Des sédiments superficiels côtiers prélevés à proximité des rejets d'eaux usées (industrielles et domestiques) de la zone la plus industrialisée du littoral Atlantique Marocain (Mohammedia-Casablanca-El Jadida) ont été analysés afin de déterminer l'impact de la pollution urbaine et industrielle sur cette zone du littoral par comparaison des taux de matière organique extractible, d'hydrocarbures saturés et aromatiques. La zone choisie connaît une forte activité portuaire et industrielle. Nous avons procédé selon une approche géochimique très utilisée pour déterminer la pollution dans le bassin méditerranéen. Cette méthodologie s'articule sur l'interprétation de plusieurs paramètres expérimentaux tels que les CPI (carbon predominance index), les rapports n-C17/Pr, n-C18/Ph et n-C17/n-C29. Les résultats de l'étude qualitative et quantitative (CPI > 1) des fractions saturées ont montré que les hydrocarbures d'origine pétrolière sont généralement prédominants, mais dans certains cas la présence d'hydrocarbures d'origine naturelle n?est pas négligeable (n-C17/Pr et n-C18/Ph > 2). Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) détectés dans les échantillons de sédiments confirment l'origine pétrolière avec possibilité toutefois d'une contamination pyrolytique dans certaines stations. Les analyses sont réalisées par chromatographie gazeuse capillaire (CG/DIF) et par couplage chromatographie gazeuse - spectrométrie de masse (CG/SM).
Devant le développement industriel, l’essor démographique et la grande densité des zones urbaines, l’homme et ses activités contribuent énormément au développement de la pollution en mer. Le milieu aquatique, longtemps considéré comme milieu purificateur, s’est avéré inefficace devant l’importance d’effluents et de déchets industriels et urbains rejetés à l’état brut. Il est aujourd’hui le récepteur principal. De ce fait, il est particulièrement affecté et sa détérioration peut aller jusqu’à mettre en péril la santé humaine.
Mots Clés : Sédiments superficiels, hydrocarbures, littoral Atlantique Marocain, pollution, rejets industriels et urbains, analyses CG/FID et GC/MS.
La zone choisie pour cette étude est située entre les villes de Mohammedia et El Jadida. Elle représente l’axe le plus industrialisé du littoral atlantique marocain et s’étend sur une distance de 150 km. Les effluents provenant des différents collecteurs (domestiques et zones industrielles) de cette région sont déversés le long de la mer à proximité des quartiers populaires et de certaines zones d’estivage. Ces rejets présentent des risques sanitaires évidents pour la population en contact permanent avec ces eaux ; par ailleurs, ces effluents déversés en mer peuvent déstabiliser l’équilibre naturel de toute vie en milieu marin.
Le présent travail concerne l’analyse qualitative et quantitative d’une partie de la matière organique extractible : hydrocarbures saturés et aromatiques présents dans les sédiments superficiels côtiers de la zone Mohammedia-Casablanca-El Jadida, prélevés à proximité des rejets d’eaux usées afin d’évaluer l’apport anthropique en hydrocarbures dans cette zone du littoral. Cette étude est, à notre connaissance, la première réalisée sur le littoral atlantique marocain. En référence à l’approche géochimique généralement utilisée (fractionnement de la matière organique extractible (MOE) en fraction saturée F1 et aromatique F2) et l’exploitation des résultats analytiques obtenus (CPI, n-C/Pr, n-C/Ph et n-Cn-Cn), nous avons essayé de déterminer l’origine des hydrocarbures trouvés dans les sédiments analysés.
La contamination par les hydrocarbures peut avoir diverses origines : raffineries côtières, déchets urbains et industriels, écoulements urbains et fluviaux, retombées atmosphériques. En effet, d’importantes quantités d’hydrocarbures sont déversées chaque année dans les océans : 10⁶ tonnes (National Research Council, 1985). Les apports d’hydrocarbures par les rejets urbains représentent environ 5 % de la quantité totale d’hydrocarbures introduite annuellement dans le milieu marin, c’est-à-dire plus que les apports dus à des accidents de pétroliers (3 %), aux raffineries côtières (3 %) ou encore aux exploitations pétrolières sous-marines (1 %) (N.R.C., 1985).
Matériels et méthodes
Réactifs :
Les solvants utilisés sont tous de qualité spectroscopique ou chromatographique. Les composés étalons proviennent tous de Supelco (Bellefonte, USA) et sont de qualité chromatographique (99 %).
Choix des stations :
La localisation des différentes stations de prélèvement est indiquée à la figure 1. Quatre stations littorales sont situées entre Mohammedia et El Jadida (St M, St R, St B et St E) :
- – St E : située à 20 m du rejet des eaux usées de la ville basse et de toute la zone industrielle d’El Jadida.
- – St R : située à 20 m du rejet des eaux usées domestiques et industrielles du quartier Roches Noires à Casablanca.
- – St B : située à 20 m du rejet des eaux usées domestiques et industrielles du quartier Bernoussi-Aïn Sebaa à Casablanca.
- – St M : située à 20 m de l’embouchure de l’oued El Maleh, récepteur des rejets domestiques et industriels de la ville de Mohammedia.
Les quatre autres se trouvent sur une radiale de 1 km par rapport à la station St B : St B à 200 m, St B à 300 m, St B à 600 m et St B à 1 km.
À chacune de ces stations, le sédiment prélevé à l’aide de carottes en plexiglas est représentatif de la couche superficielle (0-5 cm). Les échantillons sont stockés à – 20 °C dans des flacons en verre et traités dans les 72 heures.
Méthode d’extraction :
Le principe est d’effectuer une extraction sélective, par digestion alcaline, afin de séparer la matière organique saponifiable (acides gras contenus dans la phase aqueuse) de la matière organique insaponifiable (hydrocarbures contenus dans la phase organique) (Mille et al., 1992 ; Farrington et Quinn, 1971). Environ 60 g de sédiment humide sont portés à reflux pendant 4 heures dans un mélange potasse méthanolique-toluène. Après refroidissement, l’extrait est filtré sous vide sur papier filtre Whatman GF/C. La phase toluénique est récupérée et la phase aqueuse est extraite par 3 × 50 ml de toluène. Toutes les fractions toluéniques sont réunies et séchées sur sulfate de sodium anhydre. L’extrait séché est ensuite filtré et le solvant est évaporé à sec à l’aide d’un évaporateur rotatif à environ 35 °C.
Les hydrocarbures insaponifiables (MOE) sont ensuite fractionnés en F1 (fraction hydrocarbures saturés), F2 (fraction hydrocarbures aromatiques) et F3 (fraction polaire) sur colonne silice (8 g)/alumine (8 g) (70-230 mesh, Merck) (Jacquot et al., 1996).
Les trois fractions sont respectivement éluées avec 40 ml de n-heptane, 20 ml d’un
mélange n-heptane/CH₂Cl₂ (90 : 10) + 20 ml d'un mélange n-heptane/CH₂Cl₂ (80 : 20) et 35 ml d'un mélange CH₂Cl₂/MeOH (90 : 10). Nous nous sommes intéressés uniquement aux fractions F1 et F2.
Les sédiments ont été traités par groupe de quatre. Chaque fois un blanc a été traité de la même façon afin de vérifier si aucune contamination n’a été introduite au cours des différentes étapes du traitement.
Méthodes d’analyse :
Les fractions d’hydrocarbures saturés (F1) ont été analysées par chromatographie en phase gazeuse (CPG/DIF) à l’aide d’un chromatographe Hewlett Packard 5890 équipé d'un injecteur split/splitless et d’un détecteur à ionisation de flamme (DIF). Le chromatographe est couplé à un intégrateur Varian 4290. La colonne capillaire utilisée est une apolaire PTE 5™ Supelco (longueur 30 m, diamètre interne 0,32 mm, épaisseur du film 0,25 µm). Après une minute à 70 °C, la température de la colonne est augmentée linéairement de 70 °C à 295 °C à raison de 5 °C/minute suivie d’une isotherme de 15 minutes à 295 °C. L’hélium est le gaz vecteur circulant à un débit de 1,2 ml/minute. Les analyses sont réalisées à partir de l’injection de 1 µl d’extrait en solution.
Les analyses des fractions d’hydrocarbures aromatiques (F2) ont été réalisées sur un chromatographe en phase gazeuse Varian 3400 couplé à un spectromètre de masse Varian Saturn II à piégeage d'ions (CPG/SM) pouvant opérer soit en mode impact électronique (IE) soit en mode ionisation chimique (IC). Le chromatographe est équipé d'une colonne capillaire DB-5 MS (J and W Scientific, Folsom, USA) (longueur 60 m, diamètre interne 0,25 mm, épaisseur du film 0,25 µm) dont la phase est constituée de polyméthyl-phényl (5 %) silicone. La colonne est reliée au détecteur par une ligne de transfert maintenue à 220 °C. L’introduction de 1 µl d’extrait se fait à l’aide d’un passeur d’échantillons Varian 8200 CX en tête de colonne grâce à un injecteur à température programmable SPI 1093 (0,1 minute à 40 °C, suivie d'une augmentation jusqu’à 250 °C à raison de 100 °C/minute). La programmation de température appliquée à la colonne est : 1 minute à 70 °C, 70 °C à 250 °C (5 °C/minute) et une isotherme de 30 minutes à 250 °C. Le gaz vecteur est l’hélium de qualité N60 circulant à un débit de 2 ml/minute.
Résultats et discussions
Stations littorales
Gravimétrie
Les résultats gravimétriques pour les différentes stations littorales (St.E, St.R, St.B, et St.M) : matière organique extractible (MOE), fraction hydrocarbures saturés (F1), fraction hydrocarbures aromatiques (F2), hydrocarbures totaux (HCT = F1 + F2) sont indiqués dans le tableau 1 et exprimés en mg/kg de sédiment sec. Les rapports HCT/MOE et F1/HCT sont exprimés en %. Les teneurs en MOE varient entre 254 et 1022 mg/kg séd. sec. La plus forte valeur a été enregistrée à la station St.R située à 20 m du rejet d'eaux usées du quartier Roches Noires à Casablanca.
La fraction hydrocarbures saturés F1 est plus importante (55 à 88 %) que la fraction hydrocarbures aromatiques F2 pour les différentes stations littorales.
L’évolution de la fraction aromatique des différentes stations littorales représentée dans la figure 2 montre un maximum de 72 mg/kg séd. sec. de F2 atteint pour la station St.B1. Une étude des variations du taux d’hydrocarbures en fonction de la distance par rapport au rejet Barnoussi ‑ Casablanca a été réalisée afin de connaître jusqu’où l’influence de l’émissaire sera ressentie. Ce qui constitue une donnée très importante lorsque l'on veut déterminer les origines des hydrocarbures dans le milieu marin.
Hydrocarbures saturés
La figure 3 montre le chromatogramme type obtenu pour les fractions saturées des stations littorales St.E et St.M. Il est caractérisé par la présence de n-alcanes (compris entre n-C₁₁ et n-C₃₅) émergeant d’un massif complexe non résolu dénommé « UCM » (Unresolved Complex Mixture) et centré autour de n-C₂₇.
La présence d'un massif UCM est généralement attribuée à la dégradation d’hydrocarbures pétroliers (Requejo et Boehm 1985, Kennicutt et al. 1991) mais peut également avoir comme origine les produits de dégradation d’algues ou de micro-organismes (Johnson et Calder 1973 ; Munoz 1997). Il est généralement admis que le massif UCM renferme des hydrocarbures ramifiés et des hydrocarbures cycliques non résolus en CPG/DIF. Gough et Rowland 1990 ont montré, en utilisant des techniques de dégradation chimique, que l’UCM est constitué de chaînes linéaires reliées entre elles créant ainsi des molécules ramifiées complexes résistantes à la biodégradation ; elles sont ainsi accumulées dans les sédiments. Le massif UCM est généralement décalé vers les composés lourds lorsque le degré d’altération augmente (Colombo et al. 1989 ; Pages et al. 1988). Cette tendance est nette pour les stations St.E et St.M.
La figure 4a représente les histogrammes de la distribution des n-alcanes pour les stations St.E et St.M.
Le tableau 2 regroupe les valeurs des CPI des
Tableau 1 : Données gravimétriques (mg/kg de sédiments sec.)
Stations littorales |
---|
St.E |
St.R |
St.B1 |
St.M |
Stations Barnoussi |
St.B1 |
St.B2 |
St.B3 |
St.B4 |
St.B5 |
MOE : matière organique extractible ; F1 : fraction d’hydrocarbures saturés ; F2 : fraction d’hydrocarbures aromatiques ; HCT : hydrocarbures totaux.
rapports n-C17/Pristane (Pr), n-C18/Phytane (Ph), Pr/Ph et n-C17/n-C18.
La valeur des CPI voisine de 1 pour ces deux stations est caractéristique d’hydrocarbures d’origine pétrolière (Morel et al., 1991) alors que les rapports n-C17/Pr et n-C18/Ph voisins de 2 indiquent un apport biogène des hydrocarbures (Mille et al., 1992). En effet, le pristane (souvent rencontré dans les organismes zooplanctoniques) et le phytane (identifié dans les bactéries méthanogènes, Risatti et al., 1984) peuvent également résulter de la dégradation des phytadiènes et du phytol (Blumer et al., 1963). Ce sont des composés fréquemment détectés dans les sédiments marins côtiers (Clark et Blumer, 1967). Ils sont également présents dans la plupart des pétroles.
La présence de n-heptadécane (n-C17) et du nonacosane (n-C29) confirme la présence d’hydrocarbures biogènes. Le n-C17 est prédominant dans les algues (Gelpi et al., 1970; Wakeham, 1990) et dans certaines bactéries marines (Han et Calvin, 1969 ; Shiea et al., 1991) alors que le n-C29 (nonacosane) est plus abondant dans les plantes terrestres (Simoneit, 1978 ; Eglinton et Hamilton, 1967). Le rapport n-C17/n-C29 > 1 pour ces deux stations indique une origine biogène plutôt marine (algues et bactéries) de la matière organique sédimentaire.
Aux stations St.R et St.B1, deux massifs « UCM » sont détectés (figure 5). Le premier « UCM » est centré autour de n-C17 et le second autour de n-C29. Ils correspondent respectivement à une contamination par des fractions pétrolières légères et lourdes (Colombo et al., 1989 ; Pages et al., 1988).
La figure 4b représente les histogrammes relatifs à la distribution des n-alcanes pour les stations St.R et St.B1.
Tableau 2 : Indices relatifs aux alcanes linéaires et ramifiés
Stations littorales |
---|
St.E |
St.R |
St.B1 |
St.M |
Stations Bamoussi |
St.B1 |
St.B2 |
St.B3 |
St.B4 |
St.B5 |
Pr : pristane ; Ph : phytane ; CPI : carbon predominance index calculé entre n-C13 et n-C23.
Nous constatons l'abondance relative des n-alcanes de faibles masses moléculaires centrée sur le n-C17. La prédominance de l'heptadécane, visible au niveau de ces deux stations, est caractéristique d'une production alguale phytoplanctonique. En effet, le n-C17 est généralement abondant dans les formes procaryotiques (algues bleues et vertes) (Tissot et al., 1977). Le rapport n-C17/n-C29 très élevé pour la station St.B1 confirme l'apport alguale et bactérien de la matière organique dans les sédiments. Les teneurs en pristane et phytane, qui sont les alcanes ramifiés les plus rencontrés dans les sédiments, restent très faibles comparées à celles en n-C17 et n-C18 (tableau 2, voir rapports n-C17/Pr et n-C18/Ph).
Fraction aromatique
Les composés aromatiques sont relativement stables dans le milieu marin et la majorité d'entre eux présentent une toxicité assez grande (IARC, 1983 ; Neff, 1979). Ils peuvent avoir une origine diagénétique, pyrolytique ou pétrolière (Laflamme et Hites, 1978).
En effet, les HAP dans les sédiments pourraient aussi provenir :
- - des apports pétroliers dans l'environnement (transport, opérations aux terminaux, fuites, accidents, rejets de raffineries, rejets urbains...). Dans ce cas les hydrocarbures aromatiques polycycliques forment un mélange de dérivés alkylés ou non. Les composés non alkylés sont généralement moins abondants que leurs homologues alkylés.
- - des résidus de combustion qui représentent une source importante de HAP dans l'environnement, qu'il s'agisse de combustion naturelle (feux de forêts, de prairies, de végétation terrestre) ou de combustion de produits fossiles (essence, fuel, charbon...).
- - d'une diagénèse (altération) précoce de certains précurseurs naturels (stéroïdes, tritérpénoïdes par exemple) dans les sédiments récents. Dans ce cas, on décèle un ou quelques composés majoritaires dont les structures sont directement en relation avec celles de leurs précurseurs (Trendel, 1985).
Au sein de chaque famille de HAP, les hydrocarbures substitués (1 à 3 atomes de carbone additionnels) sont les composés majoritaires (Tissot et Welte, 1984). La prédominance des dérivés di- ou triméthylés dans les familles naphtaléniques et phénanthréniques pourrait être due à certains précurseurs, notamment les stéroides et les térpénoïdes, ayant subi de sévères dégradations (diagénèse, catagénèse) au cours de l'enfouissement de la matière organique.
Lorsque les teneurs en HAP sont faibles, les HAP de masses moléculaires élevées (5 ou 6 noyaux) sont difficilement détectés. Ceci est dû aux limitations de la technique préparative utilisée et à la difficulté des dosages en CG/SM (Budzinski et Garrigues, 1995).
Des études récentes ont montré que la teneur en HAP n'est pas fonction de l'exposition du sédiment au rejet mais de la nature de ce dernier (Raoux, 1991). En effet, les composés hydrophobes ont beaucoup plus d'affinité avec des substrats fins et riches en matière organique (Karichkoff et al., 1979 ; Rao et al., 1990).
Les concentrations de 15 HAP pour les quatre stations littorales sont présentées dans la figure 6. Ces concentrations, calculées par rapport au phénanthrène sans correction des coefficients de réponse, permettent d'obtenir une information sur les teneurs de ces composés contenus dans les sédiments et surtout de les comparer.
Les teneurs totales en HAP (somme des 15 HAP) varient entre 2,5 µg/kg de sédiment sec à la station St.M. à 755 µg/kg de sédiment sec pour la station St.R. Dans l'ensemble, ces teneurs sont du même ordre de grandeur que celles observées dans la littérature pour des zones soumises à de fortes activités anthropiques (Botello et al., 1991 ; Parlanti, 1990).
Pour les stations St.E, St.R et St.B1, on observe une prédominance des composés
alkylés au profit des composés parents concernant les familles du naphtalène (N), du phénanthrène (P) et du dibenzothiophène (DBT). Une contribution pétrolière doit être retenue pour ces échantillons (Steinhauer et Boehm, 1992). On note en plus la présence du butylhydroxytoluène (BHT) et du chrysène (Ch) pour les stations St.E et St.R ainsi que la présence du fluorène (Fr) et du benzo-naphto-toluène (BNT) au niveau de la station St.R et du fluoranthène (Ft) pour la station St.E.
Pour la station St.M, on ne note que la présence du méthylphénanthrène (MP) et du diméthylphénanthrène (DMP). Ce résultat s'expliquerait par le fait que les rejets des eaux usées (industrielles et domestiques) de la ville de Mohammedia sont directement déversés dans l’oued El Maleh, alors que les échantillons de sédiments pour cette station ont été prélevés à 20 m de l'embouchure (à 4 km du point de rejets).
Stations Barnoussi-Casablanca
Gravimétrie
Les quantités d’hydrocarbures (fraction saturée et fraction aromatique) ainsi que les taux de MOE décelés dans les sédiments superficiels prélevés à proximité du rejet Barnoussi-Casablanca selon une radiale de 1000 m débutant à la station St.B (située à 20 m du rejet), sont indiqués dans le tableau 1.
Ces résultats gravimétriques montrent une diminution des taux d’hydrocarbures en fonction de l’éloignement par rapport à la zone du rejet, de 160 mg de HCT/kg de sédiment sec à la station St.B, à 33 mg de HCT/kg de sédiment sec pour la station St.B3.
(la plus au large, 1000 m de St.B1). Les stations St.B2 (200 m de St.B1, 411 mg de HCT/kg de sédiment sec) et St.B3 (300 m de St.B1, 243 mg de HCT/kg de sédiment sec) sont les plus contaminées de toutes les stations Barnoussi-Casablanca. Ceci peut être dû à un phénomène d’accumulation non soumis à l'influence de la mer. Pour les stations St.B4 (600 m de St.B1) et St.B5 (1000 m de St.B1), on note une importante diminution des taux d’hydrocarbures, 129 mg de HCT/kg de sédiment sec à la station St.B4 et 33 mg de HCT/kg de sédiment sec pour la station St.B5. Il est probable que ce phénomène soit dû à l'effet dispersant de la mer « Water washing » et à la percolation dans les sédiments. Ces taux d’hydrocarbures (inférieurs à 150 mg/kg de sédiment sec) sont semblables à ceux trouvés dans les sédiments de la côte méditerranéenne (Mille et al., 1992) ou dans d'autres sites considérés comme faiblement voire non contaminés (Volkman et al., 1992).
Fraction saturée
La figure 5 représente le chromatogramme type obtenu pour les fractions saturées des stations Barnoussi Casablanca St.B4 et St.B5.
Pour ces deux stations, les chromatogrammes présentent le même profil avec présence de deux UCM, le premier centré en n-C14… et le second autour de n-C22… Les valeurs des CPI, voisines de 1 pour ces deux stations, sont en accord avec l’origine pétrolière de la matière organique. Néanmoins, on observe une prédominance relative des n-alcanes de faibles masses moléculaires centrés sur l'heptadécane. La nette prédominance du n-C17 à ces deux stations et l'ab-
sence quasi totale du n-C., est en faveur d'un apport algual et bactérien de la matière organique dans ces sédiments.
Les figures 7a et 7b représentent respectivement, les histogrammes des distributions des n-alcanes pour les stations St.B1-St.B3, et St.B4-St.B5.
Par contre, aux stations St.B1 et St.B2 (figure 3), on observe un seul UCM centré autour de n-C... Les n-alcanes à fortes masses moléculaires centrés sur les n-C., et
n-C27, sont prédominants pour ces deux stations. On note en plus, une teneur importante en nonacosane (n-C29) par rapport à l’heptadécane (n-C17). Ceci est caractéristique d'une contribution plutôt terrigène de la matière organique.
Fraction aromatique
La figure 8 regroupe les distributions relatives des 15 HAP identifiés dans les sédiments des stations St.B2, St.B3, St.B4 et St.B5. Les teneurs totales en HAP indiquent une contamination faible des sédiments sauf pour les stations St.B2 et St.B3 dont les teneurs sont comparables à celles des zones polluées (892 µg/kg de sédiment sec à la station St.B2 et 1106 µg/kg de sédiment sec pour la station St.B3) (Botello et al., 1991 ; Parlanti et al., 1990). Ceci conforte l'hypothèse concernant le phénomène d’accumulation non soumis à l’influence des battements marins.
Les répartitions des composés des familles du naphtalène (N), du phénanthrène (P) et du dibenzothiophène (DBT) ont été étudiées dans ces différentes stations.
Les composés de la famille du naphtalène ne sont détectés qu’à la station St.B4 avec une prédominance des composés de la famille des triméthylnaphtalène (TMN) par rapport aux diméthylnaphtalène (DMN).
Pour les composés de la famille du phénanthrène, on observe une répartition homogène du phénanthrène, du méthylphénanthrène et du triméthylphénanthrène (TMP) à la station St.B5 avec une nette prédominance du diméthylphénanthrène. On retrouve ce profil à la station St.B2 avec absence du TMP. À la station St.B3, on note que les teneurs en dibenzothiophène (DBT) et diméthyldibenzothiophène (DMDBT) restent assez comparables avec une légère prédominance du méthyldibenzothiophène (MDBT). Par contre, à la station St.B4, on a une nette dominance des analogues méthylés du DBT par rapport à ce dernier.
À la lumière de ces données, on peut penser que les HAP aux stations St.B2 et St.B3 peuvent être aussi bien d'origine pétrolière que pyrolytique.
Il est à noter que les teneurs maximales en DMP sont observées aux stations St.B4 et St.B3 (respectivement 253 et 570 µg/kg de sédiment sec). Les stations les plus au large (St.B6 et St.B7) se différencient par la seule persistance du DMP à faibles concentrations (respectivement 4,9 et 2,1 µg/kg de sédiment sec). Ce phénomène d'altération préférentielle des autres HAP a été observé par Hostettler et al., 1994 ; Bayonne et al., 1986 et William et al., 1986.
La persistance du DMP vers le large peut en faire un éventuel traceur de la pollution anthropique.
La figure 9 représente l’histogramme relatif à l’évolution de la concentration du DMP pour les stations au large de Barnoussi-Casablanca.
Conclusion
Les hydrocarbures dans les sédiments superficiels côtiers de la zone la plus industrialisée du littoral Atlantique Marocain (Mohammedia-Casablanca-El Jadida) ont été étudiés qualitativement et quantitativement. Cette étude est à notre connaissance la première du genre réalisée sur le littoral atlantique marocain. Elle peut servir de référence pour l’évaluation de l’apport anthropique de la pollution dans cette région.
L’analyse des composés aliphatiques par CG/DIF a révélé la présence d’hydrocarbures pétroliers (UCM) peu altérés. Néanmoins, la présence d’hydrocarbures d’origine naturelle (biogène et terrigène) ne peut être exclue.
L'analyse des hydrocarbures aromatiques polycycliques (composés parents et aromatiques méthylés) a permis de constater une importante contribution pétrolière. Un apport pyrolytique a été observé au niveau des deux stations St.B2 et St.B3. Il est certainement dû aux processus de combustion liés aux activités industrielles et urbaines. Une étude des variations des taux d’hydrocarbures en fonction de la distance par rapport au rejet Barnoussi-Casablanca a été discutée.
Excepté pour la station St.B7, la plus au large du rejet Barnoussi, les teneurs en HCT pour les sept autres stations sont nettement supérieures à 100 mg/kg de sédiment sec, caractérisant un environnement contaminé.
Afin d’approfondir ces résultats, il serait intéressant d’effectuer un suivi spatio-temporel de la contamination par les hydrocarbures des sédiments marins de la zone choisie.
Par ailleurs, il serait important de s'intéresser aux couches profondes de la colonne sédimentaire.