Modèle sur les meilleures performances des grands exploitants, l’arrêté du 9 septembre 1997 dit arrêté classe 2, et plus récemment la directive européenne parue en juin 1999 édicte des spécifications très exigeantes pour ouvrir de nouveaux centres ou exploiter l’existant. Elles se rapprochent des conditions d'exploitation des centres de classe I (déchets industriels spéciaux, déchets ultimes).
Cet arrêté reprend notamment le principe de l’isolement, du confinement et décrit les performances exigées de l'aménagement des excavations pour obtenir la maîtrise à long terme de l’évolution des déchets organiques.
Sécurité passive et sécurité active
Le confinement a donc un objectif : limiter de façon pérenne les entrées et sorties d’eau du site (eaux de pluie, eaux de ruisselle-
[Photo : Coupe schématique d'une alvéole couverte]
Responsable de la production des lixiviats et de leur percolation vers les eaux souterraines.
Pour remplir cette condition, deux types de systèmes sont mis en œuvre : une sécurité passive et une sécurité active. Leur conformité à l'arrêté d'exploitation sera vérifiée tout au long de la création de chaque alvéole par des experts indépendants de l’exploitant et par les inspecteurs des installations classées.
La sécurité passive est assurée par le substratum géologique de l'alvéole, qui doit être imperméable et stable.
Il doit présenter une perméabilité de haut en bas (du fond de l'alvéole en direction des eaux souterraines) inférieure à 10⁻⁹ m/s sur un mètre de hauteur puis 10⁻⁸ m/s sur 5 mètres.
La couche inférieure de 10⁻⁹ est généralement liée à la configuration géologique du site. La deuxième couche située immédiatement sous les barrières de sécurité active sert à pallier l'éventuelle défaillance des sécurités actives. Cette couche-là est la plupart du temps retravaillée par les grands exploitants. « Les tests par échantillonnage prévus par la réglementation ne garantissent pas vraiment que le degré de perméabilité est uniforme sur tout le fond de l'alvéole », explique Philippe Leblanc, directeur des marchés du groupe Séché. « C'est pourquoi nous décaissons tout l'argile des alvéoles, nous l'analysons, puis nous le remettons en place par couches de 30 cm en procédant à des mesures journalières à raison de plusieurs centaines de mesures à l'hectare. L'imperméabilité obtenue est de 10⁻¹⁰ m/s avec une certitude de conformité. »
De son côté, France Déchets, filiale de Sita, terrasse l'assise de ses alvéoles à Hersin Coupigny sur une hauteur de 1,25 m avec des marnes bleues (Dieves). Le matériau subit une série de tests sous forme de planches d'essai : compactage, broyage, humidification. On en déduit sa résistance mécanique, chimique, sa perméabilité et les risques de dessiccation. « Les planches d'essai, réalisées par Antéa ou le BRGM, définissent les critères de choix de l'engin de terrassement, le taux d'humidité requis et la hauteur des passes. Puis chaque couche de 25 cm subit un test de perméabilité vérifié tous les 1250 m² par le laboratoire », explique Pierre Legris, directeur de la communication de France Déchets.
Au-dessus de ces couches naturelles, les barrières de sécurité active assurent l'indépendance hydraulique des alvéoles. Elles sont totalement étanches : géomembranes ou géosynthétiques bentonitiques (qui augmentent de 11 fois leur volume s'ils sont en contact avec l'eau). Des géotextiles protègent ensuite les
[Encart : 4 types de CET en France
Il existe en France 4 types de CET :
• classe 0
• classe 1 : déchets industriels spéciaux ou potentiellement dangereux
• classe 2 : déchets industriels banals et ordures ménagères, les déchets liquides dangereux et certaines catégories de matériaux y sont interdits
• classe 3 : déchets inertes.]
[Encart : La réglementation
Les CET de classe II relèvent principalement de trois réglementations :
• La loi du 19 juillet 1976 sur les installations classées
• L'instruction technique du 11 mars 1987 sur l'exploitation des décharges
• La loi du 3 juillet 1992 sur la gestion des déchets
• L'arrêté du 9 septembre 1997 dit arrêté de classe II
• La directive européenne décharges de juin 1999]
[Photo : Alvéole en cours d'exploitation à Hersin Coupigny. Au premier plan : la membrane, le drain collecteur des lixiviats et le massif drainant (Document France Déchets)]
[Photo : L’analyse en laboratoire des déchets permet d’anticiper sur la production de lixiviats et de biogaz]
Géomembranes puis des “massifs drainants”, de sables, galets, grès, facilitent le ruissellement, le drainage, la filtration des lixiviats. (voir article sur les géomembranes).
En fin d’exploitation l’alvéole sera recouverte et confinée de façon quasi symétrique, d’un étagement de barrières passives et actives.
Le drainage s’améliore
Corollaire indispensable du confinement, les systèmes de drainage (drains pour lixiviats, puits de captage des gaz) posés sur la barrière active, évacuent les effluents vers les différents traitements : step ou station de traitement, torchères pour la combustion du biogaz ou chaudières et turbines pour sa valorisation énergétique. Deux paramètres président aujourd’hui à la mise en place de ces infrastructures. Les exigences des Drire en matière de pollution aquatique contraindront de plus en plus les CET à se doter de systèmes performants de traitement de leurs effluents. La création d’une taxe sur le carbone amène les exploitants à rechercher des solutions de valorisation du biogaz, de préférence aux solutions de gestion du risque d’inflammabilité représenté par le torchage.
Les techniques évoluent donc globalement vers plus d’ergonomie et d’efficacité du captage. (voir article “High-tech pour traiter lixiviats et biogaz”). Pour le drainage des lixiviats, on voit disparaître les systèmes de pompage au profit d’un drainage gravitaire réalisé en modifiant le fond de l’alvéole. « Il est incurvé en pente de toit inversé et les drains horizontaux suivent cette inclinaison d’environ 3 %. L’eau est éliminée en continu et totalement », commente Patrice Hacart, responsable du centre d’enfouissement d’Hersin Coupigny. « La suppression des pompes, ajoute Philippe Leblanc, évite la maintenance des matériels. C’est appréciable en post-exploitation ». Une solution qui n’est cependant pas possible sur tous les terrains. Ni forcément recommandée par l’Ademe (voir tableau 1).
Le maillage en réseau des drains, pour lixiviats ou pour le biogaz, améliore la captation. Enfin les puits de captage des gaz sont montés au fur et à mesure de l’élévation du niveau de déchets et non, comme ce fut le cas longtemps, par forage dans l’alvéole comblée. « Cette technique, mentionne Philippe Leblanc, permet un captage précoce (le biogaz se forme un à deux mois après l’apport de déchets) et n’endommage pas l’étanchéité de l’alvéole ».
Reste à exploiter l’alvéole dont la construction aura pris de 3 mois à un an. N’y entre pas n’importe quel déchet, pour des raisons réglementaires, mais aussi pour assurer la meilleure production de biogaz possible. « Il faut trier le déchet (DIB) à réception, rejeter tout ce qui “polluera” la matière organique (pneus, hydrocarbures, DTQD etc.) puis compacter pour enlever les poches d’air. La méthanisation alors sera plus rapide, précise Philippe Leblanc. Depuis peu, nous le soumettons aussi à une série de tests chimiques, de lixiviation, et de gazéification inspirée des protocoles d’acceptation et de traitement des déchets industriels spéciaux ».
Vérifier la qualité du déchet, c’est préparer l’avenir : pour tenter de modéliser la production de lixiviats et de biogaz à long terme, donc d’évaluer la qualité et la durée du gisement.
Cet aspect intéresse d’autant plus les CET qu’ils comptent poursuivre l’exploitation du biogaz en le commercialisant. Cette source de revenus potentiels motive au moins autant que la réduction des risques. ■
Tableau 1 : Comparaison des différents types d’évacuation des lixiviats
Évacuation gravitaire |
Avantages : |
– Système d’évacuation naturel |
– Faible entretien |
Inconvénients : |
– Pas toujours possible |
– Risque de colmatage |
– Entretien difficile |
– Fortes pressions exercées sur le collecteur |
– Traverse l’étanchéité |
– Réparations difficiles |
Remarques : |
– Compatibilité chimique et thermique du matériau utilisé |
Évacuation par pompage |
Avantages : |
– Facilité d’entretien |
– Gestion des effluents par casiers |
Inconvénients : |
– Forte maintenance pendant et après exploitation |
– Risques de pannes |
– Création d’un puisard de pompage |
Remarques : |
– Choix de la pompe très important |
[Encart : Dans le sillage de l’arrêté de classe II, l’Ademe a publié, en avril 1999, un guide méthodologique dans la collection “Connaître pour agir”, intitulé : Les installations de stockage de déchets ménagers et assimilés – Techniques et recommandations.
Les spécifications techniques réglementaires ont été précisées peu après la parution de l’arrêté dans un guide du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement.]