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Comment l'expertise de l'INERIS accompagne l'évolution des techniques de valorisation de la biomasse et des déchets ?

31 octobre 2013 Paru dans le N°365 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : Sébastien EVANNO et Isabelle ZDANEVITCH

L?INERIS conduit depuis plusieurs années des études sur les risques chroniques et accidentels liés aux procédés de méthanisation, tant pour les pouvoirs publics que pour des industriels. Dans le cadre de l'appui aux pouvoirs publics, l'INERIS s'est récemment intéressé au retour d'expérience sur les accidents/incidents susceptibles de se produire sur des installations de méthanisation, tant agricoles qu'industrielles. Une autre étude a porté sur la comparaison de la qualité des composts issus du traitement biologique des déchets fermentescibles (méthanisation ou compostage), selon qu'ils étaient collectés séparément ou triés en usine par TMB.

Sébastien Evanno (INERIS, Direction des Risques Accidentels) Isabelle Zdanevitch (INERIS, Direction des Risques Chroniques)

Le biogaz produit par fermentation anaérobie des substances organiques représente une source d'énergie alternative renouvelable. Son utilisation peut contribuer à une réduction substantielle du volume des déchets organiques et favoriser leur valorisation. Le biogaz produit peut être utilisé sur site pour produire de l’électricité ou de la chaleur, ou être épuré pour être utilisé comme carburant ou injecté dans un réseau de distribution de gaz naturel. Cependant, cette énergie étant produite à partir de déchets, son utilisation requiert d’en connaître la composition, les émissions qui découlent de sa valorisation et les risques associés.

L’INERIS conduit depuis plusieurs années des études sur les risques chroniques et accidentels liés aux procédés de méthanisation, tant pour les pouvoirs publics que pour des industriels. Dans le cadre de l'appui aux pouvoirs publics, l’INERIS s’est récemment intéressé au retour d’expérience sur les accidents/incidents susceptibles de se produire sur des installations de méthanisation, tant agricoles qu’industrielles. Une autre étude a porté sur la comparaison de la qualité des composts issus du traitement biologique des déchets fermentescibles (méthanisation ou compostage), selon qu’ils étaient collectés séparément ou triés en usine par TMB.

Ces études servent à l'amélioration de la maîtrise des risques accidentels et sanitaires des différents procédés de méthanisation, notamment grâce à l’expertise transversale des Directions des Risques Accidentels et des Risques Chroniques.

Parmi ces études, l'INERIS, dans le cadre de ses travaux d’appui aux pouvoirs publics, s'est intéressé : - au retour d’expérience (REX) sur les accidents/incidents susceptibles de se produire sur des installations de méthanisation, tant agricoles qu’industrielles, - à la qualité des composts produits à partir de la fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM), éventuellement après une phase de méthanisation, en vue des discussions conduites au niveau européen par le Centre commun de Recherches (JRC) à Séville, sur la sortie de statut de déchets des composts.

Retour d’expérience (REX) relatif aux procédés de méthanisation et à leur exploitation [1]

Un travail d’identification des bases de données a été mené par l’INERIS en 2011 afin de collecter un REX le plus complet possible relatif à l’activité méthanisation au niveau de différentes bases de données.

nationales et internationales (BARPI...).

Ce premier travail a permis notamment d’identifier un nombre significatif d’événements (accidents/incidents) dans des installations de méthanisation en Allemagne. Le réseau biogaz en France constitué depuis plusieurs années (Club Biogaz, Association AMORCE, Association METHEOR) a également été sollicité ainsi que les industriels concernés par la filière de la méthanisation. Nous avons complété les données collectées par le REX de deux exploitants français dont le SIAAP. Nous avons aussi axé la recherche sur l’Allemagne dans le secteur agricole où la méthanisation est la plus développée en Europe. Une synthèse a été rédigée sur la base d'une collecte de plusieurs dizaines d’incidents et d’accidents, collecte insuffisante cependant pour pouvoir réaliser une analyse quantitative et statistique de ces données.

Il a été difficile d’obtenir des informations publiques sur les causes et le déroulement des incidents, de même qu’auprès des différents acteurs de la filière biogaz en Allemagne.

La commission allemande pour la sécurité des installations de ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire constate dans son avis technique « Sécurité dans les installations de biogaz » en 2009 que les installations de méthanisation ont souvent des défaillances concernant la conception, la construction et l’exploitation. En outre, 80 % des installations contrôlées présentent des défauts importants. Les défauts les plus fréquents constatés concernent le domaine de la protection contre l’explosion, de la conception des composants et de la conception des sorties de secours et de sauvetage.

L’association « Fachagentur Nachwachsende Rohstoffe » (Agence pour les Ressources Renouvelables) publie dans un rapport en 2010 « Biogas Basisdaten Deutschland » (Biogaz - Données de base pour l’Allemagne) une probabilité d’occurrence de 1,2 incidents par 10 kWel/an. Cette valeur inclut tous les incidents techniques et est issue d'une étude réalisée sur 31 installations entre 2004 et 2005.

L’évaluation des incidents montre que les unités fonctionnelles telles que les centrales de cogénération, les systèmes d'injection des solides, pompes, tuyaux, vannes et agitateurs sont particulièrement vulnérables, ce qui implique des défaillances sur la sécurité du système (perte de confinement, fuites...).

De façon semi-quantitative et d'une manière générale, les procédés de méthanisation de la biomasse et des déchets génèrent différents risques accidentels notamment au cours des phases d’exploitation et/ou de maintenance. Les principaux phénomènes dangereux à considérer sont classés par ordre de priorité en termes de probabilité d’occurrence : les incendies, les explosions, l’émission imprévue de toxiques gazeux (H₂S). La mise en conformité avec la réglementation ATEX et la rédaction du Document Relatif à la Protection contre les Explosions (DRPCE) sont des moyens significatifs pour maîtriser de tels risques dans la filière méthanisation.

Un groupe de travail européen a été initié et piloté par EU-VRi et INERIS en 2011, sur le thème de la sécurité du biogaz et de la réglementation. Ce groupe de travail a pour objectif d’accompagner en 2012 le déploiement de la filière du biogaz en Europe de façon propre et sûre. Il pourra s’appuyer sur l'utilisation d’outils d’évaluation des risques développés dans le cadre du projet Européen INteg-Risk (Early Recognition, Monitoring and Integrated Management of Emerging, New Technology Related Risks) et adaptés à la filière de la méthanisation afin de :

  • - Identifier et caractériser les risques émergents liés au développement des procédés de production du biogaz en Europe,
  • - Sensibiliser les décideurs et les gestionnaires de risques à ces risques émergents,
  • - Fournir des documents de référence pour améliorer la sécurité des procédés mettant en œuvre du biogaz,
  • - Créer le partage du retour d’expérience au sein du réseau européen du biogaz,
  • - Contribuer à l’élaboration d’une stratégie européenne de gestion des risques émergents relatifs à la mise en œuvre du biogaz.

Étude comparative de la qualité de composts et de digestats issus de la fraction fermentescible d’ordures ménagères, collectée séparément ou en mélange [2]

Le traitement biologique de la fraction fermentescible des ordures ménagères croit rapidement en France. Il peut s’agir de traitement centralisé : installations industrielles de méthanisation ou de compostage, ou plus local (compostage de proximité, compostage domestique). Cependant, la fraction des matières fermentescibles traitées par ces filières ne représente qu'un tiers du gisement national : il y a donc une marge de progression importante.

En ce qui concerne le traitement centralisé de la matière organique, les collectivités ont le choix entre deux options :

  • - la collecte séparée des biodéchets, qui permet a priori de récupérer des matières moins contaminées et donc de produire un compost de bonne qualité,
  • - une collecte des déchets en mélange, moyennant des collectes sélectives de bonne qualité sur les emballages recyclables et les déchets toxiques dont les piles et les DEEE, plus un tri performant en usine, appelé tri mécano-biologique (TMB). Cette deuxième option permet quant à elle d’avoir accès à un gisement plus large mais implique des investissements importants et des coûts de traitement plus élevés. De plus, les qualités atteintes sont différentes selon les procédés TMB mis en œuvre.

La question de la qualité des composts en vue de leur retour au sol est primordiale pour garantir la pérennité des filières de traitement biologique des déchets ménagers. Des discussions sont en cours au niveau européen en vue de la sortie de statut de déchet pour les composts. Cette procédure est possible en France lorsque les composts sont conformes à la norme de qualité et de marquage NF U 44 051. Pour les discussions à venir au niveau de la Commission Européenne, un groupe d’experts est piloté par le Centre Européen de Recherches (JRC) de Séville, et une campagne d’analyses sur environ 160 échantillons de composts divers, issus de toute l'Europe, a été réalisée. Quarante-cinq sites français ont participé à cette campagne, dont une quinzaine de sites traitant la FFOM. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le courant de l’été 2012 [3].

Dans ce contexte, l’étude entreprise par INERIS visait à établir si les qualités de composts conformes à la norme NF U 44-051, élaborés à partir de biodéchets collectés sélectivement ou d’ordures ména-

gères résiduelles (OMR) triées en usine, étaient équivalentes. L'INERIS a donc mené une enquête afin de rassembler des résultats d’analyses de composts réalisées par les exploitants sur une période d'une à plusieurs années (selon la date de démarrage du site), auprès de 30 sites de méthanisation ou de compostage, 15 gérants des biodéchets collectés séparément, et 15 gérants des OMR. Cette enquête a permis de rassembler les résultats d’environ 390 analyses de composts selon l'ensemble des paramètres de la norme NF U 44-051, soit 150 analyses pour les biodéchets collectés séparément, et 240 analyses sur les OMR traitées par TMB. Ces paramètres sont les éléments traces métalliques (ETM), les composés traces organiques (CTO), les impuretés-inertes (fragments de verre, métaux, plastiques) et les pathogènes.

18 sites de méthanisation ou compostage sur biodéchets collectés séparément (sur 15) et 10 sites de méthanisation ou compostage sur fermentescibles triés mécaniquement (sur 15) ne présentent aucun dépassement des valeurs limites de la NF U 44-051 pour les ETM sur l’ensemble des données fournies. Les autres sites ne présentent qu'un ou deux dépassements, pour un seul élément métallique, sur l'ensemble des lots analysés par chaque site. Un seul site de TMB présente des dépassements sur plusieurs lots, ce qui a conduit ce site à compléter son procédé.

Pour les 3 composés traces organiques (CTO), il n'y a aucun dépassement des critères de la norme NF U 44-051, sur 257 analyses au total sur l'ensemble des sites. Pour les impuretés-inertes, il y a un peu plus de dépassements des valeurs limites de la norme que pour les ETM (une vingtaine répartie sur les trois paramètres), mais uniquement sur les composts de TMB. Aucun dépassement des valeurs limites pour les 3 paramètres inertes n’est relevé sur l'ensemble des composts issus de biodéchets collectés séparément.

Les moyennes globales en ETM, CTO et inertes sont significativement différentes entre les deux types de composts (d’après le test de Mann-Whitney) : les concentrations sont en moyenne plus élevées pour les ETM et les impuretés-inertes sur les composts de TMB, alors que pour les CTO les valeurs les plus élevées sont rencontrées sur des composts issus des biodéchets. Les composts issus de certains des sites de TMB présentent, pour l’ensemble des paramètres sauf les impuretés-inertes et le mercure, une qualité équivalente aux composts issus de la collecte séparée des biodéchets.

Dans le cadre des discussions sur la sortie de statut de déchet pour les composts, plusieurs points sont toujours en cours de discussions et ne font pas consensus malgré plusieurs réunions du groupe de travail. Il s’agit de l'exclusion de la sortie de statut de déchets au niveau européen pour les composts non issus de la collecte séparée des biodéchets (donc en particulier les composts issus du TMB), et de certaines des valeurs limites proposées par le JRC de Séville, en particulier le cuivre, le zinc et les impuretés-inertes. En ce qui concerne le cuivre et le zinc, les valeurs proposées sont pénalisantes pour nombre de composts dans différents pays, y compris certains composts de biodéchets ou des composts issus des effluents d’élevage. Les discussions se poursuivent sur ces paramètres. En ce qui concerne les impuretés-inertes, le JRC propose d'utiliser la valeur limite unique pour l'ensemble de ces éléments, définie en Allemagne et en Autriche, mais a préconisé d'utiliser la méthode française d’analyse. Or, la méthode française est très différente de la méthode utilisée en Allemagne, et de plus elle distingue trois paramètres (verre-métaux, films et polystyrène, autres plastiques). Comme il n'y a pas de méthode normalisée au niveau européen pour la détermination des impuretés-inertes, il serait nécessaire de fixer au niveau européen la méthodologie de détermination des impuretés et ensuite de proposer la valeur limite pour ce paramètre, en essayant préalablement d’avoir suffisamment de valeurs des différents États membres pour apprécier l'impact des seuils proposés avec la méthode de mesure définie.

Cette étude se poursuit actuellement, afin d’avoir une vision de l’influence des options technologiques des TMB sur la qualité des composts, et de l'impact des critères en cours de discussion au niveau européen sur l'ensemble de la filière du traitement biologique de la FFOM.

[Encart : Références bibliographiques Études réalisées par l'INERIS pour le MEDDE en 2011 et en 2012 [4] Retour d'expérience relatif aux procédés de méthanisation et à leur exploitation (INERIS DRA12-117442.01013A). [2] Étude comparative de la qualité de composts et de digestats issus de la fraction fermentescible d'ordures ménagères, collectée séparément ou en mélange (INERIS-DRC-12-125976-025258). Autres études de références [3] End-of-waste criteria on biodegradable waste subject to biological treatment (Third working document, August 2012, JRC-IPTS Seville, Spain).]
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