L?amélioration des capacités d'épuration d'une station entraîne le plus souvent des coûts d'investissement importants. Le procédé à lamelles aérées est une nouvelle solution technologique pour augmenter la concentration en biomasse dans les bassins de boues activées. Des modules lamellaires installés directement dans le bassin retiennent en partie la biomasse : le temps de séjour hydraulique est alors dissocié de l'âge des boues. L?aération des lamelles permet de maintenir constante la concentration en biomasse. Ce procédé, développé par la société Delphin en Allemagne, permet l'extension des capacités d'épuration d'une station pour des coûts d'investissement faibles et une mise en ?uvre rapide et modulaire.
Ces dernières années, de nombreuses stations d’épuration à boues activées ont été transformées en vue d’améliorer l’élimination de la DCO, de l’azote et du phosphore par voie biologique. Les agrandissements nécessaires à la mise aux normes européennes se sont révélés très coûteux. En France, 500 à 600 millions d’euros sont investis chaque année pour augmenter ou renouveler les capacités des installations./réf/
Pour construire une station d’épuration à un prix avantageux ou bien prévoir une extension, il fallait autant que possible tenir compte des expériences réalisées auparavant. Ceci amena à diverses nouvelles solutions technologiques, telles que la mise en place de deux clarificateurs successifs, l'ajout d'une flottation avant le clarificateur ou entre le bassin d’activation et le clarificateur… Jusqu’ici, ces variantes n'ont pas vraiment permis d’aboutir à une réelle mise en œuvre pratique.
On a également depuis cherché à augmenter la concentration en biomasse dans le bassin d’activation, à l'aide de lamelles. Leur mise en place a été réalisée soit dans le clarificateur, soit à l'aide d’une unité distincte de séparation par lamelles.
En pratique, la concentration en biomasse souhaitée ne pouvait pas être atteinte la plupart du temps, en raison d'un mauvais indice de volume des boues ou d’une clarification…
Insuffisante. En conséquence, les normes de rejet imposées ne pouvaient pas être respectées.
Le procédé à lamelles aérées que nous présentons ici est un nouveau développement. Il consiste à installer les lamelles dans le bassin de boues activées et éviter ainsi les inconvénients connus de l'installation dans le clarificateur, pour des coûts relativement faibles.
Le procédé à lamelles aérées a été développé pour obtenir une capacité d’épuration forte et stable dans le bassin de boues activées.
Dans cet article, nous présenterons le mode de fonctionnement, les solutions techniques ainsi que les expériences pratiques et les résultats obtenus avec le procédé à lamelles aérées.
Présentation du procédé à lamelles aérées
Le procédé à lamelles aérées met en jeu une séparation des matières solides en deux étapes. La première étape de l’élimination des matières en suspension est réalisée dans le bassin d’activation même. L’aménagement effectué consiste à introduire des modules préfabriqués inclinés en sortie du bassin de boues activées. Ces modules fonctionnent sur le principe des séparateurs lamellaires à contre-courant. La seconde étape de séparation des boues activées est assurée par un clarificateur traditionnel (figure 1).
L’avantage de ce procédé réside dans l’intégration du séparateur lamellaire préfabriqué directement dans le bassin de boues activées, ne nécessitant donc ni recirculation des boues, ni stockage, épaississement ou évacuation des boues. Les boues séparées sur les lamelles retournent directement dans le bassin d’activation. La recirculation de la liqueur mixte provoque une répartition homogène de la biomasse retenue, dans tout le bassin (réacteur parfaitement agité). Le temps de séjour hydraulique est alors dissocié de l’âge des boues.
L’installation des modules de lamelles est possible au cours de l’exploitation de la station (figure 2). Cela signifie qu’un arrêt de la station n’est pas nécessaire.
Pour maîtriser le degré d’efficacité de cette séparation préliminaire des matières solides, on insuffle de l’air par un rail d’aération en dessous des lamelles. Quelle que soit la charge hydraulique, on peut ainsi atteindre une concentration constante en matières en suspension dans l’effluent dirigé vers le clarificateur.
Les performances du procédé à lamelles aérées sont indiquées par le degré de séparation B qui est défini ainsi :
B = 1 - (MEs/MEse)
Rôle de l’aération
Pour des charges hydrauliques variables, afin de maintenir à un niveau de fonctionnement constant la séparation primaire des matières en suspension, celles-ci sont dirigées vers l’injection d’air.
Les modules lamellaires sont dimensionnés à partir du débit maximal, comme cela est fait pour toute unité de sédimentation. Dans le cas d’une charge hydraulique faible, la nuit par exemple, il serait possible de retenir la totalité des boues activées, sans régulation. La quasi-totalité des boues se retrouverait alors dans le bassin d’activation et la quantité de boues dans le clarificateur serait très faible. En cas de pointe soudaine du débit (en temps de pluie) les boues contenues dans le bassin d’activation seraient alors entraînées vers le clarificateur et la présence de boues dans l’effluent de sortie pourrait survenir.
De plus, pour assurer un bon processus de sédimentation dans le clarificateur, il est important d’atteindre une concentration en biomasse constante dans l’influent arrivant dans le clarificateur. Sinon, si la quantité de matières en suspension arrivant dans le clarificateur est trop faible, les boues du clarificateur sont en quantité insuffisante pour jouer le rôle de filtre.
En cas de charge hydraulique plus faible, on insuffle de l’air sur les lamelles grâce à la rampe d’aération, de façon à créer une turbulence entre les lamelles et à réguler la quantité de matières en suspension retenue (figure 3).
Sous l’effet de l’aération, la vitesse du courant d’eau à la surface des lamelles augmente, ainsi que la vitesse de glissement des boues, étant donné que le débit d’eau reste identique.
De plus, l’ajustement du débit d’aération permet d’éviter une décantation prolongée des boues entre les lamelles, et de prévenir
ainsi d’éventuels phénomènes de dénitrification entre les lamelles.
Dimensionnement
Le dimensionnement des lamelles aérées se fait principalement par analogie avec le dimensionnement d’un clarificateur. Le dimensionnement proposé et expliqué par la suite n'est valable que pour les valeurs optimales suivantes :
MES < 8,0 kg/m³ Angle d’ouverture : 55-60° qv < 4 m³/h Longueur des lamelles : 1,5 - 2,5 m.
Surface des lamelles
La surface effective requise pour les lamelles, ainsi que l’aire de la projection horizontale, se calculent à partir des quantités d'eau maximales passant sur les lamelles et à partir des débits surfaciques autorisés (figure 1). Les débits surfaciques (volume passant par unité de surface et de temps) autorisés se calculent de façon analogue à la norme allemande ATV A131 par :
Ssurf = Qmax, lama / qA
avec :
qA = qv / [(MESin × IVBpa × B) × k]
À une valeur de qg = 450 l/(m²·h), le débit surfacique des boues est identique à celui qui est fixé pour les clarificateurs à flux horizontal. Le facteur de correction k donne une marge de sécurité et tient compte de l’influence des variations de géométrie du profil transversal entre les diverses lamelles.
Rampe d’aération
La rampe d’aération est fixée en dessous des lamelles ou devant celles-ci. On ne peut pas établir d’approche théorique de la répartition de l'air et de la répartition de vitesse qui en résulte dans les lamelles. On évalue donc le débit d'air à partir de valeurs empiriques. D’après des expériences spécifiques, un débit maximal d’air de 0,05 m³/(m²·h) suffit à fournir l’énergie nécessaire au maintien du rendement dans le cas d’une alimentation hydraulique non maximale.
De plus, l'injection d’air permet aussi de nettoyer les lamelles (vitesse du jet d’air de rinçage : 15 - 20 m/h).
Géométrie des bassins
Le procédé à lamelles aérées permet de dissocier le temps de séjour de l'eau et l’âge des boues. Du fait que les boues retenues par les lamelles doivent être redistribuées dans tout le bassin d’activation, la géométrie des bassins a une importance capitale.
Il convient de faire la distinction entre les réacteurs parfaitement agités tels que sont en théorie les chenaux d’oxydation, les bassins en carrousel, les bassins circulaires, et les réacteurs à écoulement piston, comme les bassins rectangulaires à flux horizontal par exemple.
Dans les bassins parfaitement agités (bassins circulaires, chenaux d’oxydation), la mise en place du procédé à lamelles aérées a été réalisée avec succès (voir tableau 1). La disposition du séparateur à lamelles dans le bassin doit prendre en compte des aspects liés à l’hydraulique et à l’exploitation. Il faut donc assurer un débit régulier entre les lamelles, une vitesse minimum de l'écoulement en dessous des lamelles, et éviter des zones d'accumulation de boues surnageantes.
Dans le cadre d'un projet de recherche de la Wupperverband, le procédé à lamelles aérées va être mis en place pour la première fois dans un bassin à flux longitudinal, dans un
Tableau 1 : Stations d’épuration dans lesquelles le procédé à lamelles aérées est en place ou en cours de réalisation
Siegen-Netphen |
Walkenried |
Oberspreewald |
Kötschach-Mauthen |
Glubečice |
Wuppertal-Buchenhofen |
Opole |
Weiershagen |
Kohlfurth |
Zell am See |
Esselbach |
bassin de boues activées de la station d’épuration de Wuppertal-Buchenhofen en Allemagne.
Dans le cas de plusieurs bassins d’activation en série, il faut tenir compte du fait que, suite à l’installation de lamelles dans le dernier bassin de boues activées, la teneur en MES dans les bassins précédents va être augmentée en conséquence, par le courant de recirculation. En principe, cette installation est également possible à plusieurs endroits. Par exemple, avec un procédé de dénitrification à étages, le procédé à lamelles aérées permet d’atteindre une augmentation en MES dans chaque étage. Par ailleurs la concentration en boues peut aussi être augmentée de la sorte dans les bassins anoxiques. Il faut alors prendre en compte l’influence de la surface effective de décantation et des débits maximums sur le coût du procédé.
Exemples de réalisations industrielles et résultats obtenus
Le procédé à lamelles est actuellement installé, envisagé ou en cours de réalisation sur une dizaine d’installations (tableau 1). La capacité totale est supérieure à 1 000 000 EH.
Nepthem pendant la phase de mise en route en juin 1998. On observe l’augmentation de la concentration en biomasse dans le bassin de boues activées immédiatement après l’installation des lamelles. En raison d’un mauvais indice de Mohlman, la station pouvait seulement être exploitée avec une concentration en MES de l’ordre de 2 g/L. En cinq semaines cette concentration a atteint une valeur de l’ordre de 4 g/L.
Les résultats obtenus à Siegen-Netphen montrent aussi un autre phénomène qui a été observé également dans d’autres stations d’épuration équipées avec des lamelles : c’est l’amélioration de l’indice de Mohlman (ou indice de volume des boues). Au départ l’indice de volume des boues de Siegen-Netphen varie entre 200 et 400 ml/g. Après trois semaines d’exploitation avec des lamelles aérées, l’indice s’est stabilisé, et il est descendu en dessous de 100 ml/g après une période de dix semaines.
L’amélioration de l’indice de volume des boues est probablement due à une séparation de la biomasse. Cependant l’indice de volume des boues à l’intérieur du bassin d’aération est du même ordre que celui des boues envoyées vers le bassin de décantation.
Toutes les stations se pilotant aujourd’hui avec le système des lamelles aérées respectent les normes de rejet désirées.
[Encart : Liste des abréviations α : angle d’ouverture des lamelles par rapport à l’horizontale, généralement 55-60°. F_s : degré de séparation S_B,eff : surface effective de décantation en m² = S_B,eff · cos α S_lam : surface d’une lamelle (largeur × longueur) IV_BA : indice de volume des boues du bassin d’activation k : facteur de correction n : nombre de lamelles Q_s : débit surface Q_max,lam : débit maximal passant sur les lamelles [m³/h] Q_Sbr : débit surface des boues [l/m²·h] MES_BA : concentration en biomasse dans le bassin d’activation MES_S : concentration en biomasse à la sortie des lamelles]Conclusion
Le procédé à lamelles aérées rend donc possible l’utilisation des bassins existants, avec une grande efficacité. L’augmentation de la concentration en biomasse permet la dimi-
diminution des coûts et de l'encombrement au sol.
Le temps nécessaire à l'amélioration d'une station d'épuration, pour respecter de nouvelles normes ou pour augmenter le rendement d'épuration, est nettement plus court comparé à un agrandissement classique par augmentation du volume du bassin d'activation.
En même temps les coûts d'investissement sont par expérience 20 à 40 % plus faibles que pour une construction classique. L'intégration de modules compacts de lamelles directement dans le bassin de boues activées présente l'avantage de ne nécessiter ni recirculation des boues, ni zone de stockage, d'épaississement ou d'évacuation des boues.
Le procédé à lamelles aérées permet d'atteindre progressivement une concentration en biomasse allant jusqu'à 8,0 kg MVS/m³.
L'aération des lamelles permet de réguler le degré d'efficacité et donc la concentration en biomasse dans l'effluent dirigé vers le clarificateur à une valeur proche de 0,2 g/L. À grande échelle, le procédé à lamelles aérées permet d'atteindre des degrés de séparation de 50 %, c'est-à-dire un doublement de la concentration en biomasse dans le bassin d'aération, sans que cette biomasse supplémentaire ne surcharge la clarification.