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Comment moderniser une usine de traitement d'eau

30 novembre 1992 Paru dans le N°159 à la page 54 ( mots)
Rédigé par : Georges BEYNEY et Serge BARRERE

L'usine Centre et Nord de Toulouse, gérée par la Compagnie Générale des Eaux, fait l'objet d'un programme de modernisation dont la réalisation a été confiée à OTV. Valoriser, modifier et compléter la filière existante sans arrêt de la production, tel est le pari posé par les responsables de cette usine. L'opération, qui sera réalisée en quatre tranches, concerne les ouvrages actuels, tant du point de vue technique qu'architectural.

La modernisation des usines de traitement est un thème d’actualité. Pour la collectivité, l’enjeu est décisif car il faut faire face à la fois à l’augmentation des consommations, à l’évolution de la réglementation, au souci de délivrer au consommateur une eau de qualité toujours améliorée… tout en restant dans des conditions réalistes sur le plan financier. Quant au technicien, il doit trouver des solutions intelligentes pour valoriser, modifier, compléter les filières existantes de façon à les adapter aux nouveaux objectifs, le plus souvent sans possibilité d’arrêt de la production pendant les travaux. Cela est bien illustré par le plan mis en œuvre par les responsables de l’usine Centre et Nord de Toulouse.

Le Syndicat Intercommunal des Eaux des Cantons Centre et Nord pourvoit à l’alimentation en eau potable de plus de 22 000 abonnés répartis sur un territoire de 19 communes en périphérie nord de Toulouse. L’eau est prélevée principalement dans le canal latéral à la Garonne ou dans la Garonne elle-même (en appoint ou en totalité en cas de chômage du canal). Elle est traitée et distribuée par l’usine Centre et Nord (figure 1), située à Toulouse, qui assure une production de 30 000 m³/j en 3 files de 500 m³/h unitaires.

Dans cette usine, gérée par la Compagnie Générale des Eaux, l’eau brute suit une chaîne de traitements spécifiques, adaptés à la grande variabilité de sa qualité et à sa charge fréquemment élevée en matières en suspension et en ammoniaque (cette dernière ayant, par exemple, varié en mars 1992, de 0,25 à 0,75 mg/l dans le canal et de 0,50 à 0,75 mg/l dans la Garonne).

La filière actuelle

La chaîne de traitement en place comporte successivement les éléments suivants : une injection d’eau de Javel et de polychlorure d’aluminium (PAC), un floculateur, un mélangeur statique, un décanteur-couloir statique, une batterie de 4 filtres bicouche sable/charbon actif, une bâche d’eau traitée.

L’eau traitée est stérilisée à l’ozone et des traitements complémentaires variables sont prévus en fonction des caractéristiques de l’eau brute :

  • — en tête :
    •  — charbon actif en poudre,
    •  — aide à la floculation par alginate de sodium (Aquagilne), fabriqué à partir d’algues marines.

L’élimination de l’ammoniaque effectuée en tête du traitement par une chloration au break-point (utilisation de l’eau de Javel dont le taux est asservi à une mesure en continu de l’ion ammonium) engendre des difficultés de surconsommation de chlore et une production de THM et d’organochlorés, à l’origine de couleurs et de saveurs indésirables.

  • — en queue :
    •  — remise à l’équilibre par du bicarbonate de soude,
    •  — thiosulfate (déchloration),
    •  — ozonation,
    •  — post-chloration.

L’augmentation des besoins en eau

Depuis 1979, l’expansion du Syndicat, situé en 1re et 2e couronnes toulousaines, a progressé de façon spectaculaire : de 13 315 abonnés consommant 2 460 000 m³, elle est passée en 1991 à 22 396 abonnés pour une consommation de 5 330 000 m³. En fonction de cet essor et de l’évolution démographique actuelle, le Syndicat prévoit qu’en 2005 la population des administrés sera de 90 000 habitants, soit 31 000 abonnés. Par ailleurs, la station étant sur le point d’atteindre le plafond : pointe actuelle de 25 000 m³/j pour une capacité maximale de production de 30 000 m³/j, il est apparu indispensable d’accroître le potentiel de production de l’usine et, par la même occasion, de moderniser la filière de traitement et de mettre en œuvre des traitements plus complets. Ce contexte a amené le maître d’ouvrage à lancer un concours pour l’amélioration des performances des ouvrages à partir de la contexture initiale de l’usine.

La nouvelle filière

Au début de 1992, le jury du concours confiait ces travaux à OTV Sud-Ouest. La solution retenue préconise, pour une capacité de 2 000 m³/h, l’insertion de nouveaux maillons dans la chaîne de…

* Syndicat Intercommunal des Eaux des Cantons Centre et Nord de Toulouse. ** Compagnie Générale des Eaux.

traitement, augmentant ainsi la qualité de l’eau traitée, tout en tenant compte des modifications de qualité de l’eau brute prélevée soit dans le canal soit dans la Garonne (figures 2 et 3). Ces dispositions sont définies ci-après aux différents stades des opérations.

Prétraitement

Il est prévu l’installation d’une cuve de mélange rapide, comportant :

  • • préozonation,
  • • acidification de l’eau (le pH de l’eau brute pouvant atteindre des valeurs supérieures à 8),
  • • injection de floculant (WAC),
  • • possibilité d’injection de réactifs de crise utilisés en cas de pollution accidentelle (charbon actif en poudre, adjuvant de floculation),
  • • floculation (les floculateurs à chicanes actuels sont conservés).

La préozonation a pris la place de la pré-chloration opérée sur l’eau brute ; elle a pour rôle essentiel d’une part de diminuer la capacité des matières organiques à former des composés organiques chlorés lors de la chloration finale, et d’autre part d’augmenter les performances de la clarification.

Décantation

Les décanteurs-couloirs actuels, conservés, seront « dopés » par des décanteurs lamellaires Multiflo placés en bout d’ouvrage, pour passer à 700 m³/h, la reprise des boues se faisant par succion en fond d’ouvrage (figure 4).

Filtration (1er étage)

Elle se fera sur les filtres à sable actuels lesquels, du fait de la population bactérienne qu’ils hébergent, assureront également un premier traitement biologique de l’ion ammonium.

Interozonation

Après la filtration sur sable, l’eau filtrée subira une seconde ozonation qui aura pour but :

  • • d’affiner l’élimination de la matière organique ;
  • • de diminuer les sites précurseurs de THM sur la matière organique dissoute ;
  • • d’augmenter la biodégradabilité de la matière organique de façon à favoriser l’élimination d’une partie de COD lors de la filtration sur charbon actif.

Filtration (2e étage)

Elle se fera après reprise de l’eau à la sortie de l’interozonation sur des filtres à charbon actif en grains ; son rôle étant double :

  • • assurer une adsorption physique des composés organiques ;
  • • faciliter la dégradation des composés biodégradables par la population bactérienne fixée sur les grains.

Chloration au break-point

Au cas où l’élimination biologique de l’ion ammonium ne serait pas suffisante, une chloration au break-point est prévue. Cette opération se faisant sur eau quasiment débarrassée des matières organiques, donc sans risque de saveurs désagréables, elle ne présentera aucun inconvénient pour la qualité de l’eau distribuée.

Le chlore résiduel sera neutralisé par du SO₂ en sortie d’ouvrage.

Post-traitement

Le post-traitement comporte deux opérations.

Remise à l’équilibre : l’excès de CO₂ sera éliminé à l’aide de soude caustique. La minéralisation de l’eau est suffisante pour permettre la formation du dépôt protecteur de calcite dans la conduite. Il est donc inutile de mettre en œuvre de la chaux dont on connaît bien la difficulté de manipulation.

Stérilisation avant refoulement : un faible rajout de chlore est prévu de façon à maintenir un résiduel bactériostatique à l’eau distribuée.

Coût de l’opération

Outre que ces ouvrages devront répondre aux normes actuelles imposées par la communauté européenne, il est demandé au constructeur de maintenir la production de l’usine pendant les travaux et d’en concevoir les modifications architecturales dans le respect de son environnement (zone semi-urbaine).

L’ensemble de l’opération (génie civil + équipements), évalué à 44 MF, sera réalisé en 4 tranches.

Conclusion

Conscient de sa mission qui est de répondre en qualité et en quantité aux besoins en eau potable de ses administrés, le Syndicat Centre et Nord a su agir de façon positive ; de son côté, OTV a trouvé les solutions techniques adaptées aux problèmes locaux.

Gageons que cette démarche sera attentivement suivie par d’autres collectivités.

[Photo : Fig. 1 – L’usine Centre et Nord.]
[Photo : Fig. 2 – Vue intérieure des installations de traitement.]
[Photo : Fig. 3 – Vue intérieure des installations de traitement.]
[Photo : Fig. 4 – Les décanteurs-couloirs (ils seront renforcés par l’implantation de séparateurs Multiflo en fond d’ouvrage).]
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