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Boues d'eaux résiduaires: comment réduire leur teneur en eau ?

30 decembre 1997 Paru dans le N°207 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Marie-odile MITZIER

L'évolution, en septembre 1997, de la réglementation sur les déchets d'une part, et la publication au Journal Officiel du décret du 8 décembre 1997 d'autre part, modifient profondément la filière des boues. Les exploitants vont avoir tout intérêt à réduire leurs volumes. Pour ceci des méthodes existent. Elles doivent être choisies en tenant compte de la nature des boues à traiter et des contraintes liées aux destinations possibles.

L’évolution, en septembre 1997, de la réglementation sur les déchets d’une part, et la publication au Journal Officiel du décret du 8 décembre 1997 d’autre part, modifient profondément la filière des boues. Les exploitants vont avoir tout intérêt à réduire leurs volumes. Pour ceci des méthodes existent. Elles doivent être choisies en tenant compte de la nature des boues à traiter et des contraintes liées aux destinations possibles.

Chaque année, la France produit 850 000 tonnes de matières sèches (MS) par le biais du cycle de traitement des eaux usées. En 2005, ce chiffre pourrait atteindre 1 300 000 tonnes de MS, si l’on ne tient pas compte des évolutions technologiques qui pourraient réduire leurs volumes. Et lorsqu’on sait qu’en sortie de station ces boues se présentent (le plus souvent) sous forme liquide ou partiellement déshydratée, c’est en fait à une masse estimée de 3,5, voire 4 millions de tonnes, qu’il faut faire face.

Aujourd’hui, une usine de dimension moyenne, 100 000 équivalents habitant (EqH), doit évacuer chaque jour 700 m³ de boues non traitées. Un traitement par concentration et digestion peut ramener ce chiffre à 250 m³ par jour. Ce qui est encore important lorsqu’on prend en compte la filière d’évacuation et son coût.

Actuellement en France, 25 % des boues vont en décharge, 60 % en agriculture et 15 % en incinération. En 2002, les décharges leur seront fermées. D’ici là, pour être acceptées, les boues devront respecter la nouvelle réglementation mise en place en septembre dernier, rendant obligatoire une siccité supérieure à 30 % (aucune dérogation ne sera accordée après septembre 1998). Dès 2002, les deux autres filières devront absorber l’augmentation de volume des boues et les 25 % aujourd’hui placés en centre d’enfouissement technique. Pour ne pas se priver de la filière la plus économique – l’agriculture – l’État s’attache à clarifier le statut des boues de traitement. Le nouveau décret et la réglementation qui arrivent (voir article sur la nouvelle réglementation des boues) va responsabiliser les exploitants de la filière et conduire vers une plus grande clarté. Cependant, en introduisant la notion de flux et de seuils limites en métaux et micro-organismes, en encadrant mieux le stockage, les nouveaux textes font peser des contraintes supplémentaires sur l’épandage agricole. Les exploitants responsables de la filière devront aller vers plus de qualité et assurer la traçabilité de leurs boues.

Pour que les boues soient considérées comme une matière fertilisante, elles devront désormais répondre à un cahier des charges très précis (qui reste à définir). Seules les boues répondant à des critères très stricts pourront être homologuées par le Ministère de l’Agriculture. Elles seront alors utilisées sans contraintes, puisque sorties de la filière boues. Pour tous les autres cas, les exploitants auront tout intérêt, quelle que soit la filière retenue, à réduire le volume des boues.

[Encart : Pour en savoir plus... • Traiter et valoriser les boues, ouvrage collectif, Collection OTV, diffusion Lavoisier Tec & Doc. • Les Rendezvous de l’AFNOR, Qualités des boues de stations d’épuration et leur devenir. • Déshydratation mécanique des boues, Centrifugeuses, filtres à bandes, filtres presse, comment choisir et pourquoi ? Conférence Pollutec 97, Nancie.]

Pour atteindre cet objectif, différentes solutions peuvent être mises en œuvre. La première consiste à adopter un procédé d’épuration moins producteur de boues.

Choisir un traitement moins producteur de boues

Dans la famille des boues issues de traitement, plusieurs classes peuvent être différenciées en fonction de leur provenance : industrie, station de traitement des effluents urbains... Les unes peuvent contenir des toxiques (produits chimiques, métaux lourds...), les autres sont surtout composées de matières organiques. Les filières de concentration devront donc être adaptées en fonction de la nature du produit à traiter. Pour les boues industrielles, un traitement physico-chimique est possible, à condition de choisir le réactif qui produit le moins de boues. « Par exemple, explique Patrice Coconnier de Degrémont : « Pour neutraliser un bain acide on peut ajouter de la soude ou de la chaux. Mais la soude précipite moins. Elle produit donc moins de boues ». Cette approche est bien sûr menée au cas par cas, en fonction de la nature et du volume de l’effluent à traiter.

Une autre solution, au point depuis une quinzaine d’années, peut être mise en œuvre. Il s’agit d’un traitement biologique associant méthanisation et traitement anaérobie. Par rapport au classique traitement aérobie, le volume des boues est réduit d'un facteur 3,45.

En alternative, la séparation des matières en suspension de l'eau à l'aide d'une membrane peut être une solution. L’effluent pénètre dans le réacteur. L’eau est percolée à travers la membrane, tandis que les boues sont retenues. Une telle approche est en place chez Degrémont depuis quatre ans avec le Bioréacteur à membrane, appelé encore BRM. Cette technologie tourne sur quelques sites industriels. La première installation a été réalisée chez Siccos, une filiale de l’Oréal implantée dans le Nord. Le BRM combine un traitement biologique et une séparation sur membrane d'ultra-filtration. Il élimine de façon stable la totalité des particules, des micro-organismes et des virus.

Chez OTV, c'est Biosep qui assure ce travail. Les modules membranaires sont immergés dans un bassin de boues activées classiques. Les boues activées assurent l’élimination de

Une nouvelle réglementation

Tantôt considérée comme matière fertilisante, tantôt comme déchet, les boues issues des stations de traitement ne savent plus où se positionner. Pour clarifier le statut un nouveau décret vient d’être signé et publié au Journal Officiel du 10 décembre 1997. Il sera suivi dès le début de l'année 1998 par un arrêté. Ces textes vont permettre de rassurer la filière agricole en apportant plus de qualité. Dans le cadre réglementaire, les boues étaient conjuguées comme un déchet, puisque les exploitants souhaitaient s’en débarrasser, mais aussi comme matière fertilisante, puisqu’elle contient de l’azote. Ce double statut accordé aux boues entraînait une certaine confusion. De nombreux textes s’y rattachaient. Pour simplifier la réglementation, le gouvernement vient de refondre le règlement attaché aux boues, de façon à le rendre plus simple. Christophe Chassant, Chef du Bureau de la lutte contre la pollution des eaux au Ministère de l'Aménagement du territoire et de l’Environnement, a profité d'une journée organisée par l’AFNOR pour faire un tour d’horizon du problème. Jusqu’à présent, la boue était une matière fertilisante. Elle répond donc à la Directive nitrates. Ce texte n'a pas été créé pour les boues, mais il s’applique à tous les produits fertilisants susceptibles d’être utilisés en agriculture et contenant de l’azote, donc à certaines boues de station d’épuration. Il contient entre autres des périodes de restriction d’épandage. Ce point n'est pas négligeable car il applique des contraintes fortes aux épandages de boues dans les secteurs placés en zone vulnérable.

La loi du 13 juillet 1979 définit clairement dans son article 1 les matières fertilisantes. Les boues de station d’épuration sont concernées. Il précise encore que pour être utilisée, la matière fertilisante doit être homologuée. Il y a toutefois deux cas d’exception : l'un pour des produits qui répondent à des normes rendues obligatoires, l'autre pour les produits dont l’épandage est réglementé au cas par cas au titre de la loi sur l’eau ou des installations classées. Mais la boue est aussi un déchet. Elle répond donc à la directive CEE 86/278 liée à l’épandage de boue en agriculture. Elle fonde l’essentiel de la réglementation spécifique aux boues de station d’épuration. Elle fixe des valeurs limites en teneur de métaux, dans les sols et dans les boues. Elle a été transcrite en droit français par l’arrêté du 29 août 1988. Il rend l’application de la norme NF U 44-041 obligatoire. Cette norme fixe des valeurs de référence et des valeurs limites pour l’épandage des boues. Ce texte est aujourd’hui supprimé.

La loi sur l’eau de 1992 et différents décrets, dont celui de 1998, décrivent les procédures d’autorisation et de déclaration et la nomenclature des opérations soumises à déclaration, et précisent qu’« au-delà d’un certain seuil, il faut un encadrement réglementaire précis ».

La loi de 1976 sur les installations classées encadre les boues industrielles et les boues de stations recevant des effluents de nombreuses industries.

La loi sur les déchets de 1975 met en avant le producteur de déchets. Celui-ci est responsable de l’élimination jusqu'au bout.

Un règlement CEE du 1er mars 1993 sur les mouvements transfrontaliers des déchets cite clairement les boues de station d’épuration. Enfin, le règlement sanitaire départemental (RSD) fixe des restrictions d’usage des boues, notamment sur les points sensibles, comme les cours d'eau, les habitations... Il précise les délais entre l’épandage et la mise en culture de légumes frais ou la mise en pâture des animaux.

Le double statut est contradictoire. « Les tribunaux ont du mal à réaliser une interprétation réglementaire sans ambiguïté entre tous les textes », explique Christophe Chassant. Pour simplifier cette interprétation et résoudre les problèmes de champ d'application et de traçabilité, de nouveaux textes sont actuellement mis en place.

Une nouvelle réglementation

La nouvelle réglementation sépare clairement les matières fertilisantes des déchets. Pour ceci, l’arrêté de 1988 rendant obligatoire l’application de la norme NF U 44-041 est supprimé.

Le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 a été publié dans le Journal Officiel du 10 décembre 1997, pour fixer des règles d’encadrement. Ces

pour assainir le statut des boues

Les règles s'appliquent à l'ensemble des boues de la filière, sauf si le produit est homologué ou s’il répond à une norme d'application obligatoire. Dans ce cas, il passe dans le giron du ministère de l'agriculture.

L'arrêté qui est en cours de rédaction réunit l'ensemble des lois, décrets et directives précédents. Les éléments les plus importants de la nouvelle réglementation sont :

  • Un champ d'application élargi à la demande de Bruxelles, notamment dans le cadre des boues issues du traitement des eaux usées. Dorénavant, elle prend en compte les matières de vidange. Pour les épandages les textes vont plus loin que la seule application en agriculture, puisqu’ils encadrent les utilisations en forêt et en revégétalisation.
  • La clarification entre matière fertilisante et déchets. Les boues sont des déchets, ce qui renforce la responsabilité du producteur jusqu’à la fin de la filière. Celui-ci doit être l'auteur de l'ensemble des études préalables, des opérations et de leur suivi.
  • Des exigences de qualité des boues renforcées. Avec notamment une baisse des valeurs limites en métaux. La teneur limite en métaux est divisée par deux par rapport aux objectifs fixés par la norme NF U 44 041. À plus long terme, les valeurs limites du cadmium devraient être encore reculées. La notion de teneur en micropolluants organiques apparaît.
  • La notion de flux limite est mise en place. Ainsi, si l'on conserve la notion de quantité limite d'épandage (30 t/ha tous les dix ans), les textes lui superposent la notion de flux limite en métaux, en micropolluants organiques, de façon à privilégier les boues de qualité.
  • Les éléments sur les risques de pollution en amont dans les réseaux doivent être pris en compte, notamment sur les pollutions liées aux raccordements industriels. « Dans les dossiers exigés au titre de la loi sur l'eau pour autoriser les épandages ou tout simplement pour les déclarations, il faudra apporter des éléments précis sur les rejets dans le réseau », explique Christophe Chassant, « en fonction des éléments et des substances que l'on risque de trouver, le préfet pourra demander le suivi de micropolluants spécifiques, en plus de la liste établie ».
  • La maîtrise des risques sanitaires. Elle passe par la limitation d'usages. Les distances entre les points de captage, les habitations, mais aussi les délais entre l'épandage et la mise en culture ou en pâture sont maintenus.
  • Des exigences renforcées sur le stockage, pour éviter les nuisances locales. On acceptera les stockages en bout de champ pour une période très limitée (on avance 48 heures) pour des boues stabilisées et solides. Les autres boues devront être stockées sur des aires spécialement aménagées.
  • La traçabilité. Le registre devient obligatoire quelle que soit la quantité de boues mise en jeu. Les producteurs devront indiquer la quantité de boues livrée, la date de départ, la référence de la parcelle d'épandage… Les mélanges sont interdits, sauf pour produire des boues de qualité meilleure.
  • Le professionnalisme, la transparence et l'intégration agronomique. C'est une phase complémentaire de la traçabilité. Il s'agit de faire une étude préalable des zones d'épandage (délimitation des périmètres, analyses des sols). Il faut aussi montrer que l'épandage s'intègre dans la pratique agricole. Pour les agglomérations de plus de 2 000 EqH, il faut établir en plus un programme prévisionnel annuel d'épandage et un bilan du programme d'épandage.
  • Les procédures de déclaration, telles qu'elles sont définies par la loi sur l'eau, sont abaissées à 200 EqH et celles d'autorisation à 50 000 EqH.
  • Une procédure d'autosurveillance de la qualité des boues et des sols doit être mise en place. Le préfet pourra demander un suivi général des épandages et la validation de l'autosurveillance. Ces contrôles devraient être réalisés par des structures indépendantes qu'il faut mettre en place.

Toutes ces données se retrouvent dans le décret du 8 décembre 1997 et dans l'arrêté en préparation. Ces mesures ont pour objectifs de sauver la filière agricole, qui seule pourra limiter l'augmentation du prix de l'eau.

Marie-Odile Mizier

La pollution carbonée et azotée et les membranes clarifient l'eau par filtration. Les boues sont retenues par cette barrière physique. « La quantité de boues produite est très faible par rapport à une filière de traitement biologique traditionnelle », précise-t-on chez OTV.

Tech-Sep, spécialiste des membranes, propose la technologie Pleiade en réponse aux offres faites par Degrémont et OTV. « Il faut segmenter le marché en fonction des polluants et des produits à filtrer », affirme Georges Cueille de Tech-Sep.

Si la technologie membranaire trouve sa place dans le traitement des petites unités industrielles ou municipales, ou encore sur les sites où les exigences sur la qualité des rejets sont fortes, elle demeure encore chère dès que le volume des effluents devient trop important. On lui préfère alors les traitements de type aération prolongée. Cette approche génère moins de boues que la décantation primaire associée au traitement des boues activées. Il demeure néanmoins le problème du phosphore.

Pour tenir les niveaux imposés par la réglementation, il faut réaliser un traitement physico-chimique. On ajoute alors des réactifs (sels métalliques de fer ou d’aluminium) pour précipiter le phosphore. Efficace, ce traitement est aussi très producteur de boues, puisque chaque gramme de phosphore éliminé produit six grammes de boues supplémentaires. Pour sortir de cette spirale infernale, il est possible d'opter pour un traitement biologique. Celui-ci se résume alors en une succession de phases anaérobie, anoxie, aération. Il est plus long, plus encombrant en espace, mais moins producteur de boues.

Pour améliorer encore plus la concentration des boues, d'autres traitements, réducteurs de matières sèches, sont au point. Ils permettent de réduire le volume des matières sèches présent en fin de cycle.

Réduire le volume des matières sèches

Il s'agit ici de digérer les boues en imitant la nature. La substance polluante est décomposée par des bactéries. Cette digestion peut être anaérobie ou aérobie selon qu'elle est faite en l'absence ou en présence d’oxygène. Depuis 60 ans, les exploitants disposent de technologies basées sur la digestion anaéro-

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[Photo : La boue est conditionnée dans un floculateur, répartie et égouttée sur une portion de toile inclinée et prise en sandwich entre deux toiles de la presse à bandes filtrantes. Elle est ensuite pressée sur deux rouleaux perforés puis sur une série de rouleaux pleins.]

Les bactéries digèrent lentement les boues qu'elles peuvent absorber. La digestion donne un sous-produit, le méthane. Il est utilisé pour sécher les boues, produire de l'électricité ou de la vapeur.

La boue est plongée dans un récipient clos et chauffé de 35 à 37 °C, dans lequel s'effectue la digestion. La quantité de solides peut ainsi diminuer de 30 %. Le processus, un traitement anaérobie mésophile, est relativement lent. Il faut compter 15 à 20 jours pour atteindre ce rendement. « Cette technologie classique est très pratiquée en Suisse et en Allemagne, mais peu utilisée en France », regrette Patrice Coconnier. Quoi qu'intéressant, ce traitement présente deux inconvénients :

  • - la durée de cette opération est longue, ce qui impose de multiplier le volume des installations pour absorber la totalité de la production du site ;
  • - la boue est un peu hygiénisée, mais pas totalement, car la température est trop basse.

L'approche thermophile résout en partie ces problèmes. La température est portée à 55 °C et la durée du traitement à 10 jours. Inconvénient, elle consomme beaucoup d'énergie. Une solution mixte a été mise au point et combine une phase thermophile (qui prépare la digestion) suivie d'une étape mésophile. Bilan, l'installation est plus concentrée et la digestion plus rapide.

Peu utilisé en France, le traitement aérobie thermophile digère lui aussi les boues. Il s'agit d'injecter de l'air chaud dans le milieu pour favoriser le travail des bactéries. La réduction des boues est équivalente à celle observée avec un traitement anaérobie, mais sans production de biogaz. Le fonctionnement du procédé est plus coûteux car il faut injecter de l'air. Ce chiffre s'équilibre toutefois par un investissement moins coûteux du génie civil. Un calcul au cas par cas est donc à faire.

Si ces différentes voies permettent de réduire le volume des matières présentes, il n'en demeure pas moins que le volume d'eau retenu par la boue est trop important. Il faut donc concentrer plus ces matières en réduisant la teneur en eau.

La réduction de la teneur en eau

Cette approche est la plus classique. Elle se déroule en deux étapes : épaississement et déshydratation.

L'épaississement consiste à séparer l'eau des matières en suspension (MES). Cette opération peut être réalisée de façon statique ou dynamique.

L'épaississement statique gravitaire s'effectue par décantation des MES dans une cuve cylindrique à fond conique, sous la seule action de la pesanteur. La boue est évacuée par le bas. Il est possible d'augmenter la surface d'épaississement en équipant le décanteur de lamelles. Cette solution est plutôt réservée aux boues peu concentrées à cause de l'encrassement. L'épaississeur gravitaire est une technique économique qui fonctionne très bien sur les boues primaires. Par contre, elle peut poser quelques problèmes sur les boues biologiques, dont la décantation est trop lente. Pour ces boues, il est préférable de se servir de la flottation à l'air dissous. Des microbulles d'air sont injectées au fond du bassin. Celles-ci se fixent aux MES qui remontent à la surface pour être raclées. En sortie de filière la concentration des boues atteint 35 à 50 g/l de MS.

[Photo : Les grilles d'égouttage sont adaptées à la quasi totalité des boues d'épuration.]

Pour pousser plus loin l'épaississement, les solutions dynamiques sont là. Cette catégorie regroupe plusieurs technologies : les grilles d'épaississement, les centrifugeuses, les filtres à bande, les filtres presse.

Sous le vocable « grille d'épaississement », on retrouve les grilles, tambours, tables... Leur mise en œuvre impose un conditionnement de la boue liquide avec un polymère ou de la chaux pour faciliter l'égouttage. « Très utilisée, la chaux vive, préalablement mélangée à la boue dans un malaxeur, permet d'atteindre 20 à 25 % de siccité », précise Alain Cudrey de Carrières et Chaux Balthazard et Cotte, « la réaction produite augmente la température et fait chuter la teneur en eau ». Le polymère organique (cationique ou anionique) est choisi en fonction de la nature de la boue. « Les points de siccité gagnés payent le polymère ». La boue et le polyélectrolyte sont injectés dans un bac de floculation ascensionnel et se déversent sur la toile filtrante qui se déplace en continu. Celle-ci

[Photo : Une unité mobile de déshydratation des boues, équipée d'une décanteuse de type D4L.]
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Le cas de la Ville de Besançon

L'agglomération de Besançon, 120.000 habitants, doit adapter sa filière boues pour continuer à pratiquer la valorisation agricole. Bruno Maneval, directeur du service assainissement de la Ville explique : l’épaississement des boues primaires est réalisé après dégrillage fin par deux décanteurs circulaires qui épaississent la boue de 3 g/l en entrée à 70, voire 80 g/l en sortie. Pour les boues biologiques, deux techniques sont mises en œuvre en parallèle : un flottateur et deux centrifugeuses XM NX 4565 d'Alfa Laval mises en service en 1996. Ces équipements permettent de faire passer la boue d'une concentration de 4 à 5 g/l de matière sèche en entrée, à 50 à 60 g/l en sortie.

Puis vient l’étape de stabilisation. Celle-ci s'effectue par digestion anaérobie mésophile dans trois lignes en parallèle. Leur capacité totale est de 6.500 m³ de boues. Après digestion, les boues concentrées à environ 3 % sont déshydratées par des filtres à bandes presseuses avec production d'environ 40 tonnes par jour de boues pâteuses à 18 à 20 % de siccité. À ce stade, les boues sont stabilisées, mais pâteuses. Elles sont ensuite épandues sur terres agricoles. Pour être en conformité avec la nouvelle réglementation, l’agglomération de Besançon doit pousser plus loin la déshydratation. Pour ceci, elle devrait s’équiper d'autres centrifugeuses. Ces équipements permettent d'atteindre 30 % de siccité. Ils fabriquent des boues solides, donc moins volumineuses, et réduisant ainsi l’aire de stockage.

Dans l’analyse financière faite par l’agglomération, le coût d’investissement des équipements nécessaires pour atteindre une siccité de 30 % est estimé à 7 millions de francs. Financé partiellement par différentes subventions 500.000 F resteront à la charge de l’agglomération. Ceci représente un surcoût de 145 F par tonne de matière sèche, soit une augmentation de 20 % sur le prix du traitement des boues.

Rapportée au bilan d’exploitation de la station (sans frais généraux) l’augmentation est rapportée à 5 %. Quant au surcoût de fonctionnement, il est dû essentiellement au réactif (1 à 3 kg par tonne de MS) et se trouve compensé par une manipulation moins importante lors de l'épandage.

est entraînée par un rouleau caoutchouté à une vitesse variable de 2 à 15 m/minutes. Durant l’étape de filtration, des bobines fixes reposent librement sur la toile pour écarter la boue et faciliter l’écoulement de l’eau. Pour améliorer le rendement, certains artifices technologiques sont mis en œuvre. C’est le cas chez EMO. Michel Saulnier, Directeur commercial de l’entreprise explique : « nous augmentons la capacité d'égouttage de la machine de 25 % sans effort, grâce à la forme des bobines qui cisaillent le gâteau ce qui facilite l’écoulement de l’eau». Pour préserver la qualité de filtration, la toile est nettoyée en permanence par une rampe de lavage. Cette technologie permet de réduire le volume des boues par quatre, pour atteindre une concentration de 8 % en MS. La capacité de la machine doit tenir compte de la charge massique, de la concentration d’entrée, du débit volumique et de la siccité finale.

Avec une nouvelle génération d’appareils, la centrifugation prend une place de plus en plus importante. De nombreux constructeurs présentent ces matériels, citons : Alfa Laval, Flottweg, Humboldt Wedag, Krauss-Maffei, Westfalia Separator... La décanteuse centrifuge peut être considérée comme un bassin de sédimentation rotatif avec un transporteur à vis sans fin pour l’élimination des particules solides séparées par une force centrifuge pouvant atteindre 4.000 g. Comme dans le processus de sédimentation naturelle, les décanteuses peuvent fonctionner en continu, sans être affectée par les caractéristiques des boues. Les performances de l’appareil sont simplement guidées par le réglage de la machine, le dosage et le type de conditionnement et par la quantité de boues injectée.

Le constructeur français Guinard Centrifugation vient d’équiper l’usine de Colombes de 10 décanteuses de type D6L HP. Objectif : traiter les boues urbaines mixtes et les porter en 25 et 33 % de siccité.

Conçu d’abord pour les grosses installations, les équipements s’adaptent aux petites capacités, comme la série NX 4000 d’Alfa-Laval. «Cette technologie était trop coûteuse pour les installations de petite capacité, il nous a fallu baisser les coûts», explique Michel Franco d’Alfa Laval, «tout en améliorant la fiabilité et la sécurité de la machine». La série NX 4000 est le fruit de ces recherches. Présentée à Pollutec 97, elle peut traiter entre 2 et 10 m³/h de boues liquides. Cet équipement tourne de 4.000 à 5.000 tours par minute. Sous l’effet de la force centrifuge, l’eau liée à la molécule de matière sèche est libérée. La machine installée sur un bâti surélevé permet de limiter le génie civil. Utilisé sur des effluents de peinture, ce décanteur centrifugeuse permet d’atteindre des siccités de 20 à 60 %.

Plus traditionnelle, la technique de filtration par bandes presseuses a connu d’importants développements voici une vingtaine d’années dans les stations d’épuration de taille petite ou moyenne. «Des progrès dans la

Les boues à traiter entrent dans le décanteur par la canne d’alimentation. Puis elles sont envoyées dans la chambre de séparation par le distributeur. Sous l’effet de la force centrifuge, les particules sont plaquées contre la paroi du bol, pressées dans la partie conique par la vis pour une déshydratation maximale.

N° 207 - L'EAU, L'INDUSTRIE, LES NUISANCES - 39

[Photo : Universel, le filtre à plateau déshydrate les boues de la station d’épuration de l’unité de fabrication de polyester, de l’usine Huntsman Chemical Company.]

Conception mécanique et la mise à disposition de polymères performants ont permis d’optimiser la floculation des boues, rendant la technique très utilisée», souligne Jean-Loup Laheurte, Directeur Technique d’IRH Environnement lors de son intervention aux journées Nancy sur les boues (Pollutec 97).

Pour optimiser leurs performances, les machines utilisées aujourd’hui ont plusieurs étages de pressage successifs. Malgré cela, les résultats obtenus sur des boues dont la compressibilité n’est pas excessive (par exemple, boues très organiques obtenues sur les stations d’épuration traitant l’azote sans décantation primaire) sont moins intéressants et la productivité non satisfaisante. Ces machines sont de ce fait concurrencées par les centrifugeuses.

Mais, c’est encore le classique filtre presse qui se place comme le moyen le plus sûr d’obtenir une siccité élevée. «Ce type de déshydratation s’applique avec succès à la quasi-totalité des boues issues de l’épuration d’effluents urbains, mixtes ou industriels», explique Michel Saulnier, «et des équipements de petite taille assurent même la double fonction séparation de phase déshydratation des boues en annexe d’un procédé industriel». Il réduit au maximum les masses et volumes à transporter. Cette technique fonctionne en discontinu. Des plateaux horizontaux ou verticaux forment des presses dans lesquelles sont retenues la matière sèche. Cet équipement impose un conditionnement chimique des boues destinées à la filtration. Ceci entraîne une consommation importante de réactifs minéraux de type chlorure ferrique et lait de chaux. Mais il est efficace. «Un conditionnement à 50 % de chlorure ferrique et 28 % de chaux fournit après pressage des gâteaux à 42 % de MS», précise Gérard Choquenet de FAL Choquenet (cf. article publié dans EIN n° 194 page 96-98). Depuis le début des années 80, les polymères apportent une alternative à l’obtention de gâteaux trop minéraux obtenus par les méthodes traditionnelles. Cependant, la conduite des filtres presses avec les polymères se révèle plus délicate et la siccité obtenue est un peu plus faible, de l’ordre de 25 à 30 %. Quant au stockage, s’il est trop long, la fermentation des «gâteaux» de boues peut repartir, avec les inconvénients que l’on connaît...

[Encart : Des chiffres… • 1 000 habitants génèrent 73 000 m³ d’eaux usées par an qui produisent après dépollution 15 à 25 tonnes de matières sèches. • Une usine de 500 000 équivalent habitants produit chaque jour environ 30 tonnes de matières sèches et doit évacuer 130 tonnes de boues à 30 % de siccité. (Source : Traiter et valoriser les boues)]

Pour se conformer à la nouvelle réglementation sur la mise en décharge, il peut être intéressant, pour différentes raisons, de sécher la boue. Cette opération stabilise et hygiénise le produit, ce qui permet de limiter les odeurs. Elle réduit le volume des matières à stocker, à incinérer ou à mettre en décharge.

Sécher la boue à plus de 30 %

Pour sécher la boue à plus de 30 %, là encore, différentes approches peuvent être retenues.

Le conditionnement thermique.

Sans parler franchement de séchage, il permet sans réactif, donc sans apport chimique complémentaire, d’atteindre une siccité de 50 % et d’hygiéniser les déchets.

Pour réaliser cette opération, les boues sont placées dans un réacteur étanche sous une pression de 20 bars, puis chauffées à 200 °C à l’aide d’échangeurs placés dans la cuve.

Cette technologie est très lourde à manier. Elle est donc réservée aux grosses installations comme Achères ou Marseille. Elle présente un autre inconvénient : sous l’action de la pression, certaines molécules se resolubilisent dans le jus condensé, ce qui impose un traitement supplémentaire de type lixiviat.

Le séchage thermique présente une autre alternative. Utilisé après déshydratation mécanique, il permet de porter la siccité de 20 à 30 % jusqu’à 95 %.

Les boues sont élevées à une température de 110 °C et restent à une température d’au moins 100 °C pendant 4 à 6 heures, elles sont donc hygiénisées.

Pour réaliser ce traitement, l’exploitant dispose de deux grandes familles de procédés :

  • - le séchage direct ; le fluide qui véhicule la
[Schéma : Un mélangeur statique disposé sur la conduite d’amenée de la boue assure une homogénéisation efficace avec le floculant. Puis la boue prédéshydratée force le passage dans la presse de manière continue. Elle est récupérée en sortie avec une siccité de 25 à 30 %.]
[Photo : Deux évaporateurs à pompe à chaleur concentrent les effluents neutralisés d'un atelier de circuits imprimés chez Sheldahl aux États-Unis.]

chaleur est en contact direct avec la boue, même si ce n'est pas de l’air. En séchage direct, il faut faire très attention. Les boues contiennent beaucoup de matières organiques. Portées à haute température, elles peuvent s’enflammer ou exploser. De plus, ce procédé peut se révéler très malodorant. Il nécessite donc la mise en place d'un système de traitement des odeurs.

- le séchage indirect. Le fluide caloporteur est véhiculé via un échangeur.

Ces procédés présentent toutefois un inconvénient : «Lorsque la siccité atteint 60 à 65 %, le produit présente un pic de viscosité énorme», explique Patrice Coconnier, «le produit est alors pâteux et collant, il devient très difficile à véhiculer». La prise en compte de cette phase collante est très importante dans le choix de la technologie. Certains constructeurs ont résolu ce problème en introduisant un malaxeur dans le sécheur. Comme le Hollandais GMF, qui a fabriqué sous licence Nara, un sécheur thermique indirect à palettes. Cet appareil équipe depuis le printemps 95 la ville de Saint Brieuc.

Le dessiccateur à couche mince offre une autre solution au problème.

Ce procédé est parfaitement adapté à la concentration par évaporation de produits très visqueux dont la viscosité augmente fortement au cours de l’évaporation. L’installation fonctionne à basse température sous pression atmosphérique ou sous vide. Dans le procédé proposé par Schulz + Partner GmbH, une pompe refoule le produit à traiter au-dessus de la zone de chauffe dans l'appareil. Réparti mécaniquement par le rotor, les boues coulent sous forme de film liquide le long des surfaces de chauffe constituées d’une double enveloppe.

La partie de solvant (eau) s’évapore tandis que le produit concentré/résidu s’écoule vers le bas. Les vapeurs passent par un collecteur et arrivent dans un condenseur séparé où elles sont liquéfiées.

Le distillat est évacué à l'aide d'une pompe. Le chauffage de la double enveloppe peut être réalisé avec de l’eau chaude, de la vapeur ou de l’huile thermique.

En combinant la centrifugation et le séchage thermique direct, il est possible de sécher les boues à une siccité de 50 à 70 %. Cette technologie éprouvée en Allemagne et en Suisse est proposée par Humbolt Wedag, qui a signé pour la France un accord d’exclusivité avec Degrémont.

En France le Sivom du Coin de Barr est équipé de ce système depuis l’été 1997. Megève et Limoges ont retenu cette alternative. Leurs installations seront en service d'ici l'an 2000. Le système Centridry, c’est son nom, est capable de traiter une grande variété de boues. Un modèle de petite taille présente l’intérêt de pouvoir être installé sur une unité mobile pour traiter les boues des petites stations.

La technique du compostage consiste à aérer un mélange de boues fraîches et de coproduits (des déchets verts, des ordures ménagères, de la sciure par exemple), puis à laisser fermenter l'ensemble pendant plusieurs semaines. L’aération constitue le cœur du procédé. Elle est assurée par un retournement périodique, par ventilation forcée (compostage en andains aérés), ou par une combinaison des deux techniques. Pour assurer le retournement efficace et automatisé des tas, OTV a mis au point le procédé roue Siloda. Il permet de basculer d’une traverse sur l'autre la totalité du tas. Il se trouve ainsi retourné. Le rôle du coproduit structurant est double. Il augmente le degré de vide (foisonnement) et joue le rôle d'éponge en absorbant l’eau des boues. «Le compostage remplit trois fonctions», explique-t-on chez OTV, «il supprime les nuisances olfactives en stabilisant le produit, les substances indésirables et par une hygiénisation, il sèche la boue et lui apporte une bonne tenue mécanique».

Une telle approche peut être intéressante pour les agglomérations de 10 000 à 80 000 EqH. Elle permet de valoriser les boues dans des applications paysagères comme les talus de route ou d’autoroute par exemple. Pour respecter la réglementation, les exploitants disposent de nombreuses technologies. Il leur faudra choisir minutieusement la filière qui leur apportera une solution qualité/prix satisfaisante en fonction de la nature des boues et de la filière d’évacuation retenue.

[Encart : Le point sur les travaux de normalisation : Créé en 1993, le CEN/TC 308 rassemble les techniciens de l'assainissement, du cycle de l'eau, de l’incinération... Il aborde dans sa globalité l'unique problème des boues sous l'angle de tous leurs devenirs. Une dizaine de pays participent aux trois groupes de travail : * Les méthodes d’analyses. Les travaux menés dans ce groupe visent à normaliser les méthodes d’analyses et à rédiger un code de bonne pratique de laboratoire (BPL), sur le site de production et les différentes voies d’évacuation. La mesure du pH, des matières sèches, mais aussi la perte au feu, les métaux, les éléments nutritifs, les micro-organismes sont inscrits au programme de travail. * Les guides de bonnes pratiques. Ce groupe, animé par Christophe Bonin d’Anjou-Recherche, s'attache à rédiger un guide sur les BPL, «pour que tout le monde parle le même langage». * Les guides de bonnes pratiques pour préserver et étendre l'utilisation des boues du cycle de l'eau. Ce groupe explore l'ensemble du cycle de l'eau : exploitation et police du réseau, exploitation des stations d'épuration, choix de la destination finale. Le cycle est approché dans sa globalité. Les premiers travaux devraient sortir en 1998.]
[Encart : Le prix des filières : Selon la filière retenue, le prix du mètre cube d'eau devra être majoré d’environ 0,25 F si l'on adopte la filière agricole. Il sera porté de 0,50 F à 1,50 F, si l'on opte pour l’incinération.]
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