Des innovations technologiques pour de nouvelles perspectives
SCE Ingénieurs Conseil (1) – GASC (2) – CSTB (3)
La majorité des communes rurales disposent d’un assainissement collectif public pour leur partie agglomérée. Les hameaux ne sont équipés, en revanche, d’aucune infrastructure collective en matière d’épuration. Le traitement est alors laissé à l’initiative individuelle.
L’assainissement autonome individuel se caractérise par le traitement et l’évacuation des eaux usées à l’intérieur même de la parcelle bâtie. Ce type d’assainissement, sous réserve d’une conception et d’une réalisation convenables, peut apporter toutes satisfactions. Il reste cependant contraignant dans la mesure où :
- — l’emprise des dispositifs, relativement importante (20 à 55 m²/pièce principale en fonction de la nature du sol), demande une parcelle bâtie dont la surface est d’au moins 600 m²,
- — l’entretien doit être assuré par l’usager,
- — la collectivité ne possède aucun moyen de contrôle des installations.
Dès lors qu’il existe un groupe d’habitations (hameau, groupe de maisons…), il est possible d’envisager le traitement des effluents, en domaine collectif, par des dispositifs dérivant de l’assainissement autonome individuel. Cette technique se caractérise par :
- — un réseau de collecte de faible linéaire,
- — des équipements de prétraitement de type fosses toutes eaux ou décanteurs-digesteurs,
(1) Article rédigé par A. FAZIO et G. WAROT. (2) GASC : Groupement pour le développement de l’assainissement autonome et semi-collectif. (3) Cellule eaux et déchets de Rezé (44406).
- — des dispositifs de traitement utilisant le sol en place (épandage souterrain) ou des matériaux rapportés (filtres à sable).
L’utilisation de techniques dérivant de l’assainissement autonome individuel permet l’intégration des équipements au cadre bâti (pelouses, espaces verts), et donc de minimiser la longueur du réseau, poste toujours très coûteux. Le regroupement des équipements de prétraitement et de traitement offre ainsi la possibilité de réaliser des économies par rapport à la multiplication de solutions individuelles.
Cependant, une extrapolation directe des recommandations relatives à l’assainissement individuel conduirait à des dispositifs trop consommateurs d’espace et peu performants, du fait notamment d’un système d’alimentation inadapté à de grandes surfaces d’épandage. Il convenait donc de développer de nouvelles technologies pour rendre l’assainissement autonome compétitif techniquement et économiquement, au regard des solutions classiques de l’assainissement collectif.
Face aux besoins exprimés et à la nécessité d’évolutions technologiques, des industriels compétents dans différents domaines complémentaires (prétraitement des effluents, unités de pompage, textiles, matériaux composites, ingénierie) ont constitué le GASC (2) pour financer, avec l’aide de l’ANVAR, des recherches visant à la mise au point de dispositifs adaptés à l’assainissement.
Les recherches entreprises depuis fin 1984 par SCE Ingénieurs Conseil et le CSTB (cellule eaux et déchets de Rezé-les-Nantes) ont été orientées vers des dispositifs dérivant des filtres à sable avec les objectifs suivants :
- — obtenir des équipements compacts ; le sable est en effet un matériau qui, lorsqu’il est bien exploité, est capable d’épurer de fortes charges polluantes par unité de surface ;
- — s’affranchir des contraintes de sol. Les filtres à sable permettent de traiter le cas de nombreux sols inaptes à l’épandage souterrain ; la démarche est donc de proposer un dispositif unique utilisable aussi bien dans les sols favorables que dans les sols défavorables. En définitive, c’est la résorption de l’effluent épuré par le massif de sable qui s’adaptera au site (rejet au fossé, infiltration…).
La connaissance du fonctionnement des structures filtrantes et leur optimisation ont nécessité des recherches en plusieurs phases.
Une démarche progressive
Le programme de recherches s’est déroulé en trois étapes :
- — étude au laboratoire sur colonnes et bacs, de plusieurs structures filtrantes.
Cette première phase, d’une durée de deux ans, a permis de mieux comprendre le fonctionnement des massifs filtrants et de déterminer une structure performante ;
— suivi d'un filtre de quelques mètres carrés (échelle de l’assainissement individuel), conçu selon le modèle sélectionné par les études de laboratoire et fonctionnant dans des conditions climatiques réelles (essais sur plate-forme). Cette deuxième phase, qui a démarré en mai 1986, avait pour but d’analyser l’incidence des conditions climatiques et d'un premier changement d’échelle sur le fonctionnement du dispositif ;
— adaptation du modèle pour des filtres de grande surface (échelle de l'assainissement regroupé). Compte tenu des bonnes performances épuratoires obtenues en deuxième phase (tableau 1), une étude technologique a été conduite de façon à extrapoler le modèle à de grandes surfaces de filtres (plusieurs dizaines de mètres carrés).
La présente publication concerne la troisième étape du programme de recherches.
Le concept
L'épuration des effluents domestiques par un filtre à sable repose sur leur filtration en milieu non saturé. Le bon fonctionnement d’un massif filtrant est conditionné par deux paramètres :
— aération suffisante et permanente du massif nécessaire à une épuration biologique aérobie,
— répartition homogène des effluents sur la plage d’infiltration.
Ces deux paramètres sont interdépendants et c'est le mode d’alimentation du massif qui va en fait régir le fonctionnement du filtre. Pour répondre aux exigences évoquées ci-dessus, le concept du filtre compact élaboré lors des études de laboratoire repose sur plusieurs points :
— compartimentation de la plage d’infiltration,
— distribution de l'effluent sous pression,
— dispersion de l'effluent au niveau de chaque orifice d’alimentation,
— répartition de l'effluent au sein même du massif filtrant.
La compartimentation de la surface du sable réalisée sur une épaisseur de quelques centimètres a pour objectif d’obtenir des surfaces élémentaires indépendantes. Il s’agit de limiter l’influence de la microtopographie de la plage d’infiltration et des cheminements préférentiels au sein de la couche la plus active du filtre. À chaque surface correspond un orifice d’alimentation.
La distribution des effluents est réalisée par un dispositif d’alimentation sous pression pour distribuer un même volume d’eau sur chaque surface élémentaire, ce qui s'avère impossible par une alimentation gravitaire à surface libre. Ce choix implique l'utilisation, à l'aval de l'unité de prétraitement, d'une pompe installée dans une bâche de reprise. Cette dernière est dimensionnée de manière à respecter une séquence d'alimentation compatible avec la régénération du stock d’air au sein du massif filtrant.
Au niveau de chaque orifice d’alimentation, l'effluent est dispersé par un dispositif d’aspersion.
L'utilisation maximale du massif est obtenue grâce à l’action d'un biotextile noyé dans le sable à quelques centimètres au-dessous de la surface d’infiltration.
La figure 1 présente le schéma de principe de la filière d’assainissement reposant sur ce concept.
Tableau 1 : Performances d’épuration du filtre compact à l’échelle d’une habitation.
Éléments : | MES | DCO | DBO5 | N-NH4 | N-NTK | N-O3 |
---|---|---|---|---|---|---|
Rendements moyens d’épuration : | 93 % | 91 % | 96 % | 92 % | 93 % | / |
Effluent en sortie du filtre (mg/l) : | 5 ± 4 | 22 ± 14 | 4 ± 3 | 3 ± 3 | / | 50 ± 24 |
Charge hydraulique moyenne : 12,5 cm/j
Résultat des recherches
La dernière phase de recherches consistant à adapter le concept du filtre compact à l’échelle d'un groupement de plusieurs habitations a eu pour objet :
— d'optimiser le réseau de distribution,
— de mettre au point un dispositif de dispersion de l'effluent au niveau de chaque orifice d’alimentation,
— d’évaluer l'efficacité de la répartition,
— de concevoir un produit industrialisable pour la compartimentation de la surface.
Optimisation du réseau de répartition
La principale difficulté de l’extrapolation du concept à l’échelle de plusieurs habitations réside dans l’obtention d'une équi-répartition des volumes au niveau de chaque orifice ; d’autre part, cet objectif doit être atteint en utilisant des pompes de puissance limitée, afin de ne pas pénaliser la filière d’assainissement par un coût excessif de ces équipements. Les travaux de recherches ont donc consisté à concevoir la structure générale du réseau et à optimiser ses principaux paramètres de dimensionnement. Le réseau (figure 2) est constitué d'une canalisation primaire centrale permettant d’alimenter chacune des canalisations secondaires équipées d’orifices (d'un diamètre de 8 mm) sur leur génératrice inférieure.
L’évaluation des performances du réseau a été réalisée sur un banc d’essai. Cette expérimentation a porté sur plusieurs réseaux de différentes tailles, ali-
…mentés par des pompes de différentes puissances. Les principaux paramètres étudiés sont les suivants :
- — positionnement du point d’alimentation de la canalisation primaire (extrémité ou centrale),
- — mise à l’air libre des canalisations secondaires (évents),
- — diamètre de la canalisation primaire.
Pour chacun de ces paramètres, l’influence au regard de l’équi-répartition des volumes obtenus à chaque orifice a été étudiée.
Pour chaque essai, un volume de 1,6 m³ d’eau a été injecté dans le réseau à partir d’un réservoir de stockage. À chaque cycle de pompage, les débits moyens et les volumes écoulés au niveau des orifices les plus proches et les plus éloignés de la canalisation primaire ont été mesurés.
Incidence du positionnement de l’alimentation de la canalisation primaire
Deux modes d’alimentation de la canalisation primaire ont été testés : alimentation centrale et alimentation à une extrémité.
Les essais ont été réalisés sur un réseau comportant 80 orifices. Les résultats montrent (figure 3) qu’une alimentation centrale améliore nettement la répartition des volumes entre les orifices, et ce, quel que soit le débit. Les courbes montrent également que les orifices situés à proximité du point d’alimentation reçoivent les volumes d’eau les plus importants.
Influence des évents
L’utilisation d’évents sur le réseau de répartition est une disposition qui est souvent préconisée pour favoriser l’écoulement. Le manque de données expérimentales concernant cet aspect technique a rendu nécessaire la réalisation d’essais comparatifs. Sur le même réseau utilisé lors de l’expérience précédente, des cheminées d’aération ont été installées à l’extrémité de chaque canalisation secondaire. L’alimentation du réseau est centrale.
Les résultats obtenus (figure 4), quant au volume recueilli par chaque orifice, ne permettent pas de mettre en évidence de différence significative de comportement entre les réseaux avec et sans évents. L’air piégé dans le réseau est évacué par les orifices de distribution et ne gêne l’écoulement que pendant un temps limité de l’ordre de quelques dizaines de secondes.
Rôle du diamètre de la canalisation primaire
Sur un réseau de 154 orifices, des essais ont été réalisés pour deux diamètres de canalisation primaire, l’un de 40 mm et l’autre de 75 mm. Les essais ont été effectués avec la même pompe.
L’augmentation du diamètre a eu pour conséquence de réduire considérablement les pertes de charge et donc d’augmenter les débits moyens par orifice qui passent de 0,03 l/s (diamètre 40 mm) à 0,09 l/s (diamètre 75 mm). Comme le montre la figure 5, la répartition des volumes s’en trouve très nettement améliorée. Une canalisation primaire de diamètre 40 mm n’apparaît donc pas compatible avec l’utilisation de pompes standard (débits n’excédant pas 50 à 60 m³/h).
Mise au point d’un dispositif de dispersion
Ayant défini les principales caractéristiques du réseau de répartition, il s’agissait de concevoir un dispositif rustique et d’une mise en œuvre aisée capable de réaliser une dispersion du jet d’eau au niveau de chaque orifice.
Le principe de ce dispositif est le suivant : une pastille placée à la verticale permet d’éclater le jet d’eau de manière à arroser la plus grande surface possible. L’efficacité de ce dispositif est bien évidemment proportionnelle au débit et à la distance séparant la pastille de l’orifice. Il convenait donc de définir la valeur de ce dernier paramètre et d’évaluer son efficacité en fonction du débit. Le banc d’essai est constitué par une canalisation ayant 1 m de longueur et un diamètre de 40 mm. L’orifice de distribution est centré à 20 cm au-dessus d’une surface de 0,75 m² couverte de 20 bacs de récupération utilisés pour quantifier les volumes recueillis au cours d’une alimentation.
La distance séparant la pastille de l’orifice a été définie de manière à obtenir un grand rayon d’action pour les faibles débits. L’efficacité du système a ensuite été testée pour trois débits différents.
Les résultats mettent en évidence l’amélioration de l’efficacité du « brise-jet » avec l’augmentation du débit. Cependant, il apparaît que même avec le débit le plus important (0,1 l/s), les bacs centraux recueillent environ 70 % du volume total écoulé. Le rayon d’action est alors de l’ordre de 35 cm.
Répartition de l’effluent au sein du massif filtrant
Le biotextile noyé dans le massif filtrant a pour objectif d’homogénéiser la répartition sur l’ensemble de la surface élémentaire.
L’étude du rôle du biotextile a été réalisée sur un dispositif expérimental de 1 m² (figure 6). L’épaisseur totale de filtration est de 50 cm. Le massif est découpé en 25 « bassins versants ». La canalisation d’alimentation est équipée d’un dispositif « brise-jet », centré par rapport à la surface. Le module a été alimenté avec un volume d’eau claire de 20 l (charge hydraulique de 2 cm) pour les trois débits utilisés : 0,03 l/s, 0,06 l/s et 0,1 l/s. Pour chaque essai, les mesures ont porté sur le volume récupéré par les divers bassins versants.
L’analyse comparative des différents essais a été réalisée par différentes méthodes et notamment au moyen de la fonction critère suivante :
F = Σᵢ₌₁²⁵ (Vi - Vt)² avec :
Vi = volume recueilli par le bassin versant i exprimé en pourcentage du volume total recueilli,
Vt = volume théorique pour une équi-répartition idéale (4 % du volume total recueilli).
Les résultats (figure 7) montrent que le textile redistribue l'effluent de manière efficace. Par ailleurs, il est important de noter que cette efficacité est relativement indépendante du débit de l'orifice. Ce dernier résultat s'avère tout à fait intéressant car il laisse une large marge de sécurité dans le dimensionnement des équipements hydrauliques (pompes, réseau).
Compartimentation de la surface du filtre : la mise au point d’un produit industriel
La conception même du filtre repose sur la mise au point d'une structure modulaire répondant aux critères suivants :
— obtenir un cloisonnement de la surface du sable sur une épaisseur de quelques centimètres,
— ménager un espace suffisant entre la surface du sable et les canalisations pour permettre le fonctionnement du « brise-jet »,
— supporter une charge au moins équivalente à une épaisseur de 20 cm de terre végétale,
— être d'une mise en œuvre aisée et facilement transportable.
La prise en considération de ces différentes fonctions a abouti à la réalisation d'une structure modulaire. Le matériau utilisé est constitué par une âme alvéolaire souple avec deux parements de thermoplastique chargés de fibre de verre. Ce matériau est imputrescible et confère une parfaite rigidité au module.
Le sommet du dôme est moulé de manière à permettre le support et le guidage des canalisations de distribution de l'effluent. Une ouverture au sein de cette gouttière permet l'alimentation de la surface en sable.
La base du module possède une paroi verticale destinée à enfoncer le module dans le sable garantissant ainsi le cloisonnement de la plage d'infiltration. Cette même paroi possède un dispositif qui permet l'emboîtage des modules entre eux. Le module ainsi défini supporte une charge maximale à l'écrasement de 700 kg.
Compte tenu de son faible poids (5 kg) et de la présence de dispositifs d'emboîtement, la mise en œuvre de ces modules est aisée. La présence de gouttières garantit une bonne pose des canalisations.
Les travaux du GASC concernant la recherche d'une nouvelle structure du massif filtrant, et la mise au point technologique du réseau de répartition de l'effluent, ont donc permis de réduire la surface d'infiltration d'un facteur 4 à 5 par rapport au dimensionnement classique. L'épaisseur de filtration a été ramenée de 70 à 50 cm.
Perspectives
Les recherches entreprises par le GASC depuis maintenant plus de 4 années ont donc abouti à la mise au point d'une filière de traitement ouvrant de nouveaux horizons pour l'assainissement des écarts urbains.
Ce dispositif reçoit un accueil très favorable de la part des organismes administratifs (Agence de bassin Loire-Bretagne, Plan urbain, DDASS de Loire-Atlantique), qui ont suivi de très près l'action du GASC.
Une dizaine de projets sont actuellement en cours dans les départements de Loire-Atlantique, d'Ille-et-Vilaine, et des Yvelines. Deux d'entre eux ont déjà fait l'objet d'une réalisation.
La plate-forme expérimentale du GASC : un lieu d'échanges
Le GASC dispose d'une plate-forme d'expérimentation à Rezé-lès-Nantes, sur laquelle est notamment implanté un filtre dimensionné pour 50 équivalents-habitants. Ce dernier fait l'objet d'un suivi régulier de ses performances épuratoires...
Cette plate-forme se veut également un lieu d'échanges. Des visites organisées sur demande permettent de présenter, de manière détaillée, les résultats des différentes expérimentations, ainsi que la conception des dispositifs.