DÉBITS À ABSORBER
Pour traiter le problème d’absorption des grilles, il est nécessaire de pouvoir connaître le débit que chacune d’elles peut admettre. La détermination de ce débit est un problème connu. Rappelons-en les principales phases : la connaissance de la localisation géographique et du choix de la période d’observation retenue (annuelle, décennale, centennale…), choix déterminé avant tout par la sécurité souhaitée, permet de définir une intensité de précipitation i (en l/ha/s).
Le bassin versant, le coefficient de ruissellement de chaque aire considérée (rapport du volume d’eau qui s’écoule sur cette surface au volume d’eau tombé sur elle) et enfin les caractéristiques des chaussées et caniveaux (géométrie, pente, rugosité) nous conduisent à déterminer un débit à absorber.
HYPOTHÈSES SUR LA LOI D’ABSORPTION
Par analogie avec la théorie des déversoirs, nous pouvons écrire a priori :
Q = μ b √2 g h (1)
avec :
Q = débit absorbé par la grille (Q absorbé),
b = largeur de la grille,
h = hauteur de la lame d’eau à l’amont de la grille,
μ = coefficient de débit avec μ = f (forme de la grille, v, h),
v = vitesse de la lame d’eau à l’entrée de la grille.
Il est admis que μ peut s’écrire :
a + P (h, l)
a : coefficient constant,
P (h, l) : fonction polynomiale de h, hauteur d’eau en amont de la grille et de l, pente longitudinale de chaussée.
Cette fonction polynomiale est difficile à déterminer ; nous la considérerons comme constante, en première approximation, et nous négligerons donc l’influence de h et de l qui conditionnent la vitesse d’arrivée de l’eau sur la grille.
μ étant un terme constant, b (largeur de grille) et g (accélération de la pesanteur) également, nous supposerons donc que le débit Q absorbé s’écrit :
Q = K h^3/2 (2)
avec :
K : coefficient constant intrinsèque à la grille et qui caractérise le pouvoir d’absorption de celle-ci,
h : hauteur d’eau se présentant à l’amont de la grille.
[Photo : Schéma de la maquette]
[Photo : Vue générale de l'installation d'essais.]
VÉRIFICATION EXPÉRIMENTALE -MAQUETTE D'ESSAIS
Maquette d'essais
Nous avons construit une maquette (voir figure 1) permettant de vérifier expérimentalement les conclusions théoriques précédentes et plus particulièrement la loi définie par l'équation (2) : le débit absorbé est en première approximation proportionnel à la puissance 3/2 de la hauteur du fil d'eau amont ; le coefficient K de proportionnalité dépend uniquement de la géométrie de la grille.
La maquette permet de tester les grilles de façon identique et ainsi de déterminer pour chacune d'entre elles le coefficient K caractéristique de leur pouvoir d'absorption.
[Photo : Vue du bac d'alimentation : réservoir d'arrivée de l'eau et réservoir d'eau tranquillisée.]
L'installation est constituée d'un réservoir d'alimentation muni d'un bac tranquillisateur et à l'entrée duquel un compteur d'eau indique le débit d'alimentation. À sa sortie, un canal de longueur suffisante et nécessaire pour établir un régime hydraulique stable dirige l'eau sur une grille à tester. Une bâche recueille l'eau non absorbée et une autre l'eau absorbée. Sont donc mesurés sur cette maquette : le débit d'alimentation et le débit absorbé.
[Photo : Bac d'alimentation : compteur pour le contrôle du débit de l'alimentation.]
Il est nécessaire de contrôler également la hauteur d'eau se présentant à l'amont de la grille. Pour une meilleure précision, nous avons préféré la calculer à l'aide de la formule de Bazin, qui s'écrit :
87 R √I · S
Qₐ = --------------------
y + √R
y : facteur de rugosité (≈ 0,16)
I : pente longitudinale du canal (≈ 4 %)
S : section mouillée (section droite du liquide) en m²
P : périmètre mouillé (en mètres) : partie du périmètre en contact avec les parois du canal
R : rayon hydraulique (en mètres)
R = S/P
Qₐ : débit d’alimentation (en m³/s) (mesuré)
h : intervient dans la formulation de S et de P.
Essais
Nous avons étudié l'absorption d'une série de grilles sous différents débits d'alimentation.
À l'aide du débit Q_absorbé mesuré et de la hauteur h se présentant en amont de la grille (obtenue selon la méthode décrite au paragraphe précédent) nous avons calculé les différentes valeurs de K pour différents débits d'alimentation, grâce à la formule :
K = Q_absorbé / h^3/2
Tous les essais réalisés ont permis de vérifier que la valeur du coefficient K d'une grille était relativement constante : la loi (2) est bien vérifiée. À titre d'exemple, les valeurs obtenues pour une grille plate carrée de 500 × 500 mm sont indiquées sur le tableau suivant :
Débits d'alimentation (l/s) |
13,5 | 18,5 | 22,8 | 25,8 | 27,5 |
Débits absorbés (l/s) |
13,3 | 18,3 | 22,2 | 24,1 | 25,0 |
Coefficients K |
3,89 | 4,04 | 4,07 | 3,95 | 3,89 |
Moyenne des coefficients K : 3,96
Écart-type sur les valeurs de K : 0,08
On peut donc conclure que la loi d'absorption Q_absorbé = K h^1,5 est relativement bien vérifiée.
Notre banc d'essais nous permet ainsi de caractériser une grille quelconque : en effet, en la soumettant à divers débits d'alimentation, nous pouvons déterminer un coefficient K_moyen qui définira les capacités d'absorption de cette grille (pour l'exemple ci-dessus le K_moyen est de 3,96).
[Figure : Coupe de la grille et du caniveau.]
[Photo : Vue de l’arrivée d’eau sur la grille.]
[Figure : Schéma de la méthodologie.]
[Figure : Abaques permettant la détermination du débit d’absorption des grilles.]
MÉTHODOLOGIE ET UTILISATION DES RÉSULTATS
Le débit à absorber Qₐ, étant supposé connu, ainsi que les caractéristiques géométriques du caniveau, on en déduit, grâce à la formule de Bazin, la hauteur d’eau en amont de la grille. Une grille étant choisie, nous disposons ainsi d’une valeur de K (coefficient d’absorption), déterminée grâce à notre installation d’essais et qui est intrinsèque à la grille. Enfin, en appliquant la relation Q_absorbé = K h¹·⁵ on obtient directement le débit absorbé.
Dans la plupart des cas la hauteur h se présentant à l’amont n’a pas une valeur constante sur la largeur de la grille (figure 2). Il est alors nécessaire d’introduire une hauteur d’eau équivalente h_e, fonction du type de grille et du caniveau dans lequel elle est placée. Cette hauteur est définie de la façon suivante : on intègre un débit d’absorption élémentaire dQ sur la largeur de la grille. On obtient ainsi une expression dans laquelle ne figurent que la largeur de la grille et une hauteur h₀ qui est celle prise au point le plus bas du caniveau (figure 2).
Comme l’expression du débit absorbé peut aussi s’écrire sous la forme K h_e¹·⁵, on s’aperçoit donc qu’on obtient une équation telle que h_e = f(h₀).
Cette hauteur est aussi celle qui est utilisée pour déterminer le débit Q absorbé en écrivant :
Q = K h_e³/²
La méthodologie peut être résumée par la figure 3.
CONCLUSION
La loi d’absorption posée a priori est relativement bien vérifiée. Elle peut donc être exprimée en fonction de deux paramètres seulement : l’un dépendant du type de grille et l’autre qui représente la hauteur d’eau se présentant en amont de la grille.
À l’aide des résultats obtenus dans cette étude, nous pouvons traiter le problème d’absorption d’eau de ruissellement de manière complète et relativement simple, grâce, par exemple, à l’utilisation d’abaques (figure 4).