Une majorité des effluents est considérée comme biodégradable. Ce qui explique pourquoi la filière de traitement dite classique est composée d'un procédé d'épuration par voie biologique suivi d'une étape de séparation par décantation. Toutefois, le fort développement industriel engendre des effluents de plus en plus concentrés et de plus en plus complexes rendant la phase de décantation pénalisante en terme d'efficacité. Ainsi, le bioréacteur à membranes a fait son apparition depuis quelques années. Il consiste à remplacer le décanteur par une membrane qui assure la rétention de la totalité de la biomasse, ce qui permet d'améliorer les performances du traitement. Cet article propose une vue globale de ce procédé innovant, en présentant les chiffres clés, la technologie du procédé, ses avantages et ses limitations ainsi que quelques exemples d'applications.
Le traitement des effluents urbains et industriels fait majoritairement appel à un procédé biologique qu’il soit sous conditions aérobies et/ou sous conditions anoxies, voire anaérobies. Les procédés diffèrent selon le type de culture, qui peut être libre ou fixée. Dans le premier cas, les microorganismes sont maintenus en suspension dans le liquide à traiter (boues activées) et dans le second, les cultures bactériennes (appelées « biofilm ») sont fixées sur un support. Dans les deux types de culture, une étape de séparation entre les microorganismes et le liquide traité est nécessaire pour éviter tout relargage de matières en suspension dans le milieu naturel et pour permettre le recyclage des bactéries au sein des réacteurs biologiques. Actuellement, cette étape de séparation est principalement réalisée par l’intermédiaire de clarificateurs. Ce sont de grands ouvrages (jusqu’à 70 m de diamètre) qui permettent aux particules d’être séparées de l’eau traitée par différence de densité. Une partie des particules décantées en fond de bassin est recirculée dans le réacteur biologique pour maintenir une concentration en biomasse suffisante pour le traitement des effluents tandis que l’autre partie est extraite. Le surnageant (liquide traité) est, quant à lui, récupéré par surverse. Malheureusement, les décanteurs semblent présenter certaines limitations, notamment en termes de performances et de compacité. En effet, les décanteurs sont caractérisés par leur faible compacité et les performances sont particulièrement liées à la « qualité » de la biomasse. Comme dans tout procédé biologique, il peut y avoir des dysfonctionnements de la biologie qui ont pour conséquence l’apparition de bactéries filamenteuses ; qui sont inaptes à la décantation. De plus, les décanteurs ne permettent pas d’éliminer la totalité des matières en suspension : les particules inférieures à 30 µm se trouvent entraînées dans « l’eau traitée ».
C’est pourquoi un nouveau procédé est développé afin de remédier à ces limitations. Il s’agit des bioréacteurs à membranes (BaM) dans lesquels le décanteur
… est remplacé par une étape de séparation par membranes dont l'efficacité de rétention des particules est proche de 100 %.
Cet article présente une vue d’ensemble des bioréacteurs à membranes. Tout d’abord, une présentation des chiffres relatifs à ce procédé est réalisée, puis les bioréacteurs à membranes sont décrits et leurs avantages mis en avant. Quelques exemples d’application sont également proposés.
Les bioréacteurs à membranes en chiffres
Études scientifiques
Les études académiques relatives aux bioréacteurs à membranes sont nombreuses ; plusieurs centaines d’études ont été recensées ces quinze dernières années. Les figures 2 et 3 sont extraites d'une synthèse bibliographique de 339 publications scientifiques relatives au traitement de divers effluents par bioréacteurs à membranes entre 1991 et 2004 [1].
D’après la figure 2a, l’évolution du nombre de publications au cours des années semble être exponentielle.
La figure 2b permet de mettre en avant les pays pionniers dans la recherche sur les BaM. Il s’agit du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne, du Japon, de la Corée du Sud et du Canada. L’Europe et l’Asie sont ainsi les premiers continents à s’être intéressés à ce procédé. Par la suite, d’autres pays se sont attachés à l’étudier : les États-Unis, la Chine, les Pays-Bas, la Thaïlande, le Portugal ou encore l’Australie. Finalement, la recherche sur les BaM s’est mondialisée avec notamment la Turquie, Singapour, l’Italie et la Belgique. Néanmoins, plus de 75 % des études référencées proviennent de seulement huit pays : les États-Unis, le Canada, la France, le Japon, la Corée du Sud, la Chine, le Royaume-Uni et l’Allemagne, avec une forte progression pour ces quatre derniers pays. Ainsi, près de 40 % des études sont réalisées en Europe, 35 % en Asie et 14 % en Amérique. L’Europe se positionne donc comme l’un des leaders mondiaux dans le traitement des effluents par bioréacteurs à membranes.
[Photo : Figure 2a : Évolution du nombre de publications scientifiques relatives aux bioréacteurs à membranes entre 1991 et 2004 [1].] [Photo : Figure 2b : Classification par pays et par période du nombre de publications scientifiques relatives aux bioréacteurs à membranes entre 1991 et 2004 [1].]Il apparaît que 1/3 des publications sont parues entre 1990 et 2000 tandis que les 2/3 restantes sont parues entre 2001 et 2004. Le début du XXIᵉ siècle est donc une période de transition à partir de laquelle les études se sont fortement développées en raison des nombreux intérêts des BaM.
Les six thématiques de recherche habituellement abordées dans ces publications sont présentées en figure 3. Un effort substantiel a été fait par l’Europe pour récapituler ou évaluer l’état de la technologie dans des revues bibliographiques. Une activité de recherche importante est réalisée de la part de l’Europe et de l’Asie sur la potentialité du procédé dans le traitement des effluents municipaux, contrairement à l’Amérique du Nord où l’hésitation de la part des municipalités de considérer les systèmes de traitement alternatifs aux options conventionnelles a retardé l’introduction des BaM.
[Figure : Classification par continent des thématiques étudiées dans les publications scientifiques relatives aux BaM [1].]Les eaux usées industrielles, qui sont plus difficiles à traiter, ont tenu compte de ces nouveaux procédés.
L'Europe et l'Asie étudient moins le traitement de ces effluents, à l’inverse de l’Amérique du Nord dont le principal axe de recherche concerne leur traitement. Ceci pourrait être attribué au coût élevé de l'énergie en Europe et en Asie ainsi qu'au manque de place ; problèmes secondaires en Amérique du Nord.
Globalement, la recherche sur les BaM dans le traitement d'eau potable et d’eaux souterraines est minime. D’un point de vue sociétal, il est difficile de faire accepter le contact entre des microorganismes et un liquide destiné à la consommation humaine.
L'Europe et l’Asie s’attachent particulièrement à l'étude des aspects fondamentaux :
- - étude du principal phénomène limitant : le colmatage des membranes qui engendre une perte d’efficacité du procédé,
- - les conditions de fonctionnement : temps de séjour hydraulique, aération des bassins biologiques,
- - la modélisation du procédé : phénomènes de transfert et hydrodynamique,
- - les propriétés des boues activées : étude rhéologique d'un fluide complexe composé de matière organique et minérale,
- - les caractéristiques des microorganismes : cinétique de dégradation des polluants, répartition des différentes colonies de microorganismes,
- - l'aspect économique.
Implantations industrielles des bioréacteurs à membranes
Le nombre de BaM dans le monde peut être estimé à quelques milliers. Ce chiffre est cependant difficile à établir car, généralement, les études ne prennent en compte que les installations à partir d’une certaine capacité de traitement, ce qui laisse de côté un grand nombre de petites unités, nombreuses dans des pays comme le Japon. Les BaM sont implantés essentiellement en Europe, aux États-Unis, au Japon, en Corée et en Chine. Selon une étude récente [2], environ 409 BaM sont en service en 2005 en Europe ; un quart est utilisé pour le traitement d'eau urbaine, tandis que la majorité concerne des applications industrielles.
Entre 2002 et 2005, la croissance du marché a été linéaire, avec au moins 50 nouvelles implantations industrielles et 20 implantations municipales par an. La figure 4 présente l'évolution du nombre d'installations en service en Europe de 1990 à 2004. Les installations industrielles comptabilisées traitent des effluents ayant des débits supérieurs à 20 m³/j et les installations municipales traitent l’équivalent d’au moins 500 équivalents habitants.
Il est à noter que seulement 25 % des unités industrielles et 13 % des unités municipales en service sont associées à la période 1990-2000, alors que 75 % des unités industrielles et 87 % des unités municipales en service sont associées à la période 2001-2004. Comme pour les publications scientifiques, les BaM se sont fortement implantés à partir des années 2001.
Ces chiffres relatifs au traitement des effluents par bioréacteur à membranes soulignent le début du XXIᵉ siècle comme étant une période charnière dans l’essor de la recherche et du développement des traitements par bioréacteur à membranes. La raison de cette croissance semble être due à plusieurs paramètres. Tout d’abord, l’évolution de la population mondiale est continue. Actuellement, 6,7 milliards d’individus sont recensés et, selon les prévisions démographiques de l’Institut National d’Études Démographiques, ce chiffre tend vers plus de 9 milliards d'ici 2050.
Les consommations d’eau se trouvent donc en perpétuelle augmentation tant au niveau des ménages que des industries, qui doivent produire davantage afin de satisfaire les besoins. Les eaux usées sont donc plus abondantes et il faut tenir compte de cette augmentation dans la conception des procédés de traitement.
Outre le point de vue quantitatif, il est nécessaire de raisonner en termes de qualité des effluents à traiter : ceux-ci sont de plus en plus chargés, contiennent des composés de plus en plus complexes, souvent difficilement biodégradables. De plus, depuis quelques années, une nouvelle génération de polluants attire particulièrement l’attention. Il s'agit des xénobiotiques, éléments possédant des propriétés toxiques même à l'état de traces, de l’ordre du ng L⁻¹ [3]. Le terme xénobiotique regroupe des pesticides, des produits pharmaceutiques, des hormones, etc.
[Figure : Évolution du nombre d’installations municipales et industrielles en Europe entre 1990 et 2004 [2].]Figure 5 : Configurations des bioréacteurs à membranes
cependant rajouter au coût énergétique qui incombe à l’aération du bioréacteur, le coût dû à la pompe de circulation qui amène une consommation énergétique élevée, de 2 à 10 kWh·m⁻³ [4,5]. Cependant, le système externe, même s’il engendre des coûts de fonctionnement importants, peut être justifié dans des conditions spécifiques de traitement avec par exemple des effluents concentrés et la mise en place de systèmes intensifs. Ce surcoût énergétique est l’une des raisons du développement des bioréacteurs à membranes immergées (figure 5b). Dans cette nouvelle configuration, les membranes sont directement immergées dans les bassins contenant les boues biologiques et le perméat est soutiré par succion. La dépense énergétique associée à cette succion est moindre puisque comprise entre 0,3 et 0,6 kWh·m⁻³ [4,5]. Toutefois, il faut y ajouter l’énergie consommée nécessaire à l’insufflation d’air qui génère du cisaillement au voisinage des membranes et qui représente 30 à 50 % de l’énergie globale du procédé [6]. Cependant, la comparaison des configurations ne doit pas se réduire à la dépense énergétique. En effet les flux de perméat ne sont pas du même ordre de grandeur. La configuration externe présente un flux de perméat généralement compris entre 50 et 150 L·h⁻¹·m⁻² et une Pression TransMembranaire (PTM) entre 1 et 4 bar, tandis que la configuration immergée présente un flux de perméat de 10 à 20 L·h⁻¹·m⁻² et une PTM de l’ordre de 0,5 bar. Pour un même flux de perméat, un traitement performant est indispensable pour éliminer ce type de composés. De plus, les contraintes de rejet imposent aux traiteurs d’eau d’utiliser des procédés de traitement très performants et le BaM semble pouvoir y répondre.
Description des bioréacteurs à membranes
Modes de fonctionnement
Chronologiquement, les premières générations de bioréacteurs à membranes mettent en œuvre des membranes tubulaires placées dans des boucles externes (figure 5a). La biomasse circule à grande vitesse dans ces boucles de façon à limiter le colmatage des membranes et à réduire la fréquence des lavages chimiques de ces membranes. Il faut cependant rajouter au coût énergétique qui incombe à l’aération du bioréacteur, le coût dû à la pompe de circulation qui amène une consommation énergétique élevée, de 2 à 10 kWh·m⁻³ [4,5].
Type de membranes – Principe de fonctionnement – Exemple de technologie – Exemple d’élément industriel
CONFIGURATION IMMERGÉE
• Fibres creuses organiques – Technologie Puron® avec aération au pied des membranes (Koch Membrane Systems) – Cassette ZeeWeed 500 (GE Water & Process Technologies)
• Plans organiques – Kubota submerged membrane unit (KUBOTA) – Système double pont (KUBOTA)
CONFIGURATION EXTERNE
• Plans organiques – Technologie type filtre presse (NOVASEP) – Module Pléiade™ MP4 (NOVASEP)
• Membranes minérales – Membranes INSIDE Céram et Filtration (TAMI) – Carter de membranes (TAMI)
Néanmoins, la surface membranaire à mettre en jeu dans un BaM immergé se doit d’être supérieure à celle d’un BaM externe. Le coût des membranes devient donc plus important pour un BaM immergé, ce qui au final se traduit par un coût global quasi identique pour les deux configurations. Le choix entre les deux configurations sera plutôt guidé par le type d’effluent à traiter. L'ensemble de ces paramètres est résumé dans le tableau 1.
La configuration à membranes immergées est beaucoup plus utilisée, notamment dans le traitement des eaux urbaines (gros débit et faible charge polluante). L’utilisation de la configuration à membranes externes est plutôt en adéquation pour des effluents présentant de fortes charges polluantes et de faible débit : son application est donc essentiellement industrielle.
Dans le but d’améliorer les performances épuratoires, une nouvelle configuration est également utilisée : les bioréacteurs à membranes immergées externes. Il s'agit d’immerger les membranes dans un module externe au réacteur biologique (figure 5c).
Cela présente l’avantage de maximiser la contrainte de cisaillement au voisinage de la membrane par la circulation de la boue d'une part et par l’aération des membranes d’autre part. Les phénomènes de colmatage sont alors minimisés. Cette configuration permet de découpler l’aération dédiée au cisaillement de celle dédiée au traitement biologique et facilite également les phases de nettoyage chimiques.
Caractéristiques des membranes
En préambule, il est intéressant de présenter les fournisseurs qui se partagent le marché des membranes développées pour les BaM [7]. Les principaux fournisseurs de membranes pour la configuration externe sont : Novasep, Norit X-Flow ou encore Tami. Dans le cas de la configuration à membranes immergées, le leader mondial est incontestablement Zenon Environmental (rattaché à GE Water & Process Technologies depuis 2006). Deux autres fournisseurs importants sont également présents sur le marché : Kubota et Mitsubishi, qui sont encore peu développés en Europe. Viennent ensuite, dans une moindre mesure, les sociétés suivantes : US Filter, Aqua Aerobics/Pall et Norit X-Flow en Amérique du Nord, Wehrle Werk et Huber, Aquator, Valech et Norit X-Flow en Europe. Les derniers venus sur le marché sont Inge, Millenium ou encore Polymem.
Ces fournisseurs proposent différentes géométries de membranes selon la configuration du BaM. Lorsqu’elles sont immergées, les membranes sont majoritairement sous forme de fibres creuses (systèmes Biosep™ ou ZeeWeed, par exemple), même si l’on retrouve parfois des membranes planes (tel que le système Kubota). Lorsque les membranes sont externes au bassin biologique, elles sont principalement sous forme planes (modules Pléiade, par exemple) ou tubulaires (modules Tami, par exemple). Le principe de fonctionnement de chaque géométrie est présenté en figure 6.
Les fibres creuses sont des membranes de faible diamètre (de l’ordre du millimètre) en matériau organique, polysulfone par exemple. Elles offrent une grande compacité, jusqu’à 700 m²·m⁻³ [5]. La filtration se fait par succion de l’extérieur vers l’intérieur des membranes.
En configuration externe, les membranes planes en matériau organique sont positionnées sur des supports plans. Le fluide circule à vitesse modérée (jusqu’à 2 m·s⁻¹) tangentiellement à ces membranes. Leur aire spécifique peut varier de 50 à 200 m²·m⁻³ [5].
Quant aux membranes tubulaires, elles sont de nature minérale : céramique ou carbone. Le fluide circule à grande vitesse, généralement jusqu’à 6 m·s⁻¹, tangentiellement à la membrane. L’augmentation de la vitesse tangentielle a pour objectif de limiter les phénomènes de colmatage. Ces membranes présentent une compacité allant jusqu’à 250 m²·m⁻³ [5].
Les membranes minérales en configuration externe sont majoritairement utilisées dans le cas d’effluents industriels parce qu’elles offrent un confort d’utilisation. Selon les polluants contenus dans ces effluents, les membranes vont, au cours du temps, se colmater par précipitation de sels, accumulation de matière organique en surface et/ou en profondeur. De par leur nature minérale, ces membranes peuvent subir des lavages chimiques puissants par l’intermédiaire de solutions acides, basiques ou autres conçues spécialement pour…
Tableau 2 : Exemples d’application selon la configuration du BaM
BaM EXTERNES
Caractéristiques des membranes (Géométrie – Nature du matériau – seuil de coupure) | Effluent |
---|---|
Tubulaire – Minéral – 0,2 µm | Synthétique |
Plane – Organique – > 20 kDa | Distillerie alcool |
Tubulaire – Minéral – 0,2 µm | Agroalimentaire |
Tubulaire – Minéral 0,2 µm et 0,05 µm | Municipal |
Tubulaire – Minéral – 0,1 µm | Municipal |
Tubulaire – Minéral – 300 kDa | Synthétique municipal |
Tubulaire – Minéral 0,02 µm (≈ 300 kDa) | Municipal |
Tubulaire – NM – > 75 kDa | Synthétique |
Tubulaire – Organique – 15 kDa | Sanitaire et industriel |
Tubulaire – Minéral 0,02 µm (≈ 300 kDa) | Synthétique |
Tubulaire – Minéral – 0,02 µm | Municipal |
Plane – Organique – 40 kDa | Synthétique |
Tubulaire – Organique – NM | Synthétique |
Tubulaire – Minéral – 0,2 µm | Municipal |
BaM IMMERGÉES
Caractéristiques des membranes (Géométrie – Nature du matériau – seuil de coupure) | Effluent |
---|---|
Fibres creuses – Organique – NM | Municipal et synthétique |
Fibres creuses – Organique – 0,1 µm | Municipal |
Fibres creuses – Organique – 0,1 µm | Raffinerie |
Fibres creuses – Organique 0,1 à 0,4 µm | Municipal |
Plane – Organique – 0,4 µm | Domestique |
Fibres creuses – Organique – 0,1 µm | Municipal |
Plane – Organique – 0,4 µm & Fibres creuses – Organique – 0,04 µm | Eaux domestiques |
Plane – Organique – 0,4 µm | Municipal |
Fibres creuses – Organique 0,1 et 0,4 µm | Municipal |
Fibres creuses – Organique – 0,1 µm | Domestique |
Fibres creuses – Organique – 0,1 µm | Synthétique |
Fibres creuses – Organique – 0,1 µm | Synthétique – Lait |
NM : Donnée non mentionnée
un type de colmatage (lessives avec agents mouillants, tensio-actifs…). Ces lavages sont souvent réalisés à haute température (> 60 °C) pour améliorer leur efficacité. Les matériaux organiques ne peuvent pas supporter de tels lavages. C’est pourquoi, les membranes organiques sont principalement utilisées dans le cas d’effluents moins chargés (type eaux usées urbaines) pour lesquels les lavages chimiques sont moins réguliers et beaucoup moins agressifs. Toutefois, d’autres solutions de nettoyage des membranes sont mises en place. Dans le cas des fibres creuses, des rétrolavages sont effectués. Il s’agit de renvoyer du perméat dans le sens inverse de la filtration afin de décolmater les membranes. Ces rétrolavages peuvent être effectués pendant peu de temps (ordre de quelques dizaines de secondes) toutes les heures de filtration. Afin de limiter le colmatage des fibres creuses, il est également conseillé d’insuffler de l’air à leur pied afin de générer de la turbulence le long de la surface de filtration [8-10] bien que cela augmente la consommation énergétique du procédé. Dans le cas des membranes organiques planes en configuration externe, le lavage est facilité par la position du module puisqu’il est hors du bassin biologique. Il est alors plus aisé de démonter le module pour nettoyer les membranes.
Le tableau 2 présente quelques exemples d’application des BaM dans les deux configurations [11]. Les seuils de coupure des membranes de microfiltration utilisées sont compris entre 40 kDa et 1 µm, mais préférentiellement dans une gamme qui s’étend entre 300 kDa et 0,2 µm. Cela permet la rétention de la totalité de la biomasse ainsi que des macromolécules à haut poids moléculaire. Dans ce tableau, les effluents traités en BaM externes sont principalement urbains car il s’agit d’études réalisées par des laboratoires de recherche pour lesquels il est plus aisé de se procurer des effluents de cette nature. Toutefois, cette configuration reste plus adaptée aux effluents industriels dont quelques exemples sont présentés.
Avantages et limitations des bioréacteurs à membranes
Avantages
Actuellement, les acteurs de l’eau sont unanimes sur le fait que l’application de technologies membranaires a déjà montré son utilité dans le domaine du traitement des effluents. En effet, les modules membra-
Tableau 3 : Quelques avantages des bioréacteurs à membranes
Caractéristiques | Avantages |
---|---|
Installation – Compacité | Modularité ; Adaptabilité pour l’amélioration d’installations existantes |
Exploitation – Fiabilité | Excellente qualité de l’eau traitée malgré des concentrations en polluants élevées en entrée et des à-coups de charge |
Procédé – Qualité de l’eau | Meilleure élimination de : DCO, DBO, Azote et Phosphore ; Séparation quasi totale liquide/biomasse (dont bactéries, virus) ; Possibilité de recyclage de l’eau |
Biomasse | Rétention totale de la biomasse ; Âges de boues élevés et découplés du temps de séjour hydraulique ; Capacité à traiter des composés récalcitrants (phénols,…) ; Faible production de biomasse ; Forte concentration de biomasse dans le réacteur (usuellement 8 à 15 g·L⁻¹) ; Résistance aux à-coups de charge |
Tableau 4 : Influence du temps de séjour des boues dans un procédé conventionnel et un bioréacteur à membranes immergées
Alimentation en DCO | TSH (h) | TSB (j) | MES (g·L⁻¹) | Abattement de la DCO (%) | Production de boues (kg MES·kg DCO⁻¹) |
---|---|---|---|---|---|
Boues activées conventionnelles | |||||
0,6 | 16 | 9,2 | 1,6 | 90,3 | 0,302 |
0,6 | 16 | 14,3 | 2,1 | 87,4 | 0,276 |
0,6 | 16 | 32,0 | 3,2 | 88,4 | 0,244 |
Bioréacteur à membranes immergées (fibres creuses) | |||||
0,6 | 16 | 10,0 | 1,9 | 94,2 | 0,310 |
0,6 | 16 | 37,2 | 3,7 | 90,8 | 0,220 |
0,6 | 16 | 53,0 | 6,0 | 93,5 | 0,206 |
0,6 | 16 | 110,3 | 7,2 | 91,7 | 0,130 |
TSH : Temps de Séjour Hydraulique ; TSB : Temps de Séjour des Boues ; MES : Matières en Suspension ; MVS : Matières Volatiles Sèches (ou en suspension).
Les bioréacteurs à membranes immergées (BaM) apportent de nombreux avantages par rapport à un procédé de traitement conventionnel par boues activées. Ces avantages peuvent être répartis en trois catégories majeures : l’installation, l’exploitation et le procédé (tableau 3).
En termes d’installation, contrairement à une boue activée classique, les BaM ne nécessitent pas de bassin de décantation. Ils sont donc plus compacts : la surface au sol peut être divisée par un facteur 5, et ils sont susceptibles d’être implantés dans des espaces réduits. De plus, les BaM offrent l’avantage d’être modulaires ; il est ainsi aisé d’augmenter ou de réduire la surface membranaire mise en jeu (notamment dans le cas des bioréacteurs à membranes externes). Ces caractéristiques font que ce procédé est facilement implantable dans des installations existantes possédant déjà des réacteurs biologiques, par exemple lors de la réhabilitation d’anciennes stations de traitement où les décanteurs peuvent alors être reconvertis en bassins d’aération : tel est le cas pour la station d’épuration urbaine de Guéthary (Pyrénées-Atlantiques, France).
En termes d’exploitation, les BaM sont susceptibles de supporter les à-coups de charge et ainsi de produire une eau traitée d’excellente qualité. En termes de procédé, l’élimination des principaux paramètres polluants (DCO, DBO₅, azote et phosphore) est améliorée par rapport à une boue activée classique. La concentration en biomasse dans le bioréacteur est plus élevée que dans une boue activée classique compte tenu de la séparation liquide/solide qui est totale et de la disparition des problèmes liés au décanteur. Dans le cas d’une boue activée classique, la concentration en biomasse est proche de 3 à 5 g·L⁻¹, valeur limite afin d’assurer une séparation correcte dans un décanteur, contre au minimum 8 à 15 g·L⁻¹ dans le cas d’un BaM.
La biomasse étant totalement retenue par la membrane, il est possible de contrôler le temps de séjour des boues (TSB) indépendamment du temps de séjour hydraulique (TSH). Un grand TSB permet d’augmenter la concentration en biomasse, de diminuer la production de boues en excès et de spécifier cette biomasse par rapport aux effluents. Toutefois, si le TSB est trop grand, les boues ont tendance à se minéraliser et donc à ne plus assurer la dégradation. Quant à la production de boues, elle est globalement inférieure dans un BaM par rapport au procédé conventionnel, ce qui induit une réduction des coûts opératoires. La dissociation de ces temps de séjour permet d’imposer un TSH faible, ce qui maximise la productivité du système. Généralement, un BaM est caractérisé par un TSB de l’ordre de 10 à 100 jours et un TSH de l’ordre de 10 à 100 heures.
Le tableau 4 compare le traitement d’un effluent domestique par boues activées conventionnel et par bioréacteur à membranes immergées [12]. La concentration en biomasse (MES) est modérée, de 1,6 à 7,2 g·L⁻¹. Le TSH est fixé à 16 h tandis que le TSB varie de 9,2 à 110,3 j. Quel que soit le TSB, l’abattement de la DCO est meilleur pour le BaM que pour le procédé par boues activées. Les valeurs vont respectivement de 90,8 à 94,2 % et de 87,4 à 90,3 %. Cela démontre que la biomasse d’un BaM est plus performante que celle d’un procédé conventionnel pour un TSB donné.
Le tableau 5 présente une comparaison de trois BaM immergées dans le cas du traitement d’un effluent synthétique par des boues d’ensemencement d’épuration préalablement acclimatées [13]. Leur volume est de 12 L et l’aération très élevée, constante à 150 L·h⁻¹. Le TSB est fixé à 30 j et le TSH évolue de 4 à 12 h selon les expériences. En début d’expérience, la quantité de biomasse est proche de 5,3 g·L⁻¹ puis évolue selon les conditions opératoires.
Pour chacune des expériences, la charge massique est maintenue constante à environ 0,11 kg_DCO·kg_MES⁻¹·j⁻¹. L’abattement de la DCO est excellent puisqu’il est quasi constant entre 95 et 97 % quel que soit le TSH. La diminution de ce dernier permet de maximiser la productivité du procédé, mais, en contrepartie, afin de conserver une haute performance d’épuration, cela doit être compensé par une augmentation de la concentration en biomasse : jusqu’à 17 g·L⁻¹ pour le plus faible TSH. Ainsi, pour des performances de traitement équivalentes, l’augmentation de la concentration en biomasse permet de traiter au moins deux fois plus d’effluent par jour. Il est à noter que les performances du procédé semblent pouvoir être encore améliorées puisque, pour l’expérience à faible TSH, la concentration en oxygène dissous est faible : de 0,2 à 1,5 mg·L⁻¹.
Tableau 5 : Influence du temps de séjour hydraulique dans un bioréacteur à membranes immergées
BaM immergées (fibres creuses)
A | B | C | |
---|---|---|---|
TSH (h) | 10-12 | 6-8 | 4-5 |
TSB (j) | 30 | 30 | 30 |
MES après 65 jours de filtration (g·L⁻¹) | 7,5 | 13 | 17 |
Abattement de la DCO (%) | 96,6 | 95,4 | 94,6 |
Oxygène dissous (mg·L⁻¹) | 3,8 – 6,5 | 0,6 – 3,4 | 0,2 – 1,5 |
… de 2 mg·L⁻¹ est considérée comme satisfaisante pour assurer une bonne aération des microorganismes. La résolution technique de cette carence en oxygène laisse envisager des performances épuratoires encore plus élevées.
Limitations
Les phénomènes qui tendent à diminuer les performances des membranes sont attribuables à la polarisation de concentration ainsi qu’au colmatage. Le phénomène de polarisation de concentration est la conséquence de l’accumulation de composés au voisinage de la membrane. Une diminution de la pression transmembranaire ou un arrêt de la filtration permet d’éliminer instantanément la couche de polarisation de concentration : le phénomène est donc réversible. Le colmatage à proprement parler peut se manifester sous trois formes. Il peut s’agir de l’adsorption de composés sur le matériau membranaire avec lequel se créent de fortes interactions. Un colmatage en profondeur peut également avoir lieu. Cela se produit lorsque les composés à filtrer sont de taille inférieure à celle des pores de la membrane (exemple des macromolécules présentes dans les BaM). Le troisième mode de colmatage est le dépôt de particules à la surface de la membrane, ce qui peut générer un gâteau plus ou moins compact. C’est le cas lors de la filtration des flocs bactériens dont la taille peut varier de 5 à plus de 200 µm [14]. Le colmatage des BaM est généralement une combinaison de ces trois modes. Le colmatage par adsorption nécessite un lavage chimique afin de régénérer les performances de la membrane. Le blocage des pores et le dépôt de particules peuvent, quant à eux, être éliminés par rétrolavage lorsque la technologie des membranes le permet (dans le cas de membranes fibres creuses). Pour les autres technologies membranaires, le lavage chimique s’impose.
Des études récentes [14-18] démontrent que le colmatage des BaM est très dépendant de la concentration en PMS (Produits Microbiens Solubles), terme qui regroupe différents composés tels que les carbohydrates, les protéines, les lipides ou encore les acides nucléiques. Ces éléments sont produits par les microorganismes, suite à des réactions de polymérisation, de lyse ou d’hydrolyse et se retrouvent dans les interstices des flocs bactériens. Selon différents travaux de recherche [16-18], les faibles TSB favorisent l’apparition des bactéries filamenteuses qui relarguent davantage de PMS. La concentration de ces composés dans la boue activée dépend également des conditions d’hydrodynamiques du bioréacteur. Une forte contrainte de cisaillement imposée casse les flocs bactériens et libère ainsi des PMS. La structure de la biomasse est alors modifiée ainsi que ses propriétés colmatantes [14, 19-21] : le choix des pompes devient un élément important pour la gestion des caractéristiques des flocs bactériens et donc du colmatage [22].
Le contrôle des paramètres biologiques, hydrauliques et hydrodynamiques d’un bioréacteur membranes est donc indispensable pour optimiser le fonctionnement du procédé.
La deuxième limitation des BaM concerne l’aération des microorganismes. Puisque la concentration en biomasse est élevée dans un BaM, il est nécessaire de fournir une grande quantité d’oxygène aux microorganismes. Pour optimiser cela, les phénomènes de transfert de l’oxygène doivent être maîtrisés. Ces phénomènes sont régis par plusieurs paramètres :
- (i) la quantité d’oxygène entre les deux phases (gaz et liquide),
- (ii) l’écart à la saturation en O₂ (saturation d’une eau claire = 9,1 mg O₂·L⁻¹ à 20 °C),
- (iii) la turbulence de part et d’autre de l’interface liquide/gaz,
- (iv) la viscosité du milieu et
- (v) l’aire interfaciale.
Le transfert d’oxygène vers les microorganismes peut être exprimé sous la forme suivante :
dC_L / dt = k_L a × (C* – C_L)
avec :
- dC_L / dt : évolution de la concentration en oxygène dans la phase liquide en fonction du temps (mg O₂·L⁻¹·h⁻¹)
- k_L : coefficient de transfert de matière en phase liquide (m·h⁻¹)
- a : aire spécifique (m²·m⁻³)
- C* : concentration en oxygène à la saturation (mg O₂·L⁻¹)
- C_L : concentration en oxygène dans la phase liquide (mg O₂·L⁻¹)
Le coefficient de transfert, k_L a, permet de caractériser, dans un milieu donné, la capacité à transférer de l’oxygène aux microorganismes. La figure 7 présente l’évolution du k_L a en fonction de la concentration en biomasse. Plus la concentration en microorganismes augmente, plus le coefficient de transfert de matière est faible. Une augmentation du débit d’air ne permet pas de remédier à cela. En effet, la valeur du k_L a tend vers une valeur limite lorsque le débit augmente. Il est donc indispensable d’utiliser des technologies offrant un coefficient de transfert élevé. Le tableau 6 présente les Apports Spécifiques Bruts (ASB) en oxygène de divers systèmes d’aération [24]. Le plus performant est l’insufflation d’air par plateaux fines bulles puisqu’il fournit un maximum d’air par kWh. L’intérêt de générer des fines bulles dans les bassins biologiques est de maximiser la surface d’échange entre les phases liquides et gazeuses et ainsi favoriser le transfert d’oxygène.
Tableau 6 : Apports Spécifiques Bruts (ASB) en oxygène en fonction de la technologie d’aération
Aérateurs de surface |
- Turbines lentes : 1,35 – 1,75 kgO₂·kWh⁻¹ |
- Turbines rapides : 1,05 – 1,35 kgO₂·kWh⁻¹ |
- Brosses : 1,50 – 1,80 kgO₂·kWh⁻¹ |
Insufflations d’air |
- Moyennes bulles : 0,90 – 1,10 kgO₂·kWh⁻¹ |
- Fines bulles : 2,20 – 3,20 kgO₂·kWh⁻¹ |
- Fines bulles en chenal avec agitation : 2,50 – 3,80 kgO₂·kWh⁻¹ |
Insufflation d’air + « static mixers » : 0,80 – 2,00 kgO₂·kWh⁻¹ |
Système épirigogène (pompe + prise d’air) : 0,60 – 0,80 kgO₂·kWh⁻¹ |
Colmatage et à l’aération des microorganismes, les bioréacteurs à membranes sont de plus en plus développés, comme en témoignent les diverses applications suivantes.
Exemples d’application
Il est, tout d’abord, intéressant de citer un exemple pour lequel l’espace dont dispose le procédé est réduit. Il s’agit du paquebot Queen Mary 2 qui est équipé d’un BaM dans le but de traiter les eaux usées à bord (cuisines, entretien, sanitaires) pour rejeter en mer une eau parfaitement propre, n’altérant ni la faune, ni la flore sous-marine. Sa capacité de traitement est de 4 000 E.H. Cet exemple souligne l’intérêt porté à ce procédé en termes de compacité.
Dans le cas d’applications issues du secteur industriel, le tableau 7a résume les concentrations en entrée et en sortie d’un BaM dans le cas d’un effluent généré par l’industrie laitière. Les membranes d’ultrafiltration sont planes et externes au bioréacteur. L’effluent a la particularité d’avoir un fort débit journalier (450 m³·j⁻¹) et une concentration en polluants assez importante. Les rendements d’épuration sont très élevés (> 96 %) pour la quasi-totalité des composés et jusqu’à 98,8 % pour la DCO. Seul l’azote présente un rendement épuratoire plus faible (70 %) mais le but était de respecter les normes de rejet, ce qui est le cas au vu de la faible concentration en sortie.
Le tableau 7b présente une synthèse des concentrations en entrée et sortie d’un BaM dans le cas du traitement d’un effluent issu de l’industrie chimique. L’installation est équipée du même système de filtration que dans l’exemple précédent : ultrafiltration sur membranes planes en configuration externe. Contrairement à l’effluent précédent, le débit à traiter est deux fois plus faible, variable dans le temps et la concentration en polluants est encore plus importante : jusqu’à 30 000 mg·L⁻¹ pour la DCO. Cette fois encore, les rendements d’épuration de ces composés sont excellents puisque supérieurs à 98 %, quelle que soit la concentration en entrée.
[Tableau 7 : Performances de bioréacteurs à membranes dans les industries laitières et chimiques]Ces résultats quantitatifs démontrent que les rendements d’épuration sont très bons lorsqu’un effluent d’entrée est chargé en polluants, notamment en DCO.
Tableau 8 : Performances de bioréacteurs à membranes selon la charge à traiter
L’azote, molécule extrêmement toxique pour les microorganismes, bien que la concentration en entrée soit variable, la concentration en sortie reste stable et très faible (0,02 mg·L⁻¹). Ces résultats confirment que les BaM sont adaptés aux effluents chargés mais également aux effluents dont la composition et le débit sont variables. Les BaM assurent donc une très bonne épuration malgré les à-coups de charge qui peuvent se produire dans un procédé industriel.
Dans le cas de la dégradation du phénol en pétrochimie, le rendement d’épuration n’est pas chiffrable compte tenu de la forte variabilité de l’effluent en entrée. Mais, par exemple, une étude en laboratoire [25] peut amener un élément de réponse puisqu’elle permet de chiffrer un abattement en phénol dans le cas de la biodégradation d’un effluent synthétique par…
Tableau 9 : Performances d’un bioréacteur à membranes – Application à la chimie fine
Paramètre | Moyenne entrée station (kg j⁻¹) | Moyenne sortie station (kg j⁻¹) | Abattement (%) |
---|---|---|---|
Station biologique conventionnelle | |||
DCO | 2 300 | 240 | 89,6 |
DBO₅ | 1 200 | 50 | 95,8 |
MES | 50 | 35 | 30,0 |
Bioréacteur à membranes céramiques | |||
DCO | 3 200 | 140 | 95,6 |
DBO₅ | 1 650 | 17 | 99,0 |
MES | 80 | < 1 | > 98,8 |
Source : Pall Corporation.
une biomasse acclimatée. Les concentrations en phénol et en DCO de l’effluent à traiter sont respectivement de 1,05 mg L⁻¹ et 2,26 g L⁻¹. Après traitement par BaM avec une concentration en biomasse de 10 g L⁻¹, ces valeurs sont respectivement de 0 mg L⁻¹ et 31,5 mg L⁻¹. La valeur des matières en suspension dans l'eau traitée est de 0 g L⁻¹. Le traitement de cet effluent synthétique par bioréacteur à membranes offre donc un rendement de 100 % pour le phénol, 98,6 % pour la DCO et 100 % pour les matières en suspension. Le BaM semble donc être un procédé de choix pour le traitement d'effluents toxiques tel que le phénol sous couvert d'utiliser une biomasse acclimatée.
Le tableau 8 présente des performances d’épuration de BaM en fonction de la charge volumique de polluant à traiter dans le cas de diverses applications industrielles. La configuration des BaM n'est pas précisée dans ces exemples. Ces résultats démontrent une élimination de la pollution organique biodégradable quasi-totale puisque la majorité des rendements sont supérieurs à 90 % et peuvent même atteindre 99 % dans le domaine de l’agriculture. Dans le cas d’un lixiviat de décharge, la pollution azotée est éliminée à 97 %. Compte tenu des fortes charges à traiter, la concentration en biomasse est comprise entre 5 et 25 g L⁻¹. Sur l'ensemble des applications, la concentration moyenne en biomasse est proche de 17 g L⁻¹. Grâce à cette forte concentration en biomasse, les performances des bioréacteurs à membranes sont excellentes, quelle que soit la charge volumique à traiter.
Le tableau 9 présente, dans le cas d’un effluent industriel de chimie fine qui synthétise des molécules destinées à l’industrie pharmaceutique, une comparaison entre les performances d'une filière classique de traitement et celle d'un BaM. Les effluents générés sont notamment composés d’éthanol, d’acétone et de traces de toluène. En 1982, une station d'épuration munie d'un traitement biologique conventionnel (bioréacteur couplé à un décanteur) a été mise en service. Mais cette unité étant devenue limitée en capacité en termes de charge et de débit, une unité de traitement par bioréacteur à membranes externes a été rajoutée en 2003. Les membranes sont de types céramiques et la surface de filtration est de 130 m². L'ancienne unité continue de recevoir des effluents peu concentrés tandis que le BaM reçoit des effluents plus chargés en polluants. En ce qui concerne la dégradation biologique, et la rétention des matières en suspension, les rendements d’épuration sont bien meilleurs pour le BaM. Cela est d’autant plus remarquable que la charge à traiter est plus importante. La production de boues dans le traitement classique est de 0,30 kg, sans prendre en compte les fuites au niveau du clarificateur tandis que dans le BaM, elle est de 0,09 kg. Le BaM génère donc moins de boues qu’un procédé biologique conventionnel, ce qui limite le coût d'exploitation.
Le tableau 10 résume les capacités de traitement d'un BaM situé à Perthes en Gatinais. L’effluent brut à traiter est de l'eau résiduaire urbaine. Le BaM implanté est en configuration immergée avec des fibres creuses organiques et la concentration en biomasse est proche de 10 g L⁻¹. Les taux d’abattement des divers paramètres sont très bons : de 80 % pour l'azote total jusqu’à plus de 97,5 % pour la DBO₅. Le rendement sur la DCO est également excellent avec plus de 94 %. Le bioréacteur à membranes est particulièrement adapté au traitement des effluents urbains.
Au travers de ces quelques applications, nous avons voulu mettre en avant les performances des bioréacteurs à membranes. Le choix des exemples n’est pas anodin puisqu’il couvre un panel, non exhaustif, de plusieurs problématiques rencontrées dans le milieu industriel. Ces exemples reflètent divers cahiers des charges : espace réduit pour l'un, réhabilitation d'une station d’épuration existante pour l'autre, débit à traiter important ou débit plus faible mais avec une forte variabilité de l’effluent ou encore un effluent fortement chargé en polluants. Dans chacun de ces cas, le BaM a su s'imposer en démontrant ses performances épuratoires ainsi que sa flexibilité de fonctionnement.
Conclusion
Les bioréacteurs à membranes sont des procédés innovants. Leur développement est incontestable depuis le début du XXIᵉ siècle.
D’une part les études scientifiques qui y sont rattachées croissent de façon exponentielle et d’autre part les implantations de ce procédé de traitement sont de plus en plus nombreuses à travers le monde.
L'essor des bioréacteurs à membranes provient, entre autres, des limitations du décanteur dans la filière classique de traitement et de l’évolution des effluents à traiter. Que les effluents soient de plus en plus concentrés en polluants, qu’ils contiennent de nouveaux types de polluant comme les xénobiotiques ou que la charge soit variable dans le temps, il est nécessaire d’appliquer
Tableau 10 : Performances d’un bioréacteur à membranes dans le traitement d’eau résiduaire urbaine
Paramètres | Unité | Entrée (moyenne) | Sortie (moyenne) | Rendement d’épuration (%) |
---|---|---|---|---|
Débit | m³ j⁻¹ | 900 à 1 400 (4 500 EH) | — | — |
DCO | mg L⁻¹ | 448 | 26,5 | 94,1 |
DBO₅ | mg L⁻¹ | 198 | < 5 | > 97,5 |
MES | mg L⁻¹ | 224 | < 5 | — |
Nₜₒₜₐₗ | mg L⁻¹ | 42,6 | 7,8 | 81,7 |
NH₄⁺-N | mg L⁻¹ | 33,1 | 0,6 | 98,2 |
Pt | mg L⁻¹ | 9,1 | 0,3 | 96,7 |
Source : Veolia Water
quer des procédés adaptables, flexibles et de hautes performances en termes d’épuration afin de répondre aux normes de rejets de plus en plus rigoureuses.
Les diverses configurations des bioréacteurs à membranes répondent à ces besoins, tant au niveau des effluents urbains qu’industriels. Contrairement aux procédés biologiques conventionnels, les BaM permettent d’améliorer les performances d’épuration grâce à la forte concentration en biomasse dans les bassins.
De plus, ils génèrent moins de boues et sont plus compacts. La poursuite du développement des BaM dépend essentiellement de la maîtrise des phénomènes qui limitent les performances du procédé.
En premier lieu, il s’agit du colmatage. Il est impossible de l’éliminer totalement, il faut donc le maîtriser par l’intermédiaire de solutions préventives (insufflation d’air en surface de membranes, backpulses, augmentation de la vitesse de circulation tangentielle à la membrane,...) et/ou curatives (optimisation des cycles et des solutions de lavage).
Parmi les phénomènes limitants, se trouve également la problématique de l’oxygénation des microorganismes dans les bassins biologiques. Ce thème est actuellement largement étudié au sein des laboratoires de recherche.
Toutefois, les nets avantages des bioréacteurs à membranes compensent largement ces phénomènes limitants.
De nos jours, les BaM sont en pleine phase d’optimisation et leur avenir s’annonce très prometteur dans des domaines d’application très variés tels que les industries agro-alimentaires, (pétro-)chimiques, les centres de stockage des déchets ou encore les eaux résiduaires urbaines.
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