« Au commencement était l’eau, par la suite vint l’homo sapiens, puis vinrent les boues, puis les pompes… À l’instar des Shaddocks, l’homo sapiens pompait des boues puis nettoyait l’épais tapis insalubre généré par la fuite de son presse-étoupe. Il le maudissait, mais il pompait encore et nettoyait la nouvelle mare malodorante en maugréant sur ses tresses. Il pompait de nouveau jusqu’à rupture de l’arbre de sa pompe, puis vint la cartouche d’étanchéité pour produits chargés… »
Le presse-étoupe
Le presse-étoupe (figure 1) est la forme primitive des dispositifs d’étanchéité dynamique pour arbres rotatifs. De nos jours, il représente une technologie du « pas cher à l’achat », mais les désagréments liés à son utilisation sont nombreux et beaucoup plus coûteux, à la longue, qu’une étanchéité moderne assurée par une garniture mécanique :
• nécessité de procéder à des resserrages fréquents du fouloir,
• consommation énergétique très importante, et fonction des resserrages successifs,
• fuite obligatoire afin d’assurer la lubrification des tresses.
À ces inconvénients « standards » bien connus des utilisateurs, vient s’ajouter un inconvénient majeur dans le cas de produits chargés en particules solides : l’ensemble tresses/particules constitue une véritable meule qui aura raison des revêtements les plus durs déposés en prévention sur la partie frottante des tresses, cette abrasion pouvant aller jusqu’au sectionnement de la chemise, voire de l’arbre.
La garniture mécanique
Aspect mécanique
La version la plus rudimentaire d’une garniture mécanique (figure 2) se compose de deux faces en frottement, l’une fixe (le grain), l’autre mobile (la coupelle), entraînée en rotation par l’arbre au moyen d’un ressort, lequel assure également la poussée de fermeture. L’étanchéité est assurée par la formation d’un film liquide entre les faces, d’une épaisseur de quelques microns.
[Photo : Implantation FFET. Société des Eaux de Marseille (Photo M.G. Aquaviva).]
La garniture mécanique constitue la solution idéale pour assurer une étanchéité parfaite entre deux opérations de maintenance sur une pompe. Bien que son coût d’investissement soit supérieur (40 à 50 % de plus qu’un ensemble à tresse), elle présente, par rapport au presse-étoupe, comme on le verra plus loin, les avantages suivants :
• réduction par six des frais de maintenance et de surveillance,
• fuite négligeable,
• consommation d’énergie très faible et stable,
• durée de vie très supérieure,
• aucune destruction de l’environnement où elle est installée,
• possibilité de réutilisation après rénovation.
Aspect thermique
L’une des difficultés posées par l’utilisation des garnitures mécaniques est le maintien du film lubrifiant entre les faces de friction, une grande partie de l’énergie de frottement se transformant en chaleur. La température du film peut alors dépasser le point d’ébullition et détériorer rapidement les frictions, par le phénomène de micro-vaporisations.
Chaque produit pompé à chaque pression bout à une température donnée (l’eau bout à 100 °C à 1 bar et à 80 °C au sommet du Mont Blanc). L’ensemble des températures d’ébullition, en fonction de la pression, définit la courbe de tension-vapeur d’un produit (figure 3). Cette courbe délimite les phases liquide/vapeur.
Pour ce qui est de la garniture mécanique, les paramètres influant sur la
[Photo : Étanchéité par tresses.]
Quantité de chaleur dégagée aux faces (diamètre de garniture, pression aux faces, coefficient de frottement, vitesse de rotation) sont quasiment figés. Les calories apportées par le frottement élèvent la température du film lubrifiant, de la température de pompage, à une valeur qui doit impérativement se situer en dessous de la température d’ébullition du produit pompé à la pression à étancher, afin d'éviter la vaporisation du film. Cette élévation de température maximale est indiquée sur la courbe de tension-vapeur (figure 3). Dans le cas où il y aurait risque de vaporisation, la garniture mécanique doit être exploitée de façon à évacuer une partie des calories générées. Ce peut être une circulation du produit pompé vers la garniture, une injection de produit en provenance d’une source extérieure ou la mise en place d’un réfrigérant.
Les constructeurs doivent préciser les conditions d'exploitation des garnitures sélectionnées. Ils disposent dorénavant de logiciels de calcul par éléments finis qui permettent de matérialiser les isothermes au niveau des faces (figure 4) et donc de définir, avec précision, les exploitations nécessaires au bon fonctionnement de leur matériel.
Aspect hydraulique
La pression aux faces de friction est un paramètre important pour le maintien du film lubrifiant (ainsi que pour la résistance mécanique des matériaux en frottement).
Initialement, le ressort assure la poussée de fermeture. Dès la mise en pression, c’est l’effet de piston hydraulique qui génère l’effort de fermeture aux faces. On appelle « compensation hydraulique » la relation existant entre la pression à étancher et la pression aux faces. Dans le cas d’une garniture non compensée, la pression aux faces est supérieure ou égale à la pression à étancher. La compensation hydraulique est de minimum 100 %. En ajustant les diamètres soumis à la pression, on peut obtenir (c’est le cas des garnitures compensées) une pression aux faces inférieure à la pression à étancher (compensation inférieure à 100 %), ce qui nécessite l’utilisation d’une chemise épaulée (figure 5).
[Photo : Garniture mécanique simple non compensée (type U2FR).]
Sélection
Les garnitures mécaniques sont sélectionnées en fonction des conditions de pression, de température et de la nature des produits à étancher. Une bonne connaissance des caractéristiques de fonctionnement de la pompe assure une définition d’étanchéité adaptée à chaque cas. Du fait de l’utilisation de logiciels de calcul performants, de matériaux nouveaux extrêmement durs comme le carbure de silicium, les garnitures mécaniques atteignent des durées de vie couramment supérieures à 30 000 heures. Cependant, les conceptions varient en fonction de la nature des produits à étancher et la conception basique précédente serait inefficace sur produits chargés, notamment pour les raisons suivantes :
— blocage de la coupelle par colmatage du jeu entre coupelle et arbre par des matières solides ;
— blocage de la coupelle par dépôt de matière provenant de la consommation de film lubrifiant (ordre de grandeur : quelques cm³/semaine) au devant de la partie frottante du joint de coupelle ;
— colmatage du ressort et perte de la poussée de fermeture requise ;
— obstruction de tuyauterie de circulation de produit, si elle est utilisée pour évacuer les calories générées par le frottement des faces.
Ces causes d’avaries sont toutes éliminées par une disposition en montage inverse. L’ensemble peut être compact, préréglé en usine, souple d’utilisation : c’est la cartouche d’étanchéité pour produits chargés.
[Photo : Courbe de tension vapeur.]
[Photo : Isothermes d’une garniture mécanique du type FFET.]
Taux de compensation (B1) = X' 100
[Photo : Compensation d'une garniture mécanique.]
La garniture mécanique
Cartouche pour produits chargés
Si le principe de base de l’étanchéité reste le frottement de deux faces de friction, le montage inverse (figure 6) est la solution aux problèmes décrits précédemment : la coupelle n'est plus assujettie au coulissement mais reste fixe par rapport à l'arbre ; c'est le grain qui assure la fermeture de l'ensemble. Poussé par un ressort statique se trouvant à l'extérieur du produit, il ne présente qu'un mouvement de translation. Le ressort ainsi que la portée du joint de grain coulissant ne sont jamais en contact avec le produit, ce qui évite tout risque de colmatage.
Dans le cas des produits clairs, le couple de friction le plus couramment utilisé est carbure de silicium contre carbone. En présence de particules solides, le carbone subirait une abrasion rapide, ce qui impose un couple de frictions dures, généralement carbure de silicium contre carbure de tungstène. Ce couple présente l'avantage de résister à l'abrasion. Néanmoins, l'échauffement aux faces sera plus important et il faudra, suivant le cas, évacuer les calories par une circulation de produit.
Sur le couvercle (chapeau) de la garniture sont prévus des orifices d'injection offrant deux possibilités (figure 6) :
- un orifice D permet d'injecter, à l'arrière de la garniture, de l'eau claire à faible pression (0,2/0,3 bar). Son rôle est d'évacuer des calories ainsi que la consommation de film lubrifiant, assurant ainsi la propreté du ressort et de la portée du joint de grain coulissant. Cette eau est récupérée à la sortie par l'orifice B ;
- en fonction de la concentration de solides et de la quantité de chaleur à évacuer, on peut être amené également à faire circuler le produit pompé ou à injecter de l'eau par l'orifice F, à une pression supérieure à celle du produit à étancher. Cette exploitation permet l'évacuation de calories et/ou assure un environnement de moindre concentration au niveau des faces.
[Photo : Garniture mécanique - cartouche (type FFET).]
La compensation hydraulique est de 67 % en fabrication standard, assurant une pression de fermeture inférieure à la pression à étancher, et donc un dégagement de calories faible.
Enfin, contrairement à la version de base, le montage du type cartouche ne nécessite aucun réglage, la compression du ressort étant préréglée en usine. Sa mise en place est simple et rapide, sans aucun risque d'erreurs. Dans la plupart des cas, en remplacement d'un presse-étoupe, la cartouche se monte en lieu et place sans aucune modification sur le corps de pompe. Ce montage et une exploitation adaptée aux conditions de service de l'équipement assurent un fonctionnement « zéro fuite » de longue durée.
Conclusion
Les contraintes modernes de maintenance existant sur les sites industriels imposent l'utilisation de technologies fiables et, en ce qui concerne l'étanchéité des pompes, les garnitures mécaniques apportent des solutions efficaces et largement éprouvées. Le maintien de technologies dépassées, comme le presse-étoupe, engendre des coûts globaux d'exploitation très supérieurs au prix d'achat d'une garniture mécanique. Les progrès réalisés dans ce domaine avec de nouveaux matériaux, des logiciels de calcul puissants, des montages compacts adaptés, font que leur utilisation n'est plus une affaire de spécialistes.