Bio-UV est spécialisée depuis plus d'une dizaine d'années dans la conception, la fabrication et la commercialisation aux professionnels de solutions et de concepts de désinfection par ultraviolets. Dès sa création, cette entreprise s'est attachée à développer des solutions sur des applications dans lesquelles la technologie UV n?avait jamais été appliquée : tours aéroréfrigérantes, piscines privées, déchloramination en piscines collectives, canons à neige, etc. Rencontre avec Benoît Gillmann, Président-Fondateur de Bio-UV.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Bio-UV, dont vous êtes le dirigeant-fondateur, fête cette année ses dix ans. Pouvez-vous nous dresser un rapide portrait de l’entreprise ?
Benoît Gillmann : Bio-UV est spécialisée depuis sa création dans la fourniture de solutions de traitement de l’eau par ultraviolets. Basée à Lunel, entre Montpellier et Nîmes, l’entreprise emploie une quarantaine de personnes en France et a réalisé, en 2009, un chiffre d’affaires consolidé de 6,7 millions d’euros, dont plus de 50 % à l’export. Consolidé car ce chiffre intègre celui de notre filiale américaine, basée à Los Angeles, qui emploie elle-même une douzaine de personnes supplémentaires.
Je suis moi-même l’actionnaire majoritaire de l’entreprise, le reste du capital étant réparti entre une société de capital développement régional et d’autres personnes physiques qui, pour la plupart, travaillent au sein de l’entreprise.
E.I.N. : Quelles sont les circonstances et les motivations qui vous ont amené à créer Bio-UV ?
B.G. : Ce sont des circonstances un peu particulières liées au fait que l’essentiel de ma vie professionnelle s’est construite sur une succession de hasards et d’opportunités et peut-être sur mon statut d’autodidacte ! Un jour, lors de la construction de ma maison, j’ai souhaité équiper ma propre piscine d’un dispositif de traitement sans chlore et, si possible, sans produits chimiques, ma fille étant à l’époque sensible à ce type de produit. Ne trouvant rien de disponible dans le commerce, j’ai décidé de m’équiper d’un dispositif de traitement basé sur les UV fabriqué de façon artisanale dans un garage. Le produit complémentaire, pour assurer la rémanence, était à l’époque de l’oxygène actif en poudre (monopersulfate de potassium).
E.I.N. : Un peu à la manière de Microsoft ?
B.G. : Oui, on pourrait dire cela, toute proportion gardée ! J’ai effectivement été d’une certaine façon mon premier client en répondant à mon propre besoin ; de là à imaginer un seul instant qu’une partie de ma vie professionnelle en dépendrait à ce point-là... Mais le dispositif a parfaitement fonctionné, il a séduit ceux qui ont pu le tester et je me suis dit qu’il était de nature à répondre à une importante demande qui n’était pas satisfaite à cette époque.
À la désinfection des eaux
Étant de nature entrepreneur et compte tenu d'un concours de circonstances professionnelles à cette époque, j'ai donc choisi d'investir et d'emprunter pour créer BIO-UV, ma propre entreprise, en 2000, afin de proposer aux propriétaires de piscines privées un dispositif de traitement automatique, sans chlore, basé sur une association UV/Peroxyde d'hydrogène (une forme liquide d'oxygène actif étant plus simple à automatiser).
E.L.N. : Quel a été l'accueil du marché ?
B.G. : Il a été excellent de la part des particuliers et je dirais un peu plus frileux de la part de certains professionnels pisciniers ! Néanmoins la croissance a été très rapide. Si bien qu'en 2002, nous nous sommes intéressés aux piscines publiques en réfléchissant à ce que l'on pouvait apporter dans ce domaine, sachant que le décret de 1981 impose l'usage de chlore dans les piscines collectives. Très vite, notre réflexion nous a menés vers la déchloramination, c'est-à-dire la suppression des effets secondaires du chlore, en l'occurrence les chloramines. Nous avons évalué les différentes technologies UV disponibles – basse pression, moyenne pression – et nous avons fait le choix de la moyenne pression qui est la plus efficace sur la trichloramine, celle qui expose les maîtres-nageurs à des maladies professionnelles selon les termes du décret de février 2003. Et nous avons été les premiers à être agréés par le ministère de la Santé en 2004.
E.L.N. : Vous saviez que les attentes étaient fortes et les besoins considérables…
B.G. : Effectivement. Mais comme vous le savez, dans ce domaine, cela ne suffit pas. Il faut d'abord et avant tout être à même de proposer un dispositif qui puisse être agréé par le ministère de la Santé, études scientifiques à l'appui. Nous nous sommes lancés dans l'élaboration d'une solution en renforçant nos équipes et en recrutant des spécialistes, notamment une thésarde de l'université de Montpellier, Delphine Cassan, qui avait beaucoup travaillé sur le sujet. Il ne s'agissait pas de réinventer les UV, mais plus simplement, et à notre échelle, de les adapter pour apporter une réponse à une problématique qui n'en avait pas vraiment. Ce travail a été récompensé par le fait d'avoir été les premiers à recevoir cet agrément.
E.L.N. : Ce succès a dû susciter quelques jalousies...
B.G. : Oui, clairement nous avons dû affronter des vents contraires entre 2004 et 2008. Qu'une petite entreprise, nouvelle venue, puisse prétendre capter un marché aussi important a suscité quelques jalousies. Des controverses sont apparues, souvent étayées par des arguments dépourvus de toute base scientifique, dont certains ont même été repris par le CSHPF. Les UV, en agissant sur le chlore, étant, à tort, accusés de certains maux. Mais la raison et les preuves fournies ont peu à peu repris le dessus et l'Afssset a effectué un gros travail de remise en ordre en ne se fondant que sur des bases scientifiques.
E.L.N. : En tout cas, ce succès vous a permis de pénétrer le marché du traitement des eaux de piscines privées et publiques.
B.G. : C'est exact. Aujourd'hui, il représente environ 70 % de notre chiffre d'affaires. Nous équipons à l'heure actuelle plus de 1000 bassins collectifs en Europe, dont plus de 500 en France et environ 200 aux États-Unis, dont certains très prestigieux comme celui de l'université de Yale. Dans le domaine des piscines privées, nous avons déjà équipé plus de 12 000 bassins en France. Ce qui reste encore très raisonnable, compte tenu d'un marché de l'ordre de 800 000 bassins enterrés.
E.L.N. : Le marché de la piscine a donc été votre base de départ. Mais vous ne vous êtes pas arrêté là...
B.G. : Effectivement. En France, nous avons fait le chemin inverse de nos concurrents, historiquement beaucoup plus gros et plus anciens que nous et pour la plupart étrangers. Nous avons commencé par le marché de la piscine où ils n'étaient pas présents pour évoluer ensuite vers les domaines de la potabilisation et le traitement des eaux usées en vue de leur réutilisation. Pour nous, ce virage était tout à fait naturel puisque nous considérons, chez Bio-UV, que notre métier consiste à apporter des réponses à des problématiques particulières, en déclinant des solutions UV lorsque la chimie a atteint ses limites d'efficacité ou lorsqu'apparaît une volonté de modérer son emploi, voire de le supprimer.
E.L.N. : Restons un moment sur le traitement de l'eau potable. On ne se lance pas dans ce domaine sans une longue préparation...
B.G. : Non, bien entendu. Tout le travail de développement effectué pour les appareils en piscines publiques nous a été utile et l'apparition de la problématique cryptosporidium et giardia, qui sont des protozoaires sur lesquels l'ozone et le chlore ne sont pas efficaces, nous a aidés. Mais soyons clairs : pas efficaces signifie qu'il faudrait injecter de telles doses pour obtenir un effet satisfaisant que c'est inenvisageable sur le plan pratique et sanitaire. Dès lors, il devient inévitable pour les UV de jouer un rôle important, sur cette problématique les UV apparaissent aujourd'hui incontournables. C'est la raison pour laquelle de très grandes villes se sont équipées ou sont en passe de l'être (Paris, Île-de-France, New York, Montréal, …). Nous nous sommes intéressés à ce marché et nous avons élargi nos compétences en créant notre propre bureau d'études que dirige Xavier Bayle. Il nous permet aujourd'hui de concevoir tout ce que l'on fabrique. Nous avons bien entendu recruté des hommes spécialistes de l'électricité, de l'électronique, de la CFD, c'est-à-dire conception assistée et spécialisée en dynamique de fluides. Cette technique est incontournable et permet d'assurer la bonne dose en tout point d'un réacteur. C'est un savoir-faire coûteux mais essentiel que nous maîtrisons aujourd'hui parfaitement, ce qui n'est pas forcément le cas de tous les autres fabricants français.
E.L.N. : Cet effort vous a permis de pénétrer le marché.
B.G. : Oui, à notre échelle, en commençant par des réalisations modestes, sur des petites communes, puis plus importantes, comme par exemple la ville de Sète que nous avons équipée en 2007.
E.L.N. : Votre taille n'est-elle pas un handicap sur le marché de l'eau potable ?
B.G. : Nous tirons notre crédibilité de nos références. Il faut donc être patient et opiniâtre et accepter.
de progresser par étapes. Mais des solutions existent qui permettent de compenser notre jeunesse sur ce marché. Nous avons noué des partenariats que je ne détaillerai pas ici mais dont certains sont stratégiques avec des entreprises distributrices matures qui nous permettent de renforcer la crédibilité de nos matériels et de nos solutions. Nous vendons par ailleurs de nombreux appareils à des traiteurs d’eau comme par exemple OTV. Les groupes Veolia et Suez sont parfois nos clients... C’est la preuve que nos solutions sont crédibles et opérationnelles. Nous progressons sur ce marché à notre rythme. Mais pour l’instant, nous ne nous positionnons pas sur de gros appels d’offres.
E.L.N. : Pour l’instant ?
B.G. : On ne peut pas exclure de disposer un jour d'une gamme plus étendue d'appareils certifiés et agréés afin de répondre à ce type de besoins. Nos axes de développement incluent une présence plus importante sur le marché de l’eau potable comme sur celui de la réutilisation des eaux usées épurées à travers différentes technologies d'UV. Cela implique des budgets significatifs pour le développement des appareils et l'acquisition des certifications en biodosimétrie. Ce travail est entamé sachant que toutes nos gammes pour bassins collectifs sont déjà certifiées NSF 50 et que certains de nos appareils ont également reçu la certification ONorm, un des deux seuls organismes européens qui effectuent ce travail.
E.L.N. : Quel regard portez-vous sur le marché de la réutilisation des eaux usées épurées ?
B.G. : Un regard qui mêle espérance et agacement. La réutilisation des eaux usées épurées permet de mobiliser des ressources supplémentaires de bonne qualité. Elle contribue également à assurer l’équilibre de ce cycle et la protection des milieux en conservant et en préservant les ressources et en réduisant les rejets de nutriments et de polluants dans le milieu récepteur. À ce titre, et même sans besoin de ressources en eau supplémentaires, elle peut être considérée comme une mesure de protection environnementale à part entière. Les techniques sont là, elles sont matures et ont fait leurs preuves. Mais la réglementation française, incroyablement frileuse, épaulée par différents lobbys, bloque, pour l’instant, la plupart des réalisations. Du coup, notre pays accumule un retard considérable et l’essentiel des réalisations se font à l’étranger. C'est inexcusable dans le contexte actuel. Je comprends qu’il faille être prudent et que cette pratique nécessite un encadrement mais cela ne justifie pas l’immobilisme de notre pays et le temps qu’il faut pour instruire un dossier si crucial. Aux dernières nouvelles il semblerait que les choses commencent à bouger au niveau de l'administration... Néanmoins, nous avons équipé des stations d’épuration où l’eau peut être rejetée dans le milieu naturel, telles que Gignac (34), et la ville de Mèze qui va être équipée dans les semaines à venir. De nombreux acteurs sont aujourd'hui prêts pour la réutilisation sur de l’arrosage d'espaces verts ou agricoles, par exemple. Tous n’attendent plus que le cadre et le feu vert de l'administration !
E.L.N. : Quels sont les autres marchés sur lesquels évolue Bio-UV ?
B.G. : Nous nous efforçons de développer des solutions sur toutes les applications dans lesquelles nous pensons que les UV ont un rôle à jouer. Nous sommes donc présents sur le marché des aquariums publics, nous en équipons déjà plusieurs dizaines tels que Montpellier, Biarritz, le Grau du Roi, etc. Nous équipons également certains bassins zoologiques comme le zoo d'Amsterdam, un parc aquatique aux Canaries, etc. Nous travaillons aussi dans l’aquaculture et avec Ifremer sur les écloseries et ceci dans le monde entier. Nous équipons également un certain nombre de stations de montagne pour leurs canons à neige, notamment en Autriche où c’est une obligation. Nous avons lancé il y a deux ans une solution pour prévenir le risque légionelles en tours aéro-réfrigérantes et réseaux d'eau chaude sanitaire, nouvelle application et illustration de ce qui fait la force de Bio-UV : la capacité d'une équipe à développer et vendre des concepts, et proposer des solutions lorsque les UV constituent une réponse en matière de traitement de l’eau.
E.L.N. : Quel est, selon vous, l’avenir du marché des UV dans le domaine de l'eau ?
B.G. : Même après dix ans, pratiquement chaque jour, je me demande quelle va être la technique qui pourrait contrarier la courbe fortement ascendante des UV, et nous nous devons de rester humbles et vigilants grâce à la veille concurrentielle.
Le constat est que les UV sont et seront de plus en plus souvent employés dans le domaine du traitement de l'eau. Bien sûr, nous sommes un acteur très actif, même à notre échelle. Si l’on en croit les prévisions de l'IUVA, la très respectée International Ultraviolet Association, ce marché est aujourd'hui évalué à 600 millions de dollars (chiffre d'affaires en B to B, il est d’environ du double en valeur utilisateur final). Dans cinq ans, il devrait être de l'ordre de 1,2 milliard de dollars. C’est vous dire le potentiel de cette technique, même si elle n'est pas, bien entendu, universelle, et que d'autres procédés concurrents et/ou complémentaires continueront à avoir leur place. Mais les grands traiteurs d'eau mondiaux ont bien compris le rapport favorable en matière de coût/efficacité/maintenance simple et raisonnable. Comme toute technique elle a ses limites mais elles sont chaque jour repoussées.
E.L.N. : Quels sont vos objectifs à un horizon de cinq ans ?
B.G. : En dehors de toute opération de croissance externe, notre objectif est de doubler notre chiffre d'affaires pour le porter à environ 14 millions d’euros à l’horizon 2012 et de figurer parmi le peloton de tête des leaders mondiaux dans le domaine des UV. C’est un objectif jouable et motivant qui s'ajoute à celui qui consiste à fournir aux collectivités et aux particuliers des solutions de traitement à la fois sûres, écologiques et durables, grâce à nos équipes spécialisées, tant à l'export qui représente aujourd’hui 54 % de notre CA, que sur la France.