Comment s'affranchir des risques entraînés par la présence de pathogènes résiduels encore présents dans l'eau potable ? Comment réduire la concentration de perturbateurs endocriniens ? Comment livrer aux consommateurs une eau exempte de sous produits toxiques du traitement ? Telles sont les questions que se posent quotidiennement les traiteurs d'eau. Lorsque l'optimisation des étapes traditionnelles ne suffit plus, d'autres barrières doivent être mises en place. Des études en cours montrent qu'utilisées différemment, l'ozonation, la chloration et les ultraviolets pourraient apporter une solution.
Réalisé par , Technoscope
Parmi les problèmes à résoudre en production d’eau potable, trois d’entre eux se révèlent particulièrement sensibles. Ce sont les micropolluants (pesticides, herbicides, perturbateurs endocriniens, les algues toxiques...), les microorganismes pathogènes dont la bactérie E. coli et les virus Cryptosporidium et Giardia et les sous-produits de traitement qui peuvent être toxiques comme les bromates. Pour en venir à bout, les traiteurs d’eau et équipementiers ont cherché à mieux connaître le fonctionnement des diverses séquences de traitement pour en connaître leurs atouts, mais aussi leurs points faibles, de façon à optimiser la chaîne de traitement. Ainsi, depuis plusieurs années, les propriétés oxydantes de l’ozonation en font une barrière placée soit en tête de traitement sur l’eau brute (pré-ozonation), soit en milieu de traitement avant un filtre à charbon actif (inter-ozonation). Son
rôle : oxyder les matières organiques et les sels métalliques qui seront ensuite retenus sur les filtres à sable ou à charbon. Le problème est que le filtre CAG peut, dans le temps, larguer des micro-organismes qu'il faut de nouveau détruire. Jusqu’à présent, dans les grandes stations, ce traitement final se compose la plupart du temps d’une ozonation suivie d’une chloration. Or, des études ont montré la difficulté de contenir dans les seuils autorisés des paramètres comme Cryptosporidium, Giardia ou encore les sous-produits de traitement comme le bromate en utilisant le seul couple ozone - chlore. Ce qui redonne toute sa place au traitement UV.
Le traitement UV trouve sa place
Le traitement par les rayonnements UV s'est considérablement amélioré au fil des années grâce à une meilleure conception de la fluidique des réacteurs et à l'arrivée de lampes plus puissantes et plus fiables qui leur permettent de traiter des flux beaucoup plus importants. Ainsi, par exemple, avec sa technologie K avec des lampes basse pression et haute densité, Wedeco traite des flux d'eau pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers de m³/h. Cet équipement intègre un contrôleur électronique augmentant l'efficacité des lampes qui peuvent être réglées à 50 % ou 100 % en fonction de la qualité et du débit d'eau. « Il est également possible d’y intégrer des paramètres supplémentaires comme la surveillance des doses UV, le nettoyage automatique ou la télésurveillance », explique Jean-Claude Laffitte de Wedeco, « L'augmentation de la fiabilité des équipe-
ments associée à un meilleur rendement nous permet aujourd'hui dans les grandes stations de compléter la désinfection classique dans le traitement de Cryptosporidium et Giardia ». Pour prouver l’efficacité de ses techniques, Wedeco fait actuellement certifier ses équipements par l'EPA (Environmental Protection Agency) américaine, en plus des autres certifications que Wedeco possède déjà. Attendus pour la fin de 2004, ces certifications vont lui permettre de garantir des objectifs d’abattement du virus en fonction de la dose de rayonnement UV effectivement reçue par l'eau.
Cette approche est également retenue par Trojan qui vient d’équiper la station d’eau potable d’Andijk (Amsterdam). Cette usine produit 95 000 m³/jour et alimente 500 000 personnes aux Pays-Bas. C’est la première installation de ce type réalisée par l’entreprise canadienne qui travaille depuis trois ans avec PWN pour optimiser et tester la technique. Cette étude a abouti à la mise au point d’un process d’oxydation, le UV Swift ECT. Cet équipement est basé sur la génération de radicaux hydroxyl via la photolyse UV du peroxyde d’hydrogène. « Nos essais ont démontré que l'oxydation par les ultraviolets est très efficace. Elle détruit les micropolluants », explique Peer Kamp, directeur de recherche et développement de PWN, la compagnie de distribution hollandaise, « et élimine aussi de nombreux pathogènes dont la bactérie E. coli et les virus Cryptosporidium et Giardia ».
En France, le Sedif (Syndicat des Eaux d’Île-de-France) et la Sagep testent tous deux les UV afin de mettre leurs usines équipées d'une post-ozonation en conformité.
Mettre en conformité les usines équipées de post-ozonation
Certaines eaux potables peuvent contenir des bromates qui peuvent avoir deux origines distinctes. D’une part, la présence d'impuretés dans certaines solutions d’hypochlorite de sodium utilisées pour la chloration, d’autre part l'oxydation des bromures contenus dans les eaux brutes au cours de la post-ozonation. Or, les bromates sont classés à ce jour comme substances pouvant être cancérogènes pour l’homme. En conséquence, une recommandation et des limites de qualité dans les eaux de consommation.
Les limites de concentration dans l’eau destinée à la consommation humaine ont été établies par l’OMS et l’Union Européenne. Le décret n° 2003-461 du 21 mai 2003 du code de la santé publique français impose de respecter une limite de 25 µg/l depuis le 25 décembre 2003, seuil abaissé à 10 µg/l dès le 25 décembre 2008.
De nombreuses usines sont concernées par l’abaissement du taux de bromates et se préparent à l’échéance de 2008. Ainsi, au Sedif, des études sont menées depuis 2000 sur un pilote installé à Neuilly-sur-Marne (94) et Sagep a entrepris des études sur chacun de ses sites pour abaisser la valeur du paramètre bromate. Les pistes pour ce dernier le conduisent à utiliser de l’eau de javel contenant de faibles taux de bromates et d’optimiser la post-ozonation sans remettre en cause le niveau de désinfection. En conséquence, le seuil de 25 µg/l peut être respecté sur les trois sites de Sagep en période dite chaude, en réduisant les temps de contact de l’eau avec l’ozone et en neutralisant l’ozone résiduel en sortie de réacteur sans remettre en cause le niveau d’action bactéricide et virulicide, en utilisant en post-chloration une solution d’hypochlorite de sodium ne contenant qu’une très faible teneur en bromate. Cependant, en région parisienne, il semble difficile de respecter la limite de qualité de 10 µg/l sans compromettre la désinfection. Pour produire une eau conforme, il est envisagé de mettre en place une technique de désinfection par rayonnement UV dosée à 600 J/m² de façon à inactiver les parasites (tel Cryptosporidium) et les micro-organismes (bactéries et virus) et à diminuer les doses d’ozone injectées au préalable.
Il semble donc que pour les stations confrontées aujourd’hui à un problème de bromates, la stratégie puisse être la suivante : maintenir la pré-ozonation qui ne produit pas de bromates, diminuer les doses d’ozone et les temps de contact en inter-ozonation, ajouter des UV en fin de traitement pour assurer une désinfection qui ne se fera plus, ou moins, en inter-ozonation.
Ce sont les UV qui devraient être retenus par le Sedif dans le cadre du concept multi-barrières en complément aux traitements par le chlore et l’ozone. Là aussi, des études sont en cours pour valider la filière qui ne sera équipée qu’après l’accord des autorités sanitaires.
« Mise en conformité des installations de post-ozonation des usines de production d’eau de consommation de la Sagep vis-à-vis du paramètre bromate » par L. P. Duguet, S. Bowland, A. Montiel – JIE 2004, conférence N26
Le chlore et l’ozone pour lutter contre les PE
Les traitements à base de chlore et d’ozone peuvent-ils aider à éliminer les perturbateurs endocriniens (PE) ? Pour trouver une réponse scientifique à cette question, deux laboratoires poitevins, le laboratoire de chimie de l’eau et de l’environnement du CNRS et le laboratoire de chimie analytique de la faculté de médecine et de pharmacie, associés à la direction qualité et environnement de Sagep ont mené des travaux sur l’élimina-
…tion des perturbateurs endocriniens par le chlore et l’ozone. Ces travaux, menés sur sept composés parmi les substances les plus fréquemment rencontrées, ont été présentés aux JIE 2004 en septembre dernier à Poitiers*. Les premiers résultats exposés sont encourageants. Les sept composés sont plus ou moins oxydés par le chlore et l’ozone. Une dégradation est donc possible.
Les expériences ont été menées dans un réacteur fermé à 20 °C et à pH 7. Pour limiter les réactions radicalaires, les expériences d’ozonation ont été effectuées en présence d’un piège à radicaux. Les expériences ont été menées en présence d’un excès d’oxydant ou en présence d’un compétiteur de comportement connu.
Tous les composés étudiés ont une rapide élimination dans des conditions fortes d’ozonation de l’eau (Ct de 10 mg·min/l). Avec le chlore, pour des valeurs de Ct voisines de 50 mg·min/l, certains composés sont significativement éliminés, sauf le 4-n-nonylphénol qui connaît une dégradation partielle et la progestérone qui n’est pas dégradée.
Ces premiers éléments sont rassurants quant à l’élimination des perturbateurs endocriniens, mais ils ne préjugent pas de la toxicité des sous-produits formés. Ils présentent une activité biologique potentielle et leur présence nécessite une étude approfondie portant sur leur stabilité et leur activité biologique.
À suivre…
* “Élimination par le chlore et l’ozone de composés perturbateurs endocriniens” par M. Deborie, E. Barron, B. Rabouan, P. Legube – JIE 2004, conférence n° 17.