Longtemps utilisés comme traitement de désinfection des eaux potables, le chlore et les produits chlorés, les ultraviolets et l'ozone peuvent faire beaucoup plus. En combinant ces filières entre elles, il devient possible d'améliorer certains traitements et réduire du même coup la présence de molécules indésirables, comme les pesticides, les matières organiques... Etat des lieux.
Depuis quelques années, une meilleure compréhension des réactions chimiques en jeu permet de jouer sur les propriétés d’oxydation pour aller bien au-delà de la simple désinfection. Couplées entre elles ou à d'autres procédés de traitement, ces méthodes résolvent des problèmes d’odeur, de couleur... Elles abattent les matières organiques et les pesticides. On les installe alors dès l'étape de prétraitement. Mais ce n'est pas tout. Installées sur les sorties des stations de traitement des eaux usées, sur les déverses de pluviales, ou sur les unités de rechargement des nappes phréatiques, elles permettent de protéger la ressource naturelle, les zones de baignade ou les prises d'alimentation en eau des usines de fabrication d'eau potable. Les premières applications se mettent en place en Grande-Bretagne et aux États-Unis, elles arrivent en France.
À chaque fois, il s’agit d’exploiter seules ou couplés les propriétés de ces trois méthodes de désinfection et d’oxydation, que sont la chloration, l’ozonation et le traitement par rayonnement ultraviolet (UV).
Longtemps utilisés comme traitement de désinfection des eaux potables, le chlore et les produits chlorés, les ultraviolets et l’ozone peuvent faire beaucoup plus. En combinant ces filières entre elles, il devient possible d’améliorer certains traitements et réduire du même coup la présence de molécules indésirables, comme les pesticides, les matières organiques... État des lieux.
Désinfecter l'eau potable
L’utilisation du chlore pour la désinfection de l’eau n'est pas nouvelle. La chloration de l'eau potable remonte à près d'un siècle. Le chlore présente toutefois un inconvénient
Majeur :
appliqué sur une eau insuffisamment traitée, il réagit avec les matières organiques pour former des trihalométhanes nocifs pour la santé humaine. C’est cependant le seul produit qui assure une désinfection rémanente. Il demeure donc incontournable. Aujourd’hui, s'il sert encore à la désinfection de l'eau potable en sortie de station, son rôle tend à se recentrer sur la destruction des germes pathogènes relargués dans le réseau de distribution. Ceci permet de moins chlorer. Son taux de concentration dans l'eau doit alors être suffisant pour obtenir un résiduel désinfectant de chlore libre actif jusqu’aux points de distribution les plus éloignés. Pour maintenir ce taux le plus faible possible, des points de mesure de chlore sont mis en place dans le réseau. Ils pilotent des stations de rechloration. Ces dernières peuvent être fournies par des constructeurs comme Cifec, CIR, The Capital Controls Group, Wallace & Tiernan ou Trailigaz pour une alternative par électrochloration.
Depuis quelques années, la désinfection par rayonnement ultraviolet (UV) tente de percer parmi les technologies de désinfection de l'eau potable. Méthode purement physique, il s'agit de détruire les micro-organismes présents dans l'eau, en les exposant à une forte radiation ultraviolette. Au-delà d'une certaine dose d’énergie absorbée dans les longueurs d'onde comprises entre 200 et 280 nm, la plupart des cellules vivantes sont détruites. Très utilisée outre-Atlantique, la méthode se développe en France sur l'eau potable depuis ces dix dernières années. « Le marché est trop concurrentiel », explique Jérôme Baron, chef de groupe ozone désinfection d’Anjou Recherche. Les UV pourraient être intéressants pour traiter une eau transparente, dont la qualité est constante, comme les eaux de source ou de forage. Ils pourraient encore remplacer le chlore en zone de montagne, là où le débit est important, l'eau claire et les réseaux courts.
Un point noir toutefois, certains micro-organismes parasitaires ne seraient pas tués par les UV. C'est le cas notamment des œufs d'helminthes. Ceci peut poser un problème dans certaines régions infestées, dans les zones tropicales notamment. De plus, précise Louis Herremans, directeur d’Anjou Recherche, « même si on a d’excellents résultats sur la désinfection, le ministère de la Santé reste prudent sur l'utilisation des UV sur l'eau potable ». Ses techniciens estiment que, même si l'on abat les germes tests, il n'y a aucune preuve que l’on abatte le germe cousin. La technologie UV est aujourd'hui commercialisée par Wedeco, Ozonia, Trailigaz, RER, Actini, Berson… qui les utilisent de façon ponctuelle au traitement de l'eau potable. Cependant, les exigences imposées aux traitements finaux par UV font qu’en France, on leur préfère depuis longtemps l’ozonation.
L’ozonation est un procédé de désinfection communément utilisé. Ses premières applications, dans le traitement des eaux potables, remontent au début du siècle. Aujourd’hui, trois entreprises se partagent le marché : Trailigaz, Ozonia, Wedeco. Elles se voient poussées depuis peu par des entreprises comme Air Products, Dixwell…
« C'est le désinfectant le plus exhaustif », explique Jean-Pierre Légeron, directeur d'Irépolia, un centre d'études indépendant qui travaille au développement de technologies liées à l'environnement, « lorsqu’il est bien appliqué, l’ozone détruit bactéries et virus sans que des effets de reviviscence ne soient observées après plusieurs jours ».
« Les kystes d’amibes et les cryptosporidium sont plus facilement détruits par l’ozone et pas par les rayonnements UV », ajoute Jean-Pierre Légeron.
Tout irait bien pour l’ozone, sans le problème des bromates. Soulevé voici quelques années par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), ces sous-produits de l’ozone se forment dans des conditions physico-chimiques bien particulières du milieu. Ils sont le résultat de l’oxydation par l’ozone des ions bromures.
Pour empêcher leur formation, il suffit bien souvent de modifier les propriétés chimiques du milieu. Pour lutter contre la formation de tous ces sous-produits, les centres de recherche essaient de plus en plus de simuler les réactions chimiques sur l’ordinateur. Objectif : mieux comprendre les réactions en jeu.
Bien comprendre les réactions en jeu
« Le comportement hydrodynamique du procédé de traitement, des réservoirs jusqu’aux robinets, est décrit à l’aide d’un logiciel de modélisation mathématique qui décrit l’hydraulique de l’ensemble », explique Jérôme Baron, chef de groupe ozone désinfection à Anjou Recherche, « puis, nous complétons ces outils avec nos connaissances des réactions chimiques en jeu, nous pouvons suivre en temps réel le comportement bactériologique de l’eau ». Au centre de recherche de Maison-Laffitte, ces outils sont utilisés depuis plusieurs années. Ils ont aidé à l’installation de stations de rechloration aux points névralgiques du réseau afin de mieux chlorer l’eau, ou encore à la mise œuvre de stations d’ozonation.
L’étude du comportement hydraulique d’une nouvelle bâche de chloration (cf. EIN n° 199), pour l’usine de Méry-sur-Oise, a pu être réalisée à l’aide du code de calcul Fluent développé par Anjou Recherche. Ce modèle hydrodynamique permet de décrire les écoulements au sein des ouvrages ainsi que les processus physiques et chimiques en jeu pendant l’étape de chloration. Chacune des masses d’eau réagit différemment, ce qui permet d’optimiser le process.
« Parallèlement aux simulations hydrauliques générales de l’installation, il est possible de mener des études plus précises au sein même des équipements », explique Jean-Michel Lainé, chef du département procédés eau potable du Cirsee. Pour affiner ces études, les concepteurs se servent d’une approche par éléments finis. Pour ceci, ils découpent les différents organes du procédé en un ensemble de zones élémentaires, appelés dans le jargon informatique éléments finis. Puis, chaque zone se voit dotée d’un comportement idéal, ce qui leur permet de remonter, par intégrations successives, au comportement de l’ensemble.
Parallèlement à l’étude hydraulique de l’installation, des calculs tout aussi précis sont menés sur les ouvrages, dans le but de mieux connaître la chimie du procédé en fonction de la qualité de l’eau à traiter. « Il est aujourd’hui possible de réaliser une simulation des cinétiques chimiques afin de connaître l’interaction des différents composés les uns par rapport aux autres », ajoute Jean-Michel Lainé. « Ces cinétiques sont ensuite rapprochées des données sur l’hydraulique de l’équipement, ce qui permet d’optimiser le procédé de traitement en favorisant les réactions sur la totalité de l’effluent ». Il devient ainsi possible de suivre le mélange air-eau dans les cuves d’ozone, de voir l’impact de la grosseur des bulles sur les réactions chimiques, ou de suivre la décroissance du chlore dans les réservoirs de contact.
Utilisée pour optimiser le fonctionnement d’un réacteur ultraviolet, cette approche a permis au Cirsee de déposer en juin dernier un brevet sur le contrôle de l’hydraulique d’un équipement UV. « Pour une même dose apportée d’UV, cet appareil apporte un rendement supérieur ».
L’intérêt d’une telle approche est indéniable. En étudiant l’influence de la conception du bassin, des équipements et des conditions
Tableau 1 : Potentiel oxydant
Oxydants usuels | Potentiel d’oxydoréduction (en volts) | Activité oxydante (en volts) par rapport au chlore |
---|---|---|
Fluor | 3,06 | 2,25 |
Ozone | 2,08 | 1,52 |
Peroxyde d’hydrogène | 1,78 | 1,30 |
Chlore | 1,35 | 1,00 |
Oxygène | 1,23 | 0,90 |
L’effet ciseau du traitement est lié au potentiel d’oxydo-réduction. Le fluor, qui est producteur de dérivés fluorés, n’est pas utilisé en traitement des eaux. Derrière lui caracole l’ozone.
opératoires sur la qualité de l'eau traitée, elle offre la possibilité de mieux concevoir les installations. « Ceci nous permet d’utiliser les réactions d’oxydation qui nous intéressent, mais aussi d’enlever les précurseurs pour éviter la formation de sous-produits », précise Jean-Michel Lainé, « les traitements deviennent plus efficaces », et une meilleure connaissance de ce qui se passe permet d’aller plus loin que la simple désinfection.
Par exemple, l’ozone crée des radicaux oxydants instables et favorise la floculation. Couplé au peroxyde d’hydrogène, les formes radicalaires se multiplient, ce qui augmente d'autant le pouvoir oxydant. Il est alors possible de détruire les molécules difficilement oxydables comme les matières organiques résiduelles ou les pesticides. Le chlore joue aussi un rôle d’oxydant, mais il est moins puissant que l’ozone. Une oxydation de certaines substances organiques peut être réalisée par une chloration au « Break-point » (voir schéma 1). Mais on peut obtenir la création de THM (Trihalométhanes), ce qui limite son application. Quant aux UV, ils induisent indirectement un certain nombre de formes radicalaires qui favorisent l’oxydation.
Les propriétés oxydantes de l’ozone sont de plus en plus utilisées en traitement intermédiaire sur les unités de traitement d’eau potable, afin d’éliminer les résidus de pesticides.
Oxyder les pesticides
Pour traiter les pesticides, les filières classiques sont peu efficaces. Le charbon actif employé seul permet d’atteindre un abattement sur l’ensemble des pesticides. Le couplage ozone-peroxyde, placé en tête de traitement, ou après le traitement primaire, abat de 30 à 40 %. Ces chiffres sont loin des rendements d’élimination souhaités, c’est-à-dire 90 à 99 %. Même en mettant bout à bout les moyens de traitement les plus performants, à savoir adsorption du charbon actif en poudre, ozonisation avec peroxyde d’hydrogène, adsorption sur charbon actif en grains, il est possible d’atteindre un seuil d’élimination de 95 %.
« L’utilisation de traitements complémentaires sera donc nécessaire pour éliminer les
Tableau 2 : Avantages et inconvénients des procédés chlore, ozone, U.V.
Procédé | Mise en œuvre | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|---|
Chloration | Pour bien désinfecter l’eau par le chlore, l’OMS préconise dans sa notice n° 1652 datée de novembre 1996, de travailler avec une turbidité inférieure à 0,5 NTU et un pH < 8. L’obtention du résiduel de chlore libre doit être supérieure à 0,5 mg/l après 30 minutes de contact. | Le chlore est le seul désinfectant rémanent. | Mal appliqué, le chlore ne détruit pas les virus. Il réagit avec les matières organiques et forme des trihalométhanes (THM) nocifs pour l’homme. |
Ozonation | Pour obtenir une destruction bactérienne de plus de 99,9 % il est nécessaire de maintenir pendant 5 minutes un taux d’ozone minimal de 0,1 à 0,2 mg/l. Pour inactiver les virus, les temps de traitement et les concentrations d’ozone sont plus importants. | Bien appliqué, détruit les bactéries et les virus. On estime qu’il faut 0,4 mg/l pendant 4 minutes pour inactiver les virus à un taux supérieur à 99,9 %. L’ozone est un oxydant à large spectre permettant de résoudre de nombreux problèmes de qualité d’eau. | Bien que l’ozonation ne produise pas directement de sous-produits toxiques, quelques traces d’ions bromures dans les eaux à ozoner entraînent la formation du couple acide hypobromeux/ion hypobromite, qui peut donner des ions bromates. La formation, pendant l’ozonation, des bromates est toutefois liée à des conditions chimiques de l’eau à traiter bien particulières. |
Ultraviolet | L’eau à traiter passe à travers une chambre d’irradiation dans laquelle se trouve une ou plusieurs lampes émettant des rayonnements UV. Pour assurer une stérilisation correcte, la circulaire du 19/01/87 de la Direction générale de la santé recommande une exposition minimale de 25 000 µW·s/cm². | Les UV n’agissent que sur la désinfection, la qualité physico-chimique de l’eau en amont du traitement est inchangée. Seuls les micro-organismes sont inhibés. | L’action des UV n’est pas rémanente. Il est impossible de réguler une lampe UV basse pression. Par contre on peut ajuster la puissance d’une lampe moyenne pression en fonction d’une charge momentanée en MES ou en couleurs. |
pesticides organo-chlorés si leurs concentrations initiales sont supérieures à 150 ng/l», expliquent K. Gaid et P. Ravarini, d’OTV, dans une intervention réalisée aux 12ᵉ Journées information Eaux (JIE 96) de Poitiers. Ils poursuivent : « La transformation de l’ozone en espèces oxydantes radicalaires a lieu sous l’influence des ions hydroxyles (OH-) ainsi que des matières organiques présentes dans l’eau à traiter. Les divers essais effectués ont montré que les micropolluants du type atrazine, c’est-à-dire l’atrazine, le simazine et le terbutryne, sont faiblement éliminés dans les conditions opératoires habituelles, une dose d’ozone de 1-2 mg/l et un temps de contact de 4 à 10 minutes. La raison : le piégeage des radicaux par les carbonates et les bicarbonates. L’efficacité de l’ozonation a été améliorée en combinant l’ozone avec le peroxyde d’hydrogène dans un rapport massique de l’ordre de 4 et une dose d’ozone de 2 mg/l, ce qui permet une élimination de 80 % de l’atrazine. »
Sur l’eau de l’Oise, les essais effectués par Compagnie Générale des Eaux ont démontré qu’un tel traitement permettait le respect de la norme européenne pour des concentrations initiales inférieures à 1 µg/l. Par contre, certains organo-chlorés nécessiteront des traitements complémentaires, de type nanofiltration, si les concentrations initiales dépassent 0,15 µg/l.
Une autre solution est apportée par le tandem Wedeco-Messer. Ils associent les deux oxydants que sont l’ozone et les UV. Ils créent ainsi des radicaux réactifs pour traiter les pesticides. « Pour bien définir le procédé, il faut parfaitement connaître l’effluent à traiter, précise Marc Heuell de Wedeco, c’est la seule façon de l’optimiser. »
Un autre souci des traiteurs d’eau : les algues. Leur présence peut être traitée par ozonation.
Éliminer les algues
La présence d’algues dans les eaux alimentant les stations de traitement d’eau potable pose là aussi de nombreux problèmes d’exploitation et de qualité de l’eau. Au niveau du procédé d’épuration, la présence d’algues augmente les taux de réactifs et de chlore, les flottants à la surface des décanteurs et des filtres et diminue la durée des cycles de filtration.
Quant à la qualité de l’eau, elle est atteinte par une dégradation de la couleur et de la saveur, mais aussi par une augmentation des sous-produits de chloration (THM), des matières organiques et des matières colmatantes, du pH et des risques de toxicité pendant les périodes de chaleur intense.
Parmi les moyens de protection des filières de traitement de l’eau potable, la pré-oxydation occupe une place de choix. Elle permet d’inactiver les cellules alguales, voire de modifier leur état de surface, ce qui permet d’améliorer l’efficacité de l’étape de clarification. L’oxydant peut être dérivé du chlore, mais la réaction génère des THM. On lui préfère donc l’ozone. Cette utilisation en tête de filière permet également d’oxyder des minéraux comme le fer et le manganèse sous forme de précipités qui seront éliminés lors des étapes de clarification.
Pour faciliter l’élimination des sous-produits du traitement, Anjou Recherche et Trailigaz ont développé le procédé Flottazone. Son but : soulager la filière de traitement des problèmes d’algues, tout en conservant les avantages de la pré-ozonation (oxydation des minéraux, suppression de la préchloration et donc réduction des THM). Son utilisation améliore l’efficacité des étapes de clarification placées en aval. La synergie des deux phénomènes, ozonation et flottation, augmente sensiblement l’efficacité du traitement. Placé en tête, il permet de coupler une action d’ozonation avec une flottation, le tout dans un même réacteur, ce qui réduit le volume du génie civil.
Agir sur la DCO dure
Le traitement de la DCO dure présente dans les lixiviats est actuellement un domaine en pleine effervescence. « Il s’agit de détruire les molécules organiques qui traversent toute la décharge sans être oxydées », explique Jérôme Baron.
Un des problèmes majeurs est ici la variabilité importante de la qualité de l’effluent dans le temps. De plus, c’est un milieu difficile à traiter, car il renferme aussi de l’ammoniaque, qui se transforme en azote ammoniacal pour donner des nitrates.
De nombreux procédés sont actuellement en expérimentation pour traiter cette DCO. L’ozone et les UV sont là aussi en bonne place. Utilisé seul, l’ozone ne détruit pas plus de 10 % de la DCO dure, le reste n’est pas biodégradable. Pour pousser plus loin la
Dégradation, « il s’agit de casser les molécules à l’origine de la DCO pour les rendre biodégradables », explique Gilles Quetin de Messer, une entreprise qui, en partenariat avec Wedeco, propose un procédé de traitement dédié au traitement des lixiviats, couplant traitement à l’ozone et affinage biologique.
La solution retenue par Degrémont diffère quelque peu. Pour le traitement des lixiviats, l’entreprise complète l’action de son BRM (bioréacteur à membrane) par une étape d’ozonation. Ce traitement, mis en œuvre à raison de 2,5 g d’ozone par gramme de DCO, permet d’atteindre une réduction de 95,5 % de cette pollution. Installée à Bagnols-en-Forêt, dans le Var, la station traite chaque jour 100 m³ de lixiviats urbains et industriels, avec un débit horaire de 5 m³. En sortie de filière, la DBO5 moyenne sur 24 h est de 30 mg/l et la DCO de 90 mg/l. Quant à la MES, elle est en moyenne de 30 mg/l.
Quant à Air Products, il a opté pour un cou-
plage UV-ozone. Intégré dans le système d’oxydation chimique Chemox, ce couplage apporte là aussi une solution au traitement de la DCO dure. Doté d’un réacteur intégré d’ozone, ce système offre la particularité de recycler l’oxygène inutilisé pour produire l’ozone, grâce à un couplage avec son système Oxy-Dep. Implanté en Allemagne, pour traiter les lixiviats de la décharge de Rhein-Sieg Abfallwirtschafts GmbH à St Augustin, près de Cologne, Chemox commence par déstabiliser les couches électroniques des molécules aromatiques par rayonnement UV, avant de les détruire par une oxydation à l’ozone.
Le traitement de la DCO dure se retrouve aussi sur certains effluents industriels des industries pharmaceutique et chimique. Les solutions à disposition sont proches de celles développées pour le traitement des lixiviats.
Traiter les eaux industrielles
Jusqu’à ces dernières années, le chlore donnait de bons résultats dans le traitement des effluents de l’industrie textile, à condition de pouvoir atteindre le point critique. Le chlore permettait de réduire de 15 à 30 % la dose de coagulant, sans éviter toutefois la formation de THM... Depuis quelques années, un résultat semblable peut être obtenu avec le dioxyde de chlore et surtout l’ozonation. Ces traitements participent à l’amélioration de l’effluent en limitant la présence de DCO et de couleur. Les applications se multiplient dans l’industrie. L’an passé, l’usine belge de Levis s’est équipée d’une unité de décoloration à base d’ozone. Fourni par Messer-Wedeco, le procédé produit 7 kg/h d’ozone pour décolorer les effluents textiles avant leur recyclage dans le process. Le gain pour l’entreprise est important, puisqu’elle estime qu’au bout d’un an avoir recyclé 80 % de son eau. Dans le Sud-Ouest de la France, Decathlon s’équipe d’une unité de traitement tertiaire filtration plus ozonation fournie par Degrémont. Elle va permettre d’abattre de la DCO dure et de la couleur sur des effluents issus de l’industrie textile. Placée après un traitement biologique, l’installation doit être inaugurée en mars 1998. L’équipement est conçu pour traiter un volume de 1 700 m³/h. L’ozone et des UV peuvent encore désinfecter l’effluent. Une fois traitée, l’eau peut être réutilisée en nettoyage voire dans le process. C’est l’approche adoptée par Bonduelle. « Utilisé en sortie de station d’épuration, après filtration, le traitement par UV de l’écoulement permet le recyclage de l’eau pour le lavage de sol », rapporte Anne Gernez de Katadyn, « d’où une économie d’eau substantielle ». De tels traitements peuvent gagner les eaux de process. SIR (Syndicat Interprofessionnel du Reblochon) a fait appel à RER pour mettre en place un traitement des eaux de saumure pour la fromagerie Métral. L’installation UV, développée pour l’occasion, a permis de maintenir une bonne qualité bactériologique des saumures, pendant une période de 3 mois. Cette approche désinfectante est aussi utilisée sur les effluents des stations municipales. Le traitement, installé en sortie de station, permet de maintenir un niveau bactériologique correct pour préserver le milieu naturel.
Préserver le milieu naturel...
Désinfection et santé, un ménage difficile
Pour désinfecter, deux solutions chimiques : le chlore et l'ozone. Et si leur présence est nécessaire pour l'assurance d'une bonne désinfection de l'eau, elle n'est cependant pas sans risques. L'ozone, tout comme le chlore, réagit avec de nombreuses molécules organiques naturelles et issues des activités humaines. L'ozone est ainsi un précurseur de molécules telles que les aldéhydes, les cétones, ou les bromates. Pour ces derniers, suspectés de favoriser certains cancers, les recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé donnent des taux très faibles. « Or cette valeur n'est basée que sur une seule étude de toxicité faite au Japon sur une souche murine très sensible », souligne le Professeur Philippe Hartemann, du laboratoire d'hygiène et de recherches en santé publique à la faculté de Nancy. D'autres études toxicologiques viennent donc de débuter, pour affiner les connaissances sur ce composé. En parallèle, un travail est réalisé pour mettre au point des méthodes plus simples d'analyse des bromates, tandis que l'on tente de comprendre et de caractériser les conditions de leur formation. Aucune étude épidémiologique n'est en revanche à l'ordre du jour. Les bromates ne sont pas les seuls composés que l'on retrouve dans l'eau de Javel liquide selon sa qualité de fabrication. Mais il n'est pas le seul, loin de là. En réagissant avec des molécules organiques, le chlore peut former diverses molécules, dont des trihalométhanes, le chloroforme, par exemple, et du MX. Ce dernier est le composé le plus inquiétant à ce jour du fait de son fort pouvoir mutagène. Mais il reste encore difficile à doser en routine. Sa concentration est en effet très faible, car ses précurseurs sont rares dans l'eau. Difficile et cher à doser, il est aujourd'hui peu étudié, bien que sa toxicité, largement supérieure à celle des trihalométhanes, soit un sujet d'inquiétude pour les épidémiologistes. Quant aux trihalométhanes, objets de nombreuses études sur l'animal et de données épidémiologiques, le bilan de leur toxicité est réel, même si le nombre de cas reste relativement faible : cancers de la vessie, cancers colorectaux, et atteintes du foie et des reins sur l'animal. La dernière étude en date, réalisée par l'Iowa Women's Health Study, porte sur plus de vingt mille personnes approvisionnées en eau de nappe, de surface, ou par un mélange de ces deux types d'eaux. Ses résultats montrent que les risques de cancers du colon, et plus généralement tous les cancers, augmentent avec la consommation d'eau de surface. Celle-ci est associée à une élévation du risque de cancers, notamment de cancers du colon, en comparaison avec la consommation d'eau souterraine. Or la qualité des eaux souterraines est souvent meilleure que celle des eaux de surface, ce qui les rend moins susceptibles d'être chlorées. Une seconde partie de l'étude portant sur la quantité de chloroforme dans l'eau a permis de mettre en évidence une corrélation entre la concentration de chloroforme et le cancer colorectal. « Tout est bien sûr une question de dose et de durée d'exposition, et ne représente que des risques faibles à la limite de la significativité statistique par comparaison à d'autres facteurs de risques importants (alcool, tabac, ...) » rappelle Philippe Hartemann. Il est clair que si chlore et ozone ne sont pas totalement innocents, ils sont en revanche indispensables pour garantir la qualité sanitaire de l'eau à l'arrivée. L'absence de désinfection se traduirait par une mortalité accrue, à comparer au risque de l'ordre de l'unité lié au sous-produit. Pas assez de chlore, et c'est le risque de voir proliférer certains microorganismes indésirables. Trop de chlore, et c'est le goût de l'eau qui est affecté. L'étude française biofilm a ainsi montré que pour lutter contre la prolifération bactérienne et la présence de films bactériens sur les parois des réseaux, il faudrait des doses de l'ordre de 2 mg/l ou plus. Or la norme piscine est actuellement de 0,6 à 3,9 mg/l en chlore libre à 27 °C. Et l'eau qui s'y trouve n'est pas particulièrement réputée pour son bon goût. Une concentration de chlore de 0,1 à 0,2 mg/l reste donc la plus adaptée pour limiter la prolifération bactérienne sans nuire au goût. Elle n'entraînera qu'une formation limitée de sous-produits. La lutte contre les biofilms ressort d'autres méthodes.
Pascale Peignen-Séraline
3-chloro-4-(dichlorométhyl)-5-hydroxy-2(5H) furanone
© Thimathy J. Doyle et al., American Journal of Public Health, juillet 1997, vol. 87, 7, 1168-1176
Sanitaire des lieux de baignade et des points de captage, la préservation des nappes phréatiques impose un environnement bactériologique satisfaisant. Pour atteindre ces objectifs, les eaux rejetées au milieu naturel, voire la ressource naturelle elle-même, peuvent être traitées afin de maintenir une eau de bonne qualité. Pour ces applications les UV occupent une place de choix. Moins coûteux que l'ozone, ils apportent une solution satisfaisante à ces problèmes. Ainsi, pour désinfecter les rejets de stations d'épuration placés en amont des points sensibles, Trailigaz, Degrémont avec Aquaray, commercialisent des modules de désinfection par ultraviolet. Installés dans le chenal de sortie, ils traitent la totalité de l'eau rejetée.
Degrémont a installé voici quelques années son premier équipement sur l'émissaire de sortie des lagunes de la station d'épuration de Matha, en Vendée. Il se compose de quatre modules qui désinfectent un débit pouvant atteindre 40 m³/h. L'eau ainsi traitée est destinée à l'arrosage du golf de Saint-Pierre d'Oléron. Pour mettre au point un procédé original permettant d'obtenir, par temps de pluie, un rejet conforme à la qualité baignade, Anjou Recherche s'est lancé dans un programme de démonstration Life.
financé par la Commission Européenne. Il a permis de mettre au point un traitement conçu pour une mise en route automatique quasi instantanée, parfaitement adaptée au fonctionnement discontinu. Mené en colla boration avec Sogea, l’Agence de l’Eau Seine Normandie et la Société Française de Distribution de Pontault-Combault, les essais se sont terminés au printemps 97. La filière de traitement combine l’aéroflotta tion, la filtration sur sable et la désinfection par UV. « L’objectif du projet était de trans former une eau brute de temps de pluie en une eau de qualité baignade », explique Louis Herremans.
... et protéger les nappes phréatiques
La protection des nappes phréatiques n’échappe pas à la règle. Pour maintenir le niveau des nappes phréatiques, celles-ci sont réalimentées artificiellement par des eaux de surface. Cette opération conserve la qualité de la ressource et préserver le patri moine. L’eau de surface est désinfectée avant d’être injectée dans le sous-sol. Une telle opération est conduite par Lyonnaise des Eaux sur son site de Flins- Aubergenville. L’eau puisée en Seine est d’abord chlorée, puis décantée avant d’être infiltrée dans le sous-sol. Cette eau, une fois filtrée vient compen ser partiellement les prélèvements effec tués pour l’eau potable. Elle permet aussi d’améliorer la qualité des eaux souterraines. Ac tuellement la chaîne de traitement pour la réalimentation présente une capa cité de 1500 m³/h et couvre jusqu’à 20 % des volumes extraits annuellement sur la nappe. Le maintien de la qualité des eaux souterraines passe aussi par un traite ment des pollutions qu’elle véhicule. Là aussi les traite ments d’oxydation peuvent être béné fiques. Pour traiter une pollution aux cyanures, Berson a mis au point un réacteur couplant une oxydation aux UV et au per oxyde d’hydrogène. L’eau souterraine pol luée est pompée en surface. Elle passe dans le réacteur pour être oxydée, avant d’être réinjectée par percolation dans le sous-sol. Une première installation a été construite à Enkhuizen au Pays-Bas. Elle a permis de réduire la concentration de cyanure de 97 %.