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ANC : filtres compacts versus microstations.

29 février 2024 Paru dans le N°469 à la page 77 ( mots)

Plus compacts que les filières traditionnelles, les filtres compacts et les microstations garantissent un traitement efficace, à condition qu’ils soient bien entretenus. Les français plébiscitent les filtres compacts dont le fonctionnement se rapproche des filières rustiques. Chez nos pays voisins, les microstations règnent en maître et sont même autorisées pour les résidences secondaires.

À l’inverse des installations d’ANC dites traditionnelles, les filières compactes sont entièrement préfabriquées. Dans les microstations à culture fixée, les bactéries épuratrices se fixent sur un support installé dans le réacteur pour assurer le traitement. Celles à culture libre ont surmonté leur défaut de jeunesse et sont à présent aussi performantes que les autres filières d’ANC. Quant aux SBR, ces microstations à boues activées revendiquent les meilleures performances de traitement. Elles occupent aussi moins d’espace, de manière générale, que les autres solutions. De par leur fonctionnement séquentiel, les SBR permettent à l’exploitant de changer le paramétrage des cycles de décantation, réaction et aération. Cette technologie compacte, acceptant les variations de charge, est plus indiquée pour les collectivités que les particuliers. Les filtres compacts, qui sont constitués d’une fosse toutes eaux suivie d’un dispositif filtrant, fonctionnent sur le même principe que celui des filières classiques, sauf que le sol en place ou reconstitué est remplacé, le plus souvent, par un caisson contenant des matériaux filtrants, organiques, minéraux ou synthétiques. Son emprise au sol est inférieure à celui des filières traditionnelles, mais plus importante que les microstations qui nécessitent moins de 10 m2 , à l’exception des modèles fonctionnant sans fosse toutes eau en amont du filtre. 

La zéolithe, utilisé dans le filtre compact d’EPARCO de Premier Tech, dispose d’un pouvoir épurateur plus performant que le sable et permet donc une réduction de l’emprise au sol du filtre. La durée de vie de ce média filtrant minéral est de 25 ans

Cette famille est désormais la plus appréciée pour les installations neuves ou réhabilitées. Selon des données de 2017 recueillies par le Graie, les dernières informations à l’échelle de 14% du parc français d’ANC disponibles à ce jour, les filtres compacts arrivaient en tête des nouveaux dispositifs (30,5%), devant les filtres à sable et les tertres filtrants (24,3%) et les microstations à culture fixée (20,5%). Si les filtres compacts ont le vent en poupe, c’est sans doute parce que cette famille se rapproche le plus des filières traditionnelles en terme de fonctionnement. Les Français restent en effet attachés au principe d’une solution rustique, qu’ils imaginent peu contraignante, pour leur ANC. Contrairement à certains de nos voisins européens comme l’Allemagne et la Belgique qui plébiscitent les microstations. «Chez Epur, le marché belge ou allemand concerne majoritairement les microstations, alors qu’en France c’est l’inverse : 80% de nos ventes sont des filtres compacts», témoigne Nelu Mihali, ingénieur technique et ventes chez Kingspan Epur. SIMOP, qui propose à la fois un filtre compact à base de coquilles de noisettes (BIONUT) et une microstation (BIOXYMOP), oriente ses clients en fonction de leurs préférences et de leurs priorités. 

L’Oxybee est un support bactérien conçu par les ingénieurs d’Eloy Water pour leur microstation à culture fixée Oxyfix. Fabriqués en plastique recyclé (PP, PE), les Oxybee ne colmatent pas et ne doivent pas être remplacés.

L’étude sur le suivi in situ des ANC, publiée en 2017 par l’Irstea, a en outre enfoncé le clou sur les performances des microstations. Face à ces résultats, les fabricants ont reproché à l’institut de ne pas avoir été plus impliqués dans le projet, au moins pour vérifier que l’entretien a été bien fait. «Cette intervention reste en effet une condition essentielle pour garantir le bon fonctionnement d’un ANC», reconnaît Sylvain Poudevigne, responsable ingénierie et méthodes au Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (Cérib). En Belgique par exemple, la fréquence d’entretien des microstations est réglementée : un entretien tous les 18 mois jusqu’à 20 EH, tous les 9 mois entre 21 EH et 200 EH, et 4 mois pour les capacités au-delà. «La filière entretien n’est pas développée en France, contrairement à nos deux pays voisins qui disposent d’un réseau de prestataires étendu et avec des tarifs attractifs», poursuit l’ingénieur. Autre différence avec la Belgique et l’Allemagne, ces dispositifs agréés ne sont pas autorisés pour les résidences secondaires. «En France, les tests réalisés sur la plateforme consistent à arrêter la microstation pendant deux semaines, ce qui n’est pas représentatif d’une utilisation dans le cadre d’une maison secondaire. La Belgique offre une plus grande souplesse en autorisant au cas par cas les dispositifs», reconnait Sylvain Poudevigne. Par manque de données, aucune microstation n’a été autorisée, pour ne pas créer de distorsion. «Suite à une question posée en 2014 au Ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie, et encore sans réponse aujourd’hui, un groupe de travail “procédure agrément” s’est constitué au sein du plan d’actions national sur l’assainissement non collectif (PANANC) sur le sujet. A ce jour, il n’a toujours pas statué » regrette Laurent Elsdorf, responsable marketing et communication chez Eloy Water. 


En Belgique, les agréments doivent être renouvelés tous les cinq ans. Le fabricant Kingspan Epur n’a pas renouvelé ceux de ses filtres compacts, ses ventes portant majoritairement sur les microstations pour le marché belge (ici, gamme Epur Biofrance Plus).

«Certains équipements pourraient redémarrer, à condition bien sûr qu’ils n’aient pas été débranchés pendant l’absence des propriétaires», avance Nelu Mihali. «Il faudrait pouvoir réaliser d’autres tests, plus longs, ce que la réglementation ne nous autorise pas car on sortirait du cadre harmonisé à l’échelle européenne pour le marquage CE», répond Sylvain Poudevigne. Acqua.écologie, qui fabrique de microstations mais pas de filtre compact, revendique par exemple des rejets toujours conformes même après un arrêt prolongé, au moins pour son modèle ACQUA-Reuse. Certaines microstations peuvent mettre plus de 4 semaines pour redémarrer après une longue absence. Or dans les résidences secondaires, il y a celles qui sont occupées les weekends, d’autres toutes les vacances, et certaines uniquement l’été. Certains guides de l’utilisateur précisent au bout de combien de temps les performances épuratoires ont été atteintes. «Pour notre filtre compact Bioméris, le redémarrage prend moins de 10 jours, précise Luc Lary, chef produit traitement des eaux chez Sebico. Si des usagers arrivent dans leur résidence d’été pour y rester deux mois alors que leur ANC met 4 semaines pour redémarrer, on peut se demander l’intérêt d’un tel dispositif pour une résidence secondaire». Une fosse toutes eaux fonctionne sur un tout autre principe. Lorsqu’elle n’est pas utilisée, les boues vont décanter et fermenter au fond de la cuve. «Une fosse qui n’est pas alimentée va se retrouver dans des conditions idéales pour redémarrer. Un filtre va se retrouver en souffrance, mais sa barrière filtrante va bloquer la pollution et se réensemencera plus rapidement, alors que pour une microstation, il faut parfois repartir de zéro», résume Luc Lary.

Tricel et son réseau de partenaires exclusifs, grâce à leurs équipes de techniciens, proposent un choix varié de contrats de maintenance sur le territoire national. La société compte plusieurs milliers de contrat d’entretien pour ses microstations à culture fixée et ses filtres compacts avec fibre de coco.

Affirmations que d’autres acteurs nuancent, soulignant d’une part qu’un assèchement du massif filtrant (possible en cas de non apport d’eaux usées) allongerait la durée de redémarrage d’un filtre compact, et d’autre part qu’il est peu vraisemblable que l’activité microbienne tombe à zéro dans une microstation. Les fluctuations de charge sont donc un véritable casse-tête dans l’ANC, et cela, même au quotidien. La quantité et la nature des eaux usées générées dans une habitation est directement tributaire du nombre d’occupants et de leurs habitudes de vie. «Depuis 50 ans, les habitudes de vie des usagers ont changé, impliquant des variations de charge importantes avec des journées entières parfois sans débit entrant, ou à l’inverse des concentrations de polluants et des pointes horaires de débit pouvant atteindre près de huit fois la moyenne du débit journalier», détaille Cécile Favre, responsable durabilité et relations institutionnelles chez Premier Tech Eau et Environnement. Il y a trois ans, le fabricant a décidé de centrer son offre uniquement sur ses filtres compacts pour le territoire français. «Plusieurs études ont démontré, dans les conditions réelles d’utilisation, la grande fiabilité des filtres compacts et, en revanche, une sensibilité importante aux pointes de débit occasionnant des départs de boues des microstations, qu’elles soient à culture libre ou à culture fixée, principalement en raison des surfaces et/ou volumes réduits des décanteurs.», commente Cécile Favre. 

En France, les tests réalisés sur la plateforme du Cerib consistent à arrêter la microstation pendant deux semaines sur une période d’essais d’un an environ.

Une autre distorsion entre les microstations et les filtres compacts concerne la hauteur de boues pour définir la fréquence de vidange. Dans une microstation agréée, elle ne doit pas dépasser 30% du volume utile du ou des compartiments de stockage, alors qu’elle peut atteindre 50% dans un filtre compact dont la plupart sont précédés d’une fosse toutes eaux (FTE) en amont du filtre. Cette différence, contestée par la plupart des fabricants de microstations, a été imposée en 2009 par les ministères compétents pour délivrer les agréments, puis inscrite dans la réglementation française en 2012, pour éviter tout risque sanitaire ou environnemental. La faute en incomberait à un modèle à culture libre testé en vue d’obtenir son agrément, qui aurait relargué des matières en suspension quand le volume de boues dépassait 30%. La réglementation impose ce pourcentage à toutes les microstations, même celles qui sont précédées par une FTE. Sur les opérations de maintenance, la différence est cependant moins nette. «Un filtre compact qui fonctionnerait avec moins d’attention qu’une microstation est une fausse idée. Ce dispositif doit lui aussi d’être contrôlé régulièrement : sur son auget basculant, sa zone de répartition, sur l’état du média filtrant, etc. Si les usagers lisaient les guides, ils se rendraient compte que les filtres compacts impliquent autant d’opération d’entretien que les autres», considère Luc Lary. Les microstations sont aussi montrées du doigt pour leur consommation électrique, sachant qu’elles mettent en jeu plusieurs équipements électromécaniques. Une consommation qui reste cependant modérée pour la plupart des modèles récents. 

Premier Tech Eau et Environnement compte 4 usines en France, ce qui représente près de 300 équipiers. Il dispose de deux centres de R&D sur les performances épuratoires, l’un au Québec et l’autre à Mèze dans l’Hérault.

Or dans les filtres compacts, le traitement des eaux s’effectue de façon gravitaire dans le filtre, les eaux usées traitées sont donc récoltées en partie basse du filtre, à environ 1 m de profondeur. «60% des filtres compacts impliquent la mise en œuvre d’un poste de relevage», commente Luc Lary. Pour éviter une fouille supplémentaire, le fabricant Premier Tech propose même des systèmes avec le poste de relevage intégré dans l’ANC. «Dans les cas où le relevage est indispensable, nous livrons notre solution avec la pompe intégrée sous le couvercle du filtre, qui a d’ailleurs été évaluée lors de l’agrément pour garantir son bon fonctionnement», précise Cécile Favre. Son nouveau produit, la filière Ecoflo Béton 3.0 intègre ainsi, comme pour la gamme en polyéthylène, le poste de relevage dans la cuve de filtres à fragments de coco. «Les cuves en béton sont fabriquées et équipées en France, dans notre usine de Chalonnes sur Loire (49)», précise la responsable. L’utilisation de médias filtrants dans les filtres compacts peut aussi être problématique. Justement parce qu’elles sont plus compactes qu’un filtre à sable classique, le colmatage plus rapide de ces filières n’est pas non plus à exclure si la répartition des eaux prétraitées n’est pas homogène. «Les usagers sous-estiment l’effet des graisses et des huiles sur un média filtrant, avertit Laurent Elsdorf. Les usagers doivent être accompagnés et sensibilisés à la bonne utilisation d’une solution d’ANC, quelle qu’elle soit. Ils doivent être conscients des conséquences du non-suivi des consignes d’utilisation de leur produit d’assainissement. Une contamination aux graisses aura un impact important sur le massif filtrant d’un filtre compact et nécessitera donc un remplacement partiel de celui-ci avec des coûts importants, là où le support bactérien d’une microstation ne nécessitera qu'un simple nettoyage, à moindre coût.» 


Sur le filtre compact Biomeris de Sebico, moins de 10 jours sont nécessaires pour le redémarrage de la filière de traitement en cas d’absence prolongée des occupants.

Ouest Environnement, qui a mis au point un procédé de filtre compact dans les années 2000 et dont le dispositif fait partie des premiers à recevoir l’agrément, a fait le choix d’installer un bassin de chasse qui garantit une alimentation séquentielle. «Entre 15 à 25l d’eaux usées prétraitées sont envoyés en un seul coup pour garantir une meilleure répartition. Nous proposons notre propre poste de relevage. Notre dispositif implique très peu d’entretien avec une durée de vie de 25 ans sur les filtres à zéolithe», résume Olivier Savy, gérant d’Ouest Environnement. La question du changement du média est aussi prégnante pour cette filière. Et depuis 2009, le choix des médias filtrants s’est multiplié qu’ils soient minéraux, organiques ou synthétiques, qui ne garantissent pas les mêmes durées de vie. Ouest Environnement propose ainsi des filtres compacts à base de zéolithes. La particularité de la marque est de ne pas proposer de FTE: ses filtres sont validés pour fonctionner avec différentes marques de FTE, ce qui permet de les adapter, éventuellement, à une FTE déjà existante. Pour un filtre à laine de roche, la durée de vie théorique s’étend de 3 à 30 ans. Le nouveau filtre compact de la société GRAF, easyCompact, utilise des technologies permettant de péréniser le média filtrant, ce qui permet à la société de revendiquer une durée de vie de 10 ans pour la laine de roche utilisée. 

SIMOP peut proposer un filtre compact à base de coquilles de noisettes (BIONUT) ou une microstation (BIOXYMOP).

Le record de longévité revient à l’argile expansé, et aux plastiques avec une durée de vie du filtre jusqu’à 30 ans. Pour le moment, seuls trois fabricants ont communiqué sur leurs travaux de recherche pour apporter des garanties techniques sur la recyclabilité de leur produit: Eloy Water, Simop et Premier Tech Eau et Environnement. «L’objectif était de garantir avant l’échéance un débouché économique à nos clients pour les médias usagés de leur dispositif, raconte Clémence Tréol, chargée de communication chez Simop. Nous fonctionnons en B to B avec les négoces pour demander un renouvellement des coquilles de noisettes. C’est notre société de service partenaire qui se chargera du remplacement.» Quand ils arriveront en fin de vie, le problème se posera surtout pour les matériaux minéraux et synthétiques, qui risquent d’être refusés dans les centres de traitement. L’Eco-organisme VALOBAT s’est cependant engagé à trouver une solution nationale pour le recyclage et la revalorisation des médias minéraux au plus tard pour le courant de l’année 2025. La recyclabilité et la valorisation des déchets s’appliquera tôt ou tard aussi à l’ANC. «Demain, un filtre avec l’entretien et la nécessité de changer le média sera-t-il plus louable qu’une microstation avec des vidanges de boues, certes plus régulières, mais qui pourraient être valorisées dans des digesteurs pour produire du biogaz?» interroge Luc Larry. L’avenir nous le dira.

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