L?étude in situ des eaux usées brutes provenant de maisons individuelles a montré des concentrations en polluants qui, dans certains cas, étaient très élevées. Tous paramètres de traitement égaux par ailleurs, nous avons voulu savoir si ces concentrations pouvaient être reliées à nos usages quotidiens de produits ménagers. Cet article permet de donner les quantités de pollution apportées par les produits utilisés pour l'entretien de la maison, du linge, de la vaisselle, pour notre hygiène corporelle. Et il montre que, pourtant chargés de notre hygiène et de l'entretien de notre maison, ils polluent' Et pour certains, cette pollution représente 50% de la pollution totale rejetée par les habitants d'une maison individuelle.
Depuis 4 ans, une étude in situ des eaux usées brutes provenant de maisons individuelles dans le Tarn, financée par Veolia Eau et l’Agence de l’Eau Adour Garonne, permet d’obtenir la caractérisation précise des volumes journaliers et des concentrations journalières en polluants contenus dans les eaux usées brutes en sortie directe des maisons [1], [2], [3]. Il apparaît que, dans certains cas, les valeurs donnant la pollution organique de ces eaux usées brutes ou des eaux usées traitées sont particulièrement élevées. Tous paramètres de traitement égaux par ailleurs, nous avons voulu savoir si ces concentrations pouvaient être reliées à nos usages quotidiens de produits ménagers.
Quotidiennement, nous utilisons des produits pour l’entretien de la maison, du linge, de la vaisselle, pour notre hygiène corporelle. Que ces produits soient des produits de grande marque ou de distributeurs, étiquetés Bio ou pas, ils apportent tous une charge polluante sans rapport direct ni avec le prix ni avec la marque. Cette pollution est uniquement due au produit lui-même, sans tenir compte des autres pollutions. La charge polluante de ces produits de consommation courante est non négligeable voire dominante en regard de la charge organique totale contenue dans nos eaux usées rejetées.
Cet article donne les quantités en différents paramètres caractérisant la charge polluante (MES, DCO, DBO₅, Azote, Phosphore) analysées sur un panel de produits ménagers ou d’hygiène courants et permet de montrer la part de la pollution induite.
Keywords: PIA, polluting load, domestic sewage, janitorial products pollution.
Mots clés : PIA, charge polluante, eaux usées brutes domestiques, produits d’hygiène et d’entretien, pollution.
Douches (4) WC (24) Linge (1) Vaisselle (2) Repas (9) Autres
pollution de ces produits dans nos rejets d’eaux usées domestiques.
Préparation des échantillons
Pour obtenir un panel d’échantillons le plus représentatif possible des produits existant dans le commerce, produits de grande marque ou de marque distributeurs variés, bio ou non, nous avons sélectionné 12 (ou 14) produits pour la vaisselle, 10 produits pour le linge, 10 produits pour le ménage, 22 produits pour l’hygiène, et achetés en grande surface.
Pour caractériser au mieux la pollution issue de nos usages courants de ces produits d’hygiène et d’entretien, nous prenons en compte tous les usages de la maison. Voici la représentation d’une journée de pollution : les usages représentés dans le schéma ci-dessus représentent le maximum des usages possibles si l’ensemble des personnes de la maison sont présentes en permanence. Dans le cas d'une occupation moindre de la maison, il peut n'y avoir que 2 douches, moitié moins de passages aux toilettes et pas de lave-linge ou de lave-vaisselle.
Pour chaque poste de pollution, il faut prendre en compte la pollution due au produit et celle due à la saleté de la vaisselle, du linge, de notre corps, etc. Par exemple, pour une douche, on peut considérer que la part due aux produits d’hygiène est la somme de : gel douche, savon, shampoing, lait pour le corps, gel de rasage, dentifrice…
Nous avons réalisé un test sur 15 jours chez 4 familles et nous avons noté précisément chaque jour le nombre de repas, de douches, de passages au WC, de lave-linge, de lave-vaisselle, de ménage. Nous avons également noté les quantités précises et pesées de tous les produits utilisés pendant ces 15 jours.
Nous pouvons donc en déduire une sorte de journée témoin pour l'hygiène de 3 personnes et l’entretien de la maison associé à la vie de ces 3 personnes (tableau 1) ainsi qu'une moyenne des masses de produits couramment utilisées sur une journée type (tableau 2).
Tableau 1 : usages quotidiens types
Usages pour 3 personnes | Quantités |
---|---|
Douches | 3 |
Hygiène des mains | 12 |
Lave-linge | 1 |
Lave-vaisselle | 1 |
Vaisselle à la main | 2 |
Ménage | 1 |
Tableau 2 : masses de produits pour une utilisation courante
Produits | Masses couramment utilisées (g) |
---|---|
Vaisselle à la main (liquide vaisselle) | 10 g |
Pastilles lave-vaisselle | 20 g |
Gels lave-vaisselle | 40 g |
Lessive | entre 50 et 200 g |
Ménage | 50 g (2 bouchons) |
Douche et hygiène des mains (savons, gels et shampoings) | 20 g |
Pour obtenir les échantillons à analyser, quelques grammes précisément mesurés des produits que nous voulons caractériser sont dissous dans de l'eau chaude (50 °C) du robinet. Ces échantillons reconstitués sont ensuite envoyés au Centre d’Analyses Environnementales pour être analysés selon les paramètres que nous souhaitons obtenir : Matières en Suspension (MES), Demande Chimique en Oxygène (DCO totale et dissoute), Demande Biologique en Oxygène (DBO), Azote Kjeldahl (NTK), Azote Ammoniacal (NH₄), Nitrates (NO₃) et Phosphore Total (Pt).
Les résultats fournis par le laboratoire nous donnent une concentration en mg/l de ces quelques grammes (précisément mesurés) de produits dans le flacon de 2 L. Pour obtenir les quantités de ces paramètres dans les doses de produits utilisés réellement pour un lave-vaisselle ou un lave-linge ou encore une douche, il a donc fallu multiplier la concentration obtenue par l'équation suivante :
volume du flacon × masse du produit réellement utilisé ——————————————— masse du produit dans le flacon
C'est avec les valeurs du tableau 2 et l'équation précédente que nous basons les calculs des tableaux de résultats suivants.
Les produits pour la vaisselle
Le tableau 3 présente les charges polluantes en principaux paramètres physico-chimiques contenus dans 20 g de produits pour la vaisselle à la main ou les pastilles pour lave-vaisselle, 40 g pour les produits gels de lave-vaisselle, et analysés au Centre d’Analyses Environnementales.
Tableau 3 : quantités de MES, DCO, DBO, Azote et Phosphore dans un panel de produits pour la vaisselle
Produits vaisselle |
---|
Liquide vaisselle A1 |
Liquide vaisselle B1 |
Gel de lavage lave-vaisselle C1 |
Liquide vaisselle D1 |
Liquide vaisselle E1 |
Pastille F1 |
Pastille Bio G1 |
Pastille H1 |
Pastille I1 |
Pastille J1 |
Pastille K1 |
Liquide vaisselle L1 |
Les produits pour le linge
Le tableau 4 présente les charges polluantes en principaux paramètres physico-
chimiques contenues dans 50 g de produits pour le linge (quantité sans doute sous-estimée puisque les boules de lavage peuvent contenir jusqu’à 200 ml), analysés au Centre d’Analyses Environnementales. Pour les paillettes, la quantité utilisée est de 20 g.
Les produits pour le ménage
Le tableau 5 présente les charges polluantes en principaux paramètres physico-chimiques contenues dans 50 g de produits pour le ménage (du type produits pour les sols, 2 bouchons) analysés au Centre d’Analyses Environnementales. Pour le déboucheur, la quantité est donnée pour un demi-flacon soit 500 g.
Les produits pour l’hygiène corporelle
Le tableau 6 présente les charges polluantes en principaux paramètres physico-chimiques contenues dans 20 g de produits pour l’hygiène corporelle (moyenne obtenue sur un panel d’utilisateurs et comprenant la somme des shampoings, gels douche, savons et produits pour les mains utilisés par « usage salle de bain ») analysés au Centre d’Analyses Environnementales.
Charge polluante en DBO5 et biodégradabilité
Le tableau 3 nous montre que la quantité de DBO5 rejetée par un lave-vaisselle correspondant uniquement à la part du produit utilisé (20 g pour le liquide vaisselle et 40 g pour le gel lave-vaisselle) varie entre 0,2 g et 5 g.
Dans le tableau 4, deux produits pour laver le linge sortent vraiment du lot avec une DBO5 mesurée à près de 70 g. Les autres présentent toutefois des quantités de DBO5 importantes, entre 3 g et 28 g.
La quantité de DBO5 contenue dans les rejets d’eaux issues du ménage (tableau 5) varie entre 1,2 g et 5 g si l’on considère une utilisation d’environ 50 g de produit.
Dans le tableau 6, la quantité de DBO5 contenue dans 20 g de ces produits d’hygiène varie entre 1 g et 8 g. Dans une famille de trois personnes, le nombre de douches (et tout ce qui lui est associé : shampoing, lavage des mains, rasage, crèmes) est donc de trois par jour. La quantité de DBO5 rejetée par jour avec ces produits peut donc constituer entre 3 g et 24 g de pollution organique.
Le rapport DCO/DBO5 est calculé pour évaluer la biodégradabilité des produits utilisés. Lorsque ce rapport est inférieur à 2, le produit est facilement et rapidement biodégradable ; lorsqu’il est compris entre 2 et 3, il est biodégradable avec des vitesses d’assimilation bactérienne compatibles avec les process épuratoires courants ; lorsqu’il est supérieur à 3, le produit est plus faiblement biodégradable, avec des vitesses d’assimilation plus faibles.
Sur le seul examen du ratio DCO/DBO5 des douze produits pour la vaisselle analysés, seulement deux sont « normalement » biodégradables. Les autres ont des rapports DCO/DBO5 variant de 3,1 à 11,6. Dans ce cas extrême, on peut attendre une fraction de DCO « dure », du moins non dégradée en cinq jours, dans l’eau traitée.
Tableau 4 : quantités de MES, DCO, DBO5, Azote et Phosphore dans un panel de produits pour le linge
Produits | MES (mg) | DCOt (mgO₂) | DCO sol (mgO₂) | DBO5 (mgO₂) | NTK (mgN) | NH₄⁺ (mgN) | NO₃⁻ (mgN) | Pt (mgP) | Rapport DCO/DBO5 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Lessive A2 | 1 833 | 117 317 | 92 937 | 66 333 | 1 233 | 83 | 2 | 200 | 1,8 |
Adoucisseur B2 | 3 200 | 16 480 | 15 160 | 5 000 | 178 | 102 | 10 | 3 | 3,3 |
Lessive Persil C2 | 300 | 21 698 | 16 910 | 4 370 | 72 | 20 | 40 | 7 | 5,0 |
Lessive D2 | 2 800 | 25 680 | 15 180 | 15 000 | 40 | 24 | 28 | 16 | 1,7 |
Détachant avant lavage E2 | 250 | 19 620 | 16 538 | 9 000 | 65 | 50 | 6 | 13 | 2,2 |
Détachant avant lavage F2 | 2 560 | 7 800 | 5 420 | 3 250 | 133 | 8 | 15 | 13 | 2,4 |
Paillettes G2 | 3 480 | 45 140 | 38 440 | 27 940 | 0 | 15 | 0 | 9 | 1,6 |
Lessive H2 | 1 490 | 54 680 | 49 160 | 9 800 | 126 | 124 | 236 | 24 | 5,6 |
Gel I2 | 2 020 | 61 640 | 54 480 | 15 440 | 644 | 168 | 136 | 284 | 4,0 |
Lessive J2 | 1 360 | 44 000 | 39 340 | 8 910 | 123 | 7 | 118 | 40 | 4,9 |
Tableau 5 : quantités de MES, DCO, DBO5, Azote et Phosphore dans un panel de produits pour le ménage
Produits | MES (mg) | DCOt (mgO₂) | DCO sol (mgO₂) | DBO5 (mgO₂) | NTK (mgN) | NH₄⁺ (mgN) | NO₃⁻ (mgN) | Pt (mgP) | Rapport DCO/DBO5 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Multi-surfaces A3 | 300 | 3 762 | 1 762 | 1 881 | 40 | 0 | 0 | 0 | 2,0 |
Crème à récurer B3 | 1 357 | 5 148 | 2 862 | 3 257 | 39 | 21 | 0 | 11 | 1,6 |
Anticalcaire C3 | 250 | 3 900 | 3 625 | 1 275 | 50 | 25 | 13 | 18 | 2,8 |
Multi-surfaces D3 | 1 000 | 6 540 | 4 600 | 1 700 | 29 | 10 | 28 | 100 | 3,8 |
Gel WC E3 | 133 | 1 711 | 1 428 | 1 247 | 27 | 13 | 4 | 7 | 1,4 |
Multi-surfaces F3 | 250 | 12 283 | 8 861 | 4 885 | 50 | 25 | 8 | 13 | 2,5 |
Multi-surfaces G3 | 250 | 8 580 | 5 475 | 1 475 | 50 | 53 | 7 | 18 | 5,8 |
Spray multi-usage H3 | 200 | 8 303 | 8 721 | 3 610 | 40 | 2 | 5 | 10 | 2,3 |
Gel WC I3 | 200 | 2 916 | 1 285 | 1 349 | 40 | 20 | 23 | 10 | 2,2 |
Déboucheur J3 | 2 660 | 11 380 | 1 380 | 5 600 | 150 | 4 | 1 140 | 62 | 2,0 |
Tableau 6 : quantités de MES, DCO, DBO5, Azote et Phosphore dans un panel de produits pour l’hygiène corporelle
Produits | HYGIÈNE | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Shampoing A4 | 1029 | 10373 | 6958 | 3549 | 47 | 6 | 3 | 2.9 | ||
Shampoing B4 | 1235 | 9947 | 8132 | 2945 | 42 | 10 | 5 | 3.4 | ||
Gel douche C4 | 133 | 8448 | 6312 | 7200 | 144 | 104 | 8 | 5 | 2.2 | |
Produit mains D4 | 80 | 5145 | 4735 | 1748 | 37 | 8 | 5 | 4.9 | ||
Shampoing E4 | 750 | 7775 | 6675 | 2650 | 85 | 43 | 10 | 3.0 | ||
Shampoing Bio Fd | 1620 | 8613 | 5463 | 2790 | 189 | 153 | 7 | 5 | 3.1 | |
Solution dentaire Ga | 100 | 8427 | 8389 | 4560 | 20 | 10 | 5 | 5.8 | ||
Gel mains H4 | 69 | 4857 | 4753 | 1727 | 37 | 15 | 4 | 3.4 | ||
Gel mains I4 | 60 | 5256 | 5292 | 2340 | 38 | 20 | 3 | 3.5 | 2.2 | |
Gel douche J4 | 65 | 6827 | 6362 | 3076 | 25 | 23 | 5 | 3.0 | ||
Shampoing Ka | 73 | 3913 | 2819 | 1855 | 46 | 22 | 7 | 4.4 | ||
Shampoing L4 | 145 | 8553 | 7400 | 3109 | 111 | 35 | 4 | 2.8 | ||
Shampoing M4 | 80 | 3849 | 2972 | 1156 | 29 | 8 | 8 | 4.3 | ||
Lait corps N4 | 400 | 9710 | 3425 | 4350 | 65 | 3 | 5 | 1.2 | ||
Crème corps O4 | 56 | 9091 | 5683 | 7067 | 31 | 13 | 6 | 1.7 | ||
Savon liquide Pa | 840 | 11813 | 7693 | 7067 | 35 | 13 | 16 | 4 | 1.7 | |
Savon liquide douche Q4 | 840 | 11813 | 7693 | 7613 | 4000 | 63 | 13 | 5 | 1.9 | |
Crème lavante Rd | 67 | 5112 | 2766 | 4140 | 51 | 8 | 7 | 1.2 | ||
Gel douche Sd | 5320 | 31312 | 3929 | 7904 | 144 | 52 | 5 | 4 | 4.0 | |
Gel douche T4 | 230 | 4420 | 4191 | 2848 | 41 | 7 | 3 | 4.5 | 3.0 | |
Shampoing Ud | 1234 | 7159 | 5997 | 3497 | 33 | 6 | 8 | 3.3 | 2.0 | |
Mousse à raser V4 | 1150 | 4700 | 4950 | 2020 | 70 | 31 | 4 | 8 | 3.5 | 2.1 |
Sur les 10 produits pour le linge analysés, la moitié est normalement biodégradable et l’autre moitié moins, avec des rapports DCO/DBO5 allant jusqu’à 5,6.
Pour le ménage, ce sont 8 produits sur les 10 produits analysés qui sont normalement biodégradables. Les 2 autres ont un rapport DCO/DBO5 de 3,8 et 4.
Nous avons analysé 22 produits d’hygiène. Dix-huit sont normalement biodégradables, et les quatre moins biodégradables ont un rapport DCO/DBO5 allant de 3,1 à 4, ce qui reste raisonnable.
On a l’habitude de dire que des ratios supérieurs à 2,5 montrent le caractère industriel de l’effluent. Pour la maison individuelle, on peut avoir, selon les jours, des ratios élevés caractérisant des usages domestiques avec des produits de nettoyage dominants (jours de lessive, par exemple…) alors que les rejets physiologiques sont faibles (jour de semaine, absence des personnes au domicile).
Matières en suspension
La pollution est globalement essentiellement dissoute. Cependant, les produits ne sont pas solubles en totalité puisque les MES ne sont pas négligeables selon les produits utilisés. Ce paramètre MES mesure sans doute des constituants secondaires par rapport au principe actif du produit nettoyant. Mais on ne peut pas se prononcer sur la nature de ces MES, notamment si elles titrent en DBO5. Certains produits, notamment pour le linge et l’hygiène corporelle, peuvent présenter des charges en MES de 1 à 5 g par jour.
Le rapport MES/DBO5, calculé pour l’ensemble des produits analysés dans cette étude, est systématiquement inférieur à 1, voire même dans la plupart des cas à 0,5. Seuls deux produits pour la vaisselle ont un rapport supérieur à 1. Ce rapport est intéressant à calculer pour les eaux usées ; ici il n’est pas pertinent.
Proportion des pollutions apportées par les produits de la vie courante sur la pollution totale rejetée par une habitation
Nous souhaitons comparer ces valeurs de pollution en DBO5 rejetée par les produits de consommation courante à la totalité de la pollution en DBO5 rejetée par une maison individuelle sur une journée. Depuis quatre ans, une étude in situ des eaux usées brutes provenant de maisons individuelles dans le Tarn, financée par Veolia Eau et l’Agence de l’Eau Adour Garonne, permet d’obtenir la caractérisation précise des volumes journaliers et des concentrations journalières en polluants contenus dans les eaux usées brutes en sortie directe des maisons. Sur 147 échantillons journaliers analysés, nous avons obtenu une moyenne de 175 g de DBO5 rejetée par jour pour une moyenne de trois habitants présents.
Le tableau 7 nous montre les pourcentages de chaque poste de pollution en ne prenant en compte que les apports dus aux produits utilisés.
Il n’est donc pas interdit de dire qu’une part importante de la charge polluante en DBO5 rejetée par nos usages de l’eau dans nos maisons provient directement des produits que nous utilisons, en particulier pour le lavage de notre linge et pour notre hygiène personnelle, part qui peut représenter jusqu’à 60 % de la quantité totale de DBO5 de nos eaux usées. Ce chiffre est la fourchette haute de l’ensemble des résultats que nous avons obtenus, avec l’utilisation des produits les plus polluants tous ensemble.
La grande variabilité des charges polluantes constatées selon les produits, combinée à la variabilité des types d’usages de l’eau d’un jour à l’autre, au cours d’une période hebdomadaire, rejoint parfaitement les résultats de nos bilans 24 h réalisés sur les eaux brutes de maisons individuelles. Ces résultats, publiés dans EIN (1-2-3), démontrent que la charge polluante moyenne
Tableau 7 : proportions des pollutions dues aux produits sur la pollution totale
Type de pollution | Proportions de la pollution totale |
---|---|
Vaisselle | 0,1 % – 2,9 % |
Linge | 1,7 % – 40 % |
Ménage | 0,7 % – 2,9 % |
Hygiène corporelle | 1,7 % – 14 % |
TOTAL | 4,2 % – 60 % |
Charge azotée
Le tableau 8 présente les charges journalières apportées par les produits ménagers utilisés et comparées à la charge azotée totale apportée par la pollution rejetée par 3 habitants dans une journée. Notre étude in situ des eaux usées brutes provenant de maisons individuelles dans le Tarn a permis d’obtenir la moyenne de la charge azotée rejetée par jour pour une moyenne de 3 habitants présents, sur les 147 échantillons journaliers analysés : elle est de 96 g d’azote par jour.
Les charges azotées apportées par les produits ménagers sont donc négligeables ici, dans le panel de nos échantillons.
Tableau 8 : charges et proportions de l’azote dues aux produits sur la pollution totale
Type de produits | Charge journalière (mg N) | Proportion de la pollution totale |
---|---|---|
Vaisselle | 10 300 | 0,3 % |
Linge | 40,1233 | 1,3 % |
Ménage | 27,150 | 0,15 % |
Hygiène corporelle | 5,189 | 2 % |
Charge phosphorée
Le phosphore entre dans la composition d’un grand nombre de lessives car il forme des complexes avec le calcium et de ce fait améliore la performance des produits lessiviels. Pour autant, du fait des risques d’eutrophisation des masses d’eau que présentent les phosphates, les fabricants de lessives utilisent, depuis les années 1980, de plus en plus de substituts tels des zéolites à la place du phosphate. La consommation de P dans les lessives est censée être en forte diminution, or nous constatons que ce n’est pas le cas de tous les produits. En effet, certains produits, particulièrement pour la vaisselle, apportent entre 1 et 2 g de phosphore par jour, ce qui n’est pas négligeable puisque cela représente quasiment la moitié de ce qui est rejeté par 3 personnes par jour, à savoir 4,5 g de phosphore.
Le rapport de l’ONEMA-INERIS [4] présente, outre des paramètres d’écotoxicité, les résultats en phosphore total de produits détergents pour lave-vaisselle, avec une méthode de préparation des échantillons assez comparable à celle employée pour cette étude. Les concentrations obtenues dans leur étude varient de 0,29 à 212 mg/l de Pt ; celles obtenues dans notre panel de produits varient de 0,1 à 204 mg/l de Pt. L’ensemble de leurs résultats confirme donc nos conclusions sur le phosphore, et par conséquent sur l’écotoxicité de certains produits pour lave-vaisselle. De la même manière, les résultats en phosphore pour l’ensemble des produits de cette étude étant similaires, les autres types de produits ménagers présentent également pour certains un risque d’écotoxicité.
Conclusion
Et pour certains, cette pollution représente 50 % de la pollution totale rejetée par les habitants d’une maison individuelle. Ce constat, inquiétant, pourrait inciter à mieux utiliser les produits, notamment avec leur dosage minimum, en particulier les produits pour lave-linge et les produits pour la vaisselle à la main. De même pour les gels douches et autres shampoings, dont souvent l’utilisation est supérieure à la quantité minimale nécessaire, et qui, non contents de polluer notre environnement, peuvent avoir un impact également sur la santé de notre corps.
Concernant la biodégradabilité des produits, il est clair que les pastilles pour lave-vaisselle et les liquides pour vaisselle à la main ont la palme des produits les moins biodégradables puisque 63 % des produits analysés sont faiblement biodégradables. Viennent ensuite certaines lessives (50 % sont faiblement biodégradables), puis quelques produits pour le ménage et quelques produits d’hygiène quotidienne, dont la proportion de produits faiblement biodégradables varie de 20 à 30 %. Contrairement à certaines idées que l’on se fait des produits « bio » ou « écologiques », les produits courants que nous utilisons quotidiennement ne sont pas sans impact sur l’environnement.
Références bibliographiques
(1) Anne Cauchi, Christian Vignoles. Comment réaliser un échantillonnage fiable des eaux usées brutes issues de maisons individuelles. EIN n° 354, septembre 2012.
(2) Anne Cauchi, Christian Vignoles. Caractéristiques des eaux brutes de la maison individuelle. EIN n° 354, septembre 2012.
(3) Anne Cauchi, Christian Vignoles. Des savoirs nouveaux pour des petites installations d’assainissement performantes. EIN n° 354, septembre 2012.
(4) Franck Gondelle, Nicolas Manier, Pascal Pandard. Étude de l’écotoxicité de produits détergents pour lave-vaisselle. Rapport ONEMA-INERIS, juin 2011.