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Collecter et traiter les graisses pour mieux épurer l'eau

30 juillet 2007 Paru dans le N°303 à la page 63 ( mots)
Rédigé par : Sahra CEPIA

La collecte à la source des graisses améliore l'efficacité de l'évacuation des eaux usées jusqu'aux stations de traitement ainsi que leur épuration. Reste ensuite à valoriser les déchets graisseux qui ne sont plus autorisés à la mise en décharge.

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Réalisé par , Technoscope

Les matières grasses (matières lipidiques ou graisses) dans les eaux usées posent un certain nombre de problèmes. Ce qui nécessite de les éliminer afin de rendre opérationnelles et efficaces toutes les étapes nécessaires à l’épuration (notamment les étapes de traitement biologique) et d’atteindre en sortie des eaux respectant les normes de rejets (notamment en termes de demande en oxygène, de DCO) et des boues respectant les normes d’épandage (Décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997). En effet, le caractère “pâteux” des graisses lié à leur solidification à température ambiante associée au fait qu’elles soient insolubles, font qu’elles présentent un risque de colmatage des canalisations. Leur présence occasionne des nuisances olfactives. Elles favorisent la croissance de micro-organismes filamenteux (mousses brunes visqueuses) qui ralentissent la décantation des boues. Et surtout, elles créent un film lipidique qui

[Photo : En 2006, la station de dépollution Bernard Cholin (300.000 eq/hab) située à Bonneuil en France (Val d’Oise) équipée de 4 Aéroflott de R&O Dépollution par bassin a extrait 55 tonnes de déchets graisseux.]

diminue les transferts entre l’eau et l’air ambiant, entre l’eau et le floc des bassins d’aération, ce qui en réduit considérablement les performances. « Un litre d’huile suffit à recouvrir 100 mètres carrés d’eau d’une fine particule lipidique qui l’empêche de respirer », souligne Wilfried Martin, PDG de Sud-Recup, une entreprise de récupération et de valorisation des huiles alimentaires usagées. Selon le Cemagref, les graisses représentent près de 38 % de la DCO, de la pollution organique, des eaux brutes en entrée de station d’épuration : 1 mg de lipides équivaut à 2,3 mg de DCO. Pour toutes ces raisons, tout est fait pour diminuer la présence des graisses dans les eaux brutes, y compris leur collecte séparée à la source (cf. encadré). C’est pourquoi l’élimination des graisses fait partie des toutes premières étapes de pré-traitement dans les stations d’épuration. Ceci s’opère lors de l’étape dite de dessablage-dégraissage-déshuilage. Leur faible densité et leur caractère hydrophobe font que les graisses flottent en surface. Le dégraisseur peut être aéré par de fines bulles qui accélèrent la montée en surface des particules lipidiques. Là, un racleur les évacue vers un bac de stockage selon le principe de l’écumage. Les graisses adsorbées par les matières en suspension (MES) sont évacuées en même temps qu’elles, par le fond de l’ouvrage où elles décantent. Selon le Cemagref, cette étape de pré-traitement permet d’éliminer 20 % de la DCO liée à la présence des graisses dans les eaux brutes en entrée de station d’épuration.

Le dégraisseur dynamique R&O Dépollution est par exemple conçu pour le pré-traitement des eaux usées urbaines et industrielles avant un traitement principal ou un raccordement au réseau E.U. Après relevage et tamisage éventuel, les eaux brutes sont amenées dans le dégraisseur dynamique aéré. Les fines bulles produites par l’Aéroflott (dont 60 % ont une taille inférieure à 200 µm) mettent en flottation les particules de graisses qui sont collectées en surface au moyen d’un racleur diamétral automatique. Europelec propose également un dégraisseur aéré permettant aux huiles et graisses, moins denses que l’eau, de remonter à la surface. Pour accélérer le processus, un aérateur placé au centre de la jupe diffuse une multitude de fines bulles qui entraînent en surface les particules grasses ou huileuses. Un racleur de surface les dirige alors, avant leur solidification, vers une trémie de récupération et d’extraction des flottants qui les entraîne à l’extérieur de l’ouvrage. Serinol fabrique de son côté des ensembles intégrés de pré-traitement pouvant comporter à la fois le tamis et son compacteur placés directement sur le flottateur ou le dégraisseur.

Pour un abattement plus important, R&O Dépollution propose un flottateur dans lequel les eaux usées sont envoyées. Des fines bulles d’air sont injectées sous pression dans le milieu liquide. Ces microbulles (20 à 50 µm) s’agglomèrent aux particules de graisses et forment des micelles « bulles-particules » plus légères que l’eau. Elles remontent alors à la surface et forment une écume.

[Encart : Traitement des graisses en SBR : un avenir prometteur Le procédé Sequencing Batch Reactor (SBR) est un procédé à boues activées par alimentation séquentielle de l’effluent à traiter, bien adapté aux effluents concentrés. C’est donc très logiquement qu’il a trouvé ses premières applications dans la dépollution d’effluents d’origine agro-alimentaire : effluents viticoles, eaux blanches et lactosérums, traitement des effluents d’abattoirs et d’ateliers de conserverie. Mais, outre une diversification vers le traitement des effluents urbains pour des unités n’excédant pas 2 000 EH, de nouvelles applications apparaissent dans le domaine du traitement des graisses. Ainsi, les Ateliers d’Occitanie mènent, en collaboration avec l’INRA de Narbonne, une expérimentation sur une installation mise en service en 2006, encore en phase test, qui permet de traiter avec succès, et sans dégraisseur préalable, les effluents d’abattoirs de canards gras et d’ateliers de transformation.]
[Encart : Collecter les graisses à la source, une nécessité Les établissements de restauration et des métiers de bouche sont de gros producteurs de graisses. De ce fait, il leur est fortement conseillé de se doter des moyens d’organiser la collecte de ces matières à la source, qu’il s’agisse des huiles alimentaires usagées ou des graisses retenues dans les bacs à graisses. Lors de la délivrance d’une autorisation de déversement d’effluents dans le réseau collectif, nombreuses sont les collectivités à imposer que l’établissement de restauration mette en place un bac à graisses. Le règlement d’assainissement de la ville de Paris, par exemple, prévoit la mise en place d’un débourbeur-séparateur à graisses pour les activités de restauration, mais seuls 20 % des restaurants en sont effectivement équipés selon la Chambre de Commerce et d’Industrie de la ville. Les bacs à graisses (conçus selon la norme NF EN 1825-1, dimensionnés selon la norme NF EN 1825-2) se positionnent entre l’évacuation des eaux sales (de cuisine, de lavage, de rinçage…) et le point d’évacuation des eaux usées vers le réseau d’assainissement collectif. Ils ont pour fonction de recueillir au fond les matières lourdes en décantation et de laisser s’agglomérer en surface les matières graisseuses. Pour garder un maximum d’efficacité, le bac à graisses doit être régulièrement vidangé et curé. De même que la collecte des huiles alimentaires usagées, la collecte de ces déchets graisseux peut faire l’objet d’aides, variables selon les collectivités et les agences de l’eau.]
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Cette technique permet dans certains cas des abattements de plus de 90 % sur les graisses non dissoutes, 65 % sur la DCO et 90 % sur les matières en suspension. Serinol fabrique également des flottateurs à air dissous cylindriques (Flot CY) et rectangulaires (Flot T). Le flottateur Flot T est un séparateur longitudinal à débit traversier. Des microbulles d’air viennent adhérer sur une particule ou un floc pour former un ensemble plus léger que l'eau, donc flottant. Une unité de pressurisation spécialement adaptée permet la dissolution de l'air puis la production de ces microbulles lors de la phase de détente. La taille des microbulles produites, entre 30 à 50 microns, assure une bonne flottabilité des matières à séparer, ce qui conditionne le rendement de l'appareil. Hydranet, Purostar, KWI France ou encore Biotrade proposent des équipements permettant d'obtenir des performances constantes et fiables, quelles que soient les conditions de fonctionnement.

KWI est ainsi spécialisée dans la fabrication de flottateurs, dont la gamme permet de faire face à la plupart des cas de figure : flottateurs rectangulaires, circulaires, à grande hauteur d'eau et à faible hauteur d’eau, avec des râcles, des écopes, des purges manuelles ou automatiques, avec des déversoirs ou par contrôle de niveau. Dédié aux cas les plus simples, le Stop-Graisses est un dégraisseur raclé équipé d'un système de pressurisation normalement commercialisé avec les flottateurs. Ceci permet d’obtenir un dégraisseur nettement amélioré par la qualité de l'eau pressurisée qui permet l’obtention de bulles beaucoup plus fines que par les aérateurs traditionnels. Les meilleurs résultats en dégraissage sont cependant obtenus avec les flottateurs de type Unicell qui permettent, grâce à leur système dissocié de raclage et d'extraction des graisses, d’obtenir une siccité des graisses optimale.

Pour les cas particuliers d’eau faiblement chargée en graisses, KWI propose le Megacell, un flottateur particulier doté d’un brevet spécifique qui permet un dimensionnement à des vitesses de l'ordre de 20 m/h contre les 5 m/h généralement retenus pour ce type d’application.

Les déchets graisseux

Cette étape de prétraitement génère des résidus appelés déchets graisseux, qui contiennent de 70 à 90 % d’eau. Comme le sont les résidus des étapes de traitement et prétraitement des effluents industriels (notamment de l'industrie agroalimentaire), les matières de vidange des bacs à graisse des restaurateurs et celles des fosses septiques. Selon le Cemagref, la collecte de déchets graisseux est estimée de 300 000 à 450 000 m³ chaque année en France (données 2001). 23 % proviennent du dégraissage des stations d’épuration, 29 % du traitement des effluents industriels, 32 % des bacs à graisse des restaurateurs et 16 % de l'assainissement non collectif.

Un déchet graisseux se compose de matière organique biodégradable (essentiellement des corps gras), de matière organique non biodégradable (débris divers), de matières dissoutes, d’eau et d'autres polluants (hydrocarbures, métaux lourds...). En sortie d'un dégraisseur, par exemple, les déchets graisseux contiennent en général une teneur en DCO de près de 180 g/L, dont 85 % sont dus aux lipides. Pour quantifier précisément la nature graisseuse du déchet, il faut dissoudre le déchet dans un solvant (hexane ou chloroforme). La solution est ensuite chauffée, afin de provoquer l’évaporation de l'eau et du solvant et d’en extraire la matière sèche. La mesure du poids de celle-ci permet d’en déduire la concentration dans la solution initiale. La quantité de graisse d'un déchet graisseux s’exprime ainsi en SEH (Substances extractibles à l’hexane), en SEC (Substances extractibles au chloroforme) ou en MEH (Matières extractibles à l’hexane). « La principale difficulté de cette opération est de trouver l’échantillon représentatif », souligne Michel Forgeot, directeur commer-

[Encart : Bioceval traite ses graisses en interne L’entreprise Bioceval de collecte et de valorisation des déchets issus de l'agroalimentaire du poisson, située à Concarneau, valorise ses déchets de poissons en huiles et en farine animale. Elle dispose en interne d’une station d’épuration avec dégrilleur statique suivi d'un flottateur avec insufflation d’eaux pressurisées et raclage. La graisse libre est récupérée en caisson capoté puis acheminée dans des usines d’équarrissage (groupe Saria). Là, elle est intégrée à la matière première de catégorie C1 (déchets non valorisables, à risque) et déshydratée à 130 °C. L’eau issue de la déshydratation est traitée sur place. La fraction solide ou farine est envoyée vers les cimenteries pour servir de combustible. « Dans l’entreprise, le gisement est suffisamment faible pour nous permettre de traiter les eaux graisseuses en interne », explique Alexandre Mollard, responsable environnement de Bioceval. Ces eaux graisseuses issues du flottateur sont pompées jusqu’à un bassin tampon dans lequel les rejoignent les condensats (issus de la vapeur d'eau) de l'usine de fabrication d’huile de poisson. Ce mélange est aéré, puis pompé jusqu’à un bassin biologique. Celui-ci dispose d'une zone d’anoxie (pour la dénitrification), d'une zone aérobie (pour la nitrification) et assure le traitement de la DCO. De telle sorte que les effluents rejetés dans l'environnement respectent les autorisations préfectorales.]
[Photo : Europelec propose un dégraisseur aéré permettant aux huiles et graisses, moins denses que l’eau, de remonter à la surface. Pour accélérer le processus, un aérateur placé au centre de la cuve diffuse une multitude de fines bulles qui entraînent en surface les particules grasses ou huileuses. Un racleur de surface les dirige vers une trémie de récupération et d’extraction des flottants qui les entraîne à l’extérieur de l’ouvrage.]
[Photo : Serinol fabrique des ensembles intégrés de prétraitement pouvant comporter à la fois le tamis et son compacteur placés directement sur le flottateur ou le dégraisseur.]

Stockés dans une installation classée pour la protection de l’environnement. « Théoriquement, les déchets graisseux issus des dégraisseurs ne doivent pas être mélangés aux boues de STEP, car cela crée un produit très fermentescible qui ne respecte plus les normes d’épandage », souligne Yohann Meneau, ingénieur du Service d’assistance technique et d’étude aux stations d’épuration (Satese) de Cergy-Pontoise. De ce fait, les stations d’épuration dépourvues de dispositifs de traitement des déchets graisseux se doivent d’organiser le déstockage des dégraisseurs, ainsi que la collecte et le traitement des déchets graisseux par une société qu’elles paient pour ce service.

En 2006, la station de dépollution Bernard Cholin (300 000 eq/hab) située à Bonneuil en France (Val-d’Oise) a extrait 55 tonnes de déchets graisseux. Ces déchets proviennent des eaux usées des 35 communes qui relèvent du Syndicat Intercommunal pour l’aménagement Hydraulique (SIH) des vallées du Croult et du Petit Rosne. Stockés dans des bennes, ils ont été collectés pour être traités par la société Ecopur (Groupe Veolia Eau).

[Photo : Le bioréacteur Carbofil, développé en 1997, est basé sur la loi de Henry, qui définit la solubilité d’un gaz dans un liquide. Il est capable de traiter 4,5 kg de matière grasse par mètre cube et par jour.]

Traiter les déchets graisseux

La société Ecopur traite une grande partie des déchets graisseux issus des petites stations d’épuration d’Île-de-France, auxquels s’ajoutent les déchets graisseux issus de bacs à graisse et d’industries agroalimentaires. Et ce, sur une grande partie du territoire, étant donné qu’elle dispose de quatre unités de traitement situées à Ecquevilly (Yvelines), à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), au Petit-Quevilly (Normandie) et Maubourguet (Hautes-Pyrénées). « L’idée est de produire un combustible à haut pouvoir calorifique et de qualité constante, le Lipofit®, considéré non comme un déchet mais comme de la biomasse et utilisable dans les chaudières industrielles », explique Christophe Goubet, directeur commercial de Carbofil, l’entreprise détentrice du brevet du bioréacteur Carbofil.

Les déchets graisseux sont soumis à la réglementation sur les déchets assimilés à des ordures ménagères, qui n’autorise le stockage en centre d’enfouissement technique de classe II que des déchets ultimes depuis le 1er juillet 2002. Depuis cette date, leur dépôt définitif est limité, étant donné qu’ils sont valorisables. Leur nature fortement fermentescible oblige à ce qu’ils soient traités.

[Encart : Un biodigesteur forte charge avec bioréacteur intégré Le procédé EuroBio repose sur un biodigesteur forte charge (jusqu’à 10 kg MEH/m³/j) particulier avec bioréacteur intégré possédant les caractéristiques suivantes : – un système autonome et indépendant de production de bactéries lipasiques (bioréacteur) directement plongé dans le bassin d’oxydation (biodigesteur) : la culture bactérienne, sélectionnée pour sa capacité à sécréter des lipases en grande quantité, utilise les acides gras à longue chaîne comme seule source de carbone et, de caractère thermophile, est cultivée en culture continue dans le bioréacteur par une alimentation sélective (source de carbone de type triacylglycérol). Comme le bioréacteur est directement plongé dans le biodigesteur, les conditions de température sont très voisines de celles mesurées dans le biodigesteur (45-50 °C) ; la régulation de température des souches bactériennes se fait donc naturellement sans apport d’énergie supplémentaire par l’action exothermique qu’elles génèrent au cours de la biodigestion. D’autre part, et c’est l’intérêt majeur, les bactéries lipasiques cultivées dans le bioréacteur ne subiront donc aucun choc thermique et seront immédiatement opérationnelles. La mise en œuvre de ce bioréacteur évite l’installation d’un bassin d’hydrolyse dont on connaît certains aspects négatifs. Grâce à la culture bactérienne lipasique (et son équipement enzymatique) produite et directement injectée dans le biodigesteur, l’hydrolyse y sera immédiatement réalisée sans modification importante du pH puisque les acides gras seront dégradés en temps réel sans accumulation comme cela pouvait être le cas avec un bassin d’hydrolyse. Des conditions stables de température et de pH assurent alors des rendements plus poussés sur l’activité biologique. – système d’oxygénation par turbine équipé d’un cône d’aspiration permettant, d’une part, de canaliser l’air (donc l’oxygène) capté à l’extérieur dans l’ensemble du bassin et, d’autre part, de maîtriser le niveau de mousse à un niveau parfaitement constant malgré une aération permanente : l’aération du biodigesteur est réalisée en permanence 24 h/24 par une turbine (type roue à aubes) qui propulse la liqueur mixte oxygénée sur les parois du bassin. La mousse produite par la puissance importante de l’agitation et les composés intermédiaires de biodégradation est alors reprise en permanence par le cône d’aspiration dont la base est placée au-dessus du niveau du liquide au repos.]

chaudières ou les fours industriels » explique Fabrice Lefebvre, Directeur d'Ecopur.

Le Lipofit® est produit par le procédé Lipoval®, à partir des matières grasses récupérables, ce qui représente 5 à 25 % du tonnage entrant. Ce procédé a été breveté en 1994 et développé par le Centre de recherche et d'essai pour l'environnement et le déchet et Ecopur. Les déchets graisseux sont d’abord filtrés pour en extraire les refus (moins de 1 % du tonnage entrant) qui sont envoyés en CSD de classe II. L’effluent est ensuite chauffé puis centrifugé pour être séparé en trois phases : solide, aqueuse et grasse. La matière organique lourde (fécules, ...) est extraite sous forme de sédiments déshydratés qui font l’objet d’une valorisation (sous forme de compostage ou d’épandage agronomique) ou d'un enfouissement en CSD de classe II quand cette valorisation n’existe pas localement.

La fraction grasse est valorisée en Lipofit®. « Dans l'unité d'Ecquevilly, une partie du Lipofit® sert à alimenter la chaudière pour le chauffage nécessaire au process, tandis que dans toutes les unités, l'eau préépurée, l'eau claire, assure les besoins en eau du process (l’excédent étant éliminé dans le réseau d’épuration) », précise Fabrice Lefebvre.

En France, les déchets graisseux sont traités selon quatre principaux modes de traitement. L’hydrolyse consiste à casser les longues chaînes lipidiques carbonées. Les procédés physicochimiques visent la séparation des fractions liquide et solide, avec mise en CSD de classe II de la fraction solide. Les systèmes chimiques visent le compostage ou la méthanisation. En effet, par un traitement anaérobie, les déchets graisseux produisent de grande quantité de méthane. Et enfin, le plus courant des traitements : le traitement biologique en aérobie. Les principaux procédés existants sont le Biolix développé par Veolia Eau Solutions & Technologies, le Biomaster G développé par Lyonnaise des Eaux, le Lipocycle et le Lipoflux développés par Saur. Auxquels s'ajoutent le bioréacteur Carbofil, développé en 1997, capable de traiter 4,5 kg de matière grasse par mètre cube et par jour, contre 1,5 kg MG/m³/j pour les premiers systèmes. Ce procédé est basé sur la loi de Henry, qui définit la solubilité d'un gaz dans un liquide (et précise que plus la pression du liquide est grande, plus la quantité de gaz dissout est grande) et la loi de surface qui précise que la surface de contact des bulles est d’autant plus grande que leur taille est petite. « L’idée est de casser les molécules graisseuses pour les rendre digestibles par les bactéries, selon le principe de l’hydrolyse, puis de les oxyder pour détruire la pollution carbonée » indique Michel Forgeot. Les déchets graisseux sont mis dans une cuve de grande profondeur avec au centre, une “cheminée” avec hélice et coupole, afin de créer un mouvement d'eau du bas vers le haut et un déversoir qui crée une chute d'eau et fait rentrer de l'air. « Ainsi, les mousses de surface sont cassées en permanence, l’oxygène se mélange dans le réacteur et les bulles d’air sont mises sous pression », poursuit Michel Forgeot. De la pression atmosphérique, elles arrivent à 0,5 bar à 7 mètres de profondeur. 90 % de la quantité d’air introduite dans la cuve provient de la chute d'eau et 10 % est injecté par une soufflante. L'injection d’air augmente la vitesse de pompage. Et la cheminée constitue un obstacle statique transformant les grosses bulles en microbulles. Le bioréacteur nécessite un démarrage par ajout progressif de déchets graisseux pendant un mois et demi. Et l’ensemble du procédé génère de la chaleur qui pourrait servir dans

[Encart : texte : Depuis vingt ans, la société Sud Recup’ (3,9 millions d'euros de CA), basée à proximité de Toulouse, récupère les huiles alimentaires usagées auprès des restaurateurs pour les valoriser en biodiesel. Elle dispose de neuf centres de regroupement répartis à travers la France, et sous-traite à Genedis Environnement pour le nord du territoire français. « Notre prestation coûte en moyenne moins de 0,23 €/kg traité », explique Wilfried Martin, directeur de Sud Récupération. Le service s’opère par abonnement, avec une collecte à fréquence fixe, autant de fois que nécessaire dans l’année pouvant aller de une fois par semaine à une fois par an. Selon les clients, les quantités collectées chaque année varient de 25 litres à 25 tonnes. Des contenants à ouverture totale sont installés en amont du bac à graisse, et de fait, des canalisations d’eaux usées municipales. Les déchets graisseux figés (car constitués à 70 % d'huile de palme dite Végétaline) arrivent à l’usine de Muret (31) en fat. Les déchets entrants sont chauffés, puis subissent une filtration de gros diamètre (pour l’élimination des plastiques, cartons et autres déchets organiques...) suivie d’une filtration à 250 microns. « Cette filtration permet d’arriver à un niveau de finition par rapport au produit entrant de l'ordre de 70 % de matière valorisable », souligne Wilfried Martin. Le reste est constitué de déchets organiques (10 %) et d’eau usagée (20 %) très polluée de 70 à 180 g/L de DCO. La limite de déversement dans le réseau des eaux usées municipales étant de 2 g/L de DCO, cette eau nécessite un traitement particulier. Sud Récupération en génère environ 1300 tonnes par an. « Pour l’heure, nous externalisons cette opération, souligne Wilfried Martin. Mais dans un avenir proche, nous envisageons de les traiter en interne, ce qui nécessite un investissement considérable, comme l’a nécessité la mise aux normes ICPE (4,3 millions d'euros) ». La matière valorisable est transformable en biodiesel. La France ne disposant pas encore d'installations capables de produire ce biocarburant, les huiles revalorisées ici partent pour l’instant chez EcoMotion ou Vital, en Allemagne.]
[Photo : Le traitement biologique des eaux résiduaires nécessite l’aération des boues activées. Or, la présence des tensioactifs et des graisses risque de limiter le transfert de l’oxygène dans ces boues. Bien dimensionner l’aération nécessite non seulement de prendre en compte les paramètres de conception, mais aussi les paramètres liés au fonctionnement du bassin comme la teneur en graisses.]

La méthanisation des graisses :

une filière mature

La méthanisation est un procédé biologique naturel de fermentation anaérobie, qui transforme la matière organique instable en matière organique stable et en biogaz (2/3 de méthane, 1/3 de gaz carbonique environ). La matière organique étant stabilisée, ne produit plus de nuisance olfactive et est valorisable en agriculture sous la forme d’un compost.

Les matières grasses sont méthanisables et sont entièrement dégradées par le process. Elles ne produisent que du biogaz et de l'eau. Cette dégradation ne demande pas d’énergie comme les autres technologies de destruction des graisses, mais au contraire elle produit une énergie renouvelable (le biogaz) qui peut ensuite être valorisé par cogénération en électricité et chaleur. Un autre avantage de la méthanisation est qu'elle dégrade toutes les graisses qu’elles soient solides, liquides ou pâteuses, et quelle que soit la concentration et le taux de matière sèche.

Mais la méthanisation se fait en plusieurs phases, dont une étape d’hydrolyse qui, dans le cas des graisses, est très rapide et brutale. Elle entraîne la production d’acides gras et cette acidification peut entraîner des inhibitions. Les graisses ne peuvent donc être qu'un complément dans un méthaniseur, et leur ajout doit être suivi, contrôlé et maîtrisé précisément.

La méthanisation de graisses en codigestion avec des déchets organiques est une filière mature et très développée en Europe du Nord. Ce mode de traitement est pérenne, respectueux de l’environnement car il permet de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre provenant des déchets organiques. C'est une filière de traitement mise en avant et préconisée par l’Union européenne dans toutes les dernières directives et arrêtés.

BIO-NRJ est par exemple porteur de plusieurs projets de sites de traitement de déchets par méthanisation dont le site FERTINRJ de Noyon en Picardie. Ce site, en construction, va traiter dès le début 2008 divers déchets organiques dont des graisses et des boues de station d’épuration. Ce site sera équipé pour traiter des déchets solides, pâteux et liquides. L'investissement de 6,1 millions d’€ va permettre de traiter et de valoriser 38 000 tonnes de déchets. Ils produiront 24 h/24, 365 jours/an, une puissance électrique de 1,3 MW. L’électricité d'origine renouvelable, équivalente à 3 éoliennes, correspond aux besoins de 9 000 habitants. Cette électricité produite à partir des déchets permet d’offrir des prix de traitement de ces déchets compétitifs par rapport aux autres filières.

des pompes à chaleur. « Ce système peu énergivore est bien adapté aux grosses quantités de déchets graisseux à traiter », souligne Michel Forgeot.

La société Mundetis Environnement propose, quant à elle, une station d’assainissement autonome compacte à culture bactérienne fixée, adaptée au semi-collectif d’au plus six équivalent-habitants. Les bactéries ensemencées dans des tubes digèrent les graisses. Actuellement, ce système est en expérimentation pour le traitement des déchets graisseux issus des eaux blanches d'une exploitation agricole productrice de fromage. La diversité des offres en systèmes de traitement des déchets graisseux renforce la nécessité de collecter les graisses à la source, avant qu’elles ne rejoignent les eaux usées jusqu’aux stations d’épuration.

Pour en savoir plus : « Performances des systèmes de traitement biologique aérobie des graisses », par Jean-Pierre Canler du Cemagref – Document technique FNDAE n° 24 du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, 2001.

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