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Cogénération à partir de stations d'épuration et de méthaniseurs agro-alimentaires

31 octobre 2013 Paru dans le N°365 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Xavier JOLY

Un projet de méthanisation bien mené se doit d'être conçu techniquement et financièrement pour une exploitation durable. Tour d'horizon des points à exiger avant de se lancer?

[Photo : GASEO - CAMÉLÉON]

Dans la phase d’étude d'un projet de méthanisation, l’importance du moteur de cogénération pour produire électricité et chaleur tend trop souvent à être sous-estimée. Ainsi, on oublie que jusqu’à 80 % des recettes d’un projet de méthanisation peuvent provenir de la cogénération. Entre le dimensionnement de l'installation, la qualité effective du biogaz et les performances d’exploitation, un projet de méthanisation se doit d’être conçu techniquement et financièrement

[Photo : Moteur de cogénération biogaz en container.]

pour une exploitation durable. Tour d’horizon des points à exiger avant de se lancer...

Dimensionner l’installation aux conditions réelles de fonctionnement

Lors de la phase de conception d’un projet de méthanisation, la construction de la cogénération se fait en simultané avec celle des digesteurs. De fait, même avec des simulations de production biogaz très fiables, le dimensionnement de la cogénération n’a pas de référentiel réel sur les quantités futures en biogaz. De plus, la production du biogaz se trouvera en « quasi » flux tendu durant toute la durée du projet. Comme il apparaît difficile de se passer de recettes électriques la première année, le temps d’obtenir les caractéristiques du biogaz en conditions réelles, le dimensionnement de la cogénération et l’observation de la sensibilité économique du business plan sont des priorités absolues.

La qualité du biogaz

Le biogaz de station d’épuration et de méthaniseurs de l’agro-alimentaire bénéficie d'une richesse en méthane élevée, autour de 55 à 65 %. Comparativement, un biogaz issu d’un centre d’enfouissement de déchets aura désormais du mal à dépasser 45 % de méthane. Provenant d’une station d’épuration, ce biogaz sera chargé en siloxanes, dus notamment à la présence de cosmétiques dans les eaux usées.

La présence de siloxanes et leur nature abrasive pourront avoir des conséquences lourdes sur les coûts d’exploitation de moteurs de cogénération : casse de soupapes et de culasses, dommages sur les cylindrées, dégradation de la qualité de l'huile de lubrification.

D'un projet à l'autre, de l’hydrogène sulfuré (H₂S) apparaîtra également en quantités variables, provoquant l’acidification de l’huile de lubrification, une détérioration des rejets à l’atmosphère, des dommages sur le système de récupération thermique et sur de nombreux organes du moteur.

Si les siloxanes et l’hydrogène sulfuré peuvent difficilement être évités à la source, il est possible de les éliminer par charbon actifs, mais aussi par voie biologique pour l’H₂S. Les charbons actifs sont très efficaces sur le biogaz : ils ne génèrent pas de sous-produits dérivés, mais ils sont chers et sont directement liés à la volatilité des prix des énergies fossiles.

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Le biogaz de décharge : un exemple à suivre

Quel que soit le moteur de cogénération retenu, il n’existe qu’une expérience limitée en France sur l’exploitation de projets de méthanisation. D’où l’intérêt d’aller observer d’autres biogaz fonctionnant dans des conditions similaires, tel que le biogaz issu des centres d’enfouissement des déchets. Du fait du tarif de rachat de l’électricité et en sus des problématiques d’incertitudes de qualité et de quantité d’approvisionnement, ces exploitations n’ont pas d’autres choix que de s’imposer des temps de fonctionnement de 7 500 à 8 000 heures par an pour rester dans un cadre économique favorable au vu de l’arrêté ministériel du 19 mai 2011.

[Photo : Moteurs de cogénération installés sur le site d’enfouissement de déchets de Chézy (03)]

Optimiser les revenus

La performance économique d’un projet de méthanisation sera directement liée aux intrants et au bon fonctionnement du digesteur. En aval, les revenus provenant de la cogénération seront influencés par le système tarifaire : le tarif d’achat de l’électricité varie à la baisse avec l’augmentation de la puissance installée (et non de la puissance produite). Si, de plus, la production de biogaz est en dessous des prévisions, le projet subira la double peine : tarif bas et production électrique plus faible. Le dimensionnement de l’installation aura donc une influence importante sur les revenus.

Le tarif d’achat permet également d’obtenir une prime à l’efficacité énergétique d’un niveau attractif, puisque cette prime peut atteindre 4,22 centimes/kWh (2013). Mais les conditions d’obtention équivalent trop souvent à la recherche du Graal, car il faut pouvoir valoriser la totalité de la chaleur produite durant toute l’année… hors utilisation pour le digesteur ! Néanmoins, il faut reconnaître le côté incitatif de cette prime. Compter sur les revenus liés à la valorisation de la chaleur nécessite d’être particulièrement attentif dans l’établissement d’un business plan long terme.

Maîtriser les coûts d’exploitation

C’est le maître-mot pour conduire à bien un projet de cogénération à partir de biogaz. L’outil est complexe et nécessite une culture technique multidisciplinaire. Avec des temps de fonctionnement compris entre 7 500 et 8 000 heures annuelles durant 15 ans, il est impératif de se focaliser sur les temps d’arrêts programmés et d’éviter les temps d’arrêts non programmés. Le niveau de polluants dans le biogaz sera particulièrement déterminant quant aux coûts d’exploitation. Une attention particulière sera portée sur les actions préventives, les délais d’interventions, la préparation de ces interventions, le respect des intervalles de maintenance préconisés sans attendre la panne… ou la casse.

Par ailleurs, un système de monitoring par télégestion préviendra les dérives des paramètres techniques et permettra une surveillance à distance de l’installation 24 h/24 (SMS, email) dans le cadre d’un système d’astreinte indispensable. Si le business plan inclut la prime à l’efficacité énergétique, il faudra être attentif aux équilibres thermiques : débit, régime de températures et puissance thermique délivrée. L’entretien des équipements thermiques est par ailleurs plus important sur du biogaz. Last but not least, la qualité et les compétences du personnel d’exploitation feront toute la différence.

Outre les quatre points évoqués précédemment, il faudra également être attentif au contrat d’assurance souscrit et bien en définir le périmètre : sur un projet d’une durée de 15 ans, on n’est jamais à l’abri du « gros pépin ». Un courtier sera dans ce cas d’une aide précieuse. Alors, même si le biogaz a le vent en poupe, il conviendra de bien se rappeler que l’exploitation d’une cogénération à partir d’une station d’épuration ou d’un méthaniseur agro-alimentaire ne s’improvise pas. Le principe, simple sur le papier, oblige à s’imprégner dès la conception de toutes les difficultés d’un tel projet pour en assurer de bonnes performances d’exploitation.

Examiné de cette façon, un projet de cogénération biogaz démontrera d’excellentes performances énergétiques, avec des rendements globaux pouvant dépasser 75 %, cela en vaut la peine.

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