La place du sol en ANC : ce que dit la réglementation
L’arrêté du 6 mai 1996 relatif aux prescriptions techniques des systèmes d’assainissement mettait le sol au cœur de l’installation en lui reconnaissant un pouvoir épurateur. Était ainsi prévu, après un dispositif de traitement primaire de type fosse toutes eaux ou une installation d’épuration biologique à boues activées ou à cultures fixées, la mise en œuvre de dispositifs assurant soit l’épuration et l’évacuation par le sol (tranchées ou lit d’épandage ; lit filtrant ou tertre d’infiltration), soit l’épuration des effluents avant rejet vers le milieu hydraulique superficiel (lit filtrant drainé à flux vertical ou horizontal).
Si le recours aux microstations était possible, elles n’avaient toutefois qu'une vocation de traitement primaire qui devait, sauf
[Photo : Schéma 1 : La place du sol en ANC.]
[Photo : L’arrivée des dispositifs agréés de type massifs compacts, filtres plantés ou encore microstations en tant que dispositifs de traitement à part entière, relègue le sol à une possibilité au sein d’un panel.]
Dérogation, être suivi d’un système de traitement par le sol en place ou un sol reconstitué.
Les prescriptions techniques ont depuis évolué et l’arrêté du 6 mai 1996 a été abrogé par l’arrêté du 7 septembre 2009, lui-même modifié en 2012. Un profond changement s’opère dès lors pour les installations de moins de 20 équivalents habitants (EH) visées par ce texte. Pour comprendre la place désormais réservée au sol en ANC, il convient de faire la distinction entre la partie traitement des eaux usées et leur évacuation.
Pour le traitement, le sol devient un moyen parmi d’autres. En effet, l’arrivée des dispositifs agréés de type massifs compacts, filtres plantés ou encore microstations en tant que dispositifs de traitement à part entière, relègue le sol à une possibilité au sein d’un panel. La priorisation qui pouvait exister jusqu’alors n’est plus inscrite dans la réglementation nationale, faisant tomber de fait la notion de hiérarchisation des filières. La conséquence directe est que, sur une parcelle, peut être installé un dispositif agréé alors même que les conditions de site et de sol auraient permis d’installer une filière dite traditionnelle (utilisation d’un sol comme moyen de traitement).
La logique appliquée dans ce même arrêté à l’évacuation des eaux usées épurées est différente. En effet, en sortie de traitement secondaire, la réglementation en vigueur prévoit la priorisation au sol via l’infiltration des effluents par le sol en place ou juxtaposé, dans la limite toutefois d’une perméabilité comprise entre 10 et 500 mm/h.
Les autres modes d’évacuation comme le rejet au milieu hydraulique superficiel ou encore le recours au puits d’infiltration sont considérés comme des cas particuliers et doivent être justifiés à ce titre.
Il convient donc de retenir que, pour les installations de 20 EH et moins, la priorisation au sol n’est plus donnée que pour l’évacuation des eaux usées traitées. Concernant la partie traitement, le recours au sol reste bien entendu possible mais s’entend au même niveau que les autres filières de traitement.
Pour les installations recevant une charge de pollution supérieure à 1,2 kg de DBO₅/j (> 20 EH), le raisonnement suivi par la réglementation est différent. À partir de ce seuil, l’arrêté du 22 juin 2007 s’applique. Rien ne s’oppose à recourir au sol pour le traitement des eaux usées, mais au niveau de l’évacuation, la priorisation est cette fois donnée au rejet vers le milieu hydraulique superficiel. L’intérêt de l’infiltration doit alors être démontré par une étude et l’absence d’impact justifiée.
La réglementation introduit donc des logiques différentes au recours au sol suivant la taille des installations concernées. Ces différences s’étendent d’ailleurs au-delà du sol : l’approche pour les installations jusqu’à 20 EH est une obligation de moyens quand les installations de plus de 20 EH sont soumises à des obligations de résultat. Le schéma 1 précise ces points.
La place du sol en ANC : ce que dit le terrain
Au-delà des textes établis au niveau national, il est intéressant de se pencher sur la situation de terrain. Différents points peuvent en effet venir contredire les propos mentionnés ci-dessus.
Le premier tient dans les habitudes établies et certains diraient les croyances acquises. Le pouvoir épurateur du sol, et donc le sol en tant qu’outil de traitement des eaux usées, a été de longue date mis en avant en France, qu’il s’agisse du sol en place ou de sol reconstitué. Même si les recherches scientifiques sont peu nombreuses sur le
[Photo : Au-delà d'une certaine taille de bâtiment et donc d’une quantité d’effluents apportés, la surface nécessaire pour assurer un traitement par le sol n’est plus raisonnable, notamment par rapport au coût du foncier.]
sujet et qu’en l'absence de rejet la potentialité des mesures est réduite, la France reste ancrée dans la culture du sol. Une hiérarchie de réflexion reste donc présente sur le terrain pour un certain nombre d’acteurs : possibilité d’utiliser le sol en place ? si non, possibilité de mettre en place un sol reconstitué ? si non, recours à un massif compact ? si non, mise en œuvre d'une microstation. Il va sans dire que si ces pratiques ne sont pas appuyées par la réglementation nationale, elles le sont de par les pratiques établies et la sinistralité des filières concernées. Le faible retour sur les dispositifs agréés (premiers agréments délivrés en 2010) mais également leur mise en œuvre via une couverture décennale spécifique dans la mesure où ils ne sont pas considérés comme des techniques courantes du bâtiment peut expliquer la frilosité de certains acteurs à y recourir. Le sol garde donc une place privilégiée sur le terrain, y compris à des fins de traitement.
Bien que non affichées ouvertement comme telles, des voies de priorisation sont parfois également introduites dans des documents de type cahier des charges des études proposés au niveau départemental ou sous l'impulsion des Agences de l'eau. La subvention versée par cette dernière dans le cadre de la réhabilitation d'une installation d’ANC peut ainsi n’être délivrée pour un dispositif agréé que si l’étude démontre qu'il n’a pas été possible de mettre en œuvre une filière dite traditionnelle, voire ne pas être délivrée du tout. Concernant l’évacuation, des adaptations locales, légitimées par voie d’arrêtés, demandent le recours au puits d’infiltration avant le rejet. C’est qu’au-delà du pouvoir épurateur recherché pour le traitement des eaux, le sol joue un rôle tampon dans l’évacuation et vise à protéger des milieux sensibles, notamment littoraux.
À l'inverse, certains paramètres vont à l’encontre du recours au sol. Par exemple, l’emprise au sol nécessaire à la mise en œuvre des filières dites traditionnelles est un frein à leur installation, d’autant plus dans le contexte actuel de diminution de taille des parcelles. Le NF DTU 64.1 préconise ainsi l’installation de 45 mètres linéaires de tranchées lorsque le sol est perméable pour une maison d'habitation jusqu’à 5 pièces principales. On voit dès lors qu’au-delà d’une certaine taille de bâtiment et donc d'une quantité d’effluents apportés, la surface nécessaire pour assurer un traitement par le sol n’est plus raisonnable, notamment par rapport au coût du foncier. La bonne distribution des effluents sur de grands linéaires de tranchées se pose également et donc la pérennité de la filière dans le temps.
Alors y a-t-il encore une place pour le sol en ANC ?
Même si la réglementation n’impose plus de recours systématique au sol pour le traitement des effluents en ANC, de nombreux facteurs contribuent à ce qu'il garde une place privilégiée parmi les filières envisagées. À juste titre diront certains au regard des retours de terrain, de la faible sinistralité, des coûts d’entretien et de maintenance limités – à tort pour d'autres notamment au regard du peu de données disponibles sur l’efficacité du traitement ou encore le devenir de l’installation en fin de vie. Il sera du ressort du maître d’ouvrage, décisionnaire final et usager de la future installation, d’en juger et de faire son choix après avoir pris des conseils avisés auprès des professionnels de l’ANC.
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