Construction du viaduc Sebou de la LGV Maroc : étude physico-chimique de la qualité de l’eau après achèvement des travaux
30 decembre 2018Paru dans le N°417
à la page 107 ( mots)
Rédigé par : Fadwa OUGRIRANE de Office National des Chemins de Fer, Zakaria EL BACHIR de Laboratoire de Bâtiment et Travaux Publics (Maroc), Mohammed SMOUNI de Office National des Chemins de Fer et 1 autres personnes
Dans le cadre du Projet LGV Maroc, cette étude d’analyse physico-chimique a été effectuée pendant la période d’étiage de juin?2017 au niveau de 6 puits (contrôle de la qualité des eaux souterraines) et deux points de contrôle de la qualité superficielle de l’Oued Sebou pour l’évaluation de l’impact environnemental après les travaux du Viaduc Sebou sur les ressources hydriques?; les paramètres analysés (température, pH, conductivité électrique et oxygène dissous) ont été mesurés sur le terrain, les analyses chimiques des ions majeurs (Na+ , Ca2+, Mg2+, K+ , Cl-, SO4 2- et HCO3-)
et des substances indésirables (NO3-, NH4+ , Fer total et M.E.S) ont été mesurées et analysées au sein du laboratoire Labotest. Cette étude a pour but l’évaluation de la qualité de l’eau et la démonstration de la démarche environnementale pratiquée au sein de l’Office National des Chemins de Fer, Maître de l’ouvrage.
Homme responsable à la tête d’un Projet National, Laboratoires partenaires de l’environnement. Tous ces facteurs ont réussi à préserver la qualité de l’eau lors de la réalisation des viaducs du projet de la LGV Maroc. Sans leurs contributions effectives, leurs réelles volontés nationale et leur conscience vis-à-vis de la protection de l’environnement, malgré toutes les difficultés à tous les niveaux, on aurait sans doute perdu ce challenge environnemental et ce patrimoine national qui peut servir dans des sites au transfert de l’eau potable, dans un souci de solidarité inter-régionale, vers des bassins déficitaires.
Introduction
Le Maroc s’est engagé dans un choix de développement durable, un choix dicté aussi bien par la rationalisation de la gestion des ressources, gage du développement socio-économique et industriel futur du pays, que par un souci d’amélioration continue de la qualité de vie du citoyen marocain, ceci dit, de la préservation de la qualité de l’eau.
La construction de la liaison à grande vitesse (LGV) reliant Tanger à Kenitra, constitue la première étape du Schéma Directeur de Développement du réseau ferroviaire à grande vitesse du Maroc. Le tracé retenu pour ce tronçon traverse des forêts, des sites d’intérêt écologique, des cours d’eau, principalement : l'oued Sebou, patrimoine hydrologique national important en matière d’eaux souterraines et superficielles et objet de cette étude.
Dans le cadre de ce projet imposant, la solution adoptée pour franchir l'oued Sebou est la construction d’un viaduc de 250 mètres de longueur. Cette étude concerne l’analyse physico-chimique de la qualité de l’eau après achèvement des travaux du viaduc Sebou pour une évaluation de l’impact environnemental sur les ressources en eau aussi bien souterraine que superficielle du site dû à plusieurs facteurs, notamment les terrassements générant des matières fines, qui sont ensuite entraînées vers l’aval lors des pluies ; le nettoyage et l’entretien des engins de travaux (vidanges par exemple) ; les eaux usées ; les produits dangereux et les déchets de chantier constituent aussi des risques industriels potentiels pour la qualité des eaux…
Cette étude fait suite à un premier article qui a fait l'objet d’une analyse quantitative des différents impacts et risques environnementaux sur les ressources de l’eau et mesures d’atténuation et/ou de compensation pendant la phase travaux du viaduc Sebou et prouve l'efficacité du système de suivi et de surveillance environnementale mis en place par l’office National des chemins de Fer (ONCF- Maroc) pendant le projet de la Ligne à Grande Vitesse au Maroc, premier projet de ce genre dans le royaume.
Matériel et méthodes
Région d’étude
Prenant source au Moyen Atlas et se déversant dans l’océan Atlantique au niveau de Mehdia près de Kenitra, l’oued Sebou s’étend sur une longueur de 614 kilomètres. Il traverse les zones pré-rifaines et la plaine du Gharb, et reçoit les affluents de plusieurs oueds de ces zones, comme l'oued Lebène et l'oued Ouargha situé en aval du projet. Son débit annuel moyen est de 137 m³/s environ. Le débit du Sebou varie selon les saisons et selon l’emplacement du point de mesure. A certain endroits, ce débit s’élève à 350 m³/s environ. En 2010, un pic de débit de 2.700 m³/s environ est enregistré dans la zone. Cette valeur est dès lors choisie comme référence pour le dimensionnement du viaduc, avec l’application d’un coefficient de sécurité adapté au niveau des enjeux sécuritaires du projet.
Le suivi de la qualité des eaux de la nappe du Rharb et des eaux superficielles de l’oued Sebou impose de donner un descriptif des caractéristiques de la nappe. En effet, la superficie du bassin hydrogéologique Rharb-Mamora est de 7.500 km² ; ses limites sont constituées par l'océan Atlantique à l'Ouest, les collines de Lalla-Zohra au Nord, celles de Ksiri, Bou-Drâa, Outita à l'Est et par les reliefs entre Khémissete et Tiflete au Sud. La moitié nord du bassin, correspondant à la plaine du Rharb, a environ 4.000 km² de superficie. La morphologie de l'ensemble du bassin correspond à une vaste cuvette dont les 4/5 sont à une altitude inférieure à 20 m, alors que les bordures présentent des reliefs très doux. L'oued Sebou pénètre dans la plaine par l'Est, y dessine une ample courbe vers le Nord avant de revenir au Sud pour atteindre l'Océan par la trouée de Kénitra-Mehdya ; toujours endigué dans ses propres levées qui dominent partout la plaine environnante, l'oued a un trajet en méandres de 223 km pour 107 km de trajet réel en ligne droite suivant l'axe de la gaine fluviale. Son principal affluent l'oued Beht, est canalisé dans la plaine de façon à assurer la permanence de l'exutoire au Sebou.
En ce qui concerne l’aspect géologique de la région d’étude, il se trouve à la limite de deux grands ensembles structuraux : Méséta primaire rigide plongeant régulièrement du Sud vers le Nord avec une pente de 3°, et domaine rifain dont les formations se sont avancées sur les précédentes du Nord-Est vers le Sud-Ouest, en nappes de charriage, le Rharb se trouve affecté d'une subsidence continue depuis le Vindobonien moyen. Encore active de nos jours, cette subsidence est soulignée par un enfoncement de 3M des égouts de la cité romaine de Banasa située au cœur de la plaine.
En matière de pollution, les polluants superficiels peuvent s’infiltrer à travers le sol vers la nappe. Le danger de la pollution dépend des types et des concentrations des polluants. Cette ressource en eau est confrontée à des problèmes de quantité et de qualité. Les ressources en eau au Maroc sont menacées par la pollution dans la majeure partie du territoire. Les eaux souterraines et de surface constituent un écosystème où règne une communauté de micro-organismes qui établissent des relations et des interactions entre eux et leur milieu environnant. Si un paramètre polluant est introduit dans les eaux, l'écosystème est perturbé. L’étude des caractéristiques des eaux de source est souvent destinée à préciser les variations potentielles de leur qualité et de leur origine. Leur contamination est souvent considérée comme le résultat d’une importante activité anthropique.
Échantillonnage
Pour la réalisation de cette étude, une campagne de mesures a été effectuée durant le mois de juin 2017 (période d’étiage). Les échantillons ont été prélevés à partir de huit (08) points de prélèvements, six points pour les eaux souterraines et deux points pour les eaux superficielles situés au voisinage et le long d’Oued Sebou.
Concernant les points de contrôle de la qualité des eaux superficielles, 2 points de contrôle ont été choisi, le premier se situe à 200 m en amont du viaduc de Sebou et le deuxième à 150 m en aval du viaduc.
Paramètres physico-chimiques à analyser
La présente étude (cf. tableau 2) concerne les résultats d’une analyse physico-chimique réalisés au sein du Laboratoire Labotest à Kenitra ; une visite du terrain des différents points de contrôle a été précédée pour faire des prélèvements dans des flacons de 1.500 ml et réaliser les mesures in situ.
Les paramètres ayant fait l’objet de mesure in situ sont : la température, le pH, la conductivité et l’oxygène dissous, tandis que les autres paramètres ont été déterminés au laboratoire.
La température, outre son indication sur le milieu, elle permet également de corriger les paramètres d'analyse tels que la conductivité.
La conductivité mesure la capacité de l'eau à conduire le courant entre deux électrodes. La plupart des matières dissoutes dans l'eau se trouvent sous forme d'ions chargés électriquement. La mesure de la conductivité permet donc d'apprécier la quantité de sels dissous dans l'eau.
Le potentiel hydrogène (pH) mesure la concentration en ions H+ de l'eau. Il traduit ainsi la balance entre acide et base sur une échelle de 0 à 14. La valeur 7 est le pH de neutralité. Ce paramètre caractérise un grand nombre d'équilibres physico-chimiques et dépend de facteurs multiples, dont l'origine de l'eau.
Les matières en suspension (MES) représentent la partie insoluble des matières (organiques et minérales) ainsi que les matières colloïdales pour un litre d’eau analysé. La méthode de mesure de MES consiste à déterminer le poids des matières retenues par filtration sur un papier filtre, les matières en suspension filtrées sont séchées à 105 °C.
L’oxygène dissous est un paramètre essentiel dans le maintien de la vie, et donc dans les phénomènes de dégradation de la matière organique et de la photosynthèse. Une eau très aérée est généralement sursaturée en oxygène (torrent), alors qu'une eau chargée en matières organiques dégradables par des micro-organismes est sous-saturée.
La demande biochimique en oxygène (DBO) exprime la quantité d'oxygène nécessaire à la dégradation de la matière organique biodégradable d'une eau par le développement de micro-organismes, dans des conditions données (Les conditions communément utilisées sont 5 j).
La demande Chimique en Oxygène (DCO) : est la consommation en dioxygène par les oxydants chimiques forts pour oxyder les substances organiques et minérales de l'eau.
Le phosphore total se trouve généralement sous forme de phosphates. Il est dissous ou associé à des particules. Le phosphore présent dans les eaux de surface provient principalement des effluents municipaux, du lessivage et du ruissellement des terres agricoles fertilisées et des effluents de certaines industries (ex. : agro-alimentaires et papetières). Le phosphore est un élément nutritif essentiel à la croissance des plantes.
L’orthophosphate est une forme ionique d'un composé du phosphore sous la formule PO43- ; c'est un minéral naturel de phosphate.
Les nitrates sont la principale forme d'azote inorganique trouvée dans les eaux naturelles. Ils constituent le stade final de l'oxydation de l'azote.
Azote Ammoniacal (NH42+) : est obtenu suite à la dégradation bactérienne des composés organiques renfermant de l’azote. L'azote joue un rôle primordial dans le métabolisme des plantes et dans le processus de nitrification.
Bilan ionique de l’eau : comprend l’analyse des paramètres ci-dessous :
Chlorures (Cl-) : la teneur en chlorures d'une eau dépend de l'origine de l’eau et de la nature du terrain qu'elle traverse. Les chlorures participent à la conductivité électrique des cours d'eau. Une eau contenant des concentrations importantes de chlorures est appelée « laxative » et est éventuellement dangereuse.
Carbonates et les bicarbonates : les eaux naturelles ont un pH neutre, ce qui correspond à la zone de stabilité des ions HCO3-, les ions CO32* sont absents. Leur présence est déterminée par l’indicateur coloré vert de Bromocrésol qui donne une couleur bleue.
Calcium : est dosé par complexo-métrie dans un milieu alcalin à pH = 10 en présence de la soude (NaOH) et titré par l’acide éthylène diamine tétraacétique (E.D.T.A.), avec le murexide comme indicateur coloré.
Magnésium (Mg2+): les teneurs en ions Mg2+ sont calculées par la différence de la dureté totale et du Calcium exprimés en méq/l.
Sodium et le Potassium (Na+ et K+): le dosage de ces deux ions se réalise par la méthode de spectrophotométrie à flamme.
Cette méthode se base sur la dissociation des atomes qui pendant leur passage dans la flamme émettent de l’énergie à leur excitation.
Chaque élément va émettre une longueur d’onde bien précise qui sera détectée par des filtres optiques de chaque élément.
Sulfate (SO42-) : lorsqu'il est présent dans l'eau d'irrigation, cet élément contribue à augmenter la concentration des sels solubles. Des concentrations excessives de sulfates peuvent causer des brûlures sur le bout des feuilles des plantes et voire même entraîner leur mort. Des concentrations de 250 à 400 ppm sont considérées comme indésirables pour l'irrigation des plantes sensibles aux sels.
Les méthodes d’analyses utilisées sont conformes aux normes en vigueur et sont basées sur des normes internationales. Le tableau 3 expose les méthodes analytiques employées pour chaque paramètre :
Résultats et discussions
L’arrêté conjoint n° 1275-01 du 5 décembre 2002 définissant la grille de qualité des eaux de surface nous a servi de base d’évaluation de la qualité des eaux prélevées à partir des stations sélectionnées.
Analyse qualitative des eaux souterraines
Représentation graphique des principaux paramètres des eaux souterraines
Interprétation des résultats des eaux souterraines
Les résultats des analyses physico-chimiques réalisées sur les eaux souterraines de la région de Kenitra ont été présentés dans le tableau n° 4. La température relevée in situ est d’une qualité moyenne au niveau des puits (P2 et P5). Tandis que les autres puits, la valeur de la température oscille entre 23,3 °C et 24,5 °C. Le minimum enregistré est de 23,3 °C (puits n° 4) et le maximum est de 24,5 °C (puits n° 8). Ces variations de température suivent celles du climat de la zone. La qualité de ce paramètre appartient donc à la classe excellente à moyenne.
Selon la grille d’évaluation de la qualité des eaux souterraines (voir annexe n° 1), les valeurs de pH mesurées dans tous les puits de la région de Kenitra révèlent qu’on est en milieu neutre à légèrement acide. En effet, le pH varie entre 6,15 dans le puits n° 5 et 7,67 dans le puits n° 4.
Les valeurs mesurées de la conductivité électrique varie entre 847 et 2.400 µs/cm, avec une valeur moyenne de 1.577,5 µs/cm. Les eaux à forte conductivité sont celles du puits n° 5 (2.400 µs/cm).
Les valeurs enregistrées montrent les variations de la concentration en ions ammonium des eaux des puits de la région de Kenitra. Ces teneurs, très faibles à nulles, laissent prédire que cet élément ne constitue pas un risque de pollution pour les eaux des puits étudiée.
La contamination par les nitrates peut être considérée comme acceptable vis-à-vis de la grille qui est inférieure à 50 mg/L. Les eaux de ces puits sont de qualité excellente à moyenne pour ce paramètre.
Les teneurs en sulfates des échantillons d’eau des puits analysés dans la région de Kenitra affichent des valeurs oscillantes entre 16,4 mg/L et 145,4 mg/L. La plupart des points d’eau situés dans cette région est conforme aux normes, étant donné que la concentration en sulfates est inférieure à celle recommandée par la grille d’évaluation de la qualité des eaux souterraines.
L’analyse de nos données montre que les teneurs en chlorures peuvent être considérées admissibles, car toutes les valeurs enregistrées sont inférieures à 750 mg/l.
Les teneurs en phosphore total et l’orthophosphate mesurées sont respectivement très inférieures à 0,1 mg/l et 0,2 mg/l, fixée par la grille générale d’évaluation de la qualité des eaux souterraines. Ces résultats permettent de conclure que les eaux des puits analysées ne présentent aucune pollution par les orthophosphates et le phosphore total.