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Comment maîtriser la qualité du rejet et la consommation énergétique d'un bassin de boues activées ?

30 septembre 2009 Paru dans le N°324 à la page 61 ( mots)
Rédigé par : Pierre GIRODET, David THAURE et Emmanuelle VIGNE

Les outils de régulation offrent des solutions performantes pour concilier à la fois les objectifs de qualité de traitement des eaux usées et les impératifs économiques liés à la consommation d'énergie des usines. Dans les procédés de traitement à boues activées, l'aération des bassins constitue à la fois l'une des clés de la qualité du traitement et le principal poste de dépense énergétique. Veolia Eau a donc développé une régulation innovante basée sur la mesure directe des concentrations en ions nitrate et ammonium pour permettre à l'exploitant de maîtriser la qualité du rejet de la station en temps réel tout en optimisant les consommations énergétiques de son usine. L?application de tels outils de régulation est encore rare, notamment en France, mais leurs performances et les perspectives qu'ils ouvrent sur l'optimisation de la conception et du fonctionnement des installations de traitement plaident en faveur de leur généralisation.

Malgré le rôle prépondérant des pollutions diffuses (agricoles notamment), la maîtrise des rejets de nutriments dans les milieux aquatiques n’est surveillée que par le contrôle des sources localisées, au premier rang desquelles les stations d’épuration (STEP). Le législateur, confronté à la difficile tâche de contrôler les pollutions diffuses et motivé par le rétablissement ou la préservation du bon état écologique des eaux de surface, fixe donc des contrain-

Mots clés : Boues activées, régulation de l’aération, économies d’énergie, nitrification dénitrification simultanée, Amonit

[Figure : Évolution de la complexité technique (a) et des moteurs qui suscitent cette technicité (b). Le niveau de formation des exploitants ainsi que l'application d'outils de régulation et d'aide à la décision adaptés (flèches rouges et grises) dépendent principalement des politiques d’intéressement des opérateurs aux résultats énergétiques de leur usine. C'est-à-dire de la volonté de l'exploiter au meilleur de ses possibilités en prenant compte à la fois la qualité du traitement et les performances énergétiques.]

Des normes de plus en plus sévères sur la qualité du rejet des STEPs en Europe comme en Amérique du Nord, notamment sur les composés azotés, imposent souvent de construire de nouvelles stations ou de rénover les stations existantes, de concevoir des outils d'aide à la décision ou des stratégies de régulation plus performantes, ou encore de mettre en œuvre des solutions originales comme le « nutrient trading » autorisé dans certains États américains lorsque le contexte local le permet (Gunderson, 2009). Dans tous les cas, ces nouvelles normes s’accompagnent d'une augmentation des dépenses énergétiques liées au traitement de l'eau usée par voie aérobie. L’aération des bassins de boues activées représentant une part très importante – souvent supérieure à 50 % – de la consommation électrique totale d’une STEP, il est évident que la régulation de l’aération des bassins de boues activées constitue le principal levier permettant de répondre de manière optimale à la fois aux nouvelles exigences en termes de maîtrise de la qualité du rejet et aux impératifs économiques de plus en plus présents avec l’augmentation du prix de l’énergie et le développement des politiques de développement durable.

D’autre part, l'évolution rapide des technologies appliquées au traitement de l'eau (biofiltres, bioréacteurs à membranes, etc.) rend aujourd'hui indispensable la généralisation d'outils d’aide à l’exploitation ou de régulations adaptées à chaque procédé pour que ceux-ci soient exploités de manière optimale (figure 1). L’optimisation de ces technologies à l’aide d’outils adaptés doit également permettre, dans certains cas, de réviser les règles de dimensionnement des ouvrages ou des équipements nécessaires au traitement. Cette amélioration découle la plupart du temps d’une meilleure réponse (en temps réel) du procédé aux variations auxquelles il est soumis.

Enfin, le remplacement progressif des contraintes traditionnelles imposées au concepteur de station (normes de rejet et contraintes spatiales d'implantation) par des contraintes liées à la performance environnementale globale de l’usine (consommation énergétique, émission de gaz à effet de serre, etc.) va rendre de plus en plus nécessaire l’intégration de modules de régulations pour permettre à l’exploitant de remplir le double objectif suivant : i) garantir une qualité d'eau traitée au niveau souhaité par le législateur et ii) minimiser la consommation énergétique de son usine. Ce double objectif a motivé le développement de la régulation AMONIT™ par Veolia Eau.

Contexte du développement d’AMONIT™

Si les enjeux liés aux nouvelles exigences réglementaires en matière de traitement et à la réduction des dépenses énergétiques sont bien connus de la plupart des acteurs du traitement de l'eau, rares sont les études qui se sont attachées à recenser à grande échelle l’équipement des STEPs en régulations et autres outils de conduite de procédé. Jeppsson et al. (2002) et Choubert et al. (2006) apportent cependant un éclairage intéressant sur ce sujet dans plusieurs pays européens pour le premier et en France pour le second. La synthèse réalisée par Palmer et al. (2007) présente également quelques études de cas en Amérique du Nord.

Puisqu’il n’existe pas de régulation sans capteur, le taux d’équipement des STEPs en instrumentation ainsi que la finalité des capteurs installés (observation seule ou signal utilisé à des fins de régulation) permettent d’estimer grossièrement le déploiement des régulations dans les STEPs. En ce qui concerne la régulation de l'aération des bassins de boues activées, il apparaît que les pays d'Europe du Nord sont largement plus équipés en capteurs de nutriments (NH₄⁺, NO₃⁻, PO₄³⁻) qu’en France (Jeppsson et al., 2002). Parmi les stations sondées en France (d’une capacité inférieure à 20 000 EH), 65 % des stations qui traitent l'azote régulent l'aération sur horloge (Choubert et al., 2006). Ces constatations, loin de fournir une base de travail exhaustive et représentative de la situation en 2009, mettent néanmoins en évidence de fortes disparités géographiques ainsi qu’un potentiel d’amélioration considérable.

Les grandes différences géographiques s’expliquent en partie par des considérations économiques – les disparités du prix de l’énergie au niveau européen ne sont sûrement pas étrangères à cette situation (tableau 1) – et par des politiques d’incitation forte à la maîtrise de la qualité du rejet, comme les taxes proportionnelles aux quantités d’azote rejeté dans l’effluent, par exemple aux Pays-Bas et au Danemark. C'est notamment grâce à ces moteurs que le système STAR® développé par Krüger AS (Nielsen et al., 1993) a pu voir le jour et être commercialisé dès le début des années 1990.

Tableau 1 : Prix moyen de l’électricité pour les clients industriels en €/kWh en 2007 (Eurostat)

Allemagne : 0,09 HT / 0,126 TTC
France : 0,05 HT / 0,070 TTC

L’un des éléments essentiels à la mise en œuvre d’une régulation consiste à disposer

[Photo : Distribution typique des concentrations en NH₄⁺ en sortie de station sans régulation avancée de l’aération (a) et avec une régulation avancée (b). Une régulation avancée permet d’éviter le non-respect des normes de rejet (zone B), d’éviter une sur-qualité de traitement coûteuse en énergie (zone A) et d’adapter la qualité du rejet à des contraintes variables sous réserve de capacités matérielles adaptées.]

en jeu (NH₄⁺ par exemple), ainsi que le nombre de mesures non conformes, c’est-à-dire dépassant la valeur de la concentration limite garantie. Les bénéfices d'une régulation avancée de l’aération sont illustrés schématiquement par la figure 2. La régulation avancée permet de ne plus dépasser la limite de rejet et de réduire la dispersion des mesures autour de la valeur moyenne. Les performances de la régulation permettent aussi à l'exploitant : i) de faire face à une éventuelle variation de la contrainte sur la qualité du rejet, sous réserve de capacités matérielles adéquates (certaines STEPs doivent une qualité de rejet variable selon les saisons), et ii) de se rapprocher de la valeur limite de rejet sans crainte de dépasser celle-ci tout en évitant la sur-aération de la biomasse et la dépense énergétique inutile qui en découle.

La régulation AMONIT™ a été développée par Veolia Eau en tirant parti des signaux rendus disponibles par les nouveaux capteurs (sondes spécifiques aux ions NH₄⁺ et NO₃⁻). Son originalité consiste à créer des conditions favorables au processus de nitrification-dénitrification simultanée, qui se démarque des processus traditionnellement mis en œuvre sur les STEPs pour éliminer l'azote et qui favorisent alternativement, soit dans le temps soit dans l'espace, les réactions de nitrification (aérée) ou de dénitrification (anoxie) (figure 3). Plusieurs STEPs mettent désormais en œuvre la régulation AMONIT™ (tableau 2).

Principe de la régulation AMONIT™

La gestion automatisée de l’aération dans les bassins biologiques s'effectue par divers modes de régulation connus et utilisés de capteurs fiables et suffisamment précis. Si pour les mesures de pH, température, potentiel redox et oxygène dissous, ces conditions sont réunies depuis longtemps (Vanrolleghem et al., 2003), le développement récent de sondes spécifiques aux ions NH₄⁺ et NO₃⁻ a ouvert de nouvelles perspectives (Ingildsen and Wendelboe, 2003 ; Kaelin et al., 2008 ; Guyard, 2009). Celles-ci permettent de mesurer in situ et sans délai les concentrations des composés azotés qui sont aussi ceux dont on souhaite maîtriser la concentration dans le rejet, à l'inverse de mesures indirectes comme le potentiel redox ou l’oxygène dissous. L’un des premiers objectifs d'une régulation avancée de l'aération est de donner à l'exploitant un moyen simple de maîtriser la qualité du rejet de sa station. Celle-ci peut se caractériser par deux indicateurs principaux : la moyenne et surtout l’écart-type de la concentration du paramètre déterminant la qualité des rejets.

[Photo : Classification des trois stratégies de mise en œuvre des réactions de nitrification (N) et de dénitrification (DN) selon les règles du théâtre classique.]

Tableau 2 : Exemples de STEPs équipées de la régulation AMONIT™

Capacité (EH) Système d’aération Date d’installation d’AMONIT™
STEP R : 267 000 Insufflation d'air fines bulles 2009
STEP S : 100 000 Insufflation d'air fines bulles 2009
STEP Y : 83 300 Aération de surface (10 brosses) 2008
STEP N : 7 500 Insufflation d'air fines bulles 2007
[Photo : Figure 4 : Détermination du mode d’aération selon la concentration en nitrates dans la régulation AMONIT™.]

Toutefois, ces modes ne traduisent souvent que de manière indirecte et partielle les performances du traitement biologique (via la concentration en oxygène dissout ou le potentiel redox par exemple), ils ne sont pas toujours optimisés et conduisent généralement à une sur-aération dans les ouvrages et donc à une surconsommation énergétique (Ingildsen et Wendelboe, 2003).

La régulation AMONIT™ s'affranchit de ces paramètres et se base directement sur les concentrations en ions nitrate et ammonium, qui représentent les indicateurs réels de la qualité du rejet lorsque l’élimination de l’azote est visée. Ces concentrations sont mesurées in situ par des sondes directement immergées dans les bassins biologiques. Le régulateur associé est capable de déterminer une consigne de puissance d’aération (nombre de surpresseurs et vitesses moteur respectives ou nombre de brosses/turbines en fonctionnement) en fonction des mesures en temps réel et des plages admissibles de concentrations en NO3- et NH4+ spécifiées par l’opérateur. La régulation adapte donc constamment la fourniture d’oxygène aux besoins de la biomasse en fonction des consignes d’exploitation. L’aération se fait préférentiellement de manière continue et la faible concentration résiduelle en oxygène permet d’augmenter le rendement de transfert tout en favorisant le processus de nitrification/dénitrification simultanée (Thauré et al., 2008).

[Photo : Figure 5 : Sélection des modes d’aération et de la gestion de la puissance d’aération. Certaines combinaisons sont plus pertinentes que d'autres. Exemple 1 : l’opérateur choisit une aération continue dont la puissance est modulée en temps réel selon les concentrations en NH4+ et NO3- grâce à la boucle de régulation associée (AMONIT™). Exemple 2 : l’opérateur opte pour une aération séquencée en fonction du potentiel redox, la puissance d’aération associée aux phases aérées étant régulée pour atteindre une consigne fixe ou variable en oxygène.]
[Photo : Figure 6 : Exemple de courbes de fonctionnement sur la STEP N en mode d’aération continu. La régulation entraîne un bon suivi de consigne et une faible concentration résiduelle en oxygène dissout qui favorise le processus de nitrification-dénitrification simultanée. (Toutes les concentrations des composés azotés sont exprimées en mgN/L).]

L'objectif de cette nouvelle régulation basée sur un suivi continu des concentrations en ions ammonium et nitrate dans les bassins biologiques permet de répondre avec une très grande fiabilité aux deux objectifs de base suivants : i) assurer un rejet conforme par l’amélioration du contrôle de la qualité de l’effluent de sortie désirée par l’exploitant et ii) réduire les dépenses énergétiques des stations par une adaptation permanente de la quantité d’oxygène fourni aux besoins de la biomasse, ce qui induit une augmentation du rendement de transfert d’oxygène.

La régulation AMONIT™ apporte un nouvel élément à l'ensemble des stratégies de régulation de l’aération existantes basé sur un découplage entre le mode d’aération (continu ou séquencé) et la puissance d’aération associée (figure 5).

La régulation AMONIT™ contient deux modes de gestion des cycles d’aération : i) une aération continue, où la puissance d’aération est ajustée en fonction des concentrations en NO3- et NH4+ (mode préférentiel, figure 6) et ii) une aération séquencée, où les phases d’aération et d’anoxie sont déterminées en fonction des dépassements de seuils hauts et bas en NH4+ (mode de secours pour éviter l'accumulation de nitrates dans le bassin, figure 7). Le fonctionnement en mode continu ou séquencé est déterminé automatiquement selon la concentration en NO3- (figure 4).

[Photo : Figure 7 - Exemple de courbes de fonctionnement sur la STEP R en mode d’aération séquencé sur seuils haut et bas d’ammoniaque. Durant les phases aérées, la puissance d’aération est asservie à une consigne en oxygène dissous.]

Conditions de mise en œuvre

La régulation AMONIT™ n’est utilisée aujourd’hui que pour les stations qui traitent l’azote via un procédé à culture libre en faible charge. Elle est idéalement adaptée aux procédés qui mettent en œuvre des phases aérées et non aérées dans le même bassin (NDN séquencée, AZENIT® par exemple, voir figure 3). Cette régulation peut être adaptée à toutes les technologies d’aération (équipements de surface ou de fond, figure 8), pourvu qu’une modulation de la puissance d’aération soit possible. Cette modulation peut être discrète par paliers (cas d’une aération régulée en fonction du nombre et d’un ordre de fonctionnement des brosses ou turbines assurant brassage et/ou aération dans le bassin) soit continue (cas d’une aération par diffusion d’air fines bulles avec un surpresseur à débit variable).

Le bon fonctionnement de la régulation dépend directement de la fiabilité des sondes de mesure de NH4+ et NO3- immergées dans les bassins biologiques. Le développement de ces sondes est relativement récent mais plusieurs fournisseurs proposent des équipements de ce type. Ces sondes appartiennent généralement à la famille des sondes ISE (Ion Selective Electrode, mesure électrochimique) alors que certaines mettent en œuvre une mesure optique (Guyard, 2009). La localisation pertinente des sondes ainsi que la vérification régulière de leurs performances par des comparaisons avec des mesures réalisées en laboratoire sont indispensables à un bon fonctionnement de la régulation.

Performances

Meilleure maîtrise de la qualité du rejet

Le suivi en temps réel des concentrations en NH4+ et NO3- dans le bassin biologique permet à l’exploitant de mieux maîtriser les performances de la station. En effet, la régulation est directement reliée à ces paramètres qui sont des indicateurs directs de la qualité d’eau (contrairement au potentiel redox ou à la concentration en oxygène) puisqu’ils sont spécifiés dans les normes de rejet. Tous les paramètres de réglage et les courbes d’enregistrement des concentrations en nitrates et en ammoniaque sont accessibles sur la supervision. Dans la mesure où les sondes spécifiques ont un temps de réponse rapide, le régulateur permet de piloter aisément le système d’aération en fonction de la dynamique du système biologique et de garantir une maîtrise totale de la qualité du rejet au jour le jour (figure 9).

La figure 10 présente un exemple typique d’évolution positive des résultats d’exploitation liés à une meilleure compréhension et une meilleure gestion des consignes de la régulation de l’aération. Avant la mise en place d’AMONIT™ sur cette STEP (réalisée en 2009), une surveillance accrue de l’aération des bassins biologiques (régulée sur le potentiel redox) a été mise en place en 2008. Le temps investi dans ce suivi a immédiatement porté ses fruits puisque, par rapport aux années antérieures, la qualité du rejet (représentée ici par la concentration en azote global – NGL) a été mieux maîtrisée. La mise en œuvre d’AMONIT™ va permettre i) de relâcher ce suivi chronophage grâce à l’adaptation automatique des consignes d’aération et ii) de déplacer le « S » de la courbe présentée vers des domaines de concentration plus élevées ou plus faibles selon les souhaits de l’exploitant.

[Photo : Aération de surface par brosses.]
[Photo : Aération par diffusion d’air (fines bulles).]
[Photo : Figure 8 - La régulation AMONIT™ s’adapte à de nombreuses technologies d’aération.]
[Photo : Figure 9 - Exemple d’évolution des concentrations moyennes 24 h dans le rejet de la STEP N en réponse à des modifications de consignes. La qualité du rejet est complètement maîtrisée par l’exploitant au jour le jour.]

tant (comme illustré par la figure 2).

Réduction de la consommation énergétique

La faible concentration résiduelle en oxygène dans le bassin d’aération induite par la régulation (figure 6) permet d’améliorer sensiblement l’efficacité de l’aération en augmentant le rendement de transfert d’oxygène. En effet plus le gradient de concentration en oxygène entre la phase liquide et la phase gazeuse est élevé, plus le transfert d’oxygène est important et plus la puissance d’aération (débit d’air ou nombre de brosses/turbines) nécessaire pour transférer une même quantité d’oxygène diminue. La faible concentration résiduelle en oxygène permet donc de réaliser des économies d’énergie en réduisant la puissance d’aération moyenne.

Pour une qualité d’eau dans le rejet équivalente à celle obtenue avec une régulation redox classique (séquençage sur seuils haut et bas et puissance d’aération fixe), la régulation AMONIT™ entraîne une réduction d’environ 20 % du débit d’air insufflé ou du temps de marche des aérateurs de surface par rapport à une régulation classique (sur des seuils de potentiel redox par exemple). Cependant cette valeur peut varier fortement en fonction i) de la qualité d’eau visée par l’exploitant, ii) de l’adéquation du système d’aération à un fonctionnement continu et évidemment iii) du niveau de réglage de la régulation de référence. D’après les résultats obtenus sur la STEP N (Thauré et al., 2008), le gain énergétique qui en découle est estimé entre 10 % et 30 % de l’énergie totale consommée par le système d’aération asservi à une régulation classique redox.

[Photo : Figure 10 - Évolution de la maîtrise de la qualité du rejet de la STEP de 2005 à 2008 d’après les analyses des échantillons moyens 24 h. La pente beaucoup plus prononcée de la courbe de 2008 par rapport aux années antérieures témoigne d’une meilleure maîtrise de la qualité du rejet.]

Augmentation de la durée de vie des équipements d’aération

La régulation AMONIT™ entraîne la plupart du temps un fonctionnement continu du système d’aération, ce qui réduit le nombre et la fréquence de démarrages des surpresseurs et/ou des équipements de surface (brosses, turbines). Le fonctionnement continu n’engendre pas d’usure prématurée du matériel mais, au contraire, la

[Photo : Figure 11 - Répartition des STEPs en fonction du rapport charge reçue/charge de dimensionnement (sur la base de la charge en DBO). Résultat d’une enquête réalisée en 2008 auprès de 1 251 STEPs françaises (chiffres Veolia Eau).]

[Figure 12 : Évolution du rapport kWh consommé/kg DCO éliminée en fonction de la charge en DCO éliminée pour deux STEP (chiffres mensuels sur la période 2004-2008). Les barres verticales représentent la charge en DCO éliminée prise en compte pour le dimensionnement (charge maximale en DCO admissible sur la STEP diminuée de la charge maximale admissible rejetée).]

La diminution du nombre de démarrages permet d'augmenter la durée de vie des équipements.

Retour vers le futur

AMONIT™ s'inscrit dans une liste d'outils d’optimisation de l’exploitation des STEP. Cette liste est destinée à s’allonger avec l'accroissement des contraintes réglementaires et économiques. Ces outils ouvrent également de belles perspectives pour réviser les règles de dimensionnement actuelles et adapter la conception des STEP à ces nouvelles exigences. Il semble en effet utopique de traiter de manière optimale un affluent par nature variable à la fois en quantité et en qualité, par un outil – la STEP – dimensionné sur un seul point de fonctionnement défini par le Domaine de Traitement Garanti. La figure 11 montre que plus de 50 % des STEP françaises échantillonnées reçoivent moins de la moitié de la charge prise en compte pour le dimensionnement. Or dans la plupart des cas, aucune flexibilité des équipements n’a été demandée au constructeur de l'usine. Le résultat d'une telle approche conduit à des résultats économiques bien éloignés de la situation optimale, c’est-à-dire la situation où la charge reçue est effectivement égale à la charge prise en compte pour le dimensionnement.

Ainsi, la généralisation et la performance optimale des systèmes de régulation sur les STEP sont généralement freinées, notamment en France, par le fait que la plupart des STEP ne sont pas conçues pour la gestion en temps réel à cause d'un manque de contrôleurs et d’actionneurs flexibles. Ce constat avait déjà été mentionné par Jeppsson et al. (2002) au niveau européen. Ainsi, rares sont les STEP où le couple [charge effectivement reçue – capacité et flexibilité du système d’aération] est adapté à une gestion fine de la régulation de l'aération soit parce que la charge actuelle est inférieure ou (plus rarement) supérieure à la charge prise en compte pour son dimensionnement, soit parce que le système d’aération installé n’offre aucune flexibilité en termes de puissance d’aération disponible. La forte dépendance à la charge entrante d'un indicateur tel que l'énergie consommée par kilogramme de DCO éliminée témoigne de ce manque de flexibilité (figure 12).

Les régulations avancées offrent un formidable outil pour optimiser l’exploitation des STEP, mais ce potentiel ne pourra être mis à profit de manière optimale que si cette approche est intégrée dès la phase de conception des usines. Pour tenir compte de la variabilité de l'affluent et des incertitudes du développement urbain et donc des futurs volumes d’eaux usées collectés, il serait économiquement judicieux d'introduire une souplesse pour l'instant très sou-

a- Un point de fonctionnement

b- Une plage de fonctionnement

[Figure 13 : Évolution schématique du rapport kWh consommé/kg DCO éliminée en fonction de la charge en DCO éliminée lorsque la STEP est conçue sur un seul point de fonctionnement (a) et une plage de fonctionnement (b). La zone Z est inaccessible car les équipements ne sont pas dimensionnés pour traiter la charge correspondante. En complément des optimisations actuelles pour réduire la consommation énergétique (courbe en pointillés de la figure a), la mise en place d’équipements flexibles et de régulations adaptées devraient permettre d’assurer des performances énergétiques optimales sur une gamme de charge élargie.]

vent insuffisante dans les futures STEP, par le biais d’actionneurs et de régulateurs adaptés (figure 13). L’introduction, par le gouvernement français, des certificats d’économie d’énergie – attribuables aux systèmes de variation électronique de vitesse sur un moteur par exemple – constituent à ce titre une initiative intéressante.

Conclusion

Des outils existent. Le système avancé STAR®, développé par Krüger AS, couvre la gestion globale d'une usine de traitement ; il est déjà largement déployé en Europe du Nord. La régulation AMONIT™, quant à elle, est l'un des outils les plus adaptés pour la gestion de l’aération des bassins de boues activées. Elle permet à l’opérateur de choisir la qualité d’eau de sortie souhaitée – en termes de concentration en ions NH₄⁺ et NO₃⁻ notamment – et induit un fonctionnement à faible concentration d’oxygène dissous dans les bassins biologiques. Dans ces conditions, le processus de nitrification dénitrification simultanée est favorisé et l’énergie d'aération nécessaire pour répondre aux besoins en oxygène de la biomasse est minimisée.

Le retour d’expérience des stations d’épuration qui mettent en œuvre la régulation AMONIT™ a confirmé que, après une période d’adaptation nécessaire aux opérateurs pour s'approprier ce nouveau mode de fonctionnement, la qualité du rejet était plus facilement maîtrisée et que la consommation électrique de l'aération avait sensiblement diminué. Ces constatations ouvrent des perspectives intéressantes lorsque l’extension de capacité d'une STEP est envisagée : la mise en œuvre de régulations pertinentes peut offrir une alternative intéressante à la construction de nouvelles installations. Le principal obstacle à la généralisation de la régulation AMONIT™ réside plus dans le manque de flexibilité des systèmes d’aération que par ses performances intrinsèques. Deux facteurs pourraient favoriser son déploiement : a) l’évolution des critères d’évaluation des performances des stations – et de leurs exploitants – vers une plus grande prise en compte des performances énergétiques globales des installations en complément des critères traditionnels liés à la qualité du rejet et b) l’évolution de la réglementation du « toujours plus de contraintes » sur la qualité du rejet vers le « encore mieux utiliser l’énergie » nécessaire pour le traitement de l'eau. La sévérité croissante des normes de rejet, bien qu’elle soit justifiée dans certains cas par un contexte local particulier, n’aboutit pas toujours à un impact global positif sur l'environnement car elles nécessitent très souvent une forte augmentation de la consommation énergétique (Rogalla, 2009) et de l'empreinte carbone associée. Dans ce contexte, la devise du moment, le « Think global – Act local », appliquée à l'arbitrage délicat entre qualité d'eau et consommation énergétique devrait trouver tout son sens. L'utilisation de régulations avancées couplées à des installations flexibles offre un axe d’optimisation dont on ne peut faire l'économie pour améliorer les performances énergétiques des usines de traitement d'eau. Ces outils ne doivent pas seulement accompagner l'exploitant dans sa gestion quotidienne des installations mais également influencer le dimensionnement de l'usine et le choix de ses équipements constitutifs. C’est seulement à cette condition qu'ils donneront leur pleine mesure.

Références bibliographiques

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* Thauré D., Moatamri N., Lemoine C., Daniel O., Chabrol J., Optimisation of aeration for activated sludge treatment with simultaneous nitrification denitrification. Water Science & Technology, 2008, 58.3, pp 636-645.

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[Publicité : Éditions Johanet]
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