La plupart d’entre eux prélèvent dans la nappe de la craie, en général proche du sol et donc vulnérable, notamment vis-à-vis de la pollution par les nitrates (dont la concentration maximale admissible est fixée à 50 mg/l).
C’est ainsi que ces forages, pour près de la moitié d’entre eux, captent une eau qui se signale par un début de pollution nitratée : teneur supérieure à 35 mg/l, alors que la teneur « normale » ne dépasse pas 20 mg/l ; 12 % affichent plus de 50 mg/l et 1,5 % dépassent 100 mg/l.
Les études déjà réalisées dans le bassin permettent de conclure que l’altération de la qualité de l’eau souterraine est aujourd’hui bien plus fréquente (70 %) dans les forages sous influence urbaine que dans les forages dont le bassin versant est uniquement rural.
Ces constatations ont amené l’Agence, dès son 3ᵉ programme et surtout au cours du 4ᵉ, à se lancer dans des interventions en faveur de réseaux d’assainissement urbains de qualité et à confirmer ce choix pour son 5ᵉ programme ; l’une des trois priorités de ce programme (outre le littoral et certains cours d’eau pollués par l’azote) est en effet la protection de la nappe souterraine là où elle est aujourd’hui particulièrement menacée, et ceci grâce à une politique d’aide prioritaire, renforcée pour l’assainissement des zones urbaines concernées, et à la poursuite des interventions pour la procédure et la mise en place des périmètres de protection des captages.
Bien entendu, ces actions préventives ont dû ici ou là s’accompagner d’opérations curatives telles que le déplacement de forages non protégeables vers des zones moins menacées ou le raccordement de réseaux d’alimentation en eau potable pollués à d’autres réseaux mieux lotis.
Les nouveaux forages réalisés à cette occasion ainsi que ceux maintenus (autour desquels ont été restructurés les réseaux d’AEP) sont souvent situés en milieu rural, hors agglomération.
On peut ainsi espérer, dans un délai plus ou moins lointain, maîtriser l’influence urbaine sur l’ensemble des forages (par l’assainissement urbain ou le déplacement) ; deviendra alors prépondérante dans la pollution des eaux souterraines la composante d’origine diffuse agricole.
Certes, aujourd’hui, comme on l’a vu, cette composante n’est pas la principale, mais les études de prévisions déjà réalisées montrent que les teneurs en nitrates dépasseraient à terme 80 mg/l (en milieu strictement rural) et pourraient même atteindre 120 mg/l (c’est-à-dire bien au-delà de la concentration maximale admissible) s’il n’était pas remédié à certains errements en matière de fertilisation.
Dans le domaine de la fertilisation, l’inconnue fondamentale est la teneur résiduelle en azote dans le sol avant la reprise de la végétation et les épandages d’engrais à la fin de l’hiver. C’est la mesure de cette teneur qui permet d’ajuster les doses optimales d’engrais pour la récolte à venir ; cet ajustement est communément désigné sous le terme de « fertilisation raisonnée ».
Les chambres d’agriculture du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, sensibilisées aux progrès à réaliser dans ce domaine, se sont associées avec l’Agence de l’Eau Artois-Picardie dans un programme de quatre ans (1988-1991).
Cette action coordonnée a pour but principal l’extension de la fertilisation raisonnée à l’ensemble des surfaces cultivées du bassin, grâce à la mise en place d’un réseau de 1 200 points de prélèvement et d’un dispositif de diffusion rapide des résultats d’analyses et de conseils de fumure.
À cet objectif principal s’ajoutent les actions complémentaires suivantes :
- * harmonisation des fiches de prélèvement,
- * harmonisation des matériels consommables de prélèvement (sachets, étiquettes),
- * harmonisation du matériel et du protocole des analyses,
- * rationalisation de l’interprétation des résultats,
- * rationalisation des critères de détermination des fermes de référence,
- * test de fiabilité des analyses rapides dites « de bout de champ »,
- * amélioration du matériel de prélèvement d’échantillons de sol,
- * action de sensibilisation indispensable grâce à la diffusion d’articles sur ce sujet dans la
presse agricole, à la préparation d'un matériel pédagogique sur « l’azote dans l’agriculture », etc.
Le réseau de points de prélèvements comprenait 1 200 points en 1989 ; il est activé en février de chaque année ; il complète les réseaux locaux déjà mis en place par des groupements d'agriculteurs de façon à ce que l'ensemble du bassin (1,4 million d'hectares de SAU) puisse bénéficier de conseils de fumure.
Ces conseils de fumure sont établis par les chambres d’agriculture qui les transmettent
* aux exploitants agricoles des fermes de référence dans lesquelles les 1 200 prélèvements ont été effectués ;
* à la presse hebdomadaire agricole (tirage 60 000 exemplaires) après les avoir individualisés pour chacune des trente régions agricoles du Bassin.
Cette diffusion massive et brève (en février et en mars) des conseils de fumure a été rendue possible grâce à une rationalisation et une harmonisation poussée de toute la chaîne des opérations successives ; c'est ainsi que :
* les fiches de prélèvement, différentes selon les chambres d’agriculture, les laboratoires etc., ont été refondues et unifiées pour l'ensemble du bassin et le trajet des différents feuillets qui les composent, rationalisé ; les consommables (sachets, étiquettes, attaches...) ont également été unifiés ;
* les deux laboratoires d’analyses de sol, celui de l'INRA à Arras et celui de CEAA (Centre d'études et d’analyses agricoles) près de Saint-Omer ont unifié leur matériel et leurs méthodes d’analyses ;
* ces deux laboratoires assurent également de façon homogène la saisie des données figurant sur des fiches de prélèvements et des résultats d’analyses ; le tout est alors transmis chaque jour sur disquette aux chambres d’agriculture pour le calcul et l’édition des conseils de fumure ;
* les conseils de fumure élaborés par les chambres d’agriculture selon la « méthode des bilans » verront un essai d'unification sous l'égide de l'INRA d’Arras et de Laon (Station agronomique). En effet on a recensé localement l’usage de neuf méthodes différentes. Pour la campagne 1990 un modèle mathématique de conseil de fumure sera opérationnel ;
* il apparaît que le facteur limitant actuel de l'accroissement indispensable du nombre des analyses est la difficulté des prélèvements : ceux-ci sont en effet répartis sur des surfaces considérables, au milieu des terres souvent humides (sortie d’hiver) ; l’extraction des carottes par la tarière manuelle (0,9 et parfois 1,2 m de profondeur) est pénible, et réduit encore la fréquence.
Un tour d’horizon du matériel motorisé existant a été réalisé ; le cahier des charges d'un prototype sera rédigé en 1990.
En matière de sensibilisation, les chambres d'agriculture ont rédigé de nombreux articles dans la presse agricole (outre ceux relatifs aux conseils de fumure).
Un manuel pédagogique sur l’azote et l’agriculture est en cours de préparation, supervisé par un large comité de lecture regroupant les laboratoires, les professionnels, les chambres d’agriculture, les sucreries, le rectorat de Lille et l'Institut supérieur d’agriculture.
Le coût de cette action coordonnée est de 3,6 millions de francs supportés par moitié respectivement par l'agence et les chambres d’agriculture.
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