La recherche de fuite sur le terrain reste au coeur d'une stratégie d'augmentation de rendement du réseau de distribution. Les méthodes s'affinent, les matériels sont plus performants et sensibles. L?intervention sur le terrain est l'aboutissement d'une démarche structurée d'action à long terme sur l'ensemble du réseau. Mais l'expérience et l'expertise des intervenants de terrain restent décisives : on ne s'improvise pas chasseur de fuites.
La réduction des pertes en distribution d’eau potable a désormais son cadre juridique contraignant avec le décret du 27 janvier 2012 (loi Grenelle 2) : d’ici fin 2013, les collectivités devront avoir fait le diagnostic de leur réseau puis élaboré un plan de résorption des fuites pour atteindre un rendement de distribution de 85 % en zone urbaine et de 65 à 80 % en zone rurale. La contrainte législative va stimuler la recherche des fuites sur les réseaux. Les professionnels commencent déjà à sentir les effets.
Pour détecter des fuites puis les localiser,
Encore faut-il les utiliser à bon escient. Mais avant toute recherche de fuites, il est impératif que l’exploitant mette en place ou vérifie la qualité de sa sectorisation afin de ne travailler que sur les zones « à risques ». Les prestataires en recherche de fuites peuvent déjà accompagner les petites et moyennes structures pour améliorer leur sectorisation. En général, un contrôle des vannes « à cheval » est indispensable. Ensuite, et seulement ensuite, une recherche de fuites efficace peut commencer.
L’abaissement effectif du taux de fuite se situe autant dans la stratégie à utiliser, la continuité de l’effort, la pérennité des actions, la formation du personnel que dans la performance technique absolue d’un système ou d’un équipement.
Des écueils à éviter
Deux écueils à éviter : l’erreur de diagnostic et le « plaquage » de solutions sur une situation particulière. Hervé Hubon de Geowest cite deux anecdotes : « Une commune connaissait un différend avec sa voisine sur des livraisons d’eau. Le comptage du vendeur ne coïncidait pas avec celui de l’acheteur. Une recherche de fuite nous a été demandée, sans résultat et pour cause : il s’agissait d’un problème de compteurs et non de fuite sur le réseau ! » Il faut donc réfléchir avant d’envoyer des techniciens sur le terrain, surtout si l’on considère le coût d’une journée d’intervention d’un prestataire, de l’ordre de 1000 €/j. Hervé Hubon poursuit.
« Un bureau d’études nous demandait de chiffrer une recherche de fuites par gaz traceur sur un tronçon de 50 km. On ne peut pas chiffrer sérieusement une recherche de fuite sans connaître la nature du réseau, la localisation des branchements ni l’existence d’un plan à jour », conclut-il.
réseau, son profil, les matériaux de canalisations et leur diamètre, les terrains, etc. En fonction de cela, le spécialiste choisira la méthode de recherche la plus adaptée. Corollaire : on ne s'improvise pas chercheur de fuite. Si l'on ne pratique pas au quotidien, mieux vaut faire appel à des prestataires de service ayant accumulé de l’expérience. De plus, la recherche de fuites n'est pas une science exacte, même si les appareils utilisés sont basés sur des lois physiques indiscutables. Christophe Ullmann, directeur de l’activité Services de Gerris, département de VonRoll Hydro, n’hésite pas à l’affirmer : « Le succès d’une détection de fuite se partage moitié entre la performance de l'appareil utilisé et le savoir-faire de l’opérateur. »
La majorité des méthodes mises en œuvre repose sur l'analyse des vibrations mécaniques provoquées par la fuite qui se propagent dans la canalisation (eau et tuyau) et le sol. L’arrivée des conduites en PE ne facilite pas les choses car le matériau transmet peu les vibrations. En outre, le bruit d'une fuite n’est pas corrélé à son débit : une fuite noyée, même importante, est silencieuse. De plus, le débit de fuite varie selon la pression du réseau. La chasse aux fuites sera plus ou moins fructueuse selon différents paramètres tels que le matériau dont est constituée la conduite à inspecter, l'heure à laquelle l'inspection est réalisée, etc.
Une large palette de moyens
Le marché des équipements disponibles reflète bien l’évolution des techniques et des technologies : arrivée du numérique, variété des modes de télécommunication, etc. L’écoute directe sur le réseau se conçoit lorsque des fontainiers ou des releveurs de compteurs font leur tournée régulière. Une réalité pour de petites communes en campagne, plus vraiment adaptée pour les villes, d’autant que la télérelève de compteurs tend à se répandre. Ces appareils simples sont par exemple le Leckpen de VonRoll Hydro avec un indicateur de niveau sonore à LED et casque radio, l’Aquascope 3-Pocket Ground, le Stetophon 04 de Sewerin (avec casque radio ou filaire), le Mikron de Primayer avec son électronique CMS de dernière génération, ou le Detek-40 de Ponsel, appareil maniable, facile d'utilisation, à LED indicateur de niveau de bruit de fuites et casque.
Autre moyen d’écoute directe plus sensible, le microphone posé directement sur le sol avec écoute par casque qui demande une formation sérieuse et de l’entraînement.
ment si l'on veut obtenir des résultats. L'opérateur pose le capteur directement sur le sol, écoute quelques instants et parcourt pas à pas le linéaire de canalisation suspecté suite à une sectorisation par débitmétrie ou après une campagne de prélocalisation acoustique. Ces appareils ont gagné en sensibilité, en facilité d'écoute (casques sans fil, filtres sonores, etc.) pour détecter des fuites à plus grande profondeur. Les constructeurs ont amélioré l'utilisation et la lecture : mémorisation d’écoutes pour comparer les dernières mesures, filtres en fréquences, affichage en dB ou en fréquence, etc. Ce sont les constructeurs : Gutermann avec ses Aquascopes 3 et 550, Primayer avec Mikron et ses capteurs pour les enrobés, les sols battus et les terres meubles, Hydreka Xmic (avec différents accessoires), ou encore Sewerin et sa canne d’écoute AquaTest T10 (avec casque sans fil et possibilité de détection de canalisation) et l'Aquaphon A 100 (avec mémorisation du niveau sonore au point d’écoute précédent) sans oublier le Logl de VonRoll Hydro, le Detek-100 de Ponsel qui mémorise les derniers niveaux sonores, visualise graphiquement le niveau sonore de la fuite, avec casque, filtrage électronique des bruits parasites, etc.
Détecter puis localiser la fuite
La méthode de détection la plus déployée aujourd’hui est la sectorisation acoustique, grâce à des appareils (logger ou prélocalisateurs) placés sur des vannes de sectionnement, en pied de poteau incendie. Ils enregistrent en continu sur plusieurs mois, voire en permanence les bruits
sur la canalisation (généralement la nuit entre 2 h et 4 h, période la plus calme). Le logger se présente sous une forme cylindrique (3 à 5 cm de diamètre, 10 à 15 cm de long), souvent doté d'un aimant pour un contact franc avec le carré de la vanne. Il contient le détecteur (micro, accéléromètre), de l'électronique (acquisition des mesures, mémoire), une pile, une interface électronique, un système de télécommunication pour transmettre les enregistrements. Plusieurs appareils sont déposés en des points stratégiques du réseau. Les enregistrements sont télérelevés (relève au vol drive-by, GSM, radio VHF) puis analysés (et stockés) sur ordinateur, souvent grâce
À un logiciel spécifique. Les constructeurs se distinguent par la qualité du capteur d’écoute, les filtres développés pour éliminer les bruits parasites, la consommation électrique (autonomie de 3 à 7 ans), le traitement informatique. Christophe Ullmann indique que « la sensibilité s’est accrue ces dernières années sur les accéléromètres, en atteignant 50 V/g, ce qui permet des mesures fiables même sur des canalisations plastiques ; mais plus elle augmente, plus on récupère de bruits parasites et plus il faut développer des filtres ». Tous les constructeurs ont développé ces pré-localisateurs : Ortomat chez VonRoll Hydro (résultat visible sur site au travers d’un contrôleur lors d’une tournée et télétransmis par radio) et Ortomat MT (fonctions accrues et transmission GSM et radio), SePem chez Sewerin (SePem 01 GSM avec transmission par SMS), Permalog + et Permanet SMS chez Hydreka, N3 de SebaKMT, LeakTEK-100 de Ponsel, Phocus 2, Phocus SMS+ ou Phocus HR de Primayer.
Les prélocalisateurs détectent la fuite mais ne la localisent pas précisément. C’est la tâche des corrélateurs : l’écoute se fait en deux points de part et d’autre de la fuite (quelques dizaines de mètres jusqu’à 200/400 m). Les deux signaux sont comparés (corrélés) en temps par un logiciel. Le décalage temporel nécessaire pour faire coïncider les signaux est représentatif de la position de la fuite entre les deux points de mesure. Si la conduite est homogène, le positionnement est très précis, moins d’un mètre. S’il y a des réparations avec différents matériaux et qu’on l’ignore (plans pas à jour) le résultat est plus aléatoire. Une écoute en pas à pas permettra d’affiner la position.
L’opérateur doit bien maîtriser le maniement de l’appareil, mais aussi savoir interpréter le résultat. La radio numérique a facilité le déploiement de ces mesures par corrélateur. C’est la gamme SeCorr de Sewerin (le 300 entièrement numérique), MicroCall+, MicroCorr Touch et SoundSens i (multicapteurs synchronisés, utilisables sans PC pour une facilité d’utilisation sur le terrain et stockage jusqu’à une semaine de données) d’Hydreka, CorTek 200 et 300 de Ponsel, LOG 3000 de VonRoll Hydro, Aquascan 610 et 610 PC, Aquascan TM pour grand diamètre. En plus de son corrélateur numérique Eureka Digital, Primayer propose un corrélateur acoustique portable avec console dont la corrélation en temps réel permet des recherches simples et rapides. Le Zonescan.net ou Zonescan 820 de Gutermann, commercialisé par T.D. Williamson, est un système à postes fixes qui allie les deux technologies de pré-localisation et de corrélation. Ce constructeur a développé depuis deux ans le logger Zonescan 820 qui s’utilise en combinaison avec le système de communication Alpha par radio. Les prélocalisateurs sont installés à demeure, la relève des enregistrements et le traitement des données journalières pour localiser précisément la fuite sont automatiques. « C’est le premier système entièrement automatisé qui fonctionne de façon totalement autonome sur le terrain. L’enjeu est le contrôle en continu du réseau, la localisation rapide des fuites et la réduction des coûts globaux » explique Luc Bade de Gutermann France. On s’affranchit de l’expertise de l’écoute humaine ; c’est une économie très importante en termes de personnel qualifié et d’intervention. « Pas complètement cependant, mais plutôt que d’avoir plusieurs équipes de chercheurs de fuites on pourra n’en conserver qu’une seule » précise Luc Bade. Plusieurs villes en France commencent à s’équiper (Lyon, Bordeaux, SDEA en Alsace) et Gutermann cite plusieurs références au niveau mondial dont Abu Dhabi avec 10 000 loggers et 3 500 répéteurs en place !
Développé pour le réseau complexe et très maillé de Londres, l’Enigma, système de corrélation multipoints de Primayer, permet avec 8 appareils et grâce à leurs enregistrements de longue durée réalisés de préférence la nuit lorsque le bruit de fuite ressort mieux, de disposer jusqu’à 28 corrélations de trois tirs espacés d’une heure chacune. Au-delà de la précision de la corrélation, notamment grâce à une fonction de calcul de vitesse, le fait de disposer la plupart du temps de plusieurs corrélations pour la même fuite simplifie la recherche dans des réseaux maillés avec un environnement bruyant et des canalisations aux tracés plus ou moins bien repérés.
Les technologies évoquées travaillent toutes sur les vibrations de structure. Il est possible également de faire une écoute directe dans l'eau de la canalisation, mais il faut un capteur spécifique et la possibilité de l'introduire dans la canalisation. Ce qui est beaucoup plus intrusif donc demande du personnel spécialisé.
Les fuites muettes : des méthodes spécifiques
Reste le cas des fuites muettes. Leur détection est possible par traçage au gaz. On utilise le plus diffusant des gaz, l’hydrogène, en mélange à 4 % dans de l'azote pour éviter les risques d’explosion. Deux possibilités s’offrent au chercheur de fuite : soit l’envoi du mélange directement dans la conduite pleine, soit dans une conduite purgée. L'hydrogène s’échappe au niveau de la fuite, diffuse dans le sol et atteint la surface où on le détecte grâce à un capteur spécifique. La méthode est très sensible, mais la réalité des situations peut réserver des surprises. Elle n’est donc pratiquée que par des personnels formés.
Chez T.D. Williamson, le Catex 3 permet de localiser avec précision les fuites sur le réseau en détectant l’hydrogène. Son échelle en PPM (0 à 10 000 ppm) lui confère une grande précision de la mesure.
Le Variotec® 460 Tracergas de Sewerin est un appareil de mesure de gaz conçu spécialement pour cette tâche. Grâce au capteur à semi- conducteur intégré, l’appareil présente une sensibilité transversale faible à l’humidité et au méthane. Ceci permet d’éviter des erreurs de détection. La sonde cloche permet d’optimiser le temps de réaction du système de mesure, permettant un travail plus efficace et économique. Toutes les mesures acquises peuvent être enregistrées et lues sur ordinateur.
Chez SebaKMT, le capteur sans entretien du Hydrolux H2 convient bien à la détection de fuites minimes. Les signalisations optiques et acoustiques aident l'utilisateur dans sa recherche. La sonde peut être séparée de la baguette porteuse rapidement et aisément, ce qui facilite la détection dans les espaces fermés.
Agrippa propose de son côté l'Hydrotech, qui fonctionne aussi bien avec un mélange gazeux (azote/hydrogène) 80/20 %, 90/10 % ou 95/5 %. L’alarme de l’Hydrotech, à la fois acoustique et visuelle, est activée dès la mise sous tension.
Ponsel propose le GazTek et ses différents accessoires possibles de détection de gaz : capteur ventouse, chariot, sonde tapis.
Alternative à l’hydrogène, l’hélium
Elle est mise en œuvre par Heliotrace sur les réseaux d’eau. La miniaturisation des spectromètres de masse et l’amélioration des techniques de prélèvement d’échantillons d’air du sol par aspiration en surface en font maintenant une technique fiable et économique. Les prélèvements, effectués à intervalles réguliers, ne durent que quelques secondes. Ils sont réalisés directement en surface pour les terrains poreux, mais nécessitent parfois une perforation pour les revêtements étanches. L’enregistrement continu de la teneur en hélium avec alarme permet de repérer les anomalies. L’ensemble du matériel électronique est installé dans un véhicule tout-terrain qui accompagne le chantier d’inspection. Le parcours de l’ouvrage doit donc être accessible, mais il est possible de déporter le prélèvement jusqu’à 100 m ou plus en utilisant des flexibles d’aspiration pour les secteurs qui ne sont accessibles qu’à pied. La vitesse d’inspection varie entre 4 et 8 km par jour selon la nature du terrain, le niveau de fuite recherché, la linéarité et l’accessibilité du parcours.
Easyleak propose de son côté TRACE400, un appareil qui utilise la technologie de détection de fuite par l’hélium. « L’avantage de ce gaz consiste surtout dans le respect des normes sanitaires concernant le mélange entre le gaz hélium et l’eau potable à l’inverse de l’hydrogène », souligne-t-on chez Easyleak.
Lyonnaise des Eaux, en partenariat avec la société Advitam, a développé SmartBall, un procédé dont le principe repose sur un capteur acoustique inséré dans une balle en mousse qui est introduit à un point de la conduite d’eau. Poussé par le courant, le capteur se déplace et enregistre les informations acoustiques sur les fuites qu’il rencontre. Après récupération du capteur en aval, les informations enregistrées sont analysées pour donner une localisation précise des fuites.
À Dijon, 13 kilomètres de canalisation en fonte d’un diamètre de 800 mm ont été ainsi inspectés par le capteur sans qu’il soit nécessaire de vider le réseau d’eau. La méthode est efficace sur de grands linéaires lorsque l’on ne souhaite pas interrompre le service.