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Capter, laisser s'infiltrer ou réutiliser les eaux de pluie

31 octobre 2007 Paru dans le N°305 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Sahra CEPIA

Longtemps ignorées, les eaux de pluie reviennent en force sur le devant de l'actualité. Leur prise en compte apparaît indispensable pour protéger la ressource et prévenir les aléas climatiques extrêmes. Ces eaux sont aujourd'hui tolérées pour les usages non sanitaires jusque dans l'habitat.

[Photo : © Stradal Préfaest]

Il y a dix ans, quand un particulier récupérait l’eau de pluie pour arroser son jardin, il se faisait entendre qu'il était dans l’illégalité. Aujourd’hui, la récupération des eaux de pluie et leur utilisation pour des usages à l'extérieur de l’habitat sont devenues monnaie courante. Mais que faut-il entendre par eau de pluie ? Pour Philippe Reymond, Responsable du marché Traitement de l’eau chez Stradal Préfaest, « il faut distinguer les eaux de ruissellement des eaux de toitures. Leurs compositions à l’état brut sont complètement différentes et nécessitent des prétraitements propres ». Les premières sont les eaux collectées sur les chaussées, parkings, plateformes logistiques, en clair sur toutes surfaces imperméabilisées situées au sol et pouvant être souillées. Les secondes sont les eaux collectées sur tous les types de toitures, ne pou-

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[Photo : Pour les collectivités et industriels souhaitant stocker les eaux pluviales, Chapon propose l’Ecobassin (breveté) constitué d’éléments carrés préfabriqués en béton, juxtaposés et fixés mécaniquement par compression d’un joint caoutchouc étanche. En cas de besoin de grand stockage, on peut ajouter une ou plusieurs files d’Ecobassin, ce qui permet de réduire la place nécessaire.]

avant d’être polluées que par des éléments naturels (feuilles mortes, mousse, etc.). Elles devront donc faire l’objet de traitements différents même si, dans certains cas, les solutions préconisées se recoupent. Mais, quelle que soit leur origine, elles sont l’objet d’un intérêt croissant. « L’eau pluviale est longtemps restée tabou en France, sa gestion se limitant à son transport et à son prétraitement dans les stations d’épuration », explique Hubert Willig, responsable de Sotralentz Habitat (groupe Sotralentz) spécialisée dans les équipements en polypropylène par extrusion soufflage pour l’assainissement non collectif, pour le traitement et le stockage des eaux pluviales. « Aujourd’hui, on parle de traitement à la parcelle et on encourage les particuliers à s’équiper en récupérateur d’eau de pluie », poursuit le Président des Industriels Français de l’Assainissement Autonome (IFAA) qui vient de lancer une nouvelle structure professionnelle « IFEP » Industriels Français de l’Eau de Pluie. « Il manquait une institution représentant l’industrie au niveau de l’AFNOR, du CEN et des Ministères concernés par l’eau de pluie », précise-t-il.

Ainsi, la France se serait longtemps satisfaite des barrages construits à flanc de collines et de montagnes dans le cadre d’un programme initié par De Gaulle. Aujourd’hui, elle a besoin de rattraper son retard, là où des pays comme l’Allemagne ou la latine Espagne sont très en avance. Mais là aussi où d’autres, comme Malte, semblent privilégier le dessalement d’eau de mer pour répondre au manque d’eau, laissant aux seuls particuliers les initiatives de récupération et de réutilisation des eaux de pluie.

Protéger la ressource et prévenir les aléas climatiques

« Les eaux de pluie sont devenues tout aussi prioritaires que les eaux usées, d’abord pour lutter contre les inondations et maintenant contre la pollution », souligne Richard Filippi, Directeur marketing et développement de Nidaplast Honeycombs. Les réseaux publics d’évacuation des eaux étant moins souvent séparatifs qu’unitaires, il faut éviter qu’ils ne débordent en cas de forte pluie. En outre, en ruisselant sur la chaussée, les eaux de pluie se chargent en hydrocarbures et autres polluants. Dans la moitié des cas environ, les installations de traitement des eaux usées sont pourvues en amont d’un bassin de rétention des eaux de pluie et équipées de systèmes de prétraitement (avec séparateurs d’hydrocarbures). Mais elles sont sensibles aux fortes varia-

[Encart : Un deuxième magasin Super U opte pour le système Skywater® Eau de pluie® Trois mois après la première installation du magasin Super U de Saint-Macaire-en-Mauges (49), le Super U de Thouars (79) opte à son tour pour une solution Skywater® Eau de pluie® qui permettra au supermarché de récupérer 3 000 m³ d’eau par an, soit la quasi-totalité de ses besoins pour alimenter la station de lavage de véhicules, l’arrosage et les sanitaires du personnel. « Les industriels recherchent des solutions sur mesure clé en main leur permettant de réaliser des économies significatives dès les premières années », explique Willy Rohdmann, cofondateur et Directeur associé de Skywater® Eau de pluie®. Le Super U de Thouars s’équipe ainsi d’un système de récupération d’eau de pluie réalisé sur mesure qui sera rentabilisé en cinq ans. « L’installation Skywater® Eau de pluie® comprenant une citerne de 150 m³ (3 m de diamètre sur 22 m de long) va nous permettre de substituer 3 000 m³ avec la station de lavage, l’arrosage et les sanitaires », commente Jacky Barriet, PDG du Super U de Thouars. À Saint-Macaire-en-Mauges (49), l’installation du premier magasin comprend une citerne cylindrique horizontale de 120 m³ équipée de trois collecteurs et de deux groupes de surpresseurs immergés. Le premier groupe permettra d’alimenter la station de lavage de véhicules et le second les sanitaires du personnel. Concrètement, à partir d’une surface totale de 9 500 m² de toiture et en fonction des besoins du bâtiment, le bureau d’étude de Skywater® Eau de pluie® a choisi d’utiliser 5 500 m² de la toiture pour récupérer les 3 500 m³ d’eau par an nécessaires pour ces usages non alimentaires et non corporels. Avec un coût pour le réseau de ville à 3,50 € le mètre cube, le supermarché va économiser dès la première année 12 250 €.]
[Photo : Le système breveté d’alimentation par le dessous des nouveaux bacs Nidaplast EP assure que les sables ne transitent pas dans les blocs. Ils ne nécessitent donc pas d’être visitables pour les opérations d’entretien. L’inspection des drains et leur nettoyage éventuel restent cependant possible, atout de taille compte tenu des pollutions véhiculées par les eaux de pluie, susceptibles de dégrader les sols et les milieux aquatiques.]

tions de flux hydrique entrant, du fait de la nécessité d'usage de procédés biologiques et de produits chimiques pour le traitement de l'eau. Aussi, « Tous ceux placés en amont d’un réseau de collecte sont incités à prendre en compte la problématique des eaux pluviales », souligne Hubert Willig. Ce peut être une surverse du trop-plein avec un régulateur de débit pour réduire les flux entrants dans le réseau, un système de récupération/réutilisation sur site ou de récupération/infiltration dans le sol. L’infiltration dans le sol étant dans certains cas limitée par le risque de pollution de la nappe phréatique.

L’installation de tels systèmes nécessite l’ajustement de leur dimensionnement selon la pluviométrie du lieu, la surface imperméabilisée, des simulations hydrauliques etc., à partir de modélisation informatique, de tests sur bancs d'essais et/ou de sites expérimentaux.

Ainsi, les bureaux d’études préconisent depuis plusieurs années la mise en place de systèmes de rétention de type bassin à ciel ouvert, structure alvéolaire ultra légère… sur des projets variés (lotissements, supermarchés, industries, parkings...) afin de répondre à l’application de la loi sur l’eau (décret n° 2006-881, n° 2.1.5.3.0 de la nomenclature rejet d’eaux pluviales dans les eaux douces superficielles et aux attentes des gestionnaires des réseaux d’eaux pluviales).

« L’objectif est multiple, souligne Renaud Ladame, Chargé d’études au Bureau d'études Environnement Pédologie Géologie (PEBG). Pour le milieu naturel, il s’agit de limiter l’impact de l’urbanisation au niveau quantitatif avec la mise en place de rétention et qualitatif avec un traitement adapté. Au niveau d'une commune, il s’agit de permettre l'urbanisation et d’accepter les eaux pluviales engendrées sans modification du réseau communal existant, dont les capacités hydrauliques maximales sont souvent atteintes ».

De nombreux opérateurs proposent un large panel de solutions. L’offre de Nidaplast Honeycombs repose sur des nids d’abeille en polypropylène extrudé. « Nous avons été les premiers à proposer des blocs enterrés (réservoirs résistants constitués à 95 % de vide) pour stocker les pluies d’orage », souligne Richard Filippi. Ces structures alvéolaires ultralégères (SAUL, voir à ce sujet l’article du CETE page 45) portent le nom de Nidaplast EP pour les plus résistantes à la compression (pouvant être placées sous une route, un bâtiment), et de Nidagreen EP pour les espaces verts. Des SAUL sont également proposées par des sociétés telles que Wavin, Hamon, Hauraton ou encore Rehau qui a récemment présenté sa gamme Rausikko-Box, un système de blocs modulaires ultra-légers et auto-fixants simple et rapide à poser et facile à exploiter grâce à la présence d'une zone de sédimentation hydrocurable jusqu’à 120 bar.

[Photo : Rausikko-Box de Rehau est un système de blocs modulaires ultra-légers et auto-fixants simple et rapide à poser et facile à exploiter grâce à la présence d'une zone de sédimentation hydrocurable jusqu’à 120 bar.]

Dans les années 80, Saint-Dizier Environnement a axé son activité sur les grosses surfaces (parking) en installant des séparateurs d'hydrocarbures dimensionnés et testés pour piéger les hydrocarbures flottants, dans des ouvrages simples, fonctionnant sans énergie. En travaillant sur la caractérisation des eaux pluviales, ils ont constaté que les hydrocarbures se mélangeaient au sable ou aux MES et se trouvaient de fait en décantation plutôt qu’en flottation. « Nous sommes passés d’objectifs de moyens à des objectifs de résultats en terme de capacité épuratoire (sur la DBO, la DCO, les MES, les hydrocarbures etc...) et hydraulique (rejet d'un litre/hectare dans un contexte de pluie aléatoire), selon la définition de moyens pour les atteindre », explique Patrick Churlet, Directeur commercial France de Saint Dizier Environnement.

[Photo : StradalPrefaest a développé une large gamme de citernes, cuves monobloc ou modulaires en béton et accessoires pour répondre à toutes les utilisations de la maison individuelle aux installations collectives.]
[Photo : Les séparateurs d’hydrocarbures permettent de piéger, par gravité et/ou par coalescence, les hydrocarbures présents dans les eaux pluviales. Ils ne doivent pas être confondus avec les décanteurs particulaires qui ont pour vocation de piéger, par gravité, les matières en suspension présentes dans les eaux pluviales.]

Dizier Environnement offre des produits multiparamètres destinés à entrer en complément de traitement (régulateur de débits, de vannes) pour s’intégrer dans le réseau. « Au contraire de l'eau usée où le spectre de polluants est défini, il est nécessaire de caractériser et de spécifier la pollution variable en quantité, en forme et selon les endroits, souligne Patrick Churlet, les solutions de gestion des eaux pluviales ne peuvent être standardisées ».

Les séparateurs d’hydrocarbures, également proposés par le Groupe Sebico, Aquia Environnement, Dunex, Hydroconcept, Stradal, Techneau, Simop ou encore Franceaux, permettent de piéger, par gravité et/ou par coalescence, les hydrocarbures présents dans les eaux pluviales. Ils sont désormais obligatoires pour le traitement des eaux de parkings, stations-services, ateliers mécaniques, aires de stationnement, stations de lavage, casses-automobiles... Ils ne doivent pas être confondus avec les décanteurs particulaires qui ont pour vocation de piéger, par gravité, les matières en suspension présentes dans les eaux pluviales.

Avec sa gamme Aqualentz, Sotralentz propose un large choix de cuves de stockage enterrées (simple et double peau, déversoirs d'orage pour réduction et régulation de débit), de stockage aérien intérieur et extérieur (citernes, cuves bassin) avec un livret de l'utilisateur très complet.

La gamme Pack’Eau du Groupe Sebico se compose également de nombreux types de cuves et de solutions complètes pour la récupération des eaux pluviales.

La société Graf, leader européen de la récupération et de l'utilisation des eaux pluviales avec une expérience dans ce domaine de plus de 30 ans, propose également une gamme complète de cuves en aérien, extérieur, intérieur ou en enterré d'une capacité allant de 200 à 100 000 L. Graf propose également depuis 1990 une gamme complète de récupérateurs d'eau de pluie et de filtres brevetés permettant une récupération optimale des eaux de toitures.

Simop propose quant à elle une gamme de cuves de collecte d’eaux pluviales sans prétraitement, destinées aux collectivités et aux industriels, la gamme FSE (Fosse de stockage enterrée). L’évacuation se fait par un trop-plein, par pompage, avec la possibilité de réaliser un piquage permettant en sortie un débit de fuite dans le réseau si celui-ci est sous-dimensionné par rapport à l'eau qu'il peut recevoir. « Ce genre de cuve fait l’office de bassin tampon du réseau », précise Fabien Perez.

Incitation à la gestion des eaux pluviales

Le regard porté sur les eaux pluviales urbaines a changé. Ces eaux sont progressivement passées du statut de menace et de déchet dont il faut se débarrasser à celui de ressource qu'il faut récupérer et d'élément de valorisation de la ville. Les eaux pluviales ont désormais une valeur en terme de paysage, une valeur d'usage qu'il faut s'attacher à valoriser. De plus, au plan économique, on a pris conscience du fait qu'il était bien plus avantageux d’aménager un quartier en tenant compte dès sa conception de la gestion des eaux pluviales plutôt que d’aménager un quartier in abstracto avant de construire ensuite, et à grands frais, les infrastructures destinées à le protéger des inondations. « Lorsque l'on examine les statistiques liées à l'application de la loi sur les catastrophes naturelles, on s’aperçoit que 75 % des déclarations de sinistres résultent directement des inondations et sur ces trois quarts, trois autres quarts sont des inondations urbaines... » souligne Bernard Chocat, Président du Comité scientifique de Novatech.

Plus de 700 conférenciers ont participé au mois de juin dernier à la 6ᵉ édition de Novatech qui s'est imposée comme l'une des plus grandes conférences mondiales dans le domaine de la gestion des eaux urbaines par temps de pluie. « L'idée selon laquelle nous n’atteindrons »

[Photo : Avec 20 ans d'expérience, Aquavalor est l'un des premiers spécialistes de la récupération d'eau de pluie en logement collectif et individuel (lotissement).]
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[Photo : Vue de deux citernes posées par Aquae Environnement chez Leroy Merlin de Morschwiller le Bas (68) pour l'arrosage des espaces verts et les toilettes.]

« Pas les objectifs de la DCE sur beaucoup de milieux récepteurs si l'on ne traite pas les eaux de temps de pluie s'est imposée », souligne Bernard Chocat. « Ceci est apparu de façon extrêmement claire et pour beaucoup de polluants : les matières en suspension, l'azote, les pollutions bactériologiques, en particulier les contaminations des zones de baignade, les 37 substances prioritaires de la directive... On commence à disposer d'éléments chiffrés sur l'origine des polluants et sur le fait que pour certains, c'est la ville qui est la clé du respect des objectifs imposés par la DCE ».

Pourtant, la France reste très en retard. « Aux Pays-Bas, où plus de 25 % de la surface du territoire est imperméabilisée, plus aucun projet d'aménagement ne se réalise sans l'obligation de récupération et d'infiltration dans le sol, avec prétraitement », précise Hubert Willig. En France, il n'y a pas d'obligation, mais de l'incitation. Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, adoptée le 30 décembre 2006, le maire peut taxer le mètre carré imperméabilisé pour les nouvelles installations. « Aujourd'hui en France, les villes ne veulent pas dégrader l'existant. Quand un permis de construire est délivré, la commune impose de garder l'eau sur la parcelle ou de l'évacuer avec un débit très faible dans le réseau des eaux usées », souligne Richard Filippi. Le delta entre l'eau tombée sur la parcelle et ce qui est renvoyé vers le réseau doit être stocké. Pour ce faire, Nidaplast Honeycombs propose un nouveau produit, Nidaroof, qui permet de stocker les eaux directement sur les toitures plates. « Nous nous inscrivons totalement dans une philosophie de gestion mixte, précise Jean-Louis Manent, directeur d’Aquae Environnement. Nous proposons aux maîtrises d'ouvrages d'élaborer des stratégies de gestion où la récupération d'eau de pluie s'intègre au sein du réseau d'évacuation et (ou) de régulation des eaux pluviales. Notre première mission consiste à dimensionner le volume de stockage en fonction des emplois définis et de la ressource (pluviométrie et superficie de captage). Nous avons développé un logiciel spécifique, qui nous permet de déterminer suivant les données pluviométriques journalières, la meilleure volumétrie de stockage. Cette analyse nous conduit à proposer à la maîtrise d'ouvrage une ou plusieurs solutions techniques et matérielles ».

Selon l'article 641 du code civil « Tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds ». Pour encourager les particuliers à la récupération/réutilisation des eaux de pluie, la France a décidé par arrêté ministériel du 4 mai 2007, d’accorder un crédit d’impôt plafonné à 8 000 € pour une personne seule, porté à 16 000 € pour un couple marié ou pacsé, majorés de 400 € par personne à charge « sachant que ces montants sont applicables sur d’autres équipements concernant les économies d’énergie » précise Denys Becquart de la société Eau Forte, spécialisée dans la récupération des eaux de pluie, la filtration et la potabilisation. « Ces crédits d’impôt ne sont applicables que sur les équipements à usage extérieur de l'eau de pluie (lavage et arrosage). À notre point de vue, l'eau de pluie est pourtant mieux valorisée, compte tenu de ses qualités, à l'intérieur de la maison, d'autant que pour l'arrosage, un décret permet de demander un deuxième compteur d’eau facturé hors assainissement (art. 4 décret du 14 mars 2000) ». Une incitation réelle donc mais pas toujours jugée suffisante. « À titre d'exemple, pour nos installations intégrées (usage extérieur et intérieur), il faut prévoir un budget de 12 000 € TTC (TVA à 19,6 %, à déduire crédit d'impôt de 1 900 €) pour une cuve de 10 m³ (terrassement, pose et fourniture : cuve, pré-filtration, filtration 5 à 10 μ, filtre à charbon, lampe UV et osmoseur) » précise Denys Becquart. Pour l'heure, seuls les usages externes (arrosage, nettoyage) sont donc autorisés dans l’arrêté ministériel du 4 mai 2007. Mais selon la société Skywater, intervenue en tant qu'expert auprès des pouvoirs publics, un second texte en cours de rédaction au ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables devrait modifier ce premier arrêté et proposer d'ouvrir ce dispositif pour...

[Photo : Le chantier des Serres municipales de Roubaix est l’un des plus gros chantiers réalisé par Eaux de France. Il représente 200 m³ de stockage à partir de 2 000 m² de toiture, 2 mois de chantier pour un montant global de 120 K€ dont l’amortissement se fera sur 6 à 8 ans, compte tenu des économies d'eau effectuées.]
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[Photo : Simop propose un système équipé de cartouches filtrantes en sortie de cuve (pour la rétention des fines de 2 à 5 microns sur lesquelles reposent les bactéries), suivi d'un gestionnaire d’eaux de pluie. Celui-ci comprend deux entrées raccordées l'une à la cuve de stockage des eaux de pluie et l'autre au réseau d’adduction d’eau potable de ville, et une sortie raccordée à un réseau parallèle nouvellement construit pour approvisionner les toilettes et la machine à laver.]

les habitations aux sanitaires et au nettoyage des sols.

Précurseur en la matière, Eaux de France est spécialisée dans la rétention et la récupération de l'eau de pluie en France depuis 1996. Cette société a mis au point un procédé naturel de préfiltration, de récupération et d’exploitation de l’eau de pluie aujourd'hui opérationnel sur plus de 1 500 maisons individuelles mais aussi collectivités (écoles, équipements sportifs, etc.) et établissements industriels (serres, découpe industrielle, lavage de voitures…). Thierry Mathon est gérant fondateur de Eaux de France. Il explique : « Notre dispositif de filtration repose sur une mousse aux normes alimentaires qui retient les particules à 80 microns, puis sur un lit de silice calibré qui retient le solde jusqu'à 25 microns et enfin sur une membrane qui filtre ce qu’il reste à 5 microns ». Ce dispositif permet d'éliminer plus de 95 % des matières organiques qui sont le substrat alimentaire des bactéries. Celles qui traversent malgré tout tombent dans une citerne à l’abri de la lumière, à température constante de 15 °C, et sans matière organique ce qui fait que les bactéries ne peuvent pas se développer. « En moyenne, nous observons entre 0 et 10 coliformes pour 100 millilitres », précise Thierry Mathon.

Que ce soit pour un bâtiment public ou une maison individuelle, les constructeurs répondent bien souvent positivement à la demande d'une installation de récupération sans préalablement s'informer des différentes techniques existantes mais surtout des règles à respecter. « Car même si stocker et réutiliser l'eau de pluie semble simple dans sa mise en œuvre, il convient cependant d'accorder un soin particulier à la conception du projet », souligne Bertrand Gonthiez, hydrogéologue et directeur de la société Aquavalor. Ceci dans le but de réduire les risques sanitaires mais également pour garantir un fonctionnement durable des équipements. L'information et la formation technique des installateurs sont donc primordiales surtout si l’eau de pluie est introduite dans le bâtiment pour des usages dits domestiques, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses réalisations. La bonne conformité d'une installation, le contrôle et l'entretien sont donc autant d'éléments qui vont permettre de pérenniser l'installation.

Aujourd’hui, les réalisations gagnent différents secteurs de l'industrie. « L'avantage des installations industrielles est qu’elles cadrent bien l'usage d’eau non potable et disposent déjà de marquage (vert) pour les conduites d’eau non potable », remarque Willy Rohdmann, PDG de Skywater, qui fabrique des solutions intégrées de récupération/réutilisation des eaux pluviales (avec filtration des hydrocarbures et surpresseurs). Cette pratique semble a priori plus accessible aux gros consommateurs d’eau, tels que les pétroliers ou les laveurs de voiture. « Mais dans un contexte de changement climatique, de fréquents épisodes de sécheresse qui font de plus en plus souvent l'objet d'arrêtés d'interdiction d'utilisation d'eau potable, ce peut être intéressant pour une industrie qui ne dispose pas de dérogation de se couvrir en recourant aux eaux de pluie », souligne Patrick Churlet.

La filtration de l'eau de pluie avant son stockage joue un rôle prépondérant dans la conservation et la qualité de celle-ci. Pourtant, celle-ci est encore trop souvent négligée ou sous-dimensionnée. Si l'offre paraît satisfaisante pour les superficies n’excédant pas 2 000 m², peu de systèmes sont disponibles pour les superficies de tailles supérieures. « Nous développons avec notre par-

[Encart : Une solution pour la rétention des eaux de pluie à la parcelle Pour la rétention des eaux pluviales à la parcelle, la société GRAF Distribution a développé deux produits : - une cuve 100 % rétention à débit régulé, - une cuve de rétention et d'utilisation pour un usage jardin ou habitat. Ces cuves sont spécialement recommandées lorsque les bassins d'orage sont saturés, les réseaux surchargés, l'infiltration des sols trop lente ou la nappe phréatique peu profonde. Les avantages de ces cuves de rétention à débit régulé sont les suivants : - équipement sur mesure selon les volumes de rétention et d'utilisation souhaités, - régulateur de débit possible de 0,05 l/s à 2 l/s, - mise en œuvre facilitée grâce à un poids et un encombrement faibles, - nombreux accessoires indispensables disponibles (rehausses, filtres, etc.), - nombreuses capacités proposées (2 700 à 13 000 L). ]
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Partenaire allemand iWater nos propres systèmes de filtration autonettoyants. Nous brevetons actuellement un système compact avec report GTC, capable d’absorber des débits correspondants à des superficies de 5 000 et 10 000 m² », précise toutefois Jean-Louis Manent d’Aquae Environnement.

Dotée de trente ans d’expérience dans le dimensionnement des séparateurs d’hydrocarbures, Simop a également développé une gamme de récupérateurs et de stockage d’eaux de ruissellement des toitures avec prétraitement préalable, la gamme Aquamop. À son arrivée dans la cuve, l’eau subit un filtrage avec rétention des particules fines, puis est canalisée au fond par un système anti-remous afin d’éviter au maximum les turbulences dans la cuve. Un système de flotteur permet de collecter l’eau à 10/15 cm sous la surface. « Le pompage ne peut se faire ni au fond de la cuve, où stagnent les particules les plus lourdes ayant traversé le filtre d’entrée, ni à la surface où sont susceptibles de flotter d’autres particules comme des grains de pollen, particules souvent chargées en hydrocarbures », explique Fabien Perez. En sortie, un système de crépines évite le pompage des insectes curieux venus visiter la cuve. L’eau de pluie collectée et prétraitée peut servir à l’arrosage en l’état, via le raccordement de la cuve à un tuyau de connexion à une pompe, à un robinet ou à un système de puisage. « Si la distance entre la zone de pompage et la cuve n’excède pas une Hauteur Manométrique Totale (HMT) de 7 mètres (verticaux), la pompe peut être de surface. Pour une HMT supérieure, elle doit être immergée, ce qui nécessite de pouvoir la sortir afin de la nettoyer », souligne Fabien Perez.

L’incitation à la récupération/réutilisation des eaux de pluie se retrouve également dans la démarche de Haute Qualité Environnementale (HQE) à travers les chapitres 15 relatif à la gestion quantitative de l’eau et 14 relatif à la gestion qualitative de l’eau. On pourrait imaginer aussi qu’elle passe par l’encouragement à limiter les surfaces imperméabilisées. En Allemagne, un particulier qui imperméabilise son sol est soumis à l’impôt. En France, l’offre de produits répond déjà à cette préoccupation. Le Nidagravel de Nidaplast Honeycombs, par exemple, se pose par plaque dans les allées poreuses (voies de garage, chemin…).

[Encart : Les solutions alternatives : une bonne opportunité pour réintégrer l’eau dans la ville Sinbio est un bureau d’études spécialisé dans les domaines des eaux superficielles et des milieux naturels. Pour répondre aux besoins des collectivités, des services administratifs et des sociétés privées, ce bureau d’études privilégie des techniques innovantes et respectueuses des écosystèmes, adaptées aux problèmes et aux enjeux rencontrés : techniques de stabilisation végétales des berges, stations d’épuration proches des processus naturels, gestion intégrée des eaux pluviales… Car les solutions alternatives sont une bonne opportunité pour réintégrer l’eau dans la ville par une mise en valeur urbanistique en créant des zones d’une grande valeur écologique à proximité des agglomérations. De nombreuses techniques existent pour gérer les eaux pluviales dans cette optique. Il est possible d’associer ou de substituer aux réseaux classiques d’autres ouvrages, par exemple des rigoles naturelles, des noues et des fossés, des chaussées à structure réservoir, des tranchées drainantes, des cuvettes d’infiltration et des bassins paysagers, ou des roselières assurant une rétention et une dépollution des eaux. À Metz, par exemple, Sinbio a assuré la maîtrise d’œuvre du parc urbain des bords de Seille en gérant les eaux pluviales dans le quartier de l’Amphithéâtre, un nouveau quartier de 45 hectares urbanisés à proximité du centre historique. Cet aménagement générait un volume d’eau de ruissellement important à prendre en compte. La ville a donc chargé Sinbio de trouver des solutions alternatives permettant d’intégrer l’eau par une mise en valeur urbanistique mais aussi écologique. Cette réflexion a abouti à la réalisation d’une série d’ouvrages multifonctionnels, permettant le stockage et le traitement des eaux de ruissellement : roselière, lagune, prairie humide, bassin sec.]

Prévenir le risque sanitaire

L’utilisation de l’eau pluviale jusque dans l’habitat peut présenter un risque sanitaire pour des usages domestiques qui repose surtout sur le risque d’interconnexion des réseaux eau potable/eau de pluie pouvant entraîner un mélange eau de pluie/eau potable. Ce qui n’explique qu’en partie la réticence du ministère de la Santé à encourager cette pratique la pose de disconnecteurs réglant ce problème. De plus, « Les eaux de toiture sont certes polluées, mais elles sont dix fois moins polluées que celles qui s’écoulent sur la chaussée », relativise Hubert Willig. En outre, à l’intérieur de l’habitat, de l’eau non potable est déjà autorisée au travers de l’usage des adoucisseurs. « L’idée soutenue est donc d’aménager des

[Photo : Quelques vues d’installation du jardin botanique de Bordeaux (à droite : zone de stockage réaménagée, à gauche : zone de stockage non remblayée avec ancrage en raison d’une nappe fluctuante).]

postes à l’extérieur de l’habitat, avec un tuyau relié à la citerne de récupération des eaux de pluie en vue de l’arrosage du jardin (sans pulvérisateur), explique Willy Rohdmann. Et de verrouiller l’usage des toilettes. Pourtant, en Allemagne, la réutilisation des eaux pluviales se pratique depuis longtemps sans qu’un tonnerre médiatique ne soit venu l’entacher.

Pour le particulier, les possibilités d’usage des eaux de pluie sont identifiables. L’arrosage se fait d’ores et déjà de manière naturelle par la pluie. Les toilettes nécessitent une eau au destin de souillure. « Le lavage des vêtements et de la vaisselle se pratique avec des produits bactéricides, mais pas le rinçage, précise Fabien Perez. Au contraire de la vaisselle, les vêtements rentrent en contact avec la peau (comme les eaux de baignade) mais rarement avec la bouche, ce qui explique que les eaux de pluie ne soient pas recommandées pour le lavage de la vaisselle mais puissent l’être pour le lavage du linge ».

Comme d’autres équipementiers, Simop adapte son offre. Elle propose un système équipé de cartouches filtrantes en sortie de la cuve (pour la rétention des fines de 2 à 5 microns sur lesquelles reposent les bactéries), suivi d’un gestionnaire d’eaux de pluie. Celui-ci comprend deux entrées raccordées l’une à la cuve de stockage des eaux de pluie et l’autre au réseau d’adduction d’eau potable de ville, et une sortie raccordée à un réseau parallèle nouvellement construit pour approvisionner les toilettes et la machine à laver. « Si le système de bascule entre les deux entrées d’eau n’est pas fiable, il peut faire basculer de l’eau de pluie dans l’arrivée d’eau de ville, générant un risque de pollution du réseau, souligne Fabien Perez. Bien que ce risque soit limité du fait que l’eau du réseau soit sous pression, nous avons préféré choisir un gestionnaire de réseau qui a fait ses preuves depuis de longues années en Allemagne ».

Et s’il faut une sécurité supplémentaire face aux bactéries, le particulier peut aussi investir dans un système de post-traitement UV en sortie de la cuve de stockage des eaux de pluie. « Mais ce système nécessite de la rigueur dans son entretien au même titre qu’une chaudière à gaz, la lampe devant, par exemple, être changée régulièrement pour rester efficace et les filtres scrupuleusement nettoyés, précise Fabien Perez. Et à ce niveau, la question de l’économie d’eau rejoint celle de l’économie financière ! ». Certes, le populaire pictogramme « eau non potable » peut être utilisé pour limiter le risque sanitaire d’usage d’eau pluviale jusque dans les habitations.

Mais la vraie prise en compte de ce risque repose sur le contrôle de la conformité des installations (et donc sur l’attribution d’une nouvelle mission de service public) et sur la formation d’installateurs qualifiés.

« Le particulier consommera moins d’eau potable, mais rejettera toujours la même quantité d’eau, ce qui rejoint la nécessité de souplesse dans la distribution d’eau potable et de stabilité dans le traitement des eaux usées », souligne Fabien Perez. Récupérer et réutiliser l’eau de pluie commence à entrer dans les mœurs. « Au-delà du fait de réutiliser l’eau de pluie, il convient également d’accompagner les utilisateurs dans leur démarche éco-citoyenne en les sensibilisant sur leur propre consommation », explique Bertrand Gonthiez.

Réduire la consommation en évitant le gaspillage de l’eau potable par l’application de gestes simples est indispensable et tout à fait complémentaire à la récupération de l’eau de pluie.

Le but n’étant pas de toujours plus consommer mais de consommer mieux.

« Il faut avoir à l’esprit que la ressource en eau douce est chaque année plus vulnérable et fragilisée et qu’il ne faut pas attendre un seuil critique pour agir, comme on en a trop souvent l’habitude, souligne Bertrand Gonthiez. Les techniques alternatives comme la revalorisation de l’eau de pluie sont à démocratiser et à développer tout en faisant des efforts sur l’éducation des consommateurs que ce soit les collectivités, les industries ou bien les particuliers ».

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