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Coûts comparés des différentes voies de valorisation thermique des boues

30 juillet 1996 Paru dans le N°193 à la page 49 ( mots)
Rédigé par : Philippe VALERIO

Au moment où l'évolution de la législation impose la fermeture prochaine en l'an 2002 des décharges de classe II aux déchets organique, les quantités de boues résiduaires urbaines et industrielles ne font que croître. Cet article basé sur des équipements et installations propres à notre groupe, compare les coûts de différentes filières de valorisation thermique des boues, à savoir co-incinération avec des O.M., séchage thermique, incinération spécifique avant mise en décharge. Les coûts d'investissement et d'exploitation sont indiqués, les hypothèses de l'étude précisées. L'influence des variations des paramètres économiques et des boues sur les coûts est discutée.

Avec la valorisation agricole des boues liquides ou déshydratées, la valorisation thermique représente une voie alternative en développement en Europe.

Les boues de station d'épuration sont un produit organique très humide pouvant contenir, après déshydratation, de 60 à 80 % d'eau et jusqu'à 80 % de matières organiques suivant les procédés de traitement mis en œuvre.

L'intérêt des procédés thermiques réside dans la réduction de volume et donc des coûts de transport et de mise en décharge.

Le séchage permet de se débarrasser du volume d'eau tandis que l'incinération élimine l'eau et la matière organique et fournit un produit minéral inerte. Le coût énergétique de l'évaporation de l'eau est donc un obstacle économique majeur.

Aussi, parmi les différents procédés, est-il important de retenir comme base d'évaluation les plus efficaces thermiquement tels que sécheur indirect, co-incinération de boues séchées à 60 %, four à lit fluidisé. En effet, les sécheurs indirects ont un meilleur transfert thermique que les sécheurs directs car il n'y a pas besoin de réchauffer de grandes quantités d'air.

La co-incinération de boues à 60 % M.S. fournit, contrairement à l'injection humide, un produit avec le même P.C.I. que les ordures ménagères.

Le four à lit fluidisé a un rendement supérieur au four à sole car l'excès d'air est limité et il ne nécessite pas de chambre de post-combustion avec consommation d'énergie.

Procédés étudiés – base de l'étude

Trois filières principales de valorisation des boues ont été étudiées.

De façon à faciliter la comparaison, nous avons envisagé, pour chacune, le traitement des boues biologiques déshydratées à 20 % de matières sèches contenant 60-70 % de matières volatiles.

Chaque filière a été comparée en incluant les systèmes de stockage indispensables au bon fonctionnement. Une base de trois jours d'autonomie a été retenue. Les coûts ont été évalués à prestations similaires et incluent l'électricité-contrôle, les instruments et analyseurs. Ils sont hors prestations de génie civil dont le coût dépend fortement des conditions du site (figure 4).

Ainsi, nous avons évalué :

  • – Co-incinération des boues à 60 % M.S. sur le site d'une usine d'ordures ménagères (figure 4), comprenant : les trémies de dépotage et silos de stockage, la pompe de transfert au sécheur, le (ou les) sécheur(s), transfert des boues sèches aux trémies du four d'ordures ménagères, l'amenée d'énergie au sécheur.
  • – Séchage des boues à 90 % M.S. sur le site de la station d'épuration et valorisation agricole (figure 5), comprenant : les silos de stockage, la pompe de transfert vers le sécheur, le sécheur à 90 % avec circuit de granulation et recirculation, la production d'énergie, le transfert des granulés et le stockage en silos avant transport.
  • – Incinération des boues sur le site de la station par four à lit fluidisé
    • • Trois cas ont été retenus. Chaque cas a été évalué sur la base d'un traitement des fumées conforme à la directive CEE 1992 pour les déchets urbains :
    • • incinération directe des boues et traitement des fumées avec obtention de cendres humides (≤ 50 % M.S.) (figure 6), comprenant silos de stockage, pompe d'injection, four à lit fluidisé, réchauffeur d'air de fluidisation à 650 °C avec récupération d'énergie sur les…

Tableau I

% relatif des coûts d’investissement.

DESIGNATIONCo-inc.Séchage humidesInc. directe fuméesInc. directe boues + séch.Inc. indirecte humides
Stockage boues déshydratées et reprise35810128
Sécheur et annexes1510
Transfert vers traitement final173223
Incinérateur et échangeur384024
Chaudière et utilités
– fabrication de vapeur sécheur81514
– amenée énergie sécheur6
– fabrication vapeur sur fumées
Stockage fuel2211
Traitement des fumées ou boues4252615
Analyseurs fumées334
Manutention du produit final
– stockage et reprise des cendres119610
– stockage et reprise des granulés
Électricité-contrôle instruments1012111011
TOTAL100100100100100

Base : Débit de boues traitées 5 t/h Boues déshydratées à 20 % MS et avec 60/70 % MV

Tableau II

Paramètres de coûts.

DESIGNATIONUNITÉSPRIX UNITAIRES
Utilités
– fueltonne1 200
– électricitékWh0,35
– soude (30 %)tonne650
– eau industrielle5
Personnel
– opérateurF/h100
– responsableF/h300
Transport boues déshydratées ou sèchesF/h70
Mise en décharge cendres et inertageF/h1 500
Amortissement suivant
C = [(1+i)^t – 1] / [(1+i)^t · i]
C = Capital t = amortissement (an) 15 i = intérêt 7 %

Tableau III

% relatif des coûts d’exploitation.

DESIGNATIONCo-inc. (0)Séch. (2)Four direct Inc. dir. fum. (3)Four direct Inc. dir. boues (3)Four présécheur Inc. ind. hum.
Opératoires – consommables
– électricité16,5105711
– fuel énergie329
– eau industrielle2310,50,4
– soude, réactifs<0,5237,58,6
Management
– personnel5461012
– maintenance43235
– transport boues26
– mise en décharge des cendres (incluant transport, inertage)603326
Sous-total
Amortissement – matériel6040153037
TOTAL100100100100100
Coût par tonne M.S. (F)4301 0001 9802 0601 850

Base : Débit de boues traitées 5 t/h Boues déshydratées à 20 % MS et avec 60/70 % MV

fumées, laveur-dépoussiéreur humide, traitement des cendres par décantation et filtration, stockage des cendres.

* incinération directe des boues et traitement des fumées avec obtention de cendres sèches (> 97 % M.S.) (figure 7), comprenant silos de stockage, pompe d’injection, four à lit fluidisé, réchauffeur d’air de fluidisation à 650 °C avec récupération d’énergie sur les fumées, tour d’atomisation, laveur humide, système de transfert et silos de stockage des cendres.

* incinération des boues après préséchage et traitement des fumées avec obtention de cendres sèches (figure 8), comprenant stockage, pré-sécheur de boues, four à lit fluidisé, réchauffeur d’air de fluidisation à 650 °C par récupération d’énergie sur les fumées, chaudière pour fabrication d’énergie avec ses annexes, dépoussiéreur, laveur humide, système de transfert et silos de stockage des cendres.

Coûts d’investissement

Afin de comparer les solutions, les coûts des investissements sont exprimés en millions de francs par tonne de boues traitées (figure 1, figure 2, tableau I).

Malgré la part importante du poste stockage-dépotage, la co-incinération des boues avec les ordures ménagères apparaît de loin comme la voie la plus économique car elle bénéficie de l’investissement de l’U.I.O.M. À l’opposé, l’incinération spécifique des boues avec présécheur est la plus coûteuse.

On peut souligner que pour un débit de boues déshydratées compris entre 4 et 5 t/h, les investissements requis pour les filières séchage à 90 % et valorisation agricole, incinération directe avec production de cendres humides, sont d’un montant similaire.

Coûts d’exploitation

Les coûts d’exploitation ont été évalués selon les paramètres économiques en vigueur à ce jour (tableau II, tableau III, figure 3). L’étude a pris en

[Photo : Fig. 1 : Coût d’investissement par tonne de matières sèches.]
[Photo : Fig. 2 : Coût d’investissement par tonne de boues humides à 20 % MS.]
[Photo : Fig. 3 : Coût d’exploitation par tonne de MS traitée.]
[Photo : Fig. 4 : Procédés de traitement. Co-incinération de boues UIOM.]
[Photo : Fig. 5 : Séchage 90 % M.S. Valorisation agricole.]
[Photo : Fig. 6 : Incinération directe et traitement des fumées avec obtention des cendres humides.]

Compte les nouveaux décrets rendant obligatoire l'inertage des cendres. C'est pourquoi, le poste mise en décharge et inertage des cendres est estimé à 1 500 F/tonne.

La co-incinération des boues avec les ordures ménagères est la voie d'exploitation la moins coûteuse. Cependant, les coûts indiqués (figure 3) n'intègrent pas les surcoûts de traitement dans l'usine d'ordures ménagères et ceux dus à l'apport de cendres. Mais si l'on considère un supplément de 500 F/tonne traitée pour la rémunération de l'U.I.O.M., cette solution est alors proche de la filière valorisation agricole.

L'élimination des boues par incinération in situ a le coût unitaire le plus élevé, celui-ci étant obéré par la mise en décharge des cendres qui en constitue la majeure partie. De plus, par rapport au séchage, l'économie en coût énergétique est faible étant donné le cours actuel du fuel.

On peut remarquer que le coût unitaire de traitement pour les différentes solutions d'incinération est identique lorsque le débit est compris entre 0,8 et 1,2 t/h de matières sèches.

L'incinération avec pré-séchage est une solution d'autant plus intéressante que le débit traité est important, l'incinération directe intégrant un traitement des fumées avec obtention de cendres humides est recommandée pour les petites unités. La différence de

[Photo : Incinération directe, traitement des fumées avec obtention de cendres sèches.]
[Photo : Incinération indirecte, traitement des fumées avec obtention de cendres sèches.]

Le coût unitaire entre l'incinération directe et traitement des fumées avec cendres sèches et l'incinération avec présécheur est faible étant donné le cours de l'énergie. Aussi le coût global des deux filières est proche.

Influence des paramètres essentiels

Afin d'analyser l'élasticité prix des coûts unitaires de traitement, nous avons fait varier les coûts de l'énergie et le taux de matières sèches après déshydratation.

• coût du fuel : le coût du fuel a été considéré à 2 500 F/tonne. L'incinération avec pré-séchage parmi toutes les solutions est la plus attrayante car elle présente les coûts les plus bas. Son coût unitaire devient identique au séchage 90 % M.S. avec valorisation agricole pour des débits d'environ 1 t/h M.S. et lui est légèrement inférieur à débit plus élevé (= 5 % environ) ;

• teneur en matières sèches : nous avons porté la teneur en matières sèches de 20 à 26 % M.S. Cela conduit à une diminution importante des coûts unitaires, notamment dans le cas de l'incinération directe et du séchage à 90 % M.S. qui est due à l'influence du coût de l'énergie dans le bilan d'exploitation. Cette baisse va de −10 à −30 % pour des unités de traitement correspondant respectivement à 1 et 5 t/h de matières sèches. Hors, cette réduction de coûts n'excède pas 10 % dans le cas de l'incinération avec pré-séchage, malgré l'intégration d'un sécheur de taille plus restreinte. Ainsi, la solution la plus économique est le séchage à 90 % M.S., puis l'incinération directe des boues.

Conclusion

Il apparaît que le choix de la filière de valorisation des boues est complexe et dépend de nombreux paramètres : tonnages à traiter, caractéristiques propres des boues et notamment teneur en M.S., coût de l'énergie, conditions spécifiques au site.

Cela nous a conduit à développer un modèle économétrique multi-critères permettant de guider l'exploitant de station d'épuration vers le traitement des boues réellement adapté à ses besoins.

BIBLIOGRAPHIE

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[8] Was kostet die Klärschlammtrocknung heute. W. Dorschel. Abwasser technik, April 1995.

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