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CO2 et traitement des eaux

30 octobre 1988 Paru dans le N°122 à la page 81 ( mots)
Rédigé par : J.-m. NAUD et J.-p. GORGES

La législation française impose une neutralisation des effluents basiques rejetés par les industries (5,5 < pH < 8,5). Traditionnellement, cette neutralisation était réalisée au moyen d'acides forts ; or, dans le cas de fabrications spécifiques, ces acides forts ne peuvent plus maintenant être utilisés systématiquement, notamment s'il s'agit de produits alimentaires, ou lorsque le pH doit être régulé de manière très fine.

C'est pourquoi on fait appel au traitement à base de gaz carbonique dans les conditions précisées ci-après, que nous expliciterons dans deux applications : la potabilisation de l'eau et le traitement des eaux de piscines.

Utilisation du CO₂

L’anhydride carbonique se combine à l'eau pour donner l'acide carbonique suivant la réaction :

H₂O + CO₂ ⇌ H₂CO₃   (1)

Le produit de cette combinaison est un diacide dont les équilibres de dissociation sont les suivants :

H₂CO₃ ⇌ HCO₃⁻ + H⁺   (2)
HCO₃⁻ ⇌ CO₃²⁻ + H⁺   (3)

On peut donc utiliser l'acide carbonique comme on utiliserait des acides forts (voir un exemple en annexe 1).

Avantages liés à l'utilisation du CO₂

L’utilisation du CO₂ dans le traitement des eaux présente des avantages sur plusieurs plans :

Sécurité

- le CO₂ est inerte et ne devient actif qu'après dissolution dans l'eau ;

- son stockage et sa mise en œuvre ne présentent aucun danger ;

- les risques de suracidification (cause de dommages aux ouvrages et égouts) sont éliminés.

Régulation précise du pH

- dosage très fin ;

- courbe de neutralisation très douce par rapport à celle obtenue avec les acides forts (figure 1).

Hygiène

- le CO₂ répond aux normes Codex ;

- le risque de formation de sels est supprimé puisque les espèces alcalines – telles que la soude, le carbonate de sodium et la chaux dissoute – sont transformées en bicarbonates neutres.

[Photo : Courbe de neutralisation d'une solution alcaline de soude (1 N) (document Carboxyque Française).]

Consommation de CO₂

Généralement, la neutralisation d'un effluent alcalinisé par une base forte sera obtenue par l'addition d'une mole de CO₂ par ion-gramme OH⁻ (annexe 2). Il suffit donc de 0,1 mole de CO₂ par litre d'effluent à neutraliser, soit 4,4 g par litre.

La technique Carbostat

Il s'agit d'un contacteur gaz-liquide constitué d'un réseau de tubes verticaux équipé d'un système d'injection de CO₂.

Il comprend un réacteur (16) et un bloc d'injection de CO₂ à réglage manuel. Le CO₂ arrive sur la vanne (12) et est à nouveau détendu par l’organe (11) à la pression d'étalonnage du débitmètre (8) de contrôle de débit, réglable par le robinet (6). L'électrovanne (7), couplée au moteur de la pompe (13), établit ou stoppe automatiquement l'injection de CO₂. Pendant les périodes d'arrêt un système de sécurité évite tout retour de liquide dans le circuit gaz. Les piquages (15) et (21) permettent les prises d'échantillons pour la mesure du pH avant et après traitement.

Cette technique présente les avantages suivants :

- construction simple et robuste, s'adaptant à chaque cas spécifique (acier, inox, PVC, PP, PE...) ;

- adaptable à différents débits (30 à 100 m³/h) ;

- modulable, si cela s'avère nécessaire ultérieurement ;

- vitesses élevées permettant de traiter les liquides avec corps en suspension ;

- facilité de nettoyage et bonne accessibilité.

Dans des cas spécifiques, on peut utiliser d'autres types de contacteurs gaz-liquide, comme l’injection directe en canalisation par exemple, la canalisation jouant alors le rôle de réacteur.

L'installation comprend en outre :

- un stockage de CO₂ : l'alimentation en CO₂ est assurée à partir de bonbonnes mobiles (31) de capacité 300 kg ou, pour des consommations annuelles supérieures à 15 tonnes, par des réservoirs fixes permettant le ravitaillement par camion-citernes. Ces réservoirs, entièrement calorifugés, équipés d'un groupe frigorifique (41), permettent le stockage du CO₂ à –20 °C et à une pression de 20 bars. Un système de pesée permet un contrôle précis des consommations ;

- un système de vaporisation, réchauffage et détente du CO₂ : les bonbonnes fournissent le CO₂ en phase gazeuse, puis il est réchauffé par un organe électrique (33) et détendu (34) à une pression comprise entre 6 et 8 bars. Dans le cas d'un réservoir, le CO₂ est prélevé directement en phase liquide. Il est ensuite vaporisé et réchauffé par un Carbovapor (43), puis détendu entre 6 et 8 bars (45).

POTABILISATION

La reminéralisation est un traitement permettant d’obtenir une eau potable parfaitement équilibrée grâce à l'emploi du CO₂.

La réaction ci-dessous met en évidence l'équilibre carbonique de l'eau, c'est-à-dire l'équilibre entre le CO₂, les carbonates et les bicarbonates. C’est le facteur déterminant l'agressivité de l'eau :

CO₂ + CaCO₃ ⇌ (CO₃²⁻)₂ + CaO

L'agressivité de l'eau vis-à-vis des canalisations entraîne l'apparition de phénomènes de corrosion. Afin de s’en prémunir, il devient nécessaire de créer une couche protectrice de carbonate de calcium, qui ne peut se former que si, et seulement si, la minéralisation de l'eau est suffisante. Pour assurer cette reminéralisation, on pratique l'ajout de gaz carbonique et de chaux.

Selon le traitement à effectuer, il faut alors disposer d'un stockage approprié de CO₂ et d’un kit standard monté sur tableau ou sur skid permettant la mise en œuvre du CO₂ (vaporisation, détente, mesure de débit, injection).

TRAITEMENT DES EAUX DE PISCINE

Les exploitants de piscines municipales sont soucieux de garantir les meilleures conditions d’exploitation et de sécurité vis-à-vis de leur personnel et de leurs usagers. Les dangers des composés chlorés utilisés pour la désinfection des eaux de piscine ne sont pas négligeables puisque, en 1987, on a recensé un certain nombre d’incidents provoquant des mises en observation en hôpitaux et diagnostiquant des irritations des muqueuses et des troubles respiratoires.

Le responsable est l'acide chlorhydrique qui présente les inconvénients suivants : — stockage et manipulation dangereux, — contraintes excessives pour un emploi journalier, — dosage difficile, — variation brutale du pH, — risque d’excès et de dégagement de chlore gazeux.

Face à cet état de fait, une nouvelle technique utilisant le CO₂ a été développée en tenant compte des observations suivantes :

le pH optimum d’activité du chlore est voisin de la neutralité (pH = 7 à 7,5), d'où la nécessité de compenser l’augmentation de pH résultant du caractère basique de l'eau de javel et de corriger le pH de l’eau d'alimentation du bassin ; en effet, le moindre défaut ou excès d’acide fort, comme HCl, fait déborder très largement le pH de la zone neutre recherchée. C’est dans cette zone que se manifeste l’intérêt d’utiliser un acide faible comme l’acide carbonique (CO₂ + eau), qui permet une neutralisation progressive.

[Photo : Schéma d'une installation de neutralisation et ajustement de pH au CO₂ (document Carboxyque Française)]

La mise en œuvre du CO₂ s’effectue suivant les dispositions portées sur la figure 2, qui comportent :

[Photo : Régulation de pH au CO₂. Schéma de mise en œuvre (document Carboxyque Française)]

— une centrale de bouteilles (avec inversion automatique), — un tableau de commande et régulation, — un dispositif d'injection à haut rendement.

Les avantages du procédé sont évidents : — suppression des manipulations d'acide, — neutralisation progressive et sans risques, — installation simple et automatique, — respect de la qualité de l’environnement (suppression des dégagements de chlore gazeux, des odeurs, de l'irritation des yeux et de la peau).

Conclusion

Dans toutes les applications de traitement d’eaux industrielles, potables ou de piscine, l'emploi du CO₂ correspond à une mise en œuvre simple et performante au service d’une technologie propre et de la sécurité du personnel, des usagers et des installations.

Annexe 1

Exemple de neutralisation d’une solution de soude 0,1 N

Soit 4 grammes de soude par litre de liquide à traiter (pH environ 13) :

— l'addition de CO₂ à cette solution conduit à la formation de carbonate de sodium :

2 NaOH + CO₂ → Na₂CO₃ + H₂O  
pH = 13 → pH = 11,6

La consommation de CO₂ est de 0,55 g/g de NaOH.

— si l'addition de CO₂ est poursuivie, elle conduit à la formation de bicarbonate de sodium :

Na₂CO₃ + CO₂ + H₂O → 2 NaHCO₃  
pH = 11,6 → pH = 8,3

La consommation de CO₂ est identique à celle du cas précédent, soit 1,1 g de CO₂/g de NaOH, soit au total : 4 g × 1,1 = 4,4 g/litre de solution.

Annexe 2

Exemple de calcul de la consommation de CO₂ nécessaire pour neutraliser un effluent

La concentration en ions OH⁻ (C OH⁻) par litre de liquide détermine le pH suivant la relation : pH = 14 − log (C OH⁻).

Connaissant le pH, on en déduit aisément C OH⁻ :

soit un effluent de pH = 13  
log C OH⁻ = 14 − 13 = 1  
d’où C OH⁻ = 0,1

Il faudra donc 0,1 mole de CO₂ par litre d’effluent à neutraliser, soit : 44 g × 0,1 = 4,4 g/litre. Le monogramme de la figure 4 facilitera l’évaluation de la consommation de CO₂ lorsque l’agent alcalin sera la soude, le carbonate de sodium et la chaux dissoute.

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