Le traiteur d'eau s’intéresse principalement :
- à l'expansion du lit qui est un paramètre essentiel dans un filtre bicouche pour éviter l’entraînement d’anthracite ou de charbon actif lors du lavage à l'eau seule ;
- à l'efficacité du lavage dont un bon indicateur est sans doute donné par la valeur du gradient de vitesse G :
G = √(P / Vμ)
qui est représentatif de la contrainte de cisaillement existant au voisinage de chaque grain dans un lit fluidisé.
Ce sont donc ces deux grandeurs — expansion du lit, vitesse de cisaillement — qui ont été mesurées et calculées en fonction de la vitesse et de la température de l’eau (qui intervient de façon importante puisqu’elle influe sur la viscosité).
BASES THÉORIQUES
On distingue (1) :
La vitesse minimale de fluidisation (u_m).
L'écoulement d'un fluide à travers un milieu poreux granulaire à texture homogène est bien représenté :
— en régime laminaire * par l’équation de Kozeny :
h/L = k₁ (1-ε)² / ε³ × a² / g
— en régime intermédiaire ** par :
h/L = k₁ (1-ε)² / ε³ × a² / g + k₂ w² (1-ε) / ε³ g
La vitesse minimale de fluidisation (u_m) est obtenue en écrivant que la perte de charge au seuil de fluidisation est égale au poids du lit par unité de surface.
Mais des relations empiriques ont également été proposées par des auteurs tels que Leva ou Moll.
L’ensemble de ces équations est résumé dans le tableau 1.
Tableau 1
Équations |
Re<1 |
LEVA |
Re>10 |
LEVA |
Re intermédiaire par Zabrody |
MOLL |
avec |
d_e et d_g sont exprimés en cm
* Re < 1
** 1 < Re < 10³.
(1) Voir en annexe la définition de la notation employée.
Au-delà de la vitesse de fluidisation, le lit subit une expansion telle que
\[ \varepsilon = 1 - \frac{L_0}{L_i}\,(1 - \varepsilon_0) \]
où : \(\varepsilon_0\) et \(L_0\) sont respectivement la porosité et la hauteur du lit fixe,
\(\varepsilon_i\) et \(L_i\) la porosité et la hauteur du lit expansé.
Le gradient de vitesse : \(G\)
Il peut être facilement déterminé si l’on connaît la perte de charge dans le lit :
\[ G = \frac{P}{V_\mu} = \sqrt{\frac{Q\,\rho\,g\,h}{V_\mu}} = \sqrt{\frac{g\,h\,u\,\rho}{L_\mu}} \]
RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
Les essais ont été réalisés dans une colonne transparente.
Un sable broyé (S1) et un sable roulé (S2) ont été testés ainsi que deux anthracites d’origine différente (A1 – A2) et deux charbons actifs (C1 – C2).
L’évolution de la perte de charge, de l’expansion du lit et du gradient de vitesse en fonction de la vitesse de lavage est représentée dans la série de figures n° 1 à 6. Les valeurs expérimentales ainsi obtenues sont comparées dans le tableau 2 aux valeurs théoriques déduites des trois équations présentées ; l’influence de la température a été évaluée grâce à ces équations.
[Photo : Fig. 1 – Sable broyé S1]
[Photo : Fig. 2 – Sable roulé S2]
[Photo : Fig. 3 – Anthracite A1]
[Photo : Fig. 4 – Anthracite A2]
[Photo : Fig. 5 – Charbon actif C1]
On peut conclure de ces résultats :
– que les équations proposées fournissent une valeur approchée, avec une erreur parfois importante (environ 30 %) ;
– que la relation proposée par Moll
vitesse lavage (25 % expansion)
——————————————— ≥ 2
vitesse minimale de fluidisation
est loin d’être vérifiée de façon générale ;
[Photo : Fig. 6 - Charbon actif C2]
— qu'il est exact, par contre, qu'un taux d'expansion de 25 % conduit, aussi bien pour le sable que pour les charbons, à une valeur du gradient de vitesse proche du maximum ; toutefois, le taux d'expansion peut diminuer sensiblement sans provoquer une diminution importante de la valeur du gradient de vitesse ;
— que la température est un paramètre très important dont il faut absolument tenir compte pour quantifier les conditions de lavage.
Il ressort de cette analyse que la détermination précise des conditions optimales de lavage est nécessaire à la fois pour des raisons techniques et économiques. Cette analyse ne peut reposer sur la seule utilisation des équations existantes mais doit faire appel à une étude expérimentale réalisée à une échelle suffisamment représentative. Ceci est d’autant plus important que la séquence de lavage d'un filtre bicouche doit comprendre une phase de reclassement pour obtenir la superposition aussi parfaite que possible des deux couches : une zone de mélange a pour inconvénient de réduire la porosité et de faciliter le colmatage.
Tableau 2 : Valeurs expérimentales et théoriques
Éléments – Vitesse minimale de fluidisation
Type de média |
Diamètre (D) mm |
Coef. µ |
ρs (kg/m³) |
Température |
j |
k |
MOLL |
LEVA |
KOZENY |
Observée |
S1 |
0,68 |
1,25 |
2,5 |
6,7 |
19,2 |
18,5 |
16,8 |
23,1 |
S2 |
0,55 |
1,56 |
2,6 |
2,1 |
19,4 |
18,1 |
17,4 |
16,8 |
A1 |
0,87 |
1,80 |
1,34 |
0,9 |
10,2 |
10,2 |
14,9 |
16,0 |
A2 |
1,62 |
1,27 |
1,88 |
6,4 |
42,4 |
26,9 |
52,7 |
39,0 |
C1 |
0,85 |
1,98 |
1,30 |
6,1 |
9,7 |
11,0 |
14,8 |
7,0 |
C2 |
1,20 |
1,80 |
1,28 |
7,4 |
14,3 |
12,4 |
20,4 |
12,5 |
Réf. H.G. MOLL : 4th world filtration Congress, Ostend, 1986.
[Photo : Fig. 7 - Reclassement d’un bicouche « mélangé »]
À titre d'exemple le comportement d’un mélange sable-charbon actif est analysé sur la figure 7.
Une séparation très nette est obtenue dans ce cas pour une vitesse de lavage à l'eau de 33 m/h impliquant une très faible expansion du sable (de l’ordre de 10 %), mais une très forte expansion du charbon actif (de l’ordre de 80 %).
CONCLUSION
Le choix des constituants d’un filtre bicouche doit bien entendu être effectué en fonction des impératifs de la filtration : amélioration de la qualité de l'eau filtrée, augmentation de la productivité, mais le comportement des matériaux lors du lavage du filtre peut constituer un élément prédominant pour le choix étant donné les conséquences techniques et économiques d'un reclassement imparfait ou d’un entraînement de charbon.
ANNEXE
Définition de la notation employée
dimension :
M = masse
L = longueur
T = temps
paramètre
a = surface spécifique des grains = 6/d dans le cas de sphères
d = diamètre du grain (L)
G = gradient de vitesse (T⁻¹)
H = charge linéaire exprimée en mètre de colonne d’eau (L)
j = constante de Kozeny (4,5)
k = constante de Burke-Plummer (429)
ρ = masse volumique (M L⁻³)
P = puissance (M L² T⁻³)
ΔP = perte de charge (M L⁻¹ T⁻²)
U = vitesse à contre-courant (L T⁻¹)
U_f = vitesse minimale de fluidisation (L T⁻¹)
µ = viscosité cinématique (L² T⁻¹)
ψ = masse volumique du grain (M L⁻³)
μ = coefficient de Reynolds = dU ψ/µ