qui se situait entre 0,020 et 0,037 pour les quatre densités initiales de 8 000 à 5 000 000 pour 100 ml, n’est pas considéré de façon très différente.

TABLEAU 5

Taux de survivance de l’Escherichia coli, en fonction de la densité initiale, pour une intensité U.V = 6 et un débit de 14,5 gpm

Densité initiale (pour 100 ml) Énumérations après U.V (100 ml) Eaux de survivance P/P₀
8 000 2,96 0,037
60 000 16,3 0,027
500 000 98,3 0,020
5 000 000 1 100,0 0,022

Une culture de B. cereus fut irradiée dans des conditions contrôlées, avec deux doses d’intensité totalement différentes, pour déterminer la résistance comparative des spores et des cellules végétatives.

Le pourcentage de survivance des spores fut de 0,20 pour une dose et de 1,00 pour l’autre.

Pour les cellules végétatives, le pourcentage de survivance fut de 0,0026 pour une dose et de 0,014 pour l’autre.

Le tant-pour-cent de survivance des spores par rapport aux cellules végétatives était respectivement de 77 et 71.

Ainsi fut démontrée la plus grande résistance des spores, par le « tant-pour-cent » de survivance.

CONTROLES VIROLOGIQUES

Les matériels d’équipement et leur mode d’emploi sont identiques à ceux décrits précédemment. Des recherches concernant l’inactivation virale ont été menées tant pour définir la capacité de traitement de l’appareil que pour déterminer ses conditions limites d’utilisation.

Cinq virus ont été utilisés comme micro-organismes témoins : les trois variétés de poliovirus, un filtrat d’ECHO « 7 » et le virus COXSACKIE A9. Ces virus étaient ajoutés, par doses calculées d’environ 1 000 unités-plaques par ml, à 200 gallons (0,750 m³) d’eau déminéralisée (pH 7,1-7,3) contenues dans un réservoir en acier d’une capacité de 600 gallons (2,270 m³). Après l’introduction des virus, l’eau fut agitée dans le réservoir durant cinq minutes avant les prises d’échantillons.

Pour contrôle, un prélèvement d’eau fut analysé avant que celle-ci ne soit ensemencée avec ces virus particuliers pour cette expérience donnée : aucun virus ne fut découvert.

Pour l’essai, des échantillons d’eau de 500 ml furent prélevés et entre 50 et 100 ml de chaque échantillon furent refroidis à – 18 °C après que l’on y eut ajouté 1 % de sérum de veau.

Ces prélèvements, refroidis, furent analysés pour la recherche de virus dès que les cultures préparées devinrent exploitables.

Toutes les cultures virales furent effectuées avec des cellules de rein de singe, selon la méthode des plaques « agar » superposées. Les monocouches de cellules, en flacons conformes de 6 onces (170 g), furent inoculées avec 0,2 ml, par flacon, de l’échantillon test, incubées pendant 1 heure à 37 °C, puis recouvertes avec un milieu « agar » base exactement semblable à celui décrit par Hsiung et Melnick. Les quantités indiquées dans le tableau 6 représentent le volume total inoculé pour chaque test.

Dans bien des cas, plus d’une expérience fut réalisée avec chaque virus au niveau inoculum indiqué ci-dessous.

En complément, des recherches furent aussi entreprises pour déterminer l’effet de l’« inoculum » viral aux plus hauts niveaux et celui de la couleur sur l’inactivation de certains de ces virus.

RESULTATS

Les résultats de ces expériences virales sont mentionnés dans le tableau 6. Il ressort de ces données que les trois types de poliovirus testés étaient inactifs au débit maximum et à l’intensité minimale du rayonnement U.V indiqués par le fabricant de l’appareil.

Même lorsque l’intensité U.V était décroissante jusqu’à approximativement la moitié de la mesure lue recommandée et lorsque le débit augmentait jusqu’à 1,8 fois la quantité fixée, aucun virus ne fut découvert dans l’eau traitée.

Le virus ECHO « 7 » resta inactif, lui aussi, dans toutes ces conditions d’essai, et même lorsque l’appareil fonctionnait avec un débit de...

TABLEAU 6

Inactivation des virus par le rayonnement ultraviolet

Virus et intensité U.V lue Débits (gpm) Unités-plaques
POLIOVIRUS « 1 »
0+8,52,6 × 10³/ml
158,50/0,2 ml
1514,50/0,2 ml
7,58,50/0,2 ml
48,50/0,2 ml
POLIOVIRUS « 2 »
0+8,51,5 × 10³/ml
158,50/0,4 ml
POLIOVIRUS « 3 »
0+8,54,1 × 10³/ml
158,50/0,4 ml
1514,50/0,4 ml
7,58,50/0,4 ml
48,50/0,4 ml
ECHO « 7 »
0+8,51,2 × 10²/ml
158,50/0,4 ml
7,58,50/0,4 ml
1514,50/0,4 ml
38,50/0,4 ml
COXSACKIE « A9 »
0++8,51,4 × 10³/ml
158,51/0,8 ml
7,58,53/0,8 ml
POLIOVIRUS « 1 » – inoculum viral
0+8,51,7 × 10⁴/ml
1514,51/0,4 ml
7,58,51/0,4 ml
7,514,51/0,4 ml
1514,512/0,4 ml
POLIOVIRUS « 2 » + 4,5 ppm de FeCl₃
0+8,51,1 × 10³/ml
48,50/0,4 ml
28,50/0,2 ml
214,50/0,4 ml
POLIOVIRUS « 2 » + 9 unités couleur (thé)
0+8,51,3 × 10³/ml
28,517/0,8 ml
214,56/0,8 ml

+ Échantillon de contrôle prélevé au robinet de sortie. ++ Échantillon de contrôle prélevé au robinet d’entrée, avant le traitement U.V.

1,8 fois supérieur à celui recommandé et dans des conditions de rayonnement U.V., moitié moindre.

L’apparente découverte au cours de ces expériences du virus COXSACKIE n’est pas significative, puisque neuf de ces « plaques » repiquées sur de nouvelles cultures n’indiquèrent aucune origine virale.

L’addition de 4,5 ppm de FeCl₃ pour tester l’eau contenant le Poliovirus II n’affecta pas l’inactivation virale.

Le virus ne fut pas complètement inactif pour deux cas précis :

  • — Quand la teneur initiale de Poliovirus I fut multipliée par 7 (soit de 2 600 à 17 000 par ml) un virus vivant apparut alors dans l’eau traitée.
  • — L’addition de neuf unités-couleur (thé) à l’eau contenant Poliovirus I donna aussi pour résultat l’apparition de virus vivants dans l’eau traitée.

DISCUSSION

L’énumération des deux micro-organismes coliformes témoins, E. COLI et A. AEROGENES, sous un minimum d’intensité Iₑ, pour un débit maximum, comme ceux décrits dans cette étude, est équivalente à celle admise pour l’eau potable.

Le pourcentage de destruction de 99,9999 ou plus et le fait que toutes les densités relevées dans l’eau traitée soient inférieures à 1 pour 100 ml démontrent comparativement le haut degré d’efficacité du traitement, lors des contrôles opérationnels de débit sous une intensité minimale enregistrée par l’indicateur.

Les énumérations — dans la plage de 8 à 13 — à 8,5 gpm — donnent une moyenne inférieure à 0,6 pour 100 ml ; une seule avait une densité supérieure à 1 pour 100 ml (3,1 pour 100 ml).

Tenant compte de la dose totale d’intensité fournie pour un débit fixé, il paraît indiqué d’utiliser un coefficient de sécurité de 1,7 en cas de fonctionnement à intensité minimale.

En dessous de 8 unités d’intensité, à 8,5 gpm, les énumérations montrent que l’on atteint la zone de cessation d’efficacité dans le traitement.

Pour un débit de 14,5 gpm, avec des intensités U.V. à ou au-dessus du minimum requis, les énumérations sont semblables à celles admises pour l’eau potable.

Dans la plage de 8 à 13 et avec ce débit, on a démontré que le traitement cessait d’être efficace.

Tenant compte de la dose totale d’énergie appliquée, pour une intensité indiquée de 15 et avec un débit de 14,5 gpm, on appliquera un coefficient de sécurité de 1,6 pour ce débit maximum sous intensité minimale.

Les unités-couleur 5 à 7 n’altérèrent pas l’efficacité du traitement en dessous des standards minima, bien que l’intensité du rayonnement U.V. soit quelque peu descendue en dessous des niveaux minima.

Il ne paraît pas exister de relation quantitative conséquente entre les unités-couleur, ainsi déterminées par les méthodes analytiques des standards de l’eau, et la décroissance de la transmission.

Cela est démontré par les différentes et très significatives décroissances de l’intensité U.V. provoquée par le bleu de méthylène et les trois plus complexes matières organiques utilisées.

Le plus grand effet des matières organiques sur le taux d’absorption à 2 537 Å, comparé avec celui des matières inorganiques, a été évoqué par LUCKIESH et démontré dans ses études.

Les produits concentrés en protéines créent une décroissance de 6-8 unités-intensité par 10 ppm, et le chlorure de potassium n’a pas d’action appréciable sur la pénétration des rayons U.V. à 500 ppm. Il paraît donc vraisemblable que la structure des molécules organiques plutôt que la couleur ait un rapport particulier avec la décroissance de l’intensité.

Les turbidités de 5 unités ne réduisaient pas l’intensité en dessous du minimum, et les énumérations restèrent à l’intérieur des limites raisonnables.

[Photo : Modèle similaire à celui qui fait les essais. Celui-ci possède un automatisme intégral de fonctionnement et de nettoyage. Modèle 1000, avec 2 lampes.]

Des turbidités de 20 réduisirent parfois l’intensité au minimum et dans deux cas, en dessous du minimum (5-9 sur l’enregistreur).

Toutes les énumérations de coliformes, cependant, sauf celles de l’eau usée, diluée, restaient à l’intérieur des limites acceptables pour de l’eau potable, à des débits déterminés.

Des rapports quantitatifs différents furent remarqués en comparant les unités de turbidité avec les effets de la kaolinite et de la terre à foulon sur la transmission du rayonnement ultraviolet.

Les turbidités de la kaolinite, quatre fois plus importantes que celles de la terre à foulon, furent nécessaires pour provoquer une réduction semblable d’intensité.

Toutefois, les unités de turbidité ne peuvent pas être utilisées comme une indication précise de l’effet qu’ont toutes les matières créant de la turbidité sur la pénétration du rayonnement U.V. dans l’eau.

Les concentrations de fer au-dessus de 3,7 ne provoquaient pas de décroissance d’intensité U.V. en dessous des niveaux minima, et les énumérations coliformes pour des volumes déterminés restèrent toujours dans des limites acceptables.

En variant les densités initiales d’E. COLI irradiées par une dose U.V. fixée bien en dessous du minimum, on a obtenu un taux constant de survivance dans une plage d’énumérations de 8 000 à 5 millions par 100 ml. Cela démontre la logique du taux P/P₀ dans l’équation exponentielle de LUCKIESH pour la dose de destruction P/P₁ résultante de 99,96 à 99,98.

On a démontré que les spores B. CEREUS avaient une plus grande résistance au rayonnement ultraviolet que les cellules végétatives.

Dans deux dosages les énumérations donnèrent des taux P/P₀ pour les spores 71 à 77 fois ceux pour les cellules végétatives.

EN RÉSUMÉ

Une estimation faite avec un appareil fabriqué et commercialisé pour stériliser l’eau par le procédé du rayonnement ultraviolet et destiné primitivement à l’usage des navires, démontre que le système donnera toute satisfaction si les facteurs affectant la transmission ne descendent pas en dessous de 15 sur la plage de l’indicateur et si le débit préconisé n’est pas dépassé.

Le coefficient de sécurité pour établir la dose minimale de rayonnement U.V. est de 1,6 à 1,7 pour l’ESCHERICHIA COLI pour des quantités initiales de 1 million par 100 ml, comme cela a été démontré lors de leur destruction par l’efficacité du traitement pour deux débits déterminés.

La couleur, au niveau maximum de 5, ou le fer jusqu’à 3,7 ppm, utilisés comme facteurs s’interposant à la pénétration du rayon U.V., n’ont pas altéré l’efficacité du traitement.

Les niveaux de turbidité de 15 à 20 unités peuvent créer une diminution d’intensité au-dessous du minimum fixé.

Les niveaux de turbidité vers 5 unités n'ont pas provoqué de troubles particuliers dans l’efficacité du traitement au-dessous de limites acceptables.

En règle générale, les unités couleur et les unités de turbidité ne sont pas les mesures parfaites de l'altération qui peut s’opposer à la pénétration du rayonnement ultraviolet.

La nature organique des matières en présence dans l'eau peut procurer un accroissement important aux problèmes de transmission U.V.

Les eaux relativement basses en turbidité, contenant de la couleur, du fer ou des matières organiques furent convenablement traitées par l'appareil ; cependant, la plupart des eaux de rivière, les eaux usées, ou de toute autre source à haute turbidité, contenant des matières organiques ou du fer, n'ont pas donné à même capacité de débit un produit potable.

L’appareil n’a pas non plus donné de résultat évident sur certains virus entériques, à l’intensité et au débit prescrits, lorsque les niveaux de virus atteignaient 1 000 unités-plaque par millilitre. Quand le taux de virus dépassait ce niveau ou quand une matière colorante était ajoutée (en l'occurrence du thé), on trouvait des virus vivants dans l’eau traitée.

L'utilisation d'un appareil de mesure précis, pour enregistrer l’intensité minimum à 2 537 Angströms ou 253,7 Nanomètres et d’une vanne contrôlant le débit sont les moyens recommandés pour s’assurer du dosage minimum d’intensité U.V.

Ces deux moyens de contrôle, incorporés dans un appareil, fonctionnant en opération continue, garantiront un contrôle adéquat de l'efficacité du traitement.

E. le CARPENTIER.

[Encart : REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES LOOFBOUROW (J. R.) : The effects of ultraviolet on cells. Growth 12:77 (1948). REDDISH (G. F.) : Antiseptics, disinfectants, fungicides, and chemical and physical sterilization. Ed. 2, Lea et Febiger, Philadelphia (1957). NAGY (R.) : Water sterilization by ultraviolet radiation. Research Report BL-R-6-1059-3923-1, Lamp Division, Westinghouse Electric, Co. CORTELYOU (J. R.) : The effects of ultraviolet irradiation on large population of certain water-borne bacteria in motion. The development of adequate agitation to provide an effective exposure period. KAWABATA (T.) et HARADA (T.) : The disinfection of water by germicidal lamp. LUCHIESH (M.) et HOLLIDAY (L. L.) : Disinfecting water by means of germicidal lamp. General Electric, Rev. 47:45 (1944). LUCHIESH (M.), TAYLOR (A. H.), KERR (G. P.) : Germicidal energy – its transmission.]
[Publicité : MASURE CONSTRUCTEUR]

LA PAROLE EST À L.-P. MAZOIT...

VULNÉRABILITÉ ET PROTECTION DES EAUX SOUTERRAINES

Presque toujours quand on parle de pollution des eaux, on pense à celles de surface : cours d'eau, lacs, mers ; il est bien rare qu'on mette en cause les eaux souterraines. Même dans le monde de l'eau il y a quelque vingt ans encore, on parlait de « l'eau naturellement pure » comme d'une chose courante et cette expression était appliquée presque automatiquement à la quasi-totalité des eaux souterraines.

Au Service de Contrôle des Eaux de la Ville de Paris on a toujours pensé autrement : les fondateurs DIENERT et GUILLERD étaient bien placés pour connaître la vulnérabilité de nombreuses circulations aquifères souterraines puisque c’est du fait de celle-ci qu'ils ont été amenés à créer ce service. Leurs successeurs, LE STRAT et COUTRIS eux aussi partageaient évidemment cet avis.

Pendant presque toute ma carrière je me suis élevé contre cette espèce de dogme des eaux souterraines pures a priori. Mais il est bien difficile de se faire entendre au milieu de sourds. Heureusement d'autres voix se sont jointes aux nôtres et peu à peu la raison l'a emporté. Il est bien certain que le plus souvent l'eau souterraine est d'une qualité supérieure à celle de la plupart des eaux de surface traitées. Il n’en reste pas moins que nombre d’eaux souterraines sont ou peuvent être polluées chimiquement et microbiologiquement.

À ma connaissance, la première manifestation importante sur ce sujet fut celle organisée par l'Association française pour la Protection des Eaux (ex A.N.P.E.) le 20 novembre 1975 avec la participation de MM. TENAILLON, Secrétaire Général de l’A.N.P.E., BODELLE, CASTANY et SAUTY (B.R.G.M.), BELLAIR (Université de Paris-VI), BRACHET (Ministère de la Qualité de la Vie) et MORETTE (Faculté de Pharmacie).

Dans son introduction, M. Tenaillon citait « le cas dans le Nord de la France d'un puits où des infiltrations provenaient encore, trente ans après la Deuxième Guerre mondiale, ... de la destruction d'un train d’essence ». Il attirait ainsi l'attention sur la persistance très longue de la pollution dans le sol et le sous-sol. Et dans sa conclusion M. Castany disait : « La pollution du milieu souterrain, eaux et terrains, est un danger grave... » « L'EAU ET L'INDUSTRIE » a d’ailleurs rendu compte de cette réunion dans son numéro 4 (janvier-février 1976).

Décidé à protéger ce patrimoine national, le B.R.G.M. a organisé à Orléans-La Source un Colloque qui a réuni, les 1er et 2 mars 1977, à peu près tous les spécialistes français en hydrologie souterraine. Près de 300 participants ont écouté attentivement pendant deux jours de très nombreux exposés sur « La protection des eaux souterraines captées pour l’alimentation humaine ». Au cours de multiples interventions ils ont posé des questions, apporté des précisions et des exemples, signalé des carences et des anomalies de la législation ou la réglementation.

Comment rendre compte d'une telle manifestation ? Malgré toutes les notes que j'ai prises je m’en sens incapable car tout serait à citer et à commenter. Je me bornerai à donner, in extenso, les titres des chapitres et sous-chapitres dont le contenu a été exposé par neuf rapporteurs. Les soixante-quatre communications, fruit du travail de plus de cent auteurs avaient en effet été groupées en trois thèmes :

THÈME 1 - CAUSES EXTERNES DE LA POLLUTION(Rapporteurs MM. LEYNAUD, MONITION, VACHAUD)

Recensement des types de pollution.

— Effluents d’eaux usées (stations de traitement).

— Rejets des industries chimiques et de transformation (d’origine minérale ou organique).

— Activités agricoles et forestières (amendements et traitements).

— Pollutions accidentelles (circulation - transports).

— Pollutions naturelles.

Incidences (par type de pollution) sur les aquifères.

— Prévisions générales des effets (nature - pronostic d’apparition et d’évolution, aires de contamination).

— Transformation et auto-épuration.

— Effets cumulatifs - concentrations locales naturelles.

THÈME 2 - CONDITIONS NATURELLES DE PROPAGATION DES POLLUTIONS(Rapporteurs MM. BONNET, CATROUX, LETOLLE)

Régime d’écoulement autour des captages.

— Vitesse de propagation et temps de transfert.

— Aire d’influence (définition, détermination).

— Aire d'alimentation (influence des modifications de conditions naturelles dans cette aire : vulnérabilité).

Propagation des polluants dans les aquifères.

— Dispersion et dilution en nappe.

— Mouvements d'eau et de sels entre sol et nappe.

Pouvoir épurateur des terrains.

— Aspects physiques.

— Aspects géochimiques.

— Aspects microbiologiques.

THÈME 3 - CONDITIONS ÉCONOMIQUES(Rapporteurs M. BRACHET, docteur COIN, M. GLEIZES)

Remèdes réalistes appelés à constituer le corps des servitudes (interdictions et réglementation).

— Schéma de protection géographique.

— Intervention au niveau des sites de pollution (voile étanche, barrière hydrodynamique, enlèvement mécanique).

— Aire de protection et réseau de contrôle associé.

— Surveillance et alerte.

Intégration des aires de protection aux plans de développement.

— S.D.A.U., P.A.R., P.O.S., etc...

M. GERVY (Fédération des Engrais) expose ensuite que le nombre des paramètres est très grand : profondeur traversée, pluviométrie, cultures hâtives ou tardives, texture du sol... Pour lui il semble qu’on ait maintenant atteint l’optimum et que l’on n’augmentera plus le taux de l’apport en nitrates.

Après une regrettable panne d’appareil de projection, MM. LETOLLE et MARIOTTI (Université Pierre-et-Marie-Curie) peuvent exposer leur méthode de différenciation de l’origine des nitrates. L’azote existe sous deux formes isotopiques — de masses 14 et 15 — cette dernière n’étant présente dans la nature que pour 0,336 %. Dans les engrais industriels la teneur est sensiblement la même ; dans les sols non cultivés l’activité biologique élabore des nitrates à 0,337 % et dans les sols cultivés la même activité aboutit à des teneurs de 0,338 à 0,339 %. Enfin les nitrates provenant de la fermentation des matières organiques sont à 0,340 % et au-delà. La différence est faible certes, mais les méthodes d’analyse par spectrométrie de masse permettent de déceler des différences de 0,00004 %. La méthode est donc sûre, non pas une panacée mais un outil sérieux. Le nombre d’études effectuées jusqu’alors est trop faible pour qu’on puisse en tirer des conclusions certaines. Mais pour entreprendre de tels travaux il faut, on le sait, ce nerf de la Recherche : les crédits…

Après cet exposé une quinzaine d’intervenants font connaître leur point de vue, souvent très documenté et frappé au coin du plus pur bon sens. Il ne peut être question de résumer ces interventions et je prie chacun de ceux qui au cours de cette réunion sont venus au micro de m’en excuser. Je ne puis toutefois résister au plaisir de dire quelques mots du cas observé au Maroc par M. BUFFLE (Lyonnaise des Eaux), en raison de sa particularité : à cause de circonstances particulières — variations du niveau des eaux souterraines, oxygénation différentielle, présence de phosphates indispensables à la prolifération microbienne —, des bactéries de l’azote ont élaboré dans le sol à partir de l’azote atmosphérique des quantités de nitrates telles que la teneur dans les eaux dépassait 100 mg/l.

Le docteur COIN, président de la Section des Eaux du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France avait bien voulu accepter de tirer les conclusions de ce débat. Comme presque tous les hydrologues, en toute bonne foi il accusait les agriculteurs. Aujourd’hui, dit-il, il a beaucoup appris, mais ce qu’il a entendu le plonge dans le plus cruel des embarras car un fait est certain, c’est qu’au-delà d’une certaine concentration en nitrates les eaux sont dangereuses. Or il faut reconnaître que l’agriculture n’est pas seule en cause.

Mais pour les hygiénistes, quelle que soit l’origine, le problème subsiste en France et aussi à l’échelle européenne. Après les exposés entendus il ne peut plus être question d’imposer des teneurs sans tenir compte des possibilités. Quelle sera l’issue, ajoute-t-il ? Peut-être la trouvera-t-on dans la protection de certains secteurs réservés à la production d’eau d’alimentation (1) ? En tout cas, le problème est capital et préoccupant.

Remerciant l’assistance, M. Létolle indique qu’il faut penser à la dénitrification et souhaite qu’un débat soit organisé sur cette question.

Mon impression générale ? Tout en étant resté un peu sur ma faim je pense que cette manifestation aura été très utile. Elle a permis à beaucoup de gens qui n’avaient pu se rendre au colloque d’Orléans-La Source d’entendre des exposés et des interventions très documentés sur un sujet important et préoccupant. Elle a rassemblé des représentants de l’agriculture, du monde scientifique et de celui de l’eau, montrant à chacun des groupes l’entière bonne foi des autres et — pourquoi pas — peut-être semé le grain d’une collaboration ? Peut-être permettra-t-elle aux « Autorités » d’appréhender la gravité de certains problèmes de l’eau donc de notre santé de demain à nous tous et à faire comprendre que cette santé, notre bien le plus précieux, passe par le développement de la recherche sur l’eau.

J’espère aussi que l’Association Française pour la Protection des Eaux (nouvelle dénomination de l’A.N.P.E.), qui a déjà tant fait dans ce domaine, pourra organiser la réunion souhaitée par M. Létolle sur la dénitrification.

Mon exposé aura été bien long. Il a, je le crains, été par moments fastidieux. A-t-il toujours été fidèle ? Je l’espère. Tous ceux que la question intéresse pourront lire avec profit le compte rendu détaillé de cette réunion dans un des prochains numéros de « L’EAU PURE », l’organe de l’A.F.P.E.

L.-P. MAZOIT,chef honorairedu Service de Contrôle des Eauxde la Ville de Paris.

(1) Je suis heureux de constater que le docteur Coin semble rejoindre les conclusions auxquelles, partant d’un sujet différent, j’aboutissais dans l’éditorial du n° 41 (août-septembre 1976) de « L’EAU PURE ».

[Publicité : Comptoir Général des Fontes]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements