En Europe et aux Etats-Unis, les deux principales voies de valorisation des boues concernent l'épandage agricole et l'incinération avec récupération d'énergie. Améliorer sans cesse la qualité des boues en réduisant , à la source, les rejets en éléments traces métalliques et micro-polluants organiques fait partie de la gestion rationnelle de l'exploitant, ce qui lui assure, pour partie, la pérennité de la valorisation agricole des boues. Mais changer l'image des boues pâteuses, en modifiant leur aspect physique, permet d'accroître le facteur d'acceptation sociale des boues car elle peut être transformée en un nouveau matériau sous la forme de granulés de quelques millimètres de diamètre, faciles à épandre et suffisamment friables pour répondre à l'intérêt agronomique. Le séchage thermique maîtrisé est dorénavant à la fois une vraie technologie de réduction de masse et de volume des boues, et une filière de recyclages potentiels vers de nombreux segments de l'agriculture. Cette technique optimise, d'une manière globale, les coûts de transport, de stockage, de mise en oeuvre et simplifie singulièrement la vie des exploitants en leur évitant les délicates contraintes d'entreposage des boues pâteuses mal stabilisées. Elle répond parfaitement à la notion de filière alternative pour les boues, lorsque ces dernières font l'objet d'une contamination passagère.
Améliorer sans cesse la qualité des boues en réduisant, à la source, les rejets en éléments traces métalliques et micro-polluants organiques, fait partie de la gestion rationnelle de l’exploitant, ce qui lui assure, pour partie, la pérennité de la valorisation agricole des boues.
Mais, changer l'image des boues pâteuses, en modifiant leur aspect physique, permet d’accroître le facteur « acceptation sociale » des boues, car elle peut être transformée en un nouveau matériau sous la forme de granulés de quelques millimètres de diamètre, faciles à épandre et suffisamment friables pour répondre à l’intérêt agronomique.
Le séchage thermique maîtrisé est dorénavant, à la fois, une vraie technologie de réduction de masse et de volume des boues et une filière de recyclages potentiels vers de nombreux segments de l’agriculture.
Cette technologie optimise, d’une manière globale, les coûts de transport, de stockage, de mise en œuvre et simplifie singulièrement la vie des exploitants en leur évitant les délicates contraintes d’entreposage des boues pâteuses mal stabilisées; elle répond parfaitement à la notion de filière alternative pour les boues, lorsque ces dernières font l’objet d’une contamination passagère.
Le choix d'une technologie de séchage dépend de très nombreux paramètres. De leurs prises en compte et de leurs analyses dépendent, à la fois, les performances atteintes, les risques encourus (feux et explosions), les coûts journaliers d’exploitation, mais surtout la qualité du matériau à obtenir pour le recyclage agricole.
On distingue schématiquement trois modes de séchage : le séchage de type indirect ou par contact fonctionne selon le principe de la transmission de chaleur au travers d’une paroi, par laquelle les boues à sécher sont physiquement isolées du fluide de chauffage (thermo-
Séchage de type indirect ou par contact.
La paroi chauffée en contact avec la boue humide permet l’évaporation de l'eau des boues
Séchage de type direct ou par convection.
L'air chaud ou le gaz de combustion avec une teneur en humidité faible absorbe l'eau de la boue à sécher.
huile, vapeur).
Le séchage de type direct ou par convec- tion. Dans ce cas, l’air chaud ou le gaz de combustion, contenant déjà une faible teneur en humidité, circule sur les boues à sécher généralement préalablement prépa- rées ; le gaz absorbe l'humidité des boues jusqu'à sa saturation.
Le séchage mixte où les deux effets précé- dents se conjuguent et se complètent. Globalement, les technologies de séchage indirect exclusif sont les plus nombreuses (sécheurs à disques, à pales, à plateaux, à couche mince, à vis, à lit fluidisé, etc.) et plus utilisées pour le séchage des boues urbaines en comparaison du séchage direct (sécheurs à tambours pour l'essentiel, à bandes), tandis que le mode de séchage mixte reste encore peu développé sur le marché du séchage des boues urbaines.
Les boues séchées à siccité élevée (90 - 95 %) : un matériau totalement différent par rapport aux boues pâteuses et aux
boues insuffisamment séchées Grâce aux technologies de séchage maîtrisé à siccité élevée (90 à 95 %), la masse des boues peut être réduite entre 75 et 80 % par rapport à la masse initiale des boues déshy- dratées (siccité 20 à 25 %).
Les procédés de séchage conduisent, soit à l’évaporation partielle, soit pratiquement totale des différentes formes d’eaux pré- sentes dans les boues déshydratées, mais un nombre réduit de technologies permet la production d'un matériau ayant des caracté-
* Excepté dans les sécheurs flash et les équipements de type centrifuge. ny.
ristiques très définies et souhaitées pour les utilisateurs qui s’orientent vers l’objectif principal de la valorisation agricole.
La nouvelle structure transmise aux boues séchées, par les technologies de séchage maîtrisé, leur donne un aspect physique équivalent aux fertilisants, ce qui participe activement à l'appréciation des agriculteurs, car les conditions techniques de la mise en œuvre des boues séchées deviennent alors similaires à celles des engrais minéraux NPK.
Le regain d’intérêt que portent, à la fois les maîtres d’ouvrage et les utilisateurs, est confirmé par le fort développement du séchage. L’une des conditions fortes de ce développement réside dans la forme des matériaux obtenus, appelés quelquefois “pellets”, d’une qualité physique permettant une utilisation facile et agréable.
L’élaboration des granulés : un savoir-faire
Les boues urbaines ont la particularité de s’autogranuler. La qualité de l’autogranula- tion dépend principalement de l’origine, de
la nature, des traitements, de leur condition- nement et des techniques appliquées.
Pour procéder à la préparation des “pellets”, de forme granulaire, il est indispensable de mettre en œuvre, à la fois des procédés adaptés et éprouvés, fondés sur des méca- nismes physiques qui créent d’abord les gra- nulés, puis améliorent leur forme et leur aspect optique.
La première opération appelée “enrobage” permet l’élaboration du mélange homogène ayant l’aspect d’un “caviar”. Cette réaction s’effectue par couverture de la surface d’un noyau ou germe de boues séchées (90 - 95 % de siccité) avec les boues pâteuses à sécher.
Un léger séchage extérieur immédiat évite alors le collage entre les grains de boues et la formation de grumeaux.
Durant la deuxième opération ou séchage, l’évaporation complète des différents types d’eaux, contenus dans la couche de boues pâteuses, se produit tout en prenant soin de conserver la structure et la forme des granu- lés et en évitant tout particulièrement de les broyer, car il se forme des poussières et des fines qui seraient alors néfastes lors de la valorisation agricole : retombées atmosphé- riques, ingestion possible de poussières lors de l’épandage, difficultés pour une réparti- tion homogène des boues séchées.
Certaines technologies de séchage tendent à accentuer la qualité optique des “pellets” en mettant en œuvre des mécanismes simples qui font rouler délicatement les granulés et les retournent constamment sur la paroi de chauffage.
Les granulés de boues séchées à 90 - 95 % de siccité : un matériau aisément stockable et manipulable
Après préparation, les boues séchées sont stockées dans des silos verticaux, d’où elles sont ensuite chargées, soit dans des camions bennes, soit dans des citernes pour trans- port de produits pulvérulents lorsque l’on souhaite, à la livraison, pouvoir effectuer un dépotage pneumatique.
La mise en big bag, voire en sac, est très aisée à mettre en œuvre. On a constaté, cependant, que la manipulation des boues séchées crée des poussières et que les conditions d’écoulement nécessitent une présentation sous la forme de grains relati-
[Schéma : coupe de granulé de boues séchées avec légendes « NOYAU ou GERME DE BOUES SÉCHÉES », « BOUES HUMIDES PÂTEUSES DÉPOSÉES PAR ENROBAGE », « FILM EXTÉRIEUR »]Les caractéristiques des boues séchées se réfèrent à la fois aux propriétés physiques, agronomiques et bactériologiques.
Les matières sèches des boues séchées
Les boues séchées, à siccité élevée, ont une teneur en matières sèches pratiquement constante (90 à 95 %). De ce fait, il n’existe que très peu de dérives directes vis-à-vis des éléments fertilisants (NPK), ce qui n’est pas le cas lorsque les boues déshydratées varient en siccité.
À titre d’exemple, une tonne de boues déshydratées à 25 % de siccité et 4 % en P₂O₅ apporte 10 kg de P₂O₅/t de produit brut. Si la siccité des boues déshydratées vient à diminuer jusqu’à une valeur de 20 %, la même tonne ne contiendra alors que 8 kg de P₂O₅, soit un écart de 20 %.
En comparaison, une boue séchée à 95 % de matières sèches contiendra 38 kg de P₂O₅/t de boues séchées et une diminution de siccité à 90 % provoquera seulement une diminution de 2 kg de P₂O₅, soit un écart de 5 %. Les agriculteurs trouveront ainsi un énorme avantage, car le dosage et l’épandage sont grandement facilités.
La granulométrie
La mise en œuvre des boues à siccité élevée est fortement influencée par la taille des granulés et leur répartition.
La conduite de l’épandage et l’analyse de la répartition densimétrique sur les sols, des granulés de différentes formes et origines, ont fait l'objet d'essais très approfondis par l'Organisme suisse FAT (Forschungsanstalt für Agrarwirtschaft und Landtechnik).
Il a été constaté que la distribution des granulés de boues, par des épandeurs d’engrais à assiette, suit la règle de balistique des particules : plus elles sont grosses, plus loin elles seront projetées. À l’inverse, les fines particules seront distribuées sur une bande d'épandage plus étroite (environ les deux tiers de la largeur d’épandage standard de l'appareil).
À titre d’exemple, la courbe de distribution des boues séchées produites dans un système indirect, selon la technologie à plateaux multi-étagés, montre un resserrement de la taille des granulés de boues séchées entre 1 et 4 mm, facteur qui favorisera par la suite l’épandage.
La masse volumique
La masse volumique des boues séchées à 90–95 % est généralement comprise entre 650 et 800 kg/m³, mais elle peut varier et dépendre de nombreux facteurs :
- • l'origine et la nature des boues à traiter : les granulés de boues digérées ont, de par leur composition en matières minérales et leur faible teneur en fibres, une masse volumique plus élevée en comparaison des boues séchées produites à partir des boues issues d'un traitement primaire ;
- • la distribution de la taille des particules : des grosses particules poreuses, d'un aspect grumeleux et se présentant comme des « bretzels » donnent des valeurs de masse volumique plus faibles par comparaison à des micro-billes ;
- • le degré de séchage : des boues séchées partiellement (siccité de 65 %), bien que fragmentées, présentent des masses volumiques de 500 à 600 kg/m³ inférieures à des boues séchées granulées (90 à 95 % de siccité).
La valeur fertilisante
Les boues séchées sont principalement riches en matières organiques, en chaux, si le traitement initial comprend une opération de chaulage, et en phosphore sous la forme de P₂O₅. En revanche, la teneur en azote assimilable immédiatement après épandage est relativement faible, car la plupart de l’azote ammoniacal est libéré, lors de la déshydratation, d’une part, et du séchage, d’autre part.
*Bretzels : caractérisation d'une boue après séchage à 90 %, suite à une préparation initiale de forme par extrusion des boues pâteuses.
[Graphique : Courbes de distribution des particules de boues séchées – « La meilleure qualité d’un produit dépendra de la distribution finale des particules. La courbe A (vert) montre la plus étroite distributivité par rapport à celle matérialisée par la courbe B (bleu vert) »]D’autre part.
Les boues séchées ne renferment pratiquement pas de potasse (K₂O), car cet élément est très soluble et n’est même pas retenu dans les boues déshydratées.
Les conditions de séchage permettent de produire des granulés contenant, à la fois, du phosphore et de l’azote, ayant des solubilités variables. Les tests menés dans des conditions d’expérimentation en laboratoire (SAC : Écosse – Université de Louvain : Belgique) ont mis en évidence la solubilité progressive de l’azote et du phosphore en fonction du temps. Le sol, qui contient les boues séchées, montre une solubilité progressive de l’azote des boues et une augmentation de l’azote minéralisé dans le sol ; ces valeurs sont exprimées en azote total.
La solubilité du phosphore dépend principalement de la forme du phosphore ; les précipitations chimiques bloquent le phosphore sous une forme chimique non assimilable. Certains auteurs ont montré une légère diminution de la disponibilité du phosphore des boues séchées lorsque les températures de séchage sont très élevées (température > 400 °C).
Les boues séchées se comportent comme un amendement à libération lente d’azote, réaction due à la minéralisation de l’azote organique.
• La qualité bactériologique
L’article 7 du décret 97-1133 indique que les boues doivent faire l’objet d’un traitement, de façon à les stabiliser d’une part, et de réduire d’une manière significative les risques sanitaires, d’autre part.
Les procédés de séchage répondent à cette condition ; ils garantissent l’hygiénisation et l’aspect fermentescible des boues est bloqué par l’élévation de la siccité à des valeurs de 90 à 95 %.
L’hygiénisation est atteinte d’une manière concomitante par l’effet température et le temps de contact.
On a constaté qu’après un stockage de longue durée pendant une année, les boues séchées n’ont pas montré une croissance significative des micro-organismes analysés. Des essais effectués par le CIRSEE, sur un séchage à 108 °C pendant 10 heures, ont confirmé une hygiénisation des boues pour 3 campagnes sur 4. L’explication la plus probable est fournie au travers d’une recontamination possible de type « post-traitement » (conférence Pollutec Lyon : CIRSEE, Lyonnaise des Eaux).
• Les odeurs
Les boues séchées à 90-95 % subissent un traitement de stabilisation par l’action combinée de la température de séchage, qui s’accompagne d’une diminution presque totale de l’humidité des boues. Les gaz incondensables, formés lors du séchage, peuvent contenir de 3 à 5 mg/m³ d’air d’hydrogène sulfuré et autres mercaptans. En contrepartie de cette perte dans les incondensables, cela permet d’éviter des développements ultérieurs d’odeurs dus à ces composés soufrés, mais à la seule condition que la siccité de séchage soit suffisamment élevée : > 85 % pour les boues digérées et 55 %.
L’hygiénisation des boues séchées : résultats d’analyses
Germes pathogènes | Valeurs fixées à l’arrêté du 8.01.98 | Valeurs fixées par EPA 503 | Boues digérées séchées Baltimore | Boues digérées séchées Nancy | Boues digérées séchées Bruges (stockées pendant une année) | Boues digérées séchées Zurich * | Boues digérées séchées Zurich ** |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Salmonelles | < 8 NPP/10 g MS | < 4 MPN/4 g | absence/25 g | absence/10 g | absence/25 g | < 1 | < 1 |
Entérovirus | < 3 NPPU/10 g MS | < 1 UFP/4 g MS | ND | absence avant traitement thermique sur 10 g | ND | ND | ND |
Œufs d’Helminthes viables | < 3/10 g MS | < 1/4 g MS | absence/25 g | ND | ND | < 1 | < 1 |
Coliformes thermotolérants | < 1 000 MPN/6 g MS | — | < 10 | — | < 10 | < 1 | < 1 |
Source : Enviro-Consult
* Séchage de type indirect pendant un temps de contact de 5 mn jusqu’à une siccité de 55 %. Ce séchage permet d’atteindre les critères d’hygiénisation fixés par l’EPA (classe A). Mais, du fait du préséchage à une siccité trop faible (55 %), les conditions demeurent propices à une recontamination. ** Séchage indirect jusqu’à une siccité de 90 % pendant un temps de contact de 45 mn.
Quelques valeurs en NPK des boues séchées extraites des différents documents techniques
Vevey-Montreux (Suisse) – Boues digérées : NTK 0,7 % MS ; P₂O₅ 7,5 % MS ; K₂O 0,1 % MS
Zurich (Suisse) – Boues digérées : NTK 2,7 % MS ; P₂O₅ 6 % MS ; K₂O 0,1 % MS
Nancy (France) – Boues digérées de brasserie : NTK 4,4 % MS ; P₂O₅ 6,1 % MS ; K₂O 0,4 % MS
Baltimore (U.S.A.) – Boues digérées : NTK 5,5 % MS ; P₂O₅ 3 % MS ; K₂O 0,1 % MS
Barcelone (Espagne) – Boues physico-chimiques : NTK 5 % MS ; P₂O₅ 7 % MS ; K₂O 0,2 % MS
Source : Enviro-Consult
> 90 % pour les boues fraîches.
Conclusion
Les boues séchées granulées devraient doper à la fois les voies de valorisation agricole et des autres utilisations environnementales comme la réhabilitation de sites, l'horticulture, les pépinières, etc. L’augmentation d’unités de séchage thermique des boues conduira aussi à faire de substantielles économies de transport des boues déshydratées, ce qui aura pour effet secondaire de diminuer l’impact environnemental en termes de pollution liée au trafic.
Le séchage thermique maîtrisé permet la production à grande échelle d’un matériau stable, facile à stocker, qui est aussi traité contre les développements d’odeurs et la formation de poussières. L’utilisation des boues séchées granulées devient plus aisée et agréable pour les utilisateurs.
Mais les boues séchées granulées (90 % de MS, 65 % de MV) ont un pouvoir calorifique de 12 400 kJ/kg (c’est-à-dire 3 000 kcal/kg) et, en cas de difficultés temporaires dans la filière de valorisation agricole, l’alternative de la voie de valorisation énergétique (co-incinération avec les OM, cimenteries, briqueteries) s’avère alors applicable. Par ce fait, le séchage thermique maîtrisé, à siccité élevée, répond à la fois à la voie principale de valorisation et à la filière alternative, comme le détaille l’article 8 du Décret 97-1133.