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Conditionnement des eaux: une approche à mener au cas par cas

29 mai 1998 Paru dans le N°212 à la page 30 ( mots)
Rédigé par : Marie-odile MILAIRE

Conditionnement des eaux : une approche à mener au cas par cas En traitement de l'eau, les produits chimiques sont devenus des compléments indispensables. Non seulement ils améliorent le fonctionnement des filières d'épuration et de potabilisation, mais ils équilibrent les eaux, les adaptent aux applications industrielles... Une approche à mener au cas par cas, en fonction des besoins et des caractéristiques de l'eau.

Les produits chimiques sont partout, au sein des stations municipales dans les filières de traitement des eaux usées et potables, dans les filières industrielles où ils adaptent la composition de l'eau à un traitement précis. Si ces utilisations ne sont pas une nouveauté, elles permettent, par une formulation adaptée, des traitements encore plus efficaces. Aujourd'hui les produits chimiques s’adaptent à des applications plus pointues. Leurs formulations évoluent. Sur ce marché prospère, ils conjuguent performance accrue et moindre incidence sur l’environnement.

L’optimisation du couple produit chimique/équipement est bien le nouvel enjeu de la profession. « Chez Degrémont, 50 chimistes et microbiologistes travaillent avec près de 300 chercheurs des centres de recherche du pôle Eau de Suez Lyonnaise des Eaux pour la mise au point de nouvelles formulations et à l’optimisation du couple de traitement produit/équipement, » explique Pascal Remy, Executive Vice Président de Degrémont. Chez Aquarex, cette approche est aussi une priorité.

De plus en plus, les entreprises du conditionnement ne se contentent plus de com-

mercialiser un produit, mais elles apportent une solution à un problème posé. Pour Georges Marron, Directeur Général d'Aquarex, filiale d'OTV : « Ce travail est important. » Le choix du produit est étroitement lié à la qualité chimique de l'eau. La moindre variation d'un de ses composants, comme le pH ou la température, entraîne une modification des réactions chimiques en jeu, donc un changement de traitement. De plus, en fonction de la formule retenue, mais aussi du procédé mis en œuvre, la filière est plus ou moins productrice de boues. Et la qualité de cette boue permet ou ne permet pas au produit de rejoindre les filières d'épandage. D'où le soin qui doit être apporté au choix du traitement chimique d'appoint.

[Encart : Le conditionnement, un marché prospère À périmètre constant, en 1997, le groupe Conditionnement de Degrémont Erpac a fait progresser son chiffre d'affaires de 7,5 % (8,5 % en France), pour atteindre 1 070 millions de francs. Ce résultat lui permet de rejoindre le clan des dix premiers fournisseurs mondiaux de produits chimiques pour l'eau. En tête de ce groupe caracolent, avec plus de 1 million de dollars de chiffre d'affaires, deux américains Nalco et Betz Dearborn. Une approche du marché est également menée par des entreprises comme Aquarex (la filiale produits chimiques de CGE), Babcock Wanson, Buckman Laboratories, Perro… D'autre part la Générale de Chimie est créée au sein du groupe CGE en juin 1996. Cette nouvelle entité permet au groupe de mieux répondre aux appels d'offre dans ce domaine et de faire face à la nouvelle réglementation européenne en matière de marché public qui se profile à l'horizon. La sélection et le contrôle des produits chimiques achetés par le groupe va du même coup s'en trouver mieux organisée… Et les prix mieux négociés permettront au groupe CGE de rester concurrentiel sur ce marché porteur.]

Pour l'eau potable, les traitements appliqués doivent en plus respecter certaines règles. Les produits utilisés pour potabiliser l'eau ne doivent pas apporter de produits nocifs pour la santé humaine. La formulation et la dose maximale de produit à utiliser sont strictement encadrées. Actuellement, pour certains réactifs, des normes européennes sont en cours de rédaction. « Elles devraient formaliser le rôle du réactif, définir la composition chimique du produit, les méthodes d'analyse et l'étiquetage, » précise Michel Faivre d’Anjou Recherche.

Si le marché tend de plus en plus à être encadré par des normes, il possède encore beaucoup de potentiel pour produire des formules toujours plus efficaces et sans incidence sur l'environnement. Pour ceci, les entreprises s'attachent à développer des réactifs de plus en plus performants, entraînant moins d'effets secondaires, plus économiques et faciles à mettre en œuvre.

Aujourd'hui, les formulations s'améliorent en permanence et s'adaptent au procédé. Les nombreux chercheurs, qui travaillent à l'amélioration de ces formules, les réalisent de plus en plus souvent sur mesure pour une application bien précise. Elles apportent une solution à un problème et sont commercialisées avec leur mise en œuvre.

Car, « ce qui est important pour le traitement de l'eau, c'est de bien doser le réactif choisi, » affirme Philippe Denis d'Anjou Recherche, même pour les applications très courantes comme la clarification.

[Photo : Pour conditionner l'eau, une approche au cas par cas permet d'optimiser le traitement en fonction de la pression, de la température, du pH (doc. CGE).]

Clarifier les eaux

En clarification des eaux, c'est le couple coagulant/floculant qui entre en action. Il sert à réduire la turbidité par la précipitation (ou la flottaison) des matières organiques. Le traitement traditionnel est réalisé par un dosage de sels de fer ou d'aluminium qui coagulent les matières organiques. Il peut aussi se servir de polymères qui apportent de meilleurs résultats sur les eaux froides. L'ajout de ces produits prépare l'eau à une bonne désinfection en réduisant autant que possible les matières en suspension qui supportent les microorganismes (voir dossier EIN, mars 98).

Jusqu'à présent très utilisé, le chlorure ferrique épure et clarifie les eaux usées, urbaines et industrielles. Il agit immédiatement par floculation des particules en suspension dans l'eau, c'est-à-dire qu'il provoque leur coagulation, puis leur décantation sous forme de gros flocons. Cette opération piège les phosphates qui participent à l'eutrophisation des eaux, améliorant du même coup le rendement de la station biologique. Son action épaississante facilite le traitement des boues résiduaires, surtout lorsqu'il est associé à la chaux.

Cependant,

[Photo : Des chimistes et des microbiologistes travaillent à la mise au point de nouvelles formulations et à l'optimisation du couple de traitement produit/équipement (doc. Degrémont-Erpac).]

L’arrivée de la nouvelle réglementation sur les boues pourrait bien modifier la donne. « Aujourd’hui, on lui reproche de produire deux à trois fois plus de boues que les nouvelles formulations, » explique Georges Marron.

À ce niveau, le choix du produit chimique conditionne toute la chaîne de traitement, y compris – et surtout – l’étape de traitement des boues. « La déshydratation des boues est de plus en plus contraignante. Les techniques utilisées changent. Elles imposent une évolution des produits. Pour optimiser la centrifugation il faut des polymères de plus en plus pointus, » précise Jean-Louis Paulus-Lemoine, Chef du département marketing de Degrémont-Erpac. « En parallèle, les textes sur l’épandage demandent des produits de moins en moins toxiques et aujourd’hui, les sels minéraux contenus dans les produits traditionnels pourraient être gênants car ils apportent trop de fer ou d’aluminium. »

Les floculants/coagulants organiques devraient répondre à la nouvelle attente. Ils génèrent moins de boues que les sels minéraux et pourraient à terme remplacer les sels de fer ou d’aluminium. Buckman Laboratories travaillent dans ce sens. Frédéric Delord, spécialiste France du traitement des eaux chez Buckman Laboratories, explique : « Nous avons développé une nouvelle génération de coagulants plus performants. En associant des sels minéraux et des polymères organiques greffés, ces coagulants produisent moins de boues, de l’ordre de 20 à 40 % de volume en moins. »

Mais le rôle des produits chimiques ne s’arrête pas là. Ils sont indispensables pour équilibrer l’eau et la rendre moins agressive, moins entartrante.

Équilibrer les eaux potables

Dans les régions granitiques l’eau est naturellement trop acide, dans d’autres calcaires elle est trop basique. Elle peut aussi contenir à l’état naturel des atomes indésirables. La non-standardisation chimique de la ressource naturelle peut entraîner un certain nombre de réactions chimiques pouvant conduire d’une part à la création de sous-produits plus ou moins toxiques pour l’homme, d’autre part à des dysfonctionnements du réseau entraînés par la corrosion ou l’entartrage. Pour lutter contre ces phénomènes, il faut équilibrer l’eau en la portant au plus près du pH 8 et/ou en la reminéralisant. Mais attention, cette opération, qui limite les réactions chimiques, est à mener au cas par cas. En effet, elle interfère sur les conditions de désinfection, il s’agit de trouver le juste équilibre.

Les acides et les bases permettent de corriger un déséquilibre du pH de l’eau. C’est le cas, par exemple, de l’acide chlorhydrique et de la soude. Pour parfaire le traitement, on se sert du bicarbonate de sodium pour reminéraliser ou du chlorure de sodium pour adoucir. « Pour optimiser le traitement chimique, il est indispensable de connaître parfaitement les caractéristiques des eaux brutes avant de procéder à tout rééquilibrage, » explique Philippe Denis, d’Anjou Recherche. C’est à partir de ces données que s’effectue le choix des produits à mettre en œuvre.

Pour les régions où l’eau est fortement minéralisée, il faut limiter l’entartrage. Pour ceci, il faut se servir d’antitartre dont la formule est autorisée par le Ministère de la santé. Aquarex a développé pour l’eau potable des formulations de produits cationiques anticolmatants, en attente d’agrément. Pour les régions où l’eau est peu minéralisée, le problème est tout autre. Il faut remonter le pH pour diminuer l’agressivité de l’eau et plus particulièrement la corrosion vis-à-vis des aciers, du plomb, de la fonte, rencontrés sur le réseau et les branchements. L’absence de traitement entraîne la production d’eaux rouges, c’est-à-dire d’une eau chargée en fer et en plomb. Sa qualité est dégradée et elle corrode les tuyauteries. Pour réduire ce phénomène, plusieurs solutions sont envisageables : le relèvement du pH, la reminéralisation et le traitement filmogène avec inhibiteur de corrosion. Les orthophosphates appartiennent à cette dernière catégorie. Ajoutés à faible dose, entre 1 et 5 ppm, ils permettent un traitement efficace dont les coûts (6 à 8 centimes par m³ d’eau traitée) sont très inférieurs au prix de renouvellement du réseau. Ces produits, déjà utilisés de façon ponctuelle, pourraient bien à terme apporter une solution au problème du plomb.

[Encart : Échantillonnage : le délicat problème du plomb Le plomb est le paramètre clé de la nouvelle directive européenne sur l’eau, avec une valeur paramétrique de 10 µg/l dans 15 ans. À un tel niveau, une question reste posée : comment échantillonner et mesurer le plomb ? – Depuis deux ans, des études sont en cours pour définir des méthodes préalables suffisamment représentatives de nos habitudes de consommation, précise Pierre Schlucht, président d’Anjou Recherche. Pour réaliser un échantillonnage correct avec une précision d’environ 10 %, il faut une soixantaine de prélèvements. Ceux-ci sont choisis de façon aléatoire pour le prélèvement d’un usager. Pour le réaliser, deux méthodes sont actuellement en cours d’étude. La première consiste à faire les prélèvements pendant les heures d’ouverture des bureaux. Tous sont réalisés dans la journée, les heures étant choisies de façon aléatoire. L’analyse est immédiate. L’autre solution étudiée consiste à prélever un échantillon d’eau après 30 minutes de stagnation. Cette étude devrait être achevée pour la fin de cette année, précise Irénéos Papadopoulos, responsable de la recherche sur l’eau à la DG IX.]

Résoudre le problème du plomb

En France, l’arrivée prochaine de la nouvelle directive sur l’eau (elle est actuellement en lecture finale au Parlement européen) pose le délicat problème du plomb. En retenant 10 µg/l de plomb, la valeur guide de l’OMS, comme concentration maximale admissible dans les eaux potables d’ici 15 ans au robinet du consommateur, la nouvelle réglementation sur l’eau potable devrait imposer d’ici 15 ans le respect d’une teneur en plomb inférieure à 10 µg par litre. Ce seuil excessivement bas ne pourra être tenu qu’en supprimant les tuyauteries en plomb et les soudures étain/plomb encore présentes sur le réseau (public ou privé). Une solution alternative est en train d’être explorée par le département matériaux IRAP du CTTM (Centre de transfert technologique du Mans). Il s’agit de la mise au point d’un procédé de chemisage des tuyauteries en plomb. L’objectif est simple : en recouvrant la surface interne du tuyau par une pellicule de polymère, le plomb n’est plus en contact avec l’eau. Le problème est alors supprimé.

Pour atteindre cet objectif, le CTTM se devait de résoudre un certain nombre de problèmes. Le polymère devait :

• être véhiculé par voie aqueuse,

• être de grade alimentaire,

• posséder une bonne adhérence sur le plomb,

• ne pas avoir de caractère organoleptique particulier.

Après avoir répertorié l’ensemble des polymères en phase aqueuse, le choix s’est porté sur un latex industriel, de qualité alimentaire et hydrophobe.

« Le matériau choisi, il ne restait qu’à valider le concept et mettre au point une méthode d’application simple, pouvant être mise en œuvre par les »

[Photo : Chaque produit chimique est soigneusement dosé en fonction des paramètres du process (doc. CGE).]

La situation soulève dès maintenant de nombreux problèmes. Outre ceux posés par l’échantillonnage et l'analyse (voir encadrés), il va falloir engager entre 10 et 50 milliards de francs de travaux pour pouvoir respecter ce seuil. Il s'agit de changer un nombre important de branchements (surtout dans les immeubles vétustes) à moins que l’on ne trouve un traitement applicable à court terme, pour limiter la dissolution du plomb. Tous les traiteurs d'eau travaillent dans ce sens. Et c’est bien là que les orthophosphates pourraient bien se révéler être une solution intermédiaire pour résoudre ce problème. Pour Pierre Schulhof, Président d’Anjou Recherche : « Les orthophosphates permettent un compromis harmonieux. C'est ce que l’on peut faire de mieux avec l'eau, même si l’on ne peut pas atteindre le point zéro. Ils permettent de respecter la mesure transitoire de 25 μg/L en attendant le remplacement des branchements. »

Chez Degrémont, les formulations sont mises au point avec le Cirsee, le centre de recherche de Lyonnaise des Eaux. « Les phosphates peuvent résoudre le problème du plomb, nous sommes capables de tenir 25 μg/l, » affirme Pascal Remy.

Sagep (Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris) travaille aussi sur le problème. « Nous réalisons des essais de faisabilité pour trouver une solution, » explique Antoine Montiel, Docteur ès Sciences, responsable de la Mission scientifique pour la qualité de l'eau à la Sagep. « Des essais sont démarrés depuis mi-mars. Les premiers résultats sont attendus d'ici l’automne. » Si le conditionnement de l'eau par les orthophosphates peut résoudre le problème, il risque de soulever d'autres inconnues au niveau de la désin-

[Photo : Le choix de la formulation doit être réalisé en fonction de l’équipement et les calculs effectués aux conditions de pointe (doc. Babcock Wanson).]
[Photo : La mise au point d'un procédé de chemisage des tuyauteries en plomb est en train d’être explorée au Mans. Il s’agit de recouvrir la surface interne du tuyau par un matériau inerte (doc. CTTM).]
[Encart : « plombiers, » explique Guy Boccacio, Ingénieur recherche et développement responsable de l’activité élastomère au département matériaux du CTTM. Tout d'abord, il a fallu résoudre le problème de l’hydrogénocarbonate de plomb, le tartre, qui recouvre toutes les canalisations usagées. « Ce dépôt est friable et ne peut supporter le latex, » précise Guy Boccaccio. Un procédé de décapage a donc été mis au point à l'aide d’acide acétique et de potasse. « Nous assurons un double nettoyage, pour éviter les saturations, alterné par des rinçages intermédiaires. » Une fois le tuyau décapé, le latex peut être déposé. « Pour ceci, nous remplissons la conduite de latex, puis nous la vidons. » Une fine couche reste alors accrochée à la paroi, il ne reste plus qu’à la sécher en maintenant un courant d’air à température ambiante. Cette mise en œuvre est simple, « nous avons toujours cherché à respecter les contraintes de chantier. Toutes les opérations de réhabilitation seront réalisées en moins de 24 heures. » Une première série d’essai d’évaluation a été conduite au sein des laboratoires d’Anjou Recherche (partenaire du projet) afin de mesurer le relargage du plomb et tester la saveur de l'eau. Les conclusions sont positives. Aujourd'hui, cette étude entre dans une phase plus délicate. Il s’agit de transférer le process sur un mini réseau, présentant toutes les caractéristiques d'un équipement réel, avec des coudes, des joints... Les premiers résultats devraient être connus d'ici l’automne. À suivre... ]

Plus le pH est élevé, plus il faut mettre du chlore, ou alors il faut changer de désinfectant.

« Pour ces pH élevés, le dioxyde de chlore convient à peu près, mais il pose d'autres problèmes. Il faut donc trouver un compromis, » explique Pierre Schulhof. De plus la systématisation des phosphates, un nutriment, peut avoir d'autres conséquences comme la reviviscence des micro-organismes. Pour vérifier ce point, des études sont actuellement menées par le Professeur Block de l'Université de Nancy, pour le compte d’Anjou Recherche. Il s’agit de savoir si les orthophosphates ne favorisent pas le développement de la bioflore et des bactéries, dans le réseau. « Dès que nous aurons les résultats, nous déposerons les demandes d’autorisation auprès des autorités concernées, » précise Pierre Schulhof.

Toutes ces études sont menées bon train car cet enjeu est considérable.

Même si, comme le rappelle Pascal Remy : « le marché du conditionnement des eaux touche surtout le traitement des eaux industrielles. » Et, c’est un marché très convoité.

L’industrie, un marché convoité

Pour pourvoir à leurs besoins, de nombreux industriels puisent l’eau brute dans la ressource naturelle. Il faut alors traiter l'eau pour l’adapter aux contraintes du process.

[Photo : Conditionnement d'une chaudière implantée chez DuPont de Nemours à Cernay en Alsace (doc. Babcock Wanson)]

Dans cette tâche, les produits chimiques occupent une place de choix. À cette étape, les coagulants/floculants et les produits nécessaires à l’équilibrage de l'eau sont largement utilisés.

À l'autre bout de la chaîne de production, il s'agit de traiter les effluents avant le rejet à l'égout ou en milieu naturel. Là encore, on se sert très souvent de produits chimiques, en tenant compte des problèmes spécifiques de certaines industries. Par exemple, celui des métaux lourds. Pour précipiter les métaux lourds en solution et les concentrer dans les boues, Degussa propose une formule dénommée TMT 15. Il s’agit d'un sel de sodium de trimercapto-s-triazine en solution aqueuse qui permet, une fois mélangé à l’effluent, de précipiter tous les métaux lourds.

[Encart : Produits chimiques : assurer qualité et traçabilité Dans le Groupe Générale des Eaux, c'est Générale de Chimie qui assure l'approvisionnement et le contrôle qualité des produits chimiques du groupe. « Lorsque nous adoptons un produit chimique, celui-ci doit être conforme à un cahier des charges établi avec le client, » explique Georges Marron. Les caractéristiques du produit sont alors dictées par les utilisations qu'on en fait. Les protocoles d’analyse ont été mis au point avec Anjou Recherche. Ils sont communs à tous les fournisseurs sélectionnés. Au départ, il y a une analyse commune avec les fournisseurs, elle sert d'étalon. « Ensuite, nous opérons des contrôles aléatoires, à réception des lots, » précise Michel Faivre. Dans le Groupe Conditionnement de Degrémont, toutes les unités de fabrication des produits chimiques sont ISO 90001. Les deux approches assurent la traçabilité de la fabrication à l’utilisation pour pouvoir remonter l'arborescence en cas de problème.]

Entre ces deux extrêmes, de nombreux procédés réclament une eau spécialement adaptée pour leur usage. C’est le cas des chaudières, des circuits de refroidissement, des échangeurs thermiques… qui demandent une eau spécialement conditionnée pour limiter les dépôts et la corrosion. C’est encore le cas de certains procédés, comme agro-alimentaires, qui réclament une eau exempte de micro-organismes.

Assurer la désinfection

Pour assurer la désinfection le chlore et l’hypochlorite de sodium (ou eau de Javel) sont des produits très utilisés. Ils évitent la prolifération des micro-organismes, algues et certains petits mollusques. Bactéricides traditionnels, ces deux produits rémanents assurent la qualité microbiologique des eaux. L’acide peracétique commence à se positionner sur le marché français. Non rémanent, il réagit sur lui-même en chaîne. Cette molécule se décompose simplement en eau, oxygène et gaz carbonique. Elle est donc sans nuisance pour l'environnement. « Il détruit tous les micro-organismes à l'exception des coccidia, » affirme-t-on chez Solvay. Il est donc recommandé là où son action énergétique et non rémanente est souhaitée, comme le traitement des effluents rejetés en milieu naturel, les eaux de process en circuit fermé et les installations de l’industrie agro-alimentaire.

Cependant, si le nombre des biocides est aujourd'hui important, à terme, la communauté européenne pourrait bien limiter le nombre des molécules. « Il s’agit de diminuer le nombre de produits et les formulations qui en découlent, » explique Pascal Remy qui poursuit : « pour les remplacer, on assiste actuellement au développement de biocide enzymatique, mais leur efficacité est moindre et le coût plus élevé. »

Cet avis n’est pas partagé par Frédéric Delord : « Chez Buckman Laboratories nous pensons qu’à terme les enzymes viendront se substituer aux biocides, car c'est une solution écologique et non toxique aux problèmes de contamination par les micro-organismes. » L'entreprise commercialise déjà des solutions à base d’enzymes.

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[Photo : À partir de l'analyse globale du cycle, on peut identifier les points critiques, puis on apporte des solutions et on met en place la surveillance des seuils critiques (doc CGE).]

qu’elle estime « moins coûteuse et plus performante techniquement. » En matière d'enzymes, Buckman Laboratories n’en est pas à son coup d’essai. En 1996, dans un tout autre domaine, elle a été récompensée par l'Association Technique de l’Industrie Papetière dans le cadre des rencontres Internationales Papetières pour le traitement des dépôts sur machine à papier à partir de solutions par voie enzymatique. Cette approche a permis de réduire l'utilisation de produits toxiques pour l’élimination des encrassements en partie humide.

Pour les chaudières et les échangeurs thermiques le problème diffère quelque peu. Il s'agit de conditionner l'eau pour éviter la corrosion ou l'entartrage des circuits.

Limiter l’entartrage et la corrosion

Les circuits de refroidissement, les échangeurs thermiques, les chaudières sont sensibles à la qualité de l'eau. Une eau minéralisée entraîne l’entartrage. Trop de dépôt, un tuyau bouché et l’équipement industriel fonctionne mal.

Mais si elle est peu minéralisée, ce n'est pas mieux. Elle devient corrosive et risque de percer les circuits. Ce phénomène est difficile à appréhender, d’autant plus que la corrosion microbiologique s'est fortement développée ces dernières années. « Le traitement classique utilisé voici quelques années consistait d’abord en la réduction du pH à environ 6 pour éviter les dépôts de CaCO₃, puis par l'ajout d’un biocide à base de chromates, » explique J-E Lamot, Directeur Technique des Laboratoires Buckman pour l’Europe. « L’absence de dépôt inorganique et la présence de chromates évitaient en particulier la prolifération des bactéries sulfato-réductrices. » Aujourd’hui le traitement consiste à laisser le pH atteindre son équilibre naturel. Il se situe alors entre 8,0 et 9,0. Les dépositions sont alors contrôlées par des inhibiteurs de tartre organique qui laissent généralement un film très mince de carbonate ou de phosphate de calcium sur la paroi du tube.

Ce substrat est alors beaucoup plus propice au développement des bactéries que le métal nu, d’autant plus que certains biocides perdent de leur efficacité à pH élevé.

Pour limiter tous ces désagréments, il s’agit de conditionner l'eau. Depuis longtemps, les chaudiéristes sont sensibilisés à ce problème. Ils traitent l'eau pour éviter les dépôts d’entartrage et la corrosion en reconditionnant l'eau.

Une approche au cas par cas, à calculer en fonction des paramètres de marche de l’équipement industriel (pression, température, pH). « Aujourd’hui, la décarbonatation, la déminéralisation totale, complétée par le dégazage thermique et le conditionnement chimique représentent les principales techniques utilisées, » précise Laurent Saintot, Directeur du Service après-vente chez Babcock Wanson. Ce constructeur de chaudières industrielles propose, à la mise en route de l'installation et dans ses contrats de maintenance, le conditionnement et la surveillance des eaux de chaudières et d'échangeurs thermiques.

« Le choix de la formulation doit être réalisé en fonction de l’équipement et les calculs effectués aux conditions de pointe, » ajoute Laurent Saintot. « De plus, certains procédés de fabrication imposent la mise en œuvre de produits de qualité alimentaire comme dans l'industrie agro-alimentaire et certaines blanchisseries. » Pour assurer ces traitements, l'industriel commercialise toute une gamme de molécules qu’il utilise au cas par cas comme : réducteur d’oxygène (hydrate d’hydrazine et sulfites), alcalinisant dispersant de l'eau carbonatée (soude, polymères), phosphatant, dispersant (phosphates et polymères), traitement des condensats (amines neutralisantes, polyphosphates), algicide, fongicide, bactéricide...

[Encart : La corrosion microbiologique un fléau difficile à maîtriser La corrosion microbiologique est très souvent rencontrée dans les équipements de traitement des eaux. Les bactéries nitrifiantes, celles du soufre et du fer sont les micro-organismes à la base de la corrosion. Ils se propagent très rapidement et causent de nombreux dégâts d’autant plus que ce phénomène est moins connu et plus compliqué à maîtriser. Dans le processus de corrosion, les micro-organismes interviennent de trois façons différentes : – ils utilisent de l'hydrogène dans leur métabolisme. L'hydrogène produit au niveau de la cathode est consommé, maintenant le déséquilibre entre le couple électrochimique anode-cathode. C’est la dépolarisation cathodique ; – leur métabolisme fabrique des produits corrosifs. Les bactéries sulfato-réductrices en sont un exemple. Elles utilisent l'hydrogène assimilé pour réduire les sulfates et produire des sulfures tels que l’hydrogène sulfuré. Ceux-ci réagissent alors avec le fer pour former du sulfure de fer, cathodique par rapport à la surface métallique, ils produisent une nouvelle cellule galvanique ; – d’autres bactéries produisent des acides (acide sulfurique, nitrique) et d'autres encore empêchent les inhibiteurs classiques de corrosion, nitrites par exemple, de fonctionner normalement. Certaines bactéries peuvent en effet transformer les nitrites inhibiteurs de corrosion en nitrates sans aucun effet. La création de cellules d'aération différentielles est certainement le mécanisme le plus répandu. La formation de dépôts par les micro-organismes crée un environnement anaérobie en dessous de ce dépôt. La cellule d'aération différentielle ainsi constituée est responsable de la continuation du processus de corrosion. De plus, il constitue un lieu idéal pour la prolifération des bactéries sulfato-réductrices qui accéléreront à leur tour le processus de corrosion microbiologique. L’identification de la corrosion microbiologique est assez complexe, car elle se produit toujours en association avec d'autres phénomènes (corrosion chimique, dépôt...). (Source : La corrosion microbiologique dans les circuits de refroidissement industriels, J.-E. Lamot, Directeur technique des Laboratoires Buckman pour l'Europe).]
[Photo : Le choix du produit est étroitement lié à la qualité chimique de l'eau. La moindre variation d'un de ses composants entraîne une modification des réactions chimiques en jeu (doc. Degrémont-Erpac).]

Société Solerpom.

Il s'agit d'une gamme qui contient un certain nombre d'éléments : des réducteurs d'oxygène, des phosphates pour éviter la déposition, des dispersants pour maintenir les matières en suspension, le fer et l'aluminium sous forme solide, des produits alcalinisants et un antiprimage, pour éviter l'entraînement de vésicules d'eau et de sels dans la vapeur.

Quant aux circuits de refroidissement, ils ne sont pas oubliés. Pour eux, l'entreprise a développé Kemazur. « C'est une formule moins polluante basée sur une molécule de terpolymère de la famille des organiques, qui rend le produit aussi performant que ceux fabriqués à base de phosphate, » explique Jean-Louis Paulus-Lemoine.

Comme d'habitude, le traitement sera à retenir au cas par cas après l'analyse du procédé, des conditions opératoires, des caractéristiques chimiques de l'eau. D'où l'importance de l'activité de service qui se développe chez tous les constructeurs.

Développer l'activité de service

George Marron explique : « Chez Aquarex, l'approche consiste à réaliser une analyse globale du cycle de l'eau pour identifier les points critiques. » À partir de là, on établit un diagnostic. On apporte des solutions à l'aide de produits chimiques (mais pas seulement) et on met en place la surveillance des seuils critiques.

Une telle approche permet à Aquarex d'appréhender tous les problèmes liés à la gestion de l'eau au sein d'une entreprise. Par exemple : « Chez les papetiers, certains problèmes ponctuels se posaient deux ou trois fois par an, au printemps et à l'automne, parfois en été pendant les périodes d'orages. C'est une analyse globale du cycle de l'eau qui a permis de démontrer que les problèmes de baisse brutale de la siccité des boues provenaient d'un dysfonctionnement en amont. En effet, durant ces périodes, l'eau brute était très chargée en MES et en matières organiques, et les opérateurs, devant l'importance de la production de vapeur dans ce métier, évitaient le colmatage des filtres en les by-passant. L'eau brute, ou filtrée, empoisonnait alors les résines échangeuses d'ions, ce qui entraînait un fort accroissement du volume des liquides de régénération dirigés vers la STEP. Ces liquides sont fortement chargés en sels qui ont une influence directe sur la viscosité des polymères utilisés en déshydratation et donc sur leur efficacité, ce qui se traduisait par une baisse de la siccité des boues.

La solution à ce problème était en fait la surveillance périodique des pressions entrées/sorties des filtres en amont et non l'efficacité des polymères utilisées sur la STEP. » Afin de promouvoir ce type d'approche, Aquarex a développé un service. « L'objectif est d'arriver vers la gestion déléguée, » ajoute Georges Marron, « l'industriel produit et nous nous traitons l'eau. Avec un objectif : optimiser le procédé en place en choisissant le produit chimique, en assurant les fonctions de stockage-logistique, en gérant la station de traitement et en apportant une solution aux problèmes posés par la recirculation des eaux. »

« Pour trouver la bonne solution, il faut faire le bon diagnostic, » explique Pascal Remy, « et il faut suivre l'installation pour être sûr du résultat. » Chez Degrémont, cet adage est conjugué au quotidien. L'entreprise délègue à temps plein des techniciens sur le site du client. Leur travail : maintenir le matériel en bon état de marche et assurer une optimisation du traitement de l'eau. « Dans ce domaine, le coût du traitement n'a rien à voir avec celui d'une panne. » Au Cern (Centre d'études et de recherche

[Encart : Permo s'engage sur le résultat « Nous faisons un métier de médecin, » assure Gilbert Brelet de Permo, « non seulement nous réalisons le diagnostic et le bilan analytique, mais nous prodiguons études et conseils, nous assurons le bilan économique, le suivi technique, la mise en œuvre de nos produits. » Spécialisée depuis plus de 75 ans dans le traitement des eaux, Permo réalise aujourd'hui 200 MF de chiffre d'affaires dont une part importante dans le conditionnement. Depuis toujours, l'entreprise met en œuvre des matières chimiques simples ou combinées indispensables à la protection des installations industrielles. « Notre expérience porte sur les circuits vapeurs, de refroidissement, de process industriel et d'eau chaude, etc. Nous traitons l'eau directement au point d'utilisation. » Forte de sa longue expérience, Permo ne se contente pas de commercialiser des produits chimiques. Ses ingénieurs vont plus loin et prennent en compte le problème du traitement dans son ensemble. « Ce point est essentiel, » explique Gilbert Brelet, « aujourd'hui il faut obtenir des résultats techniques, économiques et environnementaux. Ce dernier point est d'ailleurs devenu fondamental. » Forte de sa grande expérience dans la protection des installations, l'entreprise prône une prise en compte globale du problème. « Nous avons tous les outils pour cela : un savoir-faire, un laboratoire certifié, des techniques de traitement complémentaires et pouvons nous engager sur le résultat dans le cadre d'un contrat global. »]

nucléaire), par exemple, l’entreprise a détaché deux techniciens à plein temps. Leur travail consiste à exploiter le suivi et le contrôle des analyses et du process de traitement des eaux de refroidissement et de déminéralisation du site.

Aujourd’hui elle va plus loin : « Dans l’industrie mécanique nous vendons un traitement au mètre cube où nous nous engageons sur des objectifs de résultat. S’ils sont atteints, notre entreprise profite d’un bonus, mais si elle échoue, elle devra verser des pénalités. »

[Photo : Destinée à la société Vénézuélienne Soredab, cette chaufferie compacte, montée sur skid, est dotée d'un groupe de dosage pour produits chimiques et d'un adoucisseur d'eau (doc. Babcock Wanson).]
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